Richard Turstin

Richard Turstin
Labbaye du Mont Saint-Michel.

Richard Turstin[1], au XIIe siècle et mort le 20 juillet 1263, est un bénédictin français, vingt-deuxième abbé du Mont Saint-Michel, de 1236 à 1264.

Du temps du duché de Normandie, Guillaume le Conquérant navait pas hésité à usurper les droits des moines leur permettant, selon la règle de saint Benoit, délire leur abbé, règle que le duc de Normandie Richard le Bon avait pourtant sanctionnée lorsquil avait refondé le monastère. La Normandie devenue française, ce fut au tour des évêques de tenter d'empiéter sur ces droits. Lélection de Raoul des Iles avait été marquée par un incident lorsque Guillaume dOtteillé, évêque dAvranches tenter de simmiscer dans les délibérations. Le nouvel évêque dAvranches devait trouver un plus rude adversaire et un rival plus inflexible dans le moine que les religieux firent sortir de leurs rangs pour recueillir lhéritage du précédent abbé.

Richard Turstin, désirant briller dans les solennités religieuses de léclat dont les évêques y étaient entourés, obtint, pour lui et ses successeurs, du pape Alexandre IV, le droit de porter la mitre, lanneau, la tunique, la dalmatique, les gants et les sandales, ces symboles de lépiscopat ; il pouvait encore, daprès la bulle qui lui transmettait ces privilèges, bénir les autels, consacrer les ornements ecclésiastiques, administrer la tonsure et les ordres mineurs, donner solennellement la bénédiction.

Profitant des sentiments favorables dont le souverain pontife était animé pour le monastère du Mont Saint-Michel, Richard Turstin le fit supplier daffranchir son couvent des rigides statuts composés par Grégoire IX, et sous laustérité desquels ce pape avait espéré corriger la licence qui sétait glissée parmi les religieux. Il réclama également, pour lui et pour son prieur claustral, la faculté de relever les irrégularités, et de révoquer les suspensions. Une bulle expresse, du 3 juin 1253, fit droit à sa requête.

Enorgueilli des succès qui donnaient une si éclatante satisfaction à la magnificence de ses goûts, Turstin sempressa dacquérir les signes extérieurs de ses nouveaux privilèges. Sa fierté fut si grande lorsque, le front paré dune mitre chargée de perles et ruisselante de pierreries, il vit la multitude se courber avec respect sous sa main, quil ne se contenta plus de donner les bénédictions dans les offices, mais quil les répandit avec une prodigalité si affectée sur les places publiques, dans les villes et dans les châteaux, que lévêque dAvranches, et plusieurs autres prélats, protestèrent énergiquement auprès du pape, et en obtinrent un décret apostolique dont les prohibitions générales restreignaient, pour les abbés, la bénédiction à la fin de la messe, des vêpres et des laudes, et le droit de tonsure aux religieux et aux séculiers de leur juridiction ecclésiastique. Sensible à ce revers, mais voulant au moins étendre un voile dostentation sur cet échec, Turstin se hâta dobtenir une nouvelle consécration pontificale des droits qui lui étaient maintenus, et de les exercer avec toute la solennité possible.

Turstin employa ce faste dune manière beaucoup plus féconde dans lérection des bâtiments que lui doit le monastère. La capitulaire élevée au sud du cloître, avec lequel elle était en communication, fut édifiée par ses ordres. Il fit aussi construire la Belle-Chaise, monument dont la Salle des Gardes, aux lancettes ogivales, et la belle porte surmontée de trois niches trifoliées, méritent toute lattention. Cette porte, entrée principale du Mont Saint-Michel soffre complète aux regards dès que lon en a franchi les premiers degrés.

Enfin, Turstin fit commencer le corps-de-logis joignant au sud à cet édifice. Le Neustria Via attribue même lachèvement du cloitre, auquel il dut certainement faire travailler, ne fut-ce que pour raccordement de la galerie méridionale avec le bâtiment du chapitre. Ces constructions furent spécialement poussées avec ardeur en 1257.

Lannée précédente, saint Louis, de retour dÉgypte, ses premiers succès sétaient effacés dans un désastre, vint visiter le Mont Saint-Michel. Il fieffa aux religieux la terre de Saint-Jean-le-Thomas et une forêt voisine, pour la somme annuelle de 218 livres. Il permit, de plus, à labbé de transporter au bourg de Genêts les foires qui se tenaient au Mont Saint-Michel le jour des Rameaux, et la troisième férie après la Pentecôte.

La magnificence de Turstin ne tarda cependant pas à produire les mêmes résultats que dans le passé : lobservance perdit de sa rigidité et les religieux, saffranchissant des liens de la discipline, se laissèrent emporter par lentrainement de leurs penchants vers les désordres de la vie séculière. Leurs dispositions nen devinrent que plus hostiles à leur abbé. La mésintelligence fut bientôt si flagrante, que lintervention dun juge devint nécessaire.

Un bref du pape chargea lévêque dAvranches de trancher cette affaire. Labbé et quatre religieux comparurent devant lui, mais sans succès. Ce désaccord ne fut pas soumis plus efficacement dabord au jugement de larchevêque, ensuite à larbitrage de cardinaux délégués par le pape. Le souverain pontife, fatigué du retentissement de ces débats, enjoignit, par bulle expresse, à Guillaume de La Haye, religieux de lordre des frères prêcheurs, et à Jean de Saint-Léonard, religieux de lordre des frères mineurs, de se transporter dans le monastère du Mont Saint-Michel, den examiner les constitutions, de les maintenir ou de les modifier, enfin, de terminer les difficultés par une solution définitive.

Guillaume et Jean remplirent leur mission avec le plus grand zèle : après avoir tout consulté et tout vu, ils suppléèrent à linsuffisance des constitutions de labbaye par quelques règlements nouveaux, enfin, ils obtinrent la réconciliation de labbé et de ses religieux. La communauté trouva une nouvelle source de prospérité dans la concorde des moines et de leur pasteur.

Les économies que réalisèrent leurs efforts permirent dacquérir, en 1261, les prévôtés, corvées et services que Robert et Geoffroy, seigneurs de Brion, avaient en Ardevon, les Pas, Beauvoir, Huisnes, Curey et Brée ; ils développèrent, lannée suivante, les possessions dun prieuré que le monastère possédait dans le diocèse dAngers.

Ce dévouement aux intérêts de son abbaye ne cessa plus danimer Turstin jusquaux derniers pas de sa carrière. De son lit de mort, il porta aux pieds dUrbain IV des plaintes contre Hamon Fichet et plusieurs ecclésiastiques bretons, de la part desquels les prieurés de Rocquillard et du Mont-Dol avaient essuyé des usurpations et il obtint de ce pontife, par lentremise de lofficial de Dol, le redressement de ces griefs.

À sa mort, son corps reçut les honneurs funèbres dans léglise abbatiale, au bas de la nef.

Notes

  1. Ou Tustin.

Sources

  • Fulgence Girard, Histoire géologique, archéologique et pittoresque de Mont Saint-Michel, Avranches, E. Tostain, 1843, p. 159-64.



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