Abbé Pierre Le Roy

Abbé Pierre Le Roy

Pierre Le Roy (abbé)

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Le mont Saint-Michel.

Pierre Le Roy, au XIVe siècle et mort à Bologne le 14 février 1410, est un bénédictin français, trentième abbé de Saint-Taurin dÉvreux, le dix-septième de Lessay, trentième abbé du Mont Saint-Michel, de 1386 à 1410.

Si, durant lépoque critique de la guerre de Cent Ans, labbaye du Mont Saint-Michel avait pu triompher des efforts de lennemi, par la vigilance de son pasteur guerrier ; si elle avait même su prolonger, à travers ces attaques, le cours de ses prospérités, elle avait nécessairement éprouver le contrecoup de ces avantages. Appelés à lexercice des armes, ses moines avaient pris, dans les habitudes militaires, des mœurs qui donnaient à leur monastère plutôt laspect dune forteresse que celui dun cloitre. La règle était tombée en oubli, le tumulte militaire avait exilé létude ces lieux, lignorance sétait établie.

Ce fut dans cet état que les trouva Pierre Le Roy, lorsque les suffrages des religieux furent lui offrir leur mitre sur la chaire abbatiale de Lessay, pour laquelle il avait antérieurement abandonné celle de Saint-Taurin-dÉvreux. Si le choix de son prédécesseur avait décelé la prudence des moines, au milieu des circonstances qui laccompagnèrent, cette nouvelle élection ne fit pas moins dhonneur à leur sagesse. Le bruit des armes sétait éloigné et séteignait temporairement, avec la neutralisation provisoire des Anglais. Il importait, pendant cette trêve, deffacer la confusion et le désordre que la guerre avait jeter, surtout dans les relations extérieures de la communauté.

Originaire dOrval, au diocèse de Coutances et docteur célèbre en décrets et en droit canon, Pierre Le Roy possédait plus que tout autre les talents et les vertus qui devaient assurer le succès de ses efforts. À lannonce de sa nomination canonique, ce prélat sempressa de se rendre dans sa nouvelle abbaye, il fut reçu par ses frères avec la solennité dusage. Un court séjour en ces lieux lui fit apprécier lurgence et létendue de la réforme que réclamaient ladministration et la règle. Il y dévoua tous ses soins et une observance rigoureuse remplaça bientôt les abus. Il se hâta dinitier ses religieux aux connaissances indispensables à la sainteté de la vie monastique ; il leur expliqua le droit religieux.

Comme le temporel de la communauté imposait des absences fréquentes à Pierre Le Roy, il forma quelques-uns de ses moines, les plus instruits, pour le suppléer dans ses instructions. Lenseignement de lécriture et de la grammaire aux novices fut confié à dautres religieux. Unissant, dans ses règlements nouveaux, la bonté dun père aux devoirs dun supérieur, il sut sattirer laffection de ses moines en leur accordant toutes les faveurs que permettait la discipline. Ainsi, pour les défendre des maladies auxquelles ils étaient exposés lhiver dans les lieux froids et humides du Mont, il ordonna que du feu fût allumé dans le petit dortoir depuis la Toussaint jusquà Pâques. Il acquit à cet effet plusieurs rentes, dont il destina également les revenus à acheter des ustensiles de table pour lusage de la communauté ; il supprima en même temps la coutume établie par un de ses prédécesseurs doffrir, le premier jour de lannée, des couteaux en présent aux personnes attachées au service du roi et du monastère, à leurs épouses et aux prêtres, ainsi quà beaucoup dautres individus ; cadeaux qui, selon lhistorien de Pierre Le Roy, navaient pas seulement linconvénient dabsorber une somme de 200 livres, mais encore soulevaient contre labbé des jalousies et des haines.

Lesprit de réforme de Pierre Le Roy se porta du monastère sur les prieurés, comme latteste un autre manuscrit de cette époque, conservé à la bibliothèque dAvranches dans la collection des documents inédits, relié sous le numéro 14. Il impose à ses moines la modestie et la sobriété et les mit en garde conter livresse, de ne quitter leur asile, et particulièrement la nuit, que revêtu de lhabit religieux, et accompagné dun frère, dun serviteur ou dune personne honnête ; quà lheure du couvre-feu, au plus tard, leurs portes soient fermées, etc.

