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Bombe à neutrons
Pour les articles homonymes, voir Bombe.La bombe à neutrons, également appelée bombe N ou bombe à rayonnement renforcé, est une arme nucléaire tactique de puissance explosive réduite, conçue pour libérer une grande partie de son énergie sous forme d’émissions neutroniques. Le rayonnement neutronique inflige des dégâts aux tissus organiques et aux composants électroniques, tout en ayant des retombées radioactives minimes. Ayant une portée de souffle relativement restreinte comparativement aux bombes à fissions classiques[1], les bombes à neutrons présentent l’intérêt d’avoir un effet moins dévastateur sur les infrastructures.
Sommaire
Historique
L’invention de la bombe à neutrons est généralement attribuée à Samuel Cohen du Lawrence Livermore National Laboratory, qui a développé ce concept en 1958. Malgré la désapprobation du président John F. Kennedy, les essais ont été autorisés, puis effectués en 1963 dans des installations souterraines du site d'essais du Nevada, à quelques 110 km de Las Vegas[2], en raison de la rupture du moratoire par l'URSS sur les essais nucléaires en 1961[3].
Le développement de cette arme est arrêté sous la présidence de Jimmy Carter, puis relancé par Ronald Reagan en 1981[4].
Le démantèlement du stock américain fut entamé sous l’administration Clinton en 1996[5], et achevé complètement sous l’administration Bush en 2003[6].
La France fit exploser sa première bombe à neutrons sur l’atoll de Moruroa le 24 juin 1980, et produisit ce type d’armement au début des années 1980. Les vecteurs français supposés de ce type d’ogives étaient les missiles Hadès[7]. Les stocks ont été détruits depuis. Le rapport Cox de 1999 indique que la Chine est en mesure de fabriquer des bombes à neutrons[8], mais aucun pays ne les a apparemment mis en service.
Aspect technique
La bombe à neutrons est un petit engin thermonucléaire fusion fission à radiations augmentées de type Teller-Ulam, dans lequel le flux de neutrons émis par la réaction de fusion nucléaire est volontairement libéré, au lieu d’être absorbé. Les miroirs à rayons X ainsi que l’enveloppe de la bombe sont faits de nickel ou de chrome, de telle manière que les neutrons puissent s’échapper. La conception est donc différente de celle des bombes au cobalt.
Le principal mécanisme provoquant les destructions est l’émission massive de neutrons. Contrairement à une idée répandue, la bombe à neutrons ne laisse pas forcément les infrastructures intactes, notamment les infrastructures civiles[9]. En réalité, l’effet de l’émission de neutrons a un rayon d’action supérieur à celui de l’effet de souffle, contrairement à un engin thermonucléaire classique. L’essentiel des dégâts causés par une bombe N provenant de la radiation ionisante, et non de la chaleur ou du souffle, la puissance de la bombe exprimée en kilotonnes est donc peu représentative de son potentiel dévastateur. En effet, la puissance d’une bombe à neutrons avoisine généralement le kilotonne[10], soit approximativement un dixième de la puissance de Little Boy, larguée sur Hiroshima le 6 août 1945, et cent fois plus que la plus puissante bombe conventionnelle.
Une bombe à neutrons a besoin d’une quantité considérable de tritium, isotope radioactif de l’hydrogène ayant une demi-vie de 12,3 ans. Ceci rend impossible le stockage de ces armes sur de longues durées. Les bombes à neutrons utilisées par l’armée américaine par le passé étaient des variantes des engins nucléaires tactiques de type W70 et W79.
