Robert Jollivet

Robert Jollivet
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Le mont Saint-Michel.

Robert Jollivet[1], à la fin du XIIIe siècle à Montpinchon (actuellement département de la Manche) et mort le 17 juillet 1444 à Rouen, est un bénédictin Normand, trente-et-unième abbé du Mont Saint-Michel, de 1410 à 1444.

Réunissant au titre de maître ès-arts celui de prieur de Saint-Broladre, du diocèse de Dol, Robert Jollivet avait pris, en 1401, lhabit dans le cloître plus tard il devait porter la crosse. Il avait suivi, en qualité de chapelain, son prédécesseur Pierre Le Roy au concile de Pise, ce dernier, se sentant sous le coup dune fin prochaine, lui confia plusieurs joyaux et une somme de 4 000 écus dor, pour les remettre à ses frères.

Après avoir fait rendre à son illustre abbé des honneurs funèbres dignes de sa mémoire, Robert Jollivet sempressa dobtenir du pape Jean XXIII le bâton pastoral du Mont Saint-Michel. Le chef de léglise, joignant à cette concession une faveur nouvelle, octroya, par la bulle dinvestiture, quarante jours dindulgences à tous ceux qui assisteraient à la messe pontificale de cet abbé.

Robert Jollivet se rendit en diligence à son monastère : après avoir sondé les dispositions de ses frères, il les engagea vivement à se réunir en chapitre pour procéder au choix dun nouveau pasteur. Ce ne fut quaprès avoir été désigné par lunanimité des suffrages pour lexercice de cette prélature, quil donna connaissance aux religieux de sa bulle dinvestiture, et du legs dont il était dépositaire. Dans la joie de cette élection, il promit à ses moines de résister à lattrait des splendeurs mondaines, pour se consacrer complètement au calme de la vie cénobitique.

Les premiers temps de son administration réalisèrent ces assurances. Les richesses de Pierre Le Roy, et les revenus du monastère, furent alors particulièrement employés à décorer léglise abbatiale des plus précieux ornements. Une chapelle de velours violet, dont le tissu magnifique était semé détoiles dor portant un R, initiale du nom de labbé ; une autre en velours rouge, se détachaient des fleurons également brochés en or ; et une troisième, une aiguille industrieuse avait enlacé et nuancé des guirlandes de verdure avec un art infini, permirent de donner un éclat inaccoutumé aux cérémonies du culte.

La crosse abbatiale nétant pas en rapport avec la magnificence de Robert Jollivet, il la vendit pour la remplacer par un bâton pastoral en or, du poids de 25 marcs, et dont les pierreries, les ornements entaillés et les figurines en orfèvrerie exagéraient encore la valeur. Il substitua à la mitre ancienne une nouvelle mitre, de riches pierreries éclataient sur un fonds de perles. La trésorerie du monastère senrichit également alors de deux croix, dont la plus grande, en vermeil, était du poids de 26 marcs ; de deux encensoirs de même matière, qui en pesaient 38 ; enfin de deux calices, lun en or, et lautre en argent doré.

Ces somptuosités, auxquelles les moines avaient dabord applaudi, émanaient de tendances qui se révélèrent bientôt, à leurs profonds regrets, par les séjours prolongés de leur abbé dans la capitale. Les plaintes que souleva dans sa communauté cette violation de ses promesses furent si vives, que Robert Jollivet, pour placer sa présence à Paris sous la protection des privilèges de luniversité, se fit inscrire à la faculté des décrets, et en obtint, en 1411, une attestation du recteur. Ce fut en cette même année, il fut investi par le roi de la capitainerie du Mont, quil obtint encore du monarque des lettres, en date du 13 octobre 1411, par lesquelles ce prince défendait dapporter obstacle à ses études, et de le citer devant aucun autre tribunal que le Châtelet de Paris.

Tranquille sur linefficacité de ces plaintes, il acquit alors, rue Saint-Étienne-des-Grez, un manoir, auquel il ajouta peu après une cour et un jardin, dont la cession lui fut consentie par les religieux de Sainte-Geneviève. Ses séjours à Paris ne furent pas cependant sans avantage pour sa communauté. Ayant acheté, en 1412, les fiefs de Donville, auxquels labbesse des Dames-Blanches, près Mortain, soutint avoir des droits, les protections quil avait à la cour exercèrent une puissante influence sur la solution de cette contestation judiciaire ; ce fut également par le crédit de ses protecteurs quil contraignit, vers la même époque, labbé et les religieux de labbaye de la Luzerne à venir, en son monastère, lui faire amende honorable pour avoir maltraité quelques serviteurs de sa communauté.