Tandis que, se divisant entre la prière, le repos et létude, labbaye du Mont se développait chaque jour en science et en vertu, labbé Le Roy, tout dévoué aux obligations de sa charge, put protéger à lextérieur les intérêts de la communauté, tâche difficile, la plupart des biens du monastère, envahis et ravagés par lennemi, ayant encore été lobjet des usurpations et des empiétements des propriétaires voisins. Pierre Le Roy ne recula pas devant les obstacles et laridité de cette entreprise. Il réunit et consulta toutes les chartes de son couvent, puis se rendit, accompagné de quelques religieux, sur les lieux, sièges de quelques contestations : , après avoir discuté avec les intéressés les droits de son abbaye, des accords et des transactions furent rédigés pour prévenir toutes difficultés à lavenir.

Ce fut de la compilation de ces pièces que fut rédigé, par ses soins, le Quanandrier ou Livre terrier : il fit également transcrire, sur un grand volume en parchemin qui fut désigné sous le nom de Livre blanc, les originaux de toutes les chartes qui avaient été accordées à son couvent, depuis lépoque de sa fondation. Le premier de ces manuscrits est parvenu jusquà nous, et se trouve dans la bibliothèque dAvranches, sous le numéro 14 ; lautre a disparu par la négligence ou la malversation de ceux à qui fut confiée, à la fin du XVIIIe siècle, la conservation des bibliothèques provenant des établissements religieux supprimés.

Non content de rétablir ainsi ce monastère dans ses droits, prévoyant, par lusage déjà répandu de donner à des ecclésiastiques les prieurés en commande, que sa communauté pourrait dans lavenir être dépouillée de ses principaux bénéfices, il voulut la prémunir contre ce danger : ce fut dans ce but quil sollicita et obtint du pape Clément VII, lunion irrévocable à son abbaye des prieurés de Saint-Pair, de Brion, de Genêts, de Barlain, de Saint-Méloir et de leurs domaines ; il fît également prononcer, en cour de Rome, le caractère amovible des fonctions de trésorier et de sacristain.

Le Mont Saint-Michel vit ainsi se raviver, par ses soins, des sources de richesse que le souffle de la guerre avait taries. Ce sage abbé y trouva les moyens de marcher dun pas plus ferme et plus rapide dans les errements quil avait adoptés. Il acheta un grand nombre de bons ouvrages, ses religieux puisèrent, avec tant de succès, les connaissances divines et humaines dont ces cloîtres brillèrent bientôt si vivement, que, daprès lauteur des gestes de Pierre Le Roy, ce couvent eût suffi pour réformer lordre régulier dans ce siècle.

Loin de négliger les bâtiments de son monastère, labbé Le Roy les développa de plusieurs nouveaux édifices. Cest à lui que lon doit le Chartrier étaient autrefois déposés les livres et les archives de labbaye, et dont le style ogival était en si complète harmonie avec létude. Il fit également construire la tour quadrangulaire, nommée par quelques-uns Tour-du-Bailly, mais généralement appelée Perrine, du nom de son fondateur. Les édifices voûtés qui sélèvent entre cette construction et la chapelle Sainte-Catherine sont également dus à sa munificence. Il fit, de plus, augmenter les bâtiments de linfirmerie, situés près du logis des soldats, et relever la tour octogonale du réfectoire.

Ces bâtiments, principalement destinés aux nécessités monastiques, ne furent pas les seuls que lui dut son abbaye. Capitaine de ce point important, il réunit le glaive et la crosse, il mit lentrée de son monastère à labri des attaques de lennemi, avec une muraille, qui relie la Merveille à la Belle-Chaise, dont lentrée simple et imposante, dun style sévère et guerrier pratiquée et presque cachée sous deux tours, dont les culs-de-lampe, appuyés sur des pilastres en granit, rappellent, par leurs formes, les pièces dartillerie alors en usage.

Les domaines de labbaye virent encore, sous cet abbé, sélever des bâtiments dexploitation industrielle et rurale : des granges et des moulins furent construits ; le bourg de Genêts lui dut la halle réclamée par le marché quy avait transféré saint Louis. Sa sollicitude sut également embellir lintérieur du monastère, dont il développa les constructions, terminant les autels contigus de Saint-Jean et des Docteurs, et en décorant plusieurs autres de toiles précieuses quil fit venir de Paris. II remplaça, en 1389, les chaises du chœur par des stalles, un missel, une chape de prix, et plusieurs autres ornements furent encore des dons que son église reçut de son dévouement.

Le mérite de Pierre Le Roy était trop éclatant pour quil ne fût pas destiné à briller en un lieu plus élevé que la chaire dun cloitre. Seule une occasion lui manquait pour se produire dans une sphère plus étendue. Cette occasion se présenta en 1393 lorsque le roi Charles VI vint au mont Saint-Michel, accompagné dun nombreux collège : tout le couvent, précédé de sa croix dor, et suivi de son abbé une mitre ruisselante de pierreries au front, et portant tous les ornements pontificaux, savança au-devant du roi, monté sur un cheval, et environné dune nombreuse cour, dans laquelle on distinguait les ducs dOrléans et de Berry, le connétable et lamiral de France, les seigneurs de Châlillon, dAimont, et plusieurs autres gentilshommes appartenant aux familles les plus distinguées de cette époque.

