Arthur de Cossé-Brissac

Arthur de Cossé-Brissac
Le Mont Saint-Michel.

Arthur de Cossé-Brissac, au XVIe siècle et mort le 7 octobre 1587, est un religieux français, quarantième abbé du Mont Saint-Michel, de 1570 à 1587.

Arthur de Cossé, issu de lillustre maison de Brissac, évêque de Coutances et commendataire de plusieurs riches communautés, ayant fait agréer par le souverain la permutation de son abbaye de abbaye de Saint-Melaine-lez-Rennes, sempressa de réclamer la ratification papale ; mais, sans attendre loctroi de ses bulles, il vint, le 6 juin 1570, prendre possession de son abbaye nouvelle.

Divers jugements ont été prononcés sur lui. Les chroniqueurs monastiques du Mont Saint-Michel prétendent que la houlette pastorale fut en ses mains une férule sévère. Le paiement de la taxe dont Charles IX avait frappé les bénéfices de son royaume, avec lautorisation du pape Pie V, fut lune des premières obligations auxquelles le nouvel abbé eut à faire face après son avènement à la prélature du Mont Saint-Michel.

Les dévastations sanglantes dont la Normandie inférieure était le théâtre depuis 1561, le sac de Coutances, de son palais épiscopal et de sa cathédrale, ne pouvaient quavoir amplement absorbé les ressources que ce pontife puisait dans son évêché et dans les trois abbayes dont il possédait les commandes : aussi songea-t-il à trouver des moyens extraordinaires dacquitter cette imposition. La vente de quelques-uns des objets précieux que renfermait, avec tant de profusion, la trésorerie de cette abbaye, lui sembla le moyen le moins funeste à la prospérité de son monastère ; il sy rendit en conséquence, accompagné dun orfèvre.

Une crosse magnifique, le calice dor acheté par Robert Jollivet, et plusieurs autres vases de prix, furent les joyaux dont laliénation fut débattue et arrêtée entre eux. Cette vente allait recevoir son exécution, lorsquelle fut rompue par lénergique intervention de Jean de Grimouville, prieur claustral : appuyé par plusieurs religieux, ce moine, dont la naissance ne le cédait à celle de lévêque, poussa, à légard de son abbé, larrogance jusquà la plus coupable brutalité. Un des religieux raconte quil se prit de parole avec Arthur de Cossé près de la trésorerie, et, dans la chaleur, donna un si fort soufflet au pasteur, que le pavé lui en donna un autre, ajoutant que le diable emporterait plutôt labbé, que labbé la crosse. Les moines se rallièrent avec le prieur claustral, et Arthur prit la fuite avec son orfèvre qui, par malheur, avait déjà le calice dor et plusieurs argenteries précieuses.

Ce conflit et ces sévices donnèrent naissance à deux contestations judiciaires entre labbé et le couvent. Arthur de Cossé, voulant écarter de la charge de prieur claustral lauteur dun si sanglant affront, força ses moines, par larrêté quil obtint en 1572 du parlement de Rouen, à nélire leur prieur que pour trois ans ; et, afin datteindre plus sûrement le but de ses désirs, il obtint du roi la nomination de Jean de Grimouville à labbaye de La Luzerne tombée en vacance dans cette occurrence. La haine des moines éluda ces combinaisons : Jean de Grimouville, promu à la dignité abbatiale, nen reçut et nen accepta pas moins dune nouvelle élection le titre de prieur claustral de son ancien monastère ; il y continua même sa résidence. Lautre procès, dont lobjet était dobtenir de labbé la restitution des vases précieux quil avait enlevés de leur trésorerie, ne reçut que une solution judiciaire plus tard.

La hauteur et lobstination vindicative dont Jean de Grimouville suivit et fit partager à son couvent ses inspirations passionnées, ne furent pas en son esprit exclusives des vertus monacales : sil ne tenta pas de replacer ses frères sous la pratique rigoureuse de lobservance de leur règle, au moins sefforça-t-il de réformer les principaux abus qui ternissaient les mœurs religieuses. Les statuts quil publia à cet effet jettent quelque lumière sur létat intérieur de la vie claustrale : la prohibition dont il frappa lentretien de chiens de chasse dans lenceinte du monastère, lusage de porter des dentelles aux cols et aux poignets des chemises, de se vêtir dhabits de soie, de porter des moustaches et des cheveux longs, montre suffisamment que lhumilité cénobitique était loin dêtre cultivée dans sa rigueur disciplinaire.

Un autre incident vint ranimer, en 1575, la discorde allumée entre Arthur de Cossé et le couvent du Mont Saint-Michel. Henri III ayant frappé tous les biens ecclésiastiques dune nouvelle taxe, le monastère du Mont Saint-Michel fut imposé à hauteur de 1860 livres. Arthur de Cossé sadressa directement au pape, qui lui permit de sacquitter de cette charge extraordinaire, par la vente de quelques terres et rentes de la seigneurie de Bretteville. Ce fait ne laissa pas dexercer de linfluence sur la détermination par laquelle, au milieu des complications anarchiques qui ensanglantaient la France, le Mont Saint-Michel embrassa hautement, dès lannée suivante, le parti de la Ligue. Cette résolution fut pour la forteresse monastique louverture dune nouvelle phase de fatigues, de privations et de dangers.