Effets
Effets nucléaires classiques
La bombe N, malgré sa faible puissance, reste un engin nucléaire à fission-fusion et présente les effets habituels de ce type d’armes :
- le souffle et l’onde de choc associée
- un important dégagement de chaleur
- l’impulsion électromagnétique
- des retombées radioactives
Effets du flux de neutrons
Les effets de la bombe à neutrons résident dans le fait qu’un neutron rapide (d’une énergie de plus de 1 000 eV), est capable « d’ébranler » le noyau d’un atome. Le noyau positif se mettant à osciller dans un cortège électronique négatif, va produire un effet d’ionisation au niveau de ce cortège, et donc provoquer « l’expulsion » d’un ou plusieurs électrons de leur(s) orbite(s). L’atome devenu ainsi un cation, va déstabiliser la molécule où il se trouvait et provoquer sa rupture. Notons par ailleurs que plus les électrons qui partent étaient contenus dans les couches profondes, plus leur départ provoquera un réarrangement électronique important, et par la même occasion, une émission d’un ou plusieurs photons (ultraviolet, rayons X). Cependant, l’énergie du neutron qui heurte un noyau varie selon la quantité de nucléons (donc varie en fonction du nombre de masse A). En effet, plus le nombre de masse sera petit, plus l’énergie cédée par le neutron sera importante.
En revenant à la bombe N, les neutrons pourront donc traverser des blindages ou des murs, composés d’atomes avec un nombre de masse important, sans perdre « trop » d’énergie, et ainsi auront un effet dévastateur sur les molécules d’eau, qui rappelons-le, composent à hauteur de 70 % l’organisme humain (le noyau d’hydrogène étant le plus simple des noyaux, avec un seul proton, pour l’isotope le plus répandu).
Utilisation
Lutte anti-électronique
Les bombes N pourraient être utilisées comme armes anti-missiles stratégiques, en exploitant les propriétés du flux de neutrons pour endommager les composants électroniques des têtes nucléaires ou comme armes tactiques employées contre des blindés, en exploitant les effets délétères du flux de neutrons sur les tissus organiques. L’armée américaine n’a déployé ces engins que pendant une courte période précédant la signature du traité ABM, au sein de ses missiles anti-missiles Sprint, en 1975.
Lutte anti-char
Les bombes à neutrons tactiques ont été conçues principalement pour tuer les soldats et personnels ennemis, dans un cadre de lutte anti-chars. Les blindés sont en effet relativement résistants à la chaleur et à l’effet de souffle produits par des armes nucléaires classiques, et des protections spéciales contre les armes NBC permettent de garder les systèmes protégés opérationnels, même dans les zones de retombées radioactives. En émettant de grandes quantités de radiations pénétrant facilement les blindages, la bombe N présente une efficacité améliorée contre les cibles blindées comparativement aux armes nucléaires classiques à fission.
Le flux de neutrons peut créer une importante radioactivité ayant une durée de vie brève dans l’environnement immédiat de l’explosion qui a été soumis à un flux neutronique intense. Les alliages utilisés dans les blindages peuvent développer des taux de radioactivité dangereux pendant 24 à 48 h. Si un char frappé à une distance de 690 m était immédiatement occupé par un nouvel équipage, celui-ci recevrait une dose de radiations létale en 24 h.
Un des principaux inconvénients de l'utilisation de la bombe à neutrons dans ce cadre est que seule une fraction des troupes irradiées est mise immédiatement hors de combat. Après de brèves périodes où ils seront atteints de nausées, les sujets ayant subi une exposition entre 5 et 50 Sv connaîtront un rétablissement temporaire d'une durée comprise entre quelques jours et quelques semaines (la « Walking Ghost Phase »)[11], au terme duquel la mort survient de manière inéluctable. Or ces troupes, se sachant condamnées, pourraient se mettre à combattre de manière fanatique, sans égard pour leur vie.
Lutte anti-personnel
Un des problèmes de la lutte anti-personnel liée à l’utilisation de radiations est que pour rendre rapidement la cible inopérante, il faut utiliser des quantités de radiations largement supérieures à la dose létale. Ainsi, une dose de 6 Gy est traditionnellement considérée comme létale, elle tuera au moins 50 % des humains y ayant été exposés, mais les premiers effets mettront plusieurs heures à se faire sentir. Les bombes à neutrons sont conçues pour délivrer des doses de l’ordre de 80 Gy, ce qui permet d’avoir un effet neutralisant immédiat, en provoquant un coma, suivi de la mort en quelques heures. Une bombe N d’1 kt peut délivrer cette dose à l’équipage d’un char de type T-72 à une distance de 690 m, alors qu’un engin nucléaire classique aura une portée efficace réduite à 360 m. Pour une dose de 6 Gy sur la même cible, les portées respectives seront de 1 100 m et 700 m. Pour administrer la même dose à des soldats non protégés par un blindage, les portées seront respectivement de 1 350 m et 900 m. Le rayon d’action du flux de neutrons est alors supérieur à celui de l’effet de souffle et de l’effet thermique, et ce, même sur des cibles non protégées.