Deux bulles, quil obtint du Saint-Siège en 1414, lui permirent, à lui et à ses successeurs, la première, de faire prendre les ordres de prêtrise aux religieux du Mont Saint-Michel âgés de vingt-deux ans, sans la permission de lOrdinaire ; lautre, duser de tous les privilèges pontificaux dont avaient tour à tour été investis et dépouillés ses prédécesseurs. Robert Jollivet, partageait ainsi son temps et ses sollicitudes entre les intérêts de son monastère, létude et les plaisirs, lorsque la guerre de Cent Ans vint larracher aux loisirs de cette vie paisible.

Une flotte anglaise déposa 6 000 hommes darmes et 2 000 archers sur la plage de Touques, tandis que le duc de Bourgogne menaçait Paris à la tête de 60 000 combattants. Cette armée savança dans la Basse-Normandie dont les villes lui ouvrirent successivement leurs portes. Appréciant limportance militaire du Mont Saint-Michel, et résolu à défendre ce point dont il était à la fois le capitaine et labbé, Robert Jollivet se rendit en toute hâte à ce poste ; son premier soin fut dy réunir des provisions de bouche et de guerre qui lui permissent dessuyer les longueurs dun siège. Il songea ensuite à le couvrir dune nouvelle ligne de fortifications. La palissade en bois dressée au pied du rocher lui ayant paru un obstacle sans puissance contre les forces régulières qui la menaçaient, il résolut dy substituer une ceinture de remparts. Cependant les dépenses considérables quimposait au monastère lentretien de la garnison, grossie chaque jour par larrivée de quelque chevalier du pays, rendirent insuffisantes les ressources de labbaye pour lexécution de ces travaux.

Robert Jollivet adressa à Charles VI une requête, quil fit appuyer par ses amis. Il reçut dabord ordre de prélever 1 500 livres sur le revenu des aides de la vicomté dAvranches, et, quelque temps après, lautorisation de prendre un autre subside sur le maître de la monnaie de Saint-Lo. Cette dernière obligation tomba sans force devant la rapidité avec laquelle les troupes anglaises étendirent leurs conquêtes : comme tant dautres places, cette dernière ville était tombée sous leurs armes ; déjà, en effet, la bannière française ne flottait plus sur cette contrée que du haut des tours du Mont Saint-Michel, elle devait trouver asile. Le seul secours que le monarque put accorder aux religieux fut le droit dasseoir une taxe légère sur le cidre et le vin qui se vendaient dans leur ville et dans la contrée voisine.

Quelle que fût la faiblesse des moyens que Robert put opposer à lexigence des circonstances, il parvint à y suppléer par son désintéressement et par le patriotisme des religieux et des guerriers qui secondaient ses efforts. Les fortifications sélevèrent avec rapidité, et cette montagne put bientôt présenter à lenvahisseur cette audacieuse et puissante enceinte de remparts dont les hautes murailles, flanquées de tours et couronnées dune frise de mâchicoulis dans toute leur longueur, continuent doffrir un modèle de larchitecture militaire de cette époque, quoique ces fortifications, qui sélèvent vigoureusement par un jet vertical dune embase oblique, aujourdhui presque ensablée sous les alluvions, noffraient pas cependant encore toutes les tours dont ladjonction a complété plus tard leur système de défense.

Ces importantes constructions nétaient pas encore achevées que les Anglais, maîtres dAvranches, songeaient à les occuper. Un nombreux corps dAnglais avait, dès la fin de 1417, été porté sur le Mont Tombelaine, , sous la protection de ses armes, séleva, dès lannée suivante, une forteresse rivale. La garnison du Mont Saint-Michel ne put entreprendre de renverser ou darrêter ces travaux, le Couesnon, par une déviation assez fréquente dans les fortes marées sur cette grève mobile, avait porté son cours dans le canal de la Sélune, et forma durant plusieurs mois, entre les deux rochers, un obstacle infranchissable. Les Anglais en profitèrent pour pousser cette construction avec vigueur : Tombelaine, couronné dune forteresse aux murailles et aux tours élevées, tint bientôt en échec le Mont Saint-Michel, dont il menaça les communications et couvrit le port de Genêts, les bâtiments anglais purent dès lors aborder avec moins de danger.

