Bombe à fission

Bombe à fission

Bombe A

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Explosion atomique de 14 kilotonnes lors de l'essai américain XX-27 CHARLIE dans le site d'essais du Nevada en 1951

La bombe A, communément appelée bombe atomique, bombe à fission ou bombe nucléaire, est basée sur le principe de la fission nucléaire et utilise des éléments fissiles comme l'uranium 235 ou le plutonium 239. Les bombes à fission furent les premières armes nucléaires à être développées et les seules à avoir été utilisées contre des populations humaines : au cours de la Seconde Guerre mondiale, ce seront en effet deux bombes A, baptisées respectivement Little Boy et Fat Man, qui seront utilisées par l'armée américaine pour les bombardements des villes d'Hiroshima et Nagasaki.

Sommaire

Principe

Masse critique et neutrons

Criticité

Une masse de matériel fissible est qualifiée de critique quand elle devient capable d'entretenir une réaction en chaîne, compte tenu de sa taille, de sa forme, de la pureté et de la composition isotopique du matériau. Une mesure numérique du caractère critique est le coefficient multiplicateur de neutron k = f - l, où f est le nombre de neutrons relâchés en moyenne par chaque fission d'atome et l est le nombre moyen de neutrons perdus, soit parce qu'ils s'échappent du système ou parce qu'ils sont capturés par d'autres atomes sans produire de fission. Quand k = 1, la masse est dite critique, quand k < 1 la masse est sub-critique, et pour k > 1 la masse est dite super-critique.

La masse critique d'une boule de matériau pur (non modéré) en l'absence de réflecteur est d'environ 50 kilogrammes pour l'uranium 235 et de 10 kilogrammes pour le plutonium 239[1]. Si l'on dispose autour de la matière fissile un revêtement renvoyant une partie des neutrons vers elle (réflecteur de neutrons), on peut réduire la masse critique.

Pour éviter que la réaction ne se déclenche n'importe quand, on donne à la matière fissile une forme facilitant l'échappement des neutrons : séparation en deux morceaux, ou boule creuse, donc de plus grande surface. De cette manière la masse critique n'est pas atteinte et il n'y a donc aucun risque qu'une fission nucléaire s'amorce sans qu'on le désire. Le déclenchement de l'explosion a lieu lorsque toutes les parties de la matière fissile sont brusquement réunies, sous une forme convenable, et atteignent ainsi une masse super-critique.

Passage en assemblage supercritique

Pour obtenir une explosion atomique, il faut déclencher une réaction en chaîne dans un matériau fissible, le faisant passer rapidement d'une configuration subcritique (k = 0.9) à une configuration nettement supercritique (typiquement, k = 3), de manière à ce que les neutrons libres puissent se multiplier exponentiellement. Pour cela, il faut avoir une quantité suffisante de matière fissile, c'est la masse critique, et sous la forme la plus compacte possible, une boule, pour éviter que trop de neutrons ne s'échappent par la surface.

Le principal problème technique à résoudre pour assurer l'efficacité de l'explosion est de maintenir le matériau fissible dans une configuration supercritique suffisamment longtemps pour qu'une fraction substantielle de sa masse ait subi la fission et produit de l'énergie.

Cependant, si la présence d'une masse critique suffit à déclencher une réaction en chaîne, celle-ci n'est pas nécessairement explosive : elle ne l'est pas dans une centrale nucléaire, ni lors d'accident de criticité. Dans les bombes atomiques, la quantité de matière fissile doit même être supérieure à la masse critique, de l'ordre de trois fois en général[réf. nécessaire]. On parle alors de masse sur-critique.

Amorçage de la réaction

Pour éviter une prédétonation, qui chaufferait et dissiperait le matériau fissible avant qu'il n'ait atteint sa configuration optimale, et assurer une explosion efficace, le matériau fissible doit être amené dans une configuration supercritique très rapidement. Il faut donc à la fois minimiser le temps de mise en configuration supercritique et minimiser le nombre de neutrons ambiants avant l'explosion. Pour cette raison, les armes nucléaires comportent une source de neutrons.

