Collège Sadiki

Collège Sadiki
Façade du Collège Sadiki inauguré en 1901

Le Collège Sadiki (المعهد الصادقي) est le premier lycée secondaire moderne de Tunisie. Localisé dans la kasbah de Tunis, il est créé par un décret du 1er février 1875 à l'initiative du grand vizir de Sadok Bey, le général Kheireddine Pacha[1], après une visite en France où il est séduit par le système éducatif français.

Il est le premier établissement tunisien à dispenser un enseignement moderne en arabe, français, littérature, sciences, mathématiques ou encore étude du Coran[1]. L'enseignement y est gratuit et sa capacité à l'origine est de 150 élèves dont trente internes.

Outre l'aura que lui vaut son glorieux passé, le Collège Sadiki tire une partie de son prestige de sa situation à la lisière de la médina de Tunis et de sa situation au cœur du complexe gouvernemental[1].

Sommaire

Bâtiment

Déclaration d'ouverture du Collège Sadiki datée du 1er février 1875 et signée par le grand vizir Kheireddine Pacha

L'établissement est logé dans un premier temps dans une caserne désaffectée de janissaires, située à la rue de l'Église (actuelle rue Jamaâ Ezzitouna), avant de s'installer dans ses bâtiments actuels construits par les autorités du protectorat et inaugurés en 1901 par le résident général de France en Tunisie sur les hauteurs de la kasbah. Ils sont l'œuvre de l'architecte français Maillet dans un style alliant la majesté des édifices officiels français et les formes de l'architecture arabe traditionnelle[1].

Aile sud du bâtiment avec son minaret

Le bâtiment de deux niveaux surplombe la mosquée de la Kasbah, l'hôpital Aziza Othmana, la place du Gouvernement, le Dar El Bey et le ministère des finances[1] et domine le boulevard Bab Bnat qui mène au faubourg de Bab Souika. Le collège est doté de deux entrées, la première, officielle, donnant sur le boulevard Bab Bnat et la seconde sur les ruines d'une vieille caserne ottomane dégagées au début des années 1990 pour y installer un monument où, tous les jours aux horaires d'ouverture et de fermeture des bureaux, un détachement de l'armée procède au salut du drapeau au son de l'hymne national[1].

Innovation culturelle

Kheireddine Pacha le crée avec l'intention de former des interprètes et les futurs cadres qui auraient à gérer le pays mais également de dispenser aux élèves des cours de sciences et de mathématiques qui seraient « utiles aux musulmans tout en n'étant pas contraires à leur foi » (préliminaires du décret). Le collège est une révolution dans les sphères intellectuelles tunisiennes car il introduit des matières nouvelles et totalement étrangères à celles enseignées à l'Université Zitouna. Il accueille aussi bien les enfants des notables de la ville que ceux des commerçants, des petits fonctionnaires et des ouvriers[1]. Encadré jusque dans les années 1970 par des enseignants venus de France, l'enseignement, d'un niveau un peu plus élevé que la moyenne nationale y est dispensé en arabe et français[1].

Développement d'une nouvelle élite

Il acquiert ainsi un certain prestige à travers le pays en jouant le rôle de pépinière d'une intelligentsia occidentalisée à l'esprit revendicatif et réformiste[2]. Grâce à ce collège, les autorités coloniales trouvent des cadres bilingues (français et arabe) qui servent d'intermédiaires avec le reste de la population tunisienne. Toutefois, les autorités surveillent de près le collège car elles craignent le développement d'idées nationalistes hostiles au projet colonial : comme le déclare en 1902 Victor de Carnières, « la diffusion de l'instruction secondaire pourrait donner à nos protégés tunisiens des idées peu en rapport avec l'état de sujétion politique dans lequel ils se trouvent et dans lequel nos intérêts nous commandent de les maintenir »[3].