Habitué au luxe des palais et au calme de létude, Robert Jollivet ne tarda pas à sentir son courage fléchir sous les anxiétés et les privations du siège dune citadelle énergiquement défendue contre les Anglais par une troupe de nobles normands. Ses souvenirs se reportèrent avec envie sur ses loisirs dorés, dont lâpreté de sa vie actuelle lui fit regretter plus vivement les douceurs. Après avoir flotté quelque temps entre laustérité du devoir et les séductions dune lâcheté que réprouvait sa conscience, il se détermina, le 21 mai 1420, à abandonner son monastère après lavoir abondamment pourvu de subsistances et de munitions.

Lun des plus beaux manoirs de son domaine abbatial, le château de lOiselière, en Cotentin, fut lasile Robert Jollivet se retira, et d il fit sa soumission à Henri V, roi dAngleterre, devenu régent de France en vertu du traité de Troyes. Labbé renégat ne tarda pas à recevoir le prix de sa défection : par acte daté du siège devant Melun le 29 octobre 1421, Henri V donna lordre de mettre entre les mains de Robert la jouissance de tous les biens et revenus que le monastère du Mont-Saint-Michel possédait en Normandie[2]. Ce prince layant ensuite admis dans sa faveur et élevé aux plus hauts emplois, Robert Jollivet se retira à Rouen lappelaient son caractère et le faste de ses goûts. Laissant ses moines jeûner dans labbaye assiégée, le bon apôtre se mettait en règle avec sa conscience en déclarant que, sil occupait tous les biens du couvent, cétait pour les lui conserver dans leur intégrité. Les Anglais étaient si sûrs de lui quen 1424, ils le chargèrent de diriger le siège du Mont-Saint-Michel.

Privés, par cette désertion, à la fois de leur capitaine et de leur pasteur, les religieux sadressèrent à la fois au souverain pontife et à Charles VII, alors Dauphin. La cour de Rome confirma la désignation que les religieux lui avaient faite de lun dentre eux, en la personne de Jean Gonnault, pour vicaire-général de leur abbaye tandis que le roi, prenant en considération la gravité des circonstances, nommait, du plein gré de ce couvent et sur les réserves les plus formelles de ses droits, Jean dHarcourt, comte dAumale, capitaine de la place du Mont Saint-Michel. Jean dHarcourt, qui, après avoir été nommé « lieutenant du roi et du régent, ayant la garde des abbaye, forteresse et ville du Mont-Saint-Michel », sétait rendu en diligence à son poste, y fut accueilli par les moines avec dautant plus de joie, quil ne prit possession de la capitainerie quen renouvelant les protestations faites par le régent en faveur du droit abbatial sur cette charge. À sa mort, le 17 août 1424, Jean de Dunois, comte de Mortain lui succéda, avant dêtre lui-même remplacé par Louis d'Estouteville, sieur dAusebecq, le 2 septembre 1424.

Jean Gonnault, vicaire-général, crut devoir appeler les censures du concile de Bâle, en 1436, sur la conduite de Robert Jollivet, qui, loin de ses religieux, consumait dans une vie fastueuse les richesses dune abbaye quil laissait tomber en décadence ; mais la bulle quil en obtint resta sans effet, labbé ayant préféré encourir lanimosité de ses moines que de sexposer, en les secourant, à la disgrâce du monarque dont il fut successivement le conseiller et le chancelier. Le monastère trouva plus de générosité dans quelques personnages au secours desquels il avait moins de droits. Catherine de Thieuville, veuve du chevalier Olivier de Magny, seigneur de Thorigny, lui transféra, en 1438, à charge de prières, un fief situé en Saint-Pierre-Langers, quelle échangea lannée suivante contre celui de Thieuville, en Saint-Aubin-des-Bois. Jean Gonnault, selon don Huynes, fit lui-même, avec les deniers du couvent, lacquisition de plusieurs rentes, sans doute tirée dans la rançon des prisonniers. Tel était létat de cette abbaye lorsque Robert Jollivet succomba dans la ville de Rouen : il reçut la sépulture dans léglise Saint-Michel-du-Vieux-Marché, paroisse dépendant de son monastère.

Notes

  1. Ou Jolivet.
  2. Neustria pia, p. 393

Sources

  • Fulgence Girard, Histoire géologique, archéologique et pittoresque de Mont Saint-Michel, Avranches, E. Tostain, 1843, p. 208-31.



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