Explosion nucléaire

Une fois la masse critique atteinte, la réaction en chaîne est déclenchée. Dans une réaction complète, chaque noyau de la matière fissile se divise en deux noyaux plus légers (produits de fission) et libère en plus des neutrons. Ces derniers vont alors percuter d'autres atomes de matière fissile, qui à leur tour vont libérer des neutrons et ainsi de suite. La réaction en chaîne est déclenchée, et la matière dégage une énergie colossale en comparaison de la quantité de matière fissile mise en jeu. Cependant, dans une bombe atomique, seule une petite fraction (parfois très faible) du matériau fissible est effectivement consommée avant d'être dissipée par l'explosion, ce qui diminue d'autant la puissance de l'explosion par rapport à celle disponible dans la masse fissible.

À quantité égale de réactifs, l'énergie dégagée lors d'une réaction de fission peut être de l'ordre de la centaine de millions de fois plus grande que celle dégagée par une réaction chimique. Cette énergie se transforme très rapidement en chaleur, par freinage de ces produits de fission dans la matière avoisinante.

Importance de la mise en configuration critique

Pour des raisons évidentes de sécurité, les éléments fissiles d'une bombe atomique sont tenus en configuration sous-critique pour éviter toute fission nucléaire accidentelle. C'est juste avant le déclenchement de la bombe qu'on lève les différentes sécurités mises pour éviter que la forme critique soit atteinte ; on dit alors que la bombe est armée.

Dans une bombe atomique, il est important que les éléments fissiles soient réunis le plus vite possible. En effet, les éléments fissiles utilisés sont par ailleurs radioactifs, et dégagent naturellement des neutrons. De ce fait, une réaction de fission nucléaire peut se déclencher avant que toute la matière fissile n'ait la meilleure configuration. La puissance de l'explosion se trouve alors amoindrie, parce que la petite explosion qui en résulterait dissiperait le reste de la matière fissible sans l'avoir consommé.

Il existe plusieurs techniques pour réunir la matière fissile et ainsi atteindre la configuration sur-critique, qui déclenche la fission nucléaire. On peut citer 2 techniques : par insertion, et par implosion.

Technique de l'insertion

Schéma de la bombe Little Boy

La technique la plus simple pour déclencher une explosion est de projeter un bloc de matière fissile contre un autre bloc, constitué de la même matière, ou mieux, un bloc cylindrique à l'intérieur d'un bloc creux. C'est la technique de l'insertion, aussi appelée la technique du pistolet —  ou du canon. Ainsi, les conditions critiques sont atteintes et la réaction de fission nucléaire est amorcée.

Le bloc de matière fissile est projeté à l'aide d'un explosif très puissant, pour permettre que la forme soit atteinte rapidement. L'inconvénient de cette technique est que bien que cette forme soit atteinte rapidement (de l'ordre d'une milliseconde), elle ne l'est pas assez pour du plutonium 239, qui contient toujours des isotopes, notamment le plutonium 240, dégageant spontanément des neutrons, ce qui amorce l'explosion prématurément, juste au moment où les conditions deviennent critiques. C'est pour cette raison que la technique de l'insertion n'est utilisée que pour les bombes à uranium 235.

La bombe larguée sur Hiroshima, Little Boy, utilisait cette technique. Le fait que cette technique ait été employée sans essai préalable (contrairement au type à implosion utilisé sur Nagasaki) montre à quel point ce mode de fonctionnement est robuste, et relativement facile à maîtriser.

Architecture d'une bombe par insertion (Little Boy)
Architecture d'une bombe par insertion (Little Boy)
  1. Ailerons stabilisateurs
  2. Cône de queue
  3. Entrée d'air
  4. Détonateur par pression
  5. Conteneur en plomb (protection)
  6. Bras du détonateur
  7. Tête du détonateur
  8. Charge explosive (cordite)
  9. Projectile en uranium 235
  10. Cylindre du canon
  11. Cible en uranium 235 avec réceptacle, le réflecteur de neutrons se trouve à son sommet
  12. Sondes pour la télémétrie (altimètre)
  13. Fusibles d'armement de la bombe (insérés peu avant le largage)

Technique par implosion

Schéma de la bombe Fat Man
Schéma de la propagation des ondes de choc et de leur changement de forme dans les explosifs

La technique de l'implosion est plus complexe à mettre en œuvre. Elle consiste à rassembler la matière fissile disposée en boule creuse, puis à la comprimer de manière à augmenter sa densité et ainsi atteindre une configuration super-critique, qui déclenchera la réaction de fission nucléaire et donc l'explosion.

