Bernard de Fontenelle

Bernard de Fontenelle

Bernard Le Bouyer de Fontenelle

Fontenelle
Portrait par Louis Galloche.
Portrait par Louis Galloche.

Nom de naissance Bernard Le Bouyer de Fontenelle
Naissance 11 février 1657
Rouen
Décès 9 janvier 1757
(à 99 ans , 10 mois et 29 jours)
Paris
Nationalité France France
Profession(s) Mathématicien, philosophe, écrivain
Distinctions Académie française, Académie des sciences, Académie des inscriptions, Académie de Rouen
Famille Corneille

Bernard Le Bouyer (ou Le Bovier) de Fontenelle, à Rouen le 11 février 1657 et mort, presque centenaire, à Paris le 9 janvier 1757, est un écrivain français.

Fils dun avocat et neveu de Corneille par sa mère, Fontenelle fit de brillantes études chez les jésuites de Rouen, il laissa le renom dun « jeune homme parfait sous tous les rapports ». Il entra ensuite au barreau, y plaida une seule cause, la perdit, et vint à Paris, auprès de son oncle maternel Thomas Corneille, débuter dans la littérature. Après des pièces de vers insérées dans le Mercure, il donna la tragédie dAspar (1680), dont la chute fut complète et dont le nom subsiste par lépigramme de Racine, sur lorigine des sifflets :

Boyer apprit au parterre à bailler...,
Mais quand sifflets prirent commencement,
Cest (jy jouais, jen suis témoin fidèle),
Cest à lAspar du sieur de Fontenelle.

Dautres tentatives par Fontenelle au théâtre ne furent guère plus heureuses. Les tragédies de Bellérophon et de Brutus, la tragédie en prose dIdalie, la pastorale héroïque d'Endymion, furent oubliées presque en naissant. Les opéras de Psyché, de Lavinie, de Thétis et Pélée, eurent plus de succès, mais servirent peu à la réputation de lauteur qui, passant à dautres genres, publia son Dialogue des morts (1683), des Poésies pastorales (1688), et trouva sa véritable voie dans la littérature scientifique, quil aborda par des Entretiens sur la pluralité des mondes (1686), œuvre de vulgarisation scientifique, qui connut un vif succès. Flourens en a fait léloge en disant « que Fontenelle a le double mérite déclaircir ce quil peut y avoir dobscur dans les travaux de ceux quil loue, et de généraliser ce quils ont de technique. » Il a certainement les qualités de son emploi. Cest un homme desprit, qui connaît assez les sciences pour en parler agréablement et exactement, mais qui ny a pas pénétré assez profondément pour risquer dêtre abstrait et obscur.

Bernard Le Bouyer de Fontenelle

Nommé membre de lAcadémie française en 1691, après avoir essuyé quatre refus, il eut, après sa réception, ce mot : « Il ny a plus que trente-neuf personnes dans le monde qui aient plus desprit que moi. » Secrétaire perpétuel de lAcadémie des sciences de 1699 à 1737, il fit aussi partie de lAcadémie des inscriptions. Se trouvant par mêlé à toutes les questions du jour, il porta de tous côtés mi parti-pris de tranquillité, dégalité dhumeur, qui lui donna le repos et lui épargna les discussions violentes. En sa qualité de secrétaire perpétuel de lAcadémie royale des sciences, il rédigea : Histoire de lAcadémie royale des sciences, avec deux préfaces, recueil contenant des extraits des mémoires des savants (1666-1699) Histoire depuis lannée 1699 (1702) Histoire depuis lannée 1666 (1733) les Éloges des Académiciens, qui sont regardés comme le modèle du genre. Ce dernier ouvrage, dont la première édition fut publiée en 1708, et la seconde, plus complète, en 1719, est le chef-dœuvre de lauteur. , il cessa tout à fait de mériter lépigramme de Jean-Baptiste Rousseau, acceptable à une partie de ses ouvrages :

Depuis trente ans un vieux berger normand
Aux beaux esprits sest donné pour modèle ;
Il leur enseigne à traiter galamment
Les grands sujets en style de ruelle...
Cest le pédant le plus joli du monde.

Par ses éloges académiques, Fontenelle a, en effet, magistralement ouvert la voie à des personnes comme D'Alembert, le fils illégitime de sa fidèle amie Claudine Guérin de Tencin, Condorcet, Georges Cuvier ou encore Arago. Dans la querelle des Anciens et des Modernes, il fut, avec Houdar de La Motte, nettement pour les modernes. Suivant lui, si les arbres qui étaient autrefois dans nos campagnes nétaient pas plus grands que ceux daujourdhui, il ny a pas de raison pour quHomère, Platon, Démosthène, ne puissent être égalés. Racine et Boileau sirritèrent contre lui à cette occasion. La Bruyère écrivit le fameux portrait de Cydias, le Bel-Esprit, et il nentra à lAcadémie française quen 1691. « Les éloges quil prononce à lAcadémie, écrit le marquis dArgenson dans ses Mémoires, sont du même ton que sa conversation ; par conséquent, ils sont charmants. » Mais il leur reproche de substituer des peintures agréables de lhomme privé à lexposition des travaux du savant. Voltaire a introduit Fontenelle dans le Temple du goût, en ces termes :

Cétait le discret Fontenelle,
Qui, par les beaux-arts entouré,
Répandait sur eux à son gré
Une clarté vive et nouvelle.
Dune planète, à tire-daile,
En ce moment il revenait
Dans ces lieux le goût tenait
Le siège heureux de son empire.
Avec Mairan il raisonnait,
Avec Quinault il badinait;
Dune main légère il prenait
Le compas, la plume et la lyre.

