Violences à Karachi

Violences à Karachi
Une rue de Karachi.
Le drapeau du Muttahida Qaumi Movement.

Les violences dans la ville de Karachi au Pakistan sont récurrentes depuis plusieurs dizaines d'années. Karachi est la plus grande ville du Pakistan avec 18 millions d'habitants et est le principal port d'exportation du pays. Les violences, surtout localisées dans les vastes quartiers pauvres, se caractérisent par une série d'assassinats ciblés, de meurtres aveugles, de fusillades, d'émeutes, de violences sectaires, etc. Elles sont liées à des conflits ethniques, religieux et politiques, ainsi qu'à la mafia et peut-être à l’insurrection islamiste.

Ces violences sont constantes malgré un fort déploiement des forces de sécurité dans la ville. En 1992, l'armée est intervenue dans la ville, semant la terreur et échouant à rétablir l'ordre sur le long terme.

Le Muttahida Qaumi Movement (MQM), parti politique dominant la ville, est parfois accusé d'être responsable des violences et d'être lié à la mafia. Le MQM est pourtant de loin la première formation politique victime des violences, beaucoup de ses membres ou partisans étant régulièrement assassinés. Ces violences créent ainsi de nombreuses polémiques au sein de la classe politique. Les conflits ethniques sont principalement mis en avant alors que Karachi est la ville la plus cosmopolite du Pakistan et est sujette à une forte immigration depuis les années 1940. La majorité de la population est muhadjir, mais on trouve aussi beaucoup de Pachtounes qui ont émigré ces trente dernières années, ainsi que des Sindhis, Penjabis, Seraikis, Cachemiris, Baloutches, etc. Ces conflits ethniques sont nécessairement liés à des conflits politiques puisque les principales ethnies sont représentées par des partis politiques et des groupes de partisans, et chaque parti renvoie la responsabilité des violences sur l'autre. Les conflits religieux sont aussi causes de violences, ainsi que la présence de la mafia dans la ville.

Sommaire

Causes

Les subdivisions administratives de la ville de Karachi. Orangi Town (17) est un des quartiers concentrant le plus de violences.

Les violences dans la ville de Karachi sont souvent qualifiées de « ethniques et politiques ». L'ethnie majoritaire est muhadjir (musulmans ayant quitté l'Inde après la partition), mais toutes les ethnies du pays sont en faite présentes dans la ville, du fait d'une importante immigration depuis les années 1940, qui s'est accélérée durant les dernières décennies. On y trouve beaucoup de Sindhis (Karachi est située dans la province du Sind) et des Pachtounes, venant du nord-ouest du Pakistan, du Balouchistan ou d'Afghanistan, surtout immigrés depuis les années 1980 et présents en majorité dans les quartiers pauvres. On y trouve aussi beaucoup d'autres ethnies (Penjabis, Seraikis, Cachemriris, Baloutches, etc.)

Le Muttahida Qaumi Movement (MQM) est le parti politique qui domine la ville et représente l'ethnie muhadjir. Il avait réalisé 70 % des voix aux élections législatives de 2008 (contre seulement 7 % au niveau national). Les autres partis politiques ayant une influence dans la ville sont le Parti du peuple pakistanais et le Parti national Awami. Ce dernier représente l'ethnie pachtoune, et est en conflit avec le MQM, les deux partis se renvoyant souvent la responsabilité des violences ethniques[1],[2]. En réalité, chaque parti politique compte des groupes de partisans, que les partis n'arrivent pas toujours à contrôler. Ces groupes « quadrillent » la ville et entendent défendre leur quartier et leur communauté. Ainsi, de simples faits divers ou des provocations entrainent rapidement des regains de violences entre communautés, d’où s'en suit un « cercle vicieux » de vengeances et de « règlements de compte ».

Certains membres du MQM associent parfois le début des violences avec l'arrivée des pachtounes dans la ville, d'autres accusent le MQM d'être lié à la mafia et accusent beaucoup de ses membres d'être armés. Les membres de tous les partis politiques sont ciblent des assassinats, et surtout ceux du MQM. Beaucoup de commentateurs notent un lien étroit entre les hommes politiques de la ville et le crime organisé[3]. De plus, Karachi étant un port, les divers trafics (notamment d'armes) qui nourrissent la mafia sont favorisés.

Les violences sectaires sont parfois aussi mises en avant, alors qu'une importante minorité chiite est présente dans la ville.

Statistiques

Selon la Commission pakistanaise des droits de l'Homme, les morts dus aux violences ont fortement augmenté ces dernières années. Elle dénombre 272 morts en 2009, 748 en 2010 et 490 durant les six premiers mois de 2011[1]. Ce chiffre est un record pour une période de six mois depuis 1995[4].

Chronologie

Opération militaire de 1992

En réaction aux violences, le gouvernement civil de Nawaz Sharif lance à Karachi des opérations militaires visant surtout des membres du MQM, accusés d'être armés et d'entretenir les violences. Le recours direct à l'armée démontre l'échec du pouvoir civil et des forces de police de maitriser la situation. De nombreux membres importants du parti partent alors en exil à l'étranger, notamment Imran Farooq. Son dirigeant Altaf Hussain s'était exilé peut avant après une tentative d'assassinat et il dirige toujours le parti depuis Londres. Beaucoup d'autres membres importants du parti sont emprisonnés.

