Cimetière israélite de Veyrier

Cimetière israélite de Veyrier
Cimetière israélite de Veyrier
Pays Drapeau de Suisse Suisse
canton Canton de Genève
Ville Veyrier
Religion(s) judaïsme
Superficie 3 ha hectares
Nombre de tombes 3200 (01.01.2011)
Mise en service 1920
Coordonnées 46° 10′ 10″ N 6° 11′ 18″ E / 46.169488, 6.1883646° 10′ 10″ Nord
       6° 11′ 18″ Est
/ 46.169488, 6.18836
  

Géolocalisation sur la carte : Suisse

(Voir situation sur carte : Suisse)
Cimetière israélite de Veyrier

Le cimetière israélite de Veyrier est un cimetière juif créé en 1920, et qui est situé pour sa majeure partie sur la commune française d'Étrembières, en Haute-Savoie, dont il dépend juridiquement. Il tire en réalité faussement son nom de la commune de Veyrier, dans le Canton de Genève, en Suisse, qui est à proximité et sur laquelle se trouve l'entrée principale de ce cimetière, ainsi que l'oratoire funéraire. Sa situation géographique atypique (il est traversé par une frontière) aura son importance au cours de la Deuxième Guerre mondiale, ainsi qu'en 1948, au moment de la création de l'État d'Israël. De nombreux juifs utiliseront en effet à plusieurs reprises ce "lieu de passage privilégié", soit pour fuir l'extermination nazie dans la France occupée, soit (après la guerre) pour se rendre clandestinement en Palestine via les ports du sud de la France. Parmi les personnalités enterrées dans ce cimetière, citons les banquiers Edmond Safra et Edouard Stern; le roi du cigare Zino Davidoff; l'écrivain Albert Cohen; le journaliste Stefan Lux.

Sommaire

Les origines de ce cimetière

La Communauté israélite de Genève, propriétaire depuis 1788 d'un cimetière juif situé sur la commune de Carouge, dans le Canton de Genève, se voit dans l'obligation à partir de 1916 de rechercher de nouveaux terrains, car son cimetière arrive à saturation[1]. Etant dans l'impossibilité d'agrandir celui de Carouge (la loi cantonale de 1876 interdisant toute nouvelle création de cimetières confessionnels, ou extension de ceux déjà existants), une solution alternative s'offre en France voisine dont les lois permettent la création de cimetières dits "particuliers" (dits aussi privés).

La création du cimetière

C'est le 16 juillet 1920 qu'une convention, signée entre les représentants de la Communauté israélite de Genève et les autorités de la ville d'Etrembières, donne naissance à ce cimetière. Quatre parcelles le composent (trois côté français, destinées aux sépultures; et une côté suisse, destinée aux aménagements de l'entrée principale). La superficie totale des terrains acquis est alors de 13 133 m2[2]. Ce n'est toutefois que le 8 octobre 1920 que les douanes suisses donnent leur feu vert pour que l'entrée principale du cimetière s'effectue par le territoire helvétique afin d'en faciliter l'accès depuis Genève. Le mur d'enceinte, qui longe une partie de la frontière, puis rentre ensuite en territoire suisse, devra disposer d'une ouverture de 2 mètres de large, là où la frontière le coupe, afin de permettre le libre passage des douaniers[3].

La construction de l'Oratoire israélite

C'est en 1930 que la Communauté israélite de Genève fait l'acquisition, sur territoire suisse, d'une nouvelle parcelle d'une superficie de 2 350 m2 sur laquelle on projette de construire un édifice destiné à abriter un Oratoire et des salles funéraires. C'est l'architecte genevois Julien Flegenheimer, à qui l'on doit la nouvelle Gare Cornavin et le Palais des Nations à Genève, qui est mandaté pour cette construction. Les travaux durent un peu plus d'un an et l'inauguration à lieu le 6 septembre 1931. L'Oratoire est un ouvrage aux lignes épurées, sans fantaisie inutile, dans le style traditionnel de l'architecture moderne de Julien Flegenheimer. Seuls quelques éléments en saillie, comme la corniche et la frise crénelée, viennent rompre les volumes symétriques de l'ensemble. Le corps central de l'édifice abrite une vaste salle de prières qui est dotée de trois grandes portes en chêne, et un parvis qui est soutenu par deux colonnes dont les chapiteaux sont décorés de feuilles d'acanthe. Deux ailes annexes flanquent aussi de part et d'autre le corps central. Elles abritent les salles funéraires, un appartement pour le gardien, et la chaufferie qui est en sous-sol[4]. C'est à partir de ce moment là que le cimetière prend l'appellation de Cimetière israélite de Veyrier.

Sous la Seconde Guerre mondiale

Situé en Zone libre française au début du conflit, le cimetière ne fait curieusement l'objet d'aucune surveillance particulière malgré la présence d'une frontière à l'intérieur de son périmètre. Les enterrements peuvent s'y poursuivre et l'on note même déjà quelques passages clandestins. La situation ne change guère en novembre 1942 lorsque la région est envahie et occupée par les troupes italiennes. Ces dernières se montrent en effet plutôt bienveillantes à l'égard des lieux au point que "comme le notent les policiers français, elles favorisent le passage [des clandestins], y participant eux-mêmes assez souvent"[5] Au cours de cette période, plusieurs Juifs fuyant la persécution nazie passent la frontière à travers le cimetière. Accueillis et cachés dans un premier temps dans l'Oratoire funéraire, ils sont ensuite conduits en toute discrétion vers Genève[6].