Le style de Fontenelle dans ses ouvrages purement littéraires a été critiqué, surtout dans les Éloges des académiciens, comme « affecté, prétentieux, plein de traits dun goût faux ». Ce nest pas le cas dans ses ouvrages philosophiques, les Entretiens sur la pluralité des mondes, le Doute sur le système physique des causes occasionnelles, lHistoire des oracles, et moins encore dans lHistoire de lAcadémie des sciences (de 1666 à 1699). Publiée en 1687, lHistoire des oracles, faite daprès le savant hollandais Van Dale, faillit attirer des ennuis à leur auteur vingt ans après sa parution. La tradition voulait que les oracles de Delphes eussent cessé après larrivée du Christ. Fontenelle se renseigna sur cette période et montra que le temple de Delphes avait conservé quelque temps une activité. Ce livre, Fontenelle insiste sur quelques invraisemblances, dresse sans indulgence lhistoire de son déclin : la Pythie, parlant au nom dApollon, dieu de la poésie, sy exprime cependant en « mauvais vers » et parfois en « redites ». Les prédictions sont « vagues » les miracles douteux. Sans le dire explicitement, Fontenelle laisse clairement entendre quun travail de « mystification » avait lieu. La transposition à des religions en cours était tentante et lÉglise sinquiéta des buts réels de Fontenelle, qui se contenta de déclarer habilement quil navait écrit que ce quil avait écrit, que son ouvrage se désirait historique et quil ne saurait prendre de responsabilité en ce qui concernait les interprétations blasphématoires que pourraient en faire des esprits mal inspirés. Ayant par cette remarque mis ses accusateurs en position daccusés, il ne parla plus de cette affaire, ne donnant pas ainsi la moindre prise à la critique.

Fontenelle soccupa aussi de métaphysique et professa le cartésianisme tout en sécartant de Descartes sur la question de lorigine des idées. Il émit cette restriction : « II faut admirer toujours Descartes, et le suivre quelquefois. » Dans la seconde moitié de sa vie, il se livra plus spécialement aux sciences exactes et composa Éléments de la géométrie de linfini (1727), dont la validité scientifique fut contestée, notamment par Georg Cantor ; la Préface de lanalyse des infiniment petits du marquis de lHôpital. J. Bertrand a finement jugé Fontenelle comme écrivain scientifique : « Dans ses éloges, dit-il, il semble simposer la loi de nêtre ni profond, ni sublime ; son âme, qui ne séchauffe jamais, na pas pour cela grand effort à faire ; et sans sétonner des plus grandes conquêtes de la science, il les raconte du même ton dégagé dont il expose les systèmes les plus arbitraires. Toujours clair et jamais lumineux, ses affirmations, quand il ose en faire, ne sont ni vives, ni pressantes ; il ne connaît pas lenthousiasme, et loue presque du même ton lexcellent et le médiocre ; non pas quil cherche à grandir outre mesure les petites choses, mais il ne prise pas toujours assez haut les grandes, et léternel sourire quil promène avec grâce sur la science sadresse moins aux grandes vérités quil contemple quaux fines pensées dont elles sont loccasion et aux ingénieux rapprochements quil croit, à force dart, rendre naturels et simples. »

Par sa longue vie, Fontenelle appartient en même temps au XVIIe et au XVIIIe siècle et forme en quelque sorte le lien entre le grand Siècle et les Lumières. Cependant, malgré sa prudence et sa circonspection, Fontenelle montre déjà, vers la fin du premier, un penchant au goût littéraire et aux préoccupations philosophiques du second. Ses Dialogues des morts affectent le paradoxe. Ses Poésies pastorales remplacent le naturel et le sentiment par lingénieux et la finesse ; il trouvait les bergers de Théocrite « trop bergers et sentant trop la campagne ». En 1752, il publia deux volumes contenant une tragédie et six comédies avec préface. La même année, il publia la Théorie des tourbillons cartésiens, avec des réflexions sur lattraction newtonienne. Lédition de ses œuvres en 1766 donne, en outre, divers morceaux : De lExistence de Dieu ; Du Bonheur ; De l'origine des fables ; Sur lInstinct ; Sur lHistoire. Il a laissé trois fragments : Traité de la raison humaine ; De la Connaissance de lEsprit humain et enfin ce quil appelait Ma République.

Fontenelle était une façon de sage occupé de son bonheur, mais bienveillant et même secourable. La crainte égoïste de troubler la quiétude desprit de cet homme « prudent » et « discret », traité par un contemporain d’« homme impassible qui louait pour être loué, dhomme indulgent par vanité, attentif à sa gloire et à ses moindres gestes » et « dorgueil approbateur », sexprime par ce mot resté fameux : « Si javais la main pleine de vérités, je me garderais de louvrir. » Fontenelle, qui, lorsquon lui demanda un jour par quel moyen il sétait fait tant damis, et pas un ennemi, avait répondu : « Par ces deux axiomes, tout est possible et tout le monde a raison », fut recherché dans les sociétés ou le talent et lesprit tenaient le premier rang, chez la duchesse du Maine, chez la marquise de Lambert, chez Claudine Guérin de Tencin et Marie-Thérèse Geoffrin, mais il ne connut pas lamitié vraie, et put sappliquer ces mots dune de ses églogues : « Il me manqua daimer. » Claudine de Tencin, qui sut bien lapprécier, lui disait en montrant sa poitrine : « Ce nest pas un cœur que vous avez  ; cest de la cervelle, comme dans la tête. » II ne faut pas oublier, toutefois, quil se trouva le seul à voter contre lexclusion de labbé Castel de Saint-Pierