- Bernard le Vénérable
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Bernard du Bec
Bernard du Bec, connu sous le nom de « Bernard le Vénérable », mort le 8 mai 1149, est un bénédictin normand, treizième abbé du Mont Saint-Michel, de 1131 à 1149.
Les parents de Bernard du Bec, de noble origine, tenaient un rang honorable parmi les premières familles de Normandie. Bernard était allé étudier à Paris, et son neveu affirme que ni la philosophie ni l’éloquence n’avaient de secrets pour lui.
Jouissant en son temps d’une réputation de savant et d’orateur sans doute bien méritée, quoique on n’ait jamais retrouvé aucun de ses écrits, Bernard fut d’abord moine de Notre-Dame du Bec, puis prieur de Cernon, en Angleterre, il avait su conquérir l’estime et l’affection du roi Henri II, qui le nomma lui-même, en 1131, abbé du Mont-Saint-Michel dont les chroniques ne l’appellent jamais autrement que vir doctissimus, vir sapientissimus et disertissimus et nimiæ eloquentiæ[1].
Durant ses dix-huit ans en qualité d’abbé de l’abbaye du Mont-Saint-Michel, Bernard fonda, en 1137, l’église et le prieuré de Tombelaine où la Vierge était révérée sous le nom de « Notre-Dame-de-la-Gisante ». Ce rocher, par sa position plus avancée dans la mer que le Mont Saint-Michel, lui parut une retraite affectée par son isolement à la méditation et à la prière. Il résolut de le consacrer spécialement aux exercices spirituels, et d’en faire en quelque sorte, pour ses moines, un asile temporaire de la vie ascétique. Il y fit construire une belle église, dont le bâtiment a été, depuis, complètement détruit. Un logis pour trois religieux, une citerne et un jardin complétèrent les dépendances de cette petite Thébaïde. Trois moines du couvent du Mont Saint-Michel venaient tour à tour demander à ce séjour de recueillement la ferveur et les inspirations de la solitude. Bernard lui-même, déposant les soins et les travaux de la prélature, venait souvent, loin des affaires, y goûter des instants de calme et de repos.
On lui doit également la reconstruction terminée en 1135, trente-trois ans après son écroulement en 1103, de de la tour centrale de l’abbaye, aussi remarquable par son élégance que par sa hauteur, élevée par ses soins sur les quatre piliers des transepts, et termina heureusement par une flèche de granit, svelte et hardie, l’ensemble pyramidal des édifices et du rocher. Il reconstruisit la partie septentrionale de la nef écroulée, que Roger II n’avait pu achever, ainsi que l’agrandissement des propriétés de l’abbaye et enrichit l’église de vases et d’ornements précieux, entre lesquels un reliquaire de vermeil, dont la partie supérieure, arrondie en dôme par le travail de l’artiste, semblait surmonter d’une couronne d’or le chef d’Aubert, le saint normand fondateur de l’abbaye du Mont Saint-Michel déposé dans cette châsse magnifique.
Par un revirement soudain, la fortune fit succéder à cette tranquillité sereine une époque de trouble et de malheur lorsque le Mont Saint-Michel ressentit toutes les calamités de la guerre civile, connue sous le nom d’« Anarchie », que la succession de Henri Beauclerc souleva entre Étienne, son neveu, et Mathilde sa fille, armée pour la défense des droits de son fils. Cette princesse s’étant rendue en Normandie pour y faire reconnaître son autorité, Geoffroy Plantagenêt, son mari, en franchit la frontière à la tête d’une armée d’Angevins, afin de rompre, par l’assurance d’un puissant appui, les hésitations qu’une manifestation en faveur du jeune Henri y eût pu rencontrer dans les craintes prudentes de ses partisans. La complication d’évènements qu’enfantèrent ces prétentions rivales, plongea la Normandie dans une anarchie sanglante. Chaque ville, chaque seigneur se jeta dans l’un des partis, et prit les armes pour réduire les cités ou les châteaux voisins qui tenaient pour le parti contraire. Le Mont Saint-Michel fut une des places où l’autorité de Mathilde fut reconnue. Avranches, dont le vicomte, Ranulphe II, possédait en Angleterre le comté de Chester, se trouva au contraire enchaînée, par le puissant lien des intérêts, aux bannières d’Étienne de Blois.
Vers la même époque, Gelduin, comte de Dol, voulut donner un mobile militaire à ses brigandages, en invoquant le nom d’Étienne de Blois ; il assembla, dans ce dessein, une troupe de Bretons, franchit les grèves du Mont Saint-Michel, et se jeta dans la campagne de l’Avranchin, où le suivirent la dévastation et le meurtre. Mais les paysans, s’étant armés et réunis pour résister aux pillards, furent bientôt rejoints et guidés par les chevaliers de la contrée accourus à leurs cris. Les Bretons, attaqués par une population qu’ils pensaient intimider et disperser par la terreur d’une surprise, songèrent à sauver leur butin en opérant leur retraite : ils se replièrent donc vers la plage ; mais le flux légendaire qu’est la terrible marée du Mont Saint-Michel, mugissant déjà dans la baie, vint au secours des Normands. Soulevant ses flots et roulant, avec sa rapidité phénoménale, ses eaux écumeuses dans cette vaste étendue de grève, l’alliée maritime des Normands opposa bientôt sa barrière liquide aux Bretons qui, attaqués avec une nouvelle ardeur, cherchèrent vainement leurs chances de salut dans une défense désespérée ou dans la fuite : ceux qui ne tombèrent pas sous le fer, périrent dans les flots.
Ces mouvements militaires furent les derniers à agiter le Mont sous l’administration de Bernard, dont la fin de la vie fut remplie d’amertume. Sa dépouille mortelle reçut une inhumation solennelle dans la partie inférieure de la nef.
Notes
- ↑ Ms. n° 80 du Mt-St-M.
Sources
- Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, t. 8, Caen, F. Le Blanc-Hardel, p. 57-8.
- Fulgence Girard, Histoire géologique, archéologique et pittoresque de Mont Saint-Michel, Avranches, E. Tostain, 1843, p. 123-31.
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