L’effet « propre » de la bombe à neutrons ne tuant que les soldats et laissant les infrastructures intactes, est également sujet à caution, étant donné que pour une bombe de 1 kt, à la portée efficace de 690 m, bien peu de structures civiles pourraient résister à l’effet de souffle. De plus, étant donné la faible portée efficace des radiations, il faudrait littéralement tapisser une zone sous les bombes pour stopper une attaque ennemie.
Fausses rumeurs d'utilisation pendant la guerre en Irak
À l’occasion du quatrième anniversaire de la troisième Guerre du Golfe, la chaîne de télévision Al-Jazeera a programmé une longue émission commémorative au cours de laquelle l’ancien général de la Garde Républicaine irakienne, Sayf ad-Din Rawi, fait mention, sans en apporter la preuve, du largage d’une bombe à neutrons sur l’aéroport international de Bagdad pendant l’invasion de l’Irak en avril 2003[12]. Selon sa description, un matériel de nature inconnue avait en effet brûlé plusieurs soldats de la Garde Républicaine, tout en laissant intactes les infrastructures environnantes.
Cette accusation est aisément réfutable, car elle s'appuie sur la croyance populaire fausse selon laquelle les bombes à neutrons ne produisent que des radiations, alors qu’il s’agit d’engins thermonucléaires à fusion-fission avec émission accrue de radiations. Ainsi, une bombe N aurait infligé d'importants dégâts aux infrastructures aéroportuaires et détruit toute la végétation aux alentours, contrairement à ce qui a été observé autour et dans l’aéroport international de Bagdad. De plus aucun cas n’a été rapporté parmi les survivants de syndromes d’irradiation aiguë, que n'aurait pas manqué de provoquer l’utilisation d’une bombe à neutrons. Enfin, un engin nucléaire produit des retombées radioactives facilement et immédiatement détectables depuis d’autres pays.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Neutron bomb ».
- ↑ (en) magazine Field Artillery, mars/avril 1980.[pdf]
- ↑ (en) article dans About: Chemistry, par le docteur Anne Marie Helmenstine.
- ↑ (en) Article sur la bombe à neutron, nuclearfiles.org
- ↑ (en) On this Day: 7 April, éphéméride du 7 avril sur le site de BBC-News.
- ↑ (en) http://www.globalsecurity.org/wmd/library/congress/1996_h/hs960312-13t.htm#ToCsec24
- ↑ (en) Highly Enriched Uranium Removed from Hungary [pdf], site de la NNSA
- ↑ (fr) http://www.stratisc.org/partenaires/ihcc/ihcc_nuc1_Lebaut.html (fr) http://www.stratisc.org/partenaires/ihcc/ihcc_nuc1_Carpent.html
- ↑ (en) Rapport Cox, volume 1, chapitre 2[pdf]
- ↑ (en) http://nuclearweaponarchive.org/Nwfaq/Nfaq1.html
- ↑ (en) http://nuclearweaponarchive.org/Usa/Weapons/Allbombs.html
- ↑ (en) Nuclear Fact:Fallout, Jake Moilanen, NRE 301 final project.
- ↑ (en) "US accused of using neutron bombs", Al-Jazeera en anglais, 9 avril 2007 [1]
Voir aussi
Bibliographie
- (fr) André Gsponer, La bombe à neutrons, La Recherche 158 (Septembre 1984), 1128-1140 ; (ISSN 0029-5671).
- (en) Samuel Cohen, The Truth About the Neutron Bomb: The Inventor of the Bomb Speaks Out, William Morrow & Co., 1983, (ISBN 0-688-01646-4)
- (en) Samuel Cohen, Shame: Confessions of the Father of the Neutron Bomb, Xlibris Corporation, 2000, (ISBN 0-7388-2230-2)
Sources
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Neutron bomb ».
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