Pour justifier l'opération, les autorités ont notamment évoqué l’existence d'un « complot » séparatiste organisé par le MQM. Il est vrai que le dirigeant du MQM, Altaf Hussain, a déjà tenu des propos jugés « anti-Pakistan » comme par exemple son opposition à la solution des « deux États » (à savoir l'Inde et le Pakistan). À la suite de l'opération militaire, l'armée a montré des documents présentés comme appartenant au MQM et prouvant l’existence d'un complot et la création d'un nouvel État. Le MQM a toujours démenti et le parti a été innocenté par la Cour suprême. En 2009, d'anciens officiers militaires ont révélé que les documents étaient des faux.

Troubles de 1995

L'année 1995 est l'une des plus violentes connue par la ville. À la suite des opérations de 1992, le MQM lance des gréves générales pour demander la libération de membres du partis. Des violences, dont l'assassinat d'un dirigeant du MQM, déclenchent une vague de violences très importante qui cause 900 morts pour les six premiers mois de l'année, soit autant que pour toute l'année 1994, malgré un fort déploiement des forces de sécurité (près de 16 000 hommes, pour 12 millions d'habitants à l'époque)[5].

Troubles de 2007

Des partisans du Parti du peuple pakistanais manifestent à Karachi en mars 2009 contre la profanation d'un monument dédié à Benazir Bhutto à Rawalpindi.

Le 12 mai 2007, la ville a dû faire face à d'importantes manifestations qui ont très vite dégénéré en émeutes meurtrières causant la mort d'au moins 34 personnes et près de 200 blessés. Les violences ont éclaté en marge d'une visite organisée par un juge suprême suspendu par le régime du président Pervez Musharraf. Cette violence a montré à une très grande majorité de la population l'incapacité des autorités à prendre le dessus sur la situation. Les violences ont éclaté entre des membres du MQM d'un côté, et le Parti du peuple pakistanais et le Parti national Awami de l'autre. Chaque parti a renvoyé la responsabilité des violences.

Après l'assassinat de Benazir Bhutto, dirigeante de Parti du peuple pakistanais, à Rawalpindi le 27 décembre, les troubles éclatent à Karachi. Les partisans de Benazir Bhutto accusent les autorités d'être responsable et attaquent des bureaux politiques, des bus, etc. Les forces de l'ordre interviennent et les violences font plus de 30 morts en deux jours.

Troubles de 2010

À la suite de l'assassinat d'un député provincial du Muttahida Qaumi Movement (MQM), Raza Haider, des violences éclatent dans la ville. Elles font près de 90 morts en quelques jours.

Troubles de 2011

À partir du 5 juillet 2011, des violences très importantes frappent la ville, faisant plus de 100 morts en quatre jours, et obligeant le gouvernement pakistanais à déployer 1 000 soldats supplémentaires, en renfort des forces de sécurité déjà présentes, c'est-à-dire de nombreux soldats, rangers et policiers. Les six premiers mois de l'année 2011 ont fait près de 490 morts, un record depuis 1995. Le mois de juillet compte un peu plus de 300 morts, amenant le total pour les sept premiers mois de l'année à environ 800 morts (contre 900 pour la même période en 1995)

Le 8 juillet, le gouvernement annonce l'arrestation de 98 personnes soupçonnées d'être liées aux violences, des dizaines d'autres personnes sont arrêtées durant le mois. Le gouvernement annonce également des déploiements supplémentaires des membres des forces de sécurité dans les quartiers concernés par les violences (notamment Orangi Town, Malik et Lyari). Début août, le gouvernement annonce que les anciennes licences autorisant à détenir des armes seront désormais considérées comme non valable à partir du 31 août, ce qui rendra des milliers d'armes détenus pas des habitants illégales. Le ministre de l'intérieur Rehman Malik rappelle à l'occasion que la détention illégale d'une arme peut être passible de 7 à 14 années de prison. En octobre, les opérations ciblées des rangers et de la police continuent et auraient contribué à l'arrestation de près de 1 600 personnes, dont 72 accusées de meurtres[6].

La Cour suprême s'auto-saisie à propos des violences, et le 6 octobre elle rend son arrêt dans lequel elle accuse tous les partis politiques présents dans la ville d'entretenir les violences, mais le MQM serait plus particulièrement responsable selon la Cour. Le gouvernement promet d'exécuter l'arrêt. Début octobre, les rangers mènent des opérations dans les locaux du MQM et arrêtent près de cinquante personnes.

L'utilisation des rangers (force paramilitaire) permet de contourner l'utilisation des forces de polices locales, accusées de corruption[5]

Références

  1. a et b (fr) Deux bus mitraillés à Karachi: 10 morts sur Le Figaro, le 7 juillet 2011. Consulté le 8 juillet 2011.
  2. Pakistan: Karachi s'embrase, 70 morts en 3 jours sur Romandie News, le 8 juillet 2011. Consulté le 8 juillet 2011.
  3. (fr) Violences à Karachi : les responsabilités d'un gouvernement pakistanais « inerte » sur Les Échos, le 12 juillet 2011; Consulté le 12 juillet 2011.
  4. (en) Violence à Karachi, plus de 100 morts sur The Express Tribune, le 8 juillet 2011. Consulté le 8 juillet 2011.
  5. a et b Karachi, grève et violences les vendredis et samedis. Plus de 30 morts dans la principale ville du Pakistan sur Libération, le 3 juillet 1995.
  6. (en) Karachi has returned to normalcy, says Wassan sur The News International, le 3 octobre 2011.

Voir aussi


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Violences à Karachi de Wikipédia en français (auteurs)

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