Laccueil enthousiaste quil reçut des religieux et de la population fil une vive impression sur le roi qui en témoigna par la confirmation à Pierre Le Roy du titre de capitaine, et lexemption de toute redevance pour leur commerce, quil accorda aux marchands denseignes, coquilles, cornets, etc. De retour à Paris, il voulut que la fille quil obtint cette année même prit le nom de Michelle, quil imposa également à lune des portes de Paris, dont il ordonna la reconstruction quelque temps après. Il conserva un tel souvenir de la sagesse de Pierre Le Roy, quil crut devoir lappeler à sa cour et lattacher à ses conseils. Ce prélat, prévoyant dès lors que les nouvelles fonctions dont linvestissait la confiance de son souverain ne lui permettraient pas de résider fréquemment dans son abbaye, nomma Nicolas de Vendartin son vicaire-général, et, par un accord avec ses religieux, se réserva 1 200 livres à prendre annuellement sur les biens de la communauté, les 1 000 livres quil recevait du roi ne pouvant suffire à la représentation dont ses nouvelles dignités lui faisaient un devoir.

le grand Schisme d'Occident qui précéda lélection de Martin V divisant alors les églises dEurope, le roi de France, qui aspirait à ramener toutes les nations catholiques sous un même pasteur, chargea Pierre Le Roy de cette tâche, et lui confia, dans ce but, plusieurs ambassades difficiles en Italie, en Hongrie, en Aragon et en Angleterre. Lhabileté quil déploya dans ces diverses missions le fit encore envoyer à Pise, avec plusieurs autres prélats ; et telle fut limpression que ses talents exerçaient dans le concile larchevêque de Milan, Philange Candiot, fut canoniquement promu à la papauté sous le titre dAlexandre V, que ce souverain pontife le choisit pour référendaire, office quil continua de remplir sous le pontificat de Jean XXIII.

Cependant le monastère du Mont Saint-Michel nétait pas déchu de sa prospérité sous ladministration du grand prieur, auquel Pierre Le Roy avait délégué ses pouvoirs. Les donations et la faveur dont labbaye fut alors lobjet, prouvent lestime quil avait su inspirer aux auteurs de ces libéralités. Jeanne de Navarre confirma, en 1401, au couvent du Mont Saint-Michel, tous les biens quelle possédait en la seigneurie de Saint-Jean-le-Thomas, et lui concéda 8 liv. de rente ; Jean Le Brieufs lui transféra, entre autres donations, le droit de dîmes sur les terres quil possédait en Servon ; Jean Eve enfin lui donna cette année une semblable preuve de la dévotion à lArchange.

Les religieux développaient eux-mêmes leurs propriétés avec les produits de ladministration économique de leur prieur. Ce furent eux qui achetèrent, en 1404, le franc-fief de Noyant, dont la présentation à la cure de Saint-Sulpice-de-Macey était un des droits. Lillustre abbé lui-même noubliait point les intérêts de son monastère, au milieu des hautes charges et des honneurs dont il était comblé. Il ordonna à Robert Jollivet de se rendre, en 1406, dans le diocèse de Saint-Malo pour y publier lunion à la mense conventuelle des revenus appartenant au prieuré de Saint-Méloir.

Pierre Le Roy donna une nouvelle preuve de cette sollicitude pour son cloitre, lannée même de la mort. Le grand dortoir qui, jusqualors, avait réuni les lits des moines dans une salle unique, fut, sur lordre quil en transmit en 1410, à son vicaire général, divisé en cellules pour la demeure isolée des religieux ; on pourrait même dire que cet intérêt paternel fut la préoccupation de ses derniers instants. Au mois de février 1410, se sentant sous le coup dune fin prochaine, dans la ville de Bologne, il se trouvait avec Robert Jollivet, qui lavait suivi en qualité de chapelain au concile de Pise, il lui confia, dans la prévision de ce malheur, plusieurs joyaux et une somme de 4 000 écus dor, pour les remettre à ses frères.

À sa mort, de somptueuses obsèques lui furent décernées dans léglise des Frères prêcheurs, son tombeau fut placé entre ceux de Jean André et de Jean de Ligman, célèbres docteurs de cette époque.

Sources

  • Fulgence Girard, Histoire géologique, archéologique et pittoresque de Mont Saint-Michel, Avranches, E. Tostain, 1843, p. 195-208.


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