En septembre 1943 les troupes allemandes remplacent celles italiennes. Le cimetière est alors rigoureusement fermé et des barbelés sont même placés à l'intérieur de son périmètre, le long de la frontière. Il est cependant à noter que malgré la présence régulière de soldats de la Wehrmacht, quelques personnes réussissent malgré tout à passer la frontière de nuit. Les enterrements étant quant à eux devenus impossibles, la Communauté israélite réutilise alors son vieux cimetière situé sur la commune de Carouge[7].

Après la libération de la Haute-Savoie, en août 1944, nombreux sont les Juifs réfugiés à Genève qui veulent rejoindre la France. Mais cette dernière est désorganisée, aussi les autorités françaises freinent-elles le retour immédiat des réfugiés. Les autorités suisses, guère complaisantes également, refusent aussi de libérer ces mêmes réfugiés tant qu'ils n'auront pas rempli certaines formalités. Certains tentent alors de passer la frontière clandestinement, et le cimetière se trouve à nouveau en situation idéale pour cela. Le nombre de passages illégaux devient tel que le cimetière est bientôt placé en zone militaire par les autorités genevoises[8]. Quelques personnes, comme Gustave Michon (le gardien du cimetière), ou Aimé Stitelmann, seront du reste condamnées par la justice genevoise pour avoir facilité ces passages. Elles ne seront réhabilitées par le parlement fédéral qu'à partir de l'année 2004, au même titre qu'environ 130 autres personnes qui avaient aussi été condamnées en Suisse durant la Seconde Guerre mondiale pour des motifs similaires.[9]

Destination Palestine, 1947-1948

Après la Seconde Guerre mondiale, les terribles effets de la Shoah provoquent la sympathie du monde entier pour la cause des Juifs européens. L'idée de faire renaître l'Etat d'Israël fait son chemin, aussi des dizaines de milliers de Juifs, rescapés des camps de concentration, souhaitent se rendre sur la terre de leurs ancêtres. La Grande-Bretagne, qui administre encore la Palestine, se refuse cependant à accepter un flux migratoire important. Elle limite donc sérieusement la délivrance de visas. Pour les Juifs réfugiés en Suisse durant le conflit, la situation est même un peu plus compliquée, car rares sont les candidats qui possèdent tous les papiers nécessaires pour pouvoir transiter par la France. Nombreux sont alors ceux qui tentent de se rendre clandestinement en Palestine.

Comme par le passé, le cimetière israélite de Veyrier se retrouve encore une fois dans une situation géographique de choix qui favorise la fuite des réfugiés. Cette fois-ci, c'est grâce à la complicité des cheminots français que les passages vont pouvoir s'opérer. Après avoir franchi le mur d'enceinte (en règle générale de nuit), les candidats sont récupérés par les cheminots et conduits au Château de Bois-Salève, qui appartient à la S.N.C.F., et qui se trouve à proximité. Après une courte nuit de sommeil, ils sont embarqués dans un wagon non inscrit sur les registres officiels de la S.N.C.F., mais qui est cependant accroché à un train régulier. Grâce à toute une chaîne de complicités, environ 300 à 400 réfugiés juifs vont pouvoir bénéficier de ce dispositif pour rejoindre clandestinement les ports du sud de la France, puis ensuite la Palestine.[10]

Agrandissements et restaurations

Le cimetière, qui accueille déjà près de 2.500 sépultures à la fin dès années 1980, fait l'objet d'un agrandissement à cette même période. Une nouvelle parcelle, toujours côté français, et située dans le prolongement du cimetière existant, permet au cimetière d'augmenter sa capacité totale d'environ 1.500 tombes supplémentaires. Cet agrandissement permet au cimetière d'assurer des enterrements jusqu'aux années 2050. Ensuite, les extensions se feront sans aucun doute côté genevois, sur les parties du cimetière restées vierges, la loi cantonale de 1876 (qui interdisait toute implantation de cimetières confessionnels)ayant fait l'objet d'une modification en 2005.

En 1980, l'Oratoire israélite à fait l'objet d'une première grande restauration, avec la pose d'un immense vitrail sur la partie arrière de l'édifice.

Bibliographie

Jean Plançon, Histoire de la communauté juive de Carouge et de Genève, volumes 1 et 2, Slatkine, Genève, 2008 et 2010.

Notes et références

  1. Le cimetière israélite de Carouge fut établi alors que la commune carougeoise était sous tutelle du Royaume de Sardaigne
  2. Jean Plançon, Histoire de la Communauté juive de Carouge et de Genève, volume 2, 1900-1946, Slatkine, Genève, 2010, p.148
  3. Ibid
  4. Ibid, pp.184-185
  5. Odile Munos du Peloux, Passer en Suisse: les passages clandestins entre la Haute-Savoie et la Suisse 1940-1944, Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, 2002, p.43
  6. Jean Plançon, op.cit., pp. 278-281
  7. Ibid
  8. Ibid
  9. Gustave Michon et Aimé Stitelmann furent condamnés le 11 juillet 1945 par le tribunal territorial I de Genève. Aimé Stitelmann fut la première personne à être réhabilitée en Suisse, en 2004. Gustave Michon fut quant à lui, un des derniers bénéficiaires en 2009; Jean Plançon, op. cit, pp. 284-286.
  10. Jean-Claude Mayor, "Les passages clandestins", in Veyrier, ouvrage collectif, commune de Veyrier, 1990, p. 185; Jean Plançon, op. cit. pp.287-289.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Cimetière israélite de Veyrier de Wikipédia en français (auteurs)

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