Selon Noureddine Sraïeb, les Français essaient alors de se servir du collège pour accroître l'influence française : « La suppression des langues italienne et turque de l'enseignement du Collège Sadiki, au seul profit de la langue française comme unique langue étrangère qui ne tardera pas à supplanter la langue arabe même, n'est pas étrangère à cet objectif. En effet, en imposant le français dans l'enseignement, les autorités coloniales veulent accroître l'influence française auprès des autochtones en leur inculquant de nouveaux systèmes de valeur qui facilitent la légitimation du nouvel ordre établi »[4]. Toutefois, il faut préciser que les écoles du protectorat comportent alors deux sections : l'une bilingue (français et arabe) et l'autre monolingue (arabe uniquement).

Néanmoins, la résistance à l'occupation française provient tout de même des anciens élèves du collège qui participent aux réformes du pays après l'indépendance. Ainsi, au bureau politique du Néo-Destour, « les anciens élèves du Collège Sadiki représentent 60 % de l'effectif (92 personnes) entre 1955 et 1969 »[4]. Une grande partie de l'élite tunisienne est passée sur ces bancs[1] ; une liste partielle des élèves notables est disponible ici.

Après la révolution tunisienne, le Collège Sadiki est choisi pour figurer sur la nouvelle coupure de 20 dinars, à la place du chiffre 7 commémorant le coup d'État du 7 novembre 1987, signifiant ainsi le rejet de l'ancien régime, la mise en avant de l'identité arabo-musulmane contre l'exaltation d'un modernisme technicien, mais aussi le retour de l'élite du Néo-Destour au pouvoir[5].

Références

Sur les autres projets Wikimedia :


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Collège Sadiki de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужна курсовая?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • College Sadiki — Collège Sadiki Façade du Collège Sadiki inauguré en 1901 Le Collège Sadiki (المعهد الصادقي) est le premier lycée secondaire moderne de Tunisie. Localisé dans la kasbah de Tunis, il est créé par un décret du 13 janvier 1875 …   Wikipédia en Français

  • Sadiki College — Sadiki College, also known as Collège Sadiki, is a lycée (high school) in Tunis, Tunisia. It was established in 1875. Associations formed by its alumni played a major role in the early constitutionalist movement in the country. [1] Noted former… …   Wikipedia

  • Mahmoud El Materi — Portrait de Mahmoud El Materi Naissance décembre 1897 Tunis …   Wikipédia en Français

  • Abdeljelil Zaouche — Portrait d Abdeljelil Zaouche Naissance 15 décembre 1873 …   Wikipédia en Français

  • Ali Bach Hamba — Naissance 1876 Tunis, Tunisie Décès 29 octobre 1918 …   Wikipédia en Français

  • Béji Caïd Essebsi — الباجي قائد السبسي Béji Caïd Essebsi au 37e sommet du G8, à Deauville (France) en mai 2011 …   Wikipédia en Français

  • Khairallah Ben Mustapha — (خير الله بن مصطفى), aussi orthographié Khayr Allah Ben Mustafa, né en 1867 à Tunis et décédé en 1965, est un réformateur, journaliste et haut fonctionnaire tunisien. Fils de Hassouna Ben Mustapha, haut fonctionnaire et proche collaborateur de… …   Wikipédia en Français

  • Taïeb Sahbani — (الطيب السحباني), né le 9 mars 1925 à Tunis et décédé le 5 décembre 2010[1], est un militant nationaliste, homme politique et diplomate tunisien. Sommaire …   Wikipédia en Français

  • Abou el Kacem Chebbi — Pour les articles homonymes, voir Chebbi. Abou el Kacem Chebbi أبو القاسم الشابي …   Wikipédia en Français

  • Ali Belhouane — Portrait d Ali Belhouane Ali Belhouane ou Ali Belhaouane (علي البلهوان), né le 13 avril 1909 à Tunis et décédé le 11 mai 1958, est un militant et homme politique tunisien qui a marqué l histoire du …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”