Sa mise en œuvre est très délicate : la compression de la matière fissile est réalisée à l'aide d'explosifs très puissants disposés tout autour. Mais la détonation de ces explosifs est déclenchée par un ensemble de détonateurs qui doivent être rigoureusement synchronisés. De plus, chaque explosion a tendance à créer une onde de choc sphérique, centrée sur le détonateur. Or on doit obtenir une onde de choc aboutissant simultanément à tous les points externes de la matière fissile, que l'on peut imaginer comme une boule creuse. Ces ondes de choc doivent se déformer pour passer de sphères centrées à l'extérieur à une sphère de centre commun. On aboutit à ce résultat en utilisant des explosifs où l'onde de choc se déplace à des vitesses différentes, ce qui amène à sa déformation. L'usinage des formes de ces explosifs doit être fait avec toute la précision de lentilles optiques.

Un problème semblable se pose avec le plutonium, qui peut revêtir plusieurs états (phases) de caractéristiques mécaniques différentes, et qui a donc tendance à devenir inhomogène, ce qui aboutirait à une déformation de l'onde de choc. On y remédie, comme dans la métallurgie du fer – où un additif commun est le carbone – par l'addition de faibles quantités d'un autre élément, souvent le gallium.

La technique de l'implosion permet d'atteindre la disposition super-critique bien plus rapidement que par celle de l'insertion. Par implosion, le délai est de l'ordre de deux à trois microsecondes, ce qui est environ cent fois plus rapide que par insertion. Cette technique permet d'utiliser le plutonium 239 comme matière fissile.

On peut encore améliorer le rendement et/ou diminuer la masse critique en plaçant entre l'explosif et la matière fissile diverses couches qui peuvent soit avoir un effet mécanique par leur inertie ou en étalant dans le temps l'onde de choc (prolongeant ainsi l'explosion), soit ralentir la perte de neutrons (réflecteur à neutrons diminuant la masse critique)

La première bombe atomique de l'Histoire, Trinity, et la troisième, Fat Man, contenaient du plutonium et utilisaient la technique de l'implosion.

Brevet

La bombe A fait l'objet d'un brevet d'invention portant sur le Perfectionnements aux charges explosives. Ayant le numéro 971-324 et déposé le 4 mai 1939 par la Caisse nationale de la recherche scientifique d'après les travaux de Frédéric Joliot-Curie, Hans Halban et Lew Kowarski, le brevet entre dans le domaine public en 1959. A celui-ci s'ajoutent quatre autres brevets déposés de 1939 à 1940 et portant sur la production d'énergie[2].

Ces brevets ont peu rapporté de redevance en comparaison de leur importance. Une part de l'argent obtenu est affecté à la recherche scientifique via l'attribution de bourses[2].

Voir aussi

Références

Source

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Nuclear weapon design ».

Bibliographie

  • Richard Rhodes ; The Making of the Atomic Bomb, Touchestone / Simon & Schuster (1988), ISBN 0-684-81378-5. Écrite par un journaliste, c'est une histoire érudite qui a obtenue les prix Pulitzer, National Book Award et National Book Critic's Circle Award américains.
  • Robert Serber ; The Los Alamos Primer - The First Lectures on How to Build an Atomic Bomb, University of California Press (1992), ISBN 0-520-07576-5. Série de cinq cours donnés en 1943 aux nouveaux arrivants à Los Alamos pour le projet Manhattan. L'auteur, physicien théoricien, était chef d'un groupe de la division de physique théorique. Cette édition d'un manuscrit resté 20 ans secret défense est annotée par l'auteur à la lumière des résultats modernes. Introduction de Richard Rhodes.
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