Dès lannée 1577, le monastère fut surpris et enlevé par une bande daventuriers, qui faillirent même semparer de la ville. En labsence du comte de Baternay, capitaine du Mont, un gentilhomme protestant conçut lespérance de se rendre maître de ce point militaire, d il eût dominé le pays. La fête de la Madeleine, jour les religieux et une partie des habitants de la ville se rendaient processionnellement à la Maladrerie de la rive de Beauvoir, fut choisie pour lexécution de cet audacieux fait darmes. Le 22 juillet, au matin, vingt-cinq hommes résolus se présentèrent par ses ordres, en habits de pèlerins, à la porte du Mont Saint-Michel ils furent admis sans défiance. Arrivés à lentrée de labbaye, ils y déposèrent toutes leurs armes apparentes, sur une simple observation des gardiens et on les laissa passer, sans sassurer sils ne portaient pas darmes cachées. Tous étaient secrètement munis de pistolets et de poignards. Ils se rendirent à léglise avec les semblant de la dévotion la plus sincère : après sy être livrés à des pratiques religieuses, et avoir même fait dire plusieurs messes, ils se divisèrent en plusieurs groupes, et occupèrent chacun leur poste avec une apparente insouciance.

Une partie des agresseurs resta sur le Saut-Gautier, une autre sarrêta dun air indifférent auprès du corps de garde, tandis que trois ou quatre se rendaient à la porte de la ville : au signal de lun de ces derniers, le corps de garde et léglise furent envahis et enlevés à la fois. Un soldat, dans le premier poste, refusait de rendre son épée, il tomba baigné dans son sang : effrayés par cet exemple, les autres sempressèrent de jeter leurs armes. Les moines, qui se trouvaient en ce moment dans léglise, ne parvinrent pas tous à se soustraire au fer par la fuite ; plusieurs furent blessés : Jean Le Mancel, secrétaire du chapitre et maître des novices, qui donna la récit de cette surprise, affirme quil fut lui-même profondément atteint dun coup de poignard au cou.

Lhistorien protestant, La Popelinière, un des meilleurs historiens de Normandie, assurent même quils massacrèrent les religieux qui leur avaient dit la messe. Du Touchet fut moins heureux que ses compagnons : caché avec douze cavaliers dans lombre dun hallier, il en était sorti au signal de lattaque, et sétait porté au galop sur lentrée du Mont Saint-Michel ; mais lespace quil avait à parcourir, permit aux habitants de se réunir, de fermer la porte, et de repousser son attaque. Cet échec fut le point sarrêta le triomphe que cette légère troupe dagresseurs avait à leffroi et au désordre de la surprise. On se rallia, et les vainqueurs éphémères, bientôt assiégés dans le monastère quils avaient si brusquement conquis, sy maintinrent pourtant jusquau lendemain. À la nouvelle de cette attaque, un des enseignes de Matignon, Louis de La Morinière, sieur de Vicques, accourut à Avranches, il réunit quelques forces avec lesquelles il se jeta rapidement sur le Mont Saint-Michel. Sa présence dissipa la dernière espérance que celle poignée daventuriers avait conçue de prolonger la lutte : à la première sommation ils se rendirent sur la promesse de la vie sauve ; ils ouvrirent les portes du monastère à huit heures du matin, le lendemain du jour ils sen étaient rendus maîtres.

La capitulation sous la foi de laquelle sétaient placés les protestants fut odieusement violée par les vainqueurs : les deux gentilshommes qui les commandaient furent saisis et eurent la tête tranchée. Leurs soldats furent pendus. Cet exploit, dont une félonie avait cependant souillé léclat, mérita à de Vicques le commandement de la place quil avait si promptement recouvrée. Henri III en dépouilla René de Baternay, pour len revêtir avec le titre de gouverneur.

Cependant le conflit judiciaire qui sagitait devant le parlement de Normandie entre Arthur de Cossé et la communauté du Mont Saint Michel, épuisait les diverses périodes de la procédure ; un arrêt le trancha enfin en 1579. Condamné à restituer à la trésorerie de son abbaye les objets dorfèvrerie quil en avait enlevés, Arthur de Cossé aliéna, au prix de 1500 livres, le manoir et le collège que son monastère possédait dans la ville de Caen, et, avec le prix, grossi de celui dune coupe de bois, il retira ces vases, engagés dans les mains des héritiers de N. Letexis, bourgeois de cette dernière ville. Le calice et dautres objets du poids de 17 onces manquèrent seuls aux richesses qui furent restituées le 28 septembre 1579 au trésor du Mont.

Arthur de Cossé, après avoir subi à la cour du duc dAlençon, auquel lunissait une vive amitié, les troubles et les dangers qui avaient agité une partie de sa prélature, se relira dans le château de Loiselière, en la baronnie de Saint-Pair, pour sy livrer aux douceurs dune vie paisible la mort le frappa.

Ses dépouilles mortelles furent rapportées dans sa cathédrale, il reçut les honneurs de linhumation au milieu du chœur. Nayant conservé avec son monastère que des rapports dintérêt, lunique vestige quil y a imprimé nest-il que la verrière présentant son image en vêtements violets, quil fit placer à lune des fenêtres du chœur, près de celle brillent la figure et lécusson du cardinal dEstouteville. Arthur de Cossé portait de sable à trois faces dor denchère, armes de la maison de Brissac.

Sources

  • Fulgence Girard, Histoire géologique, archéologique et pittoresque de Mont Saint-Michel, Avranches, E. Tostain, 1843, p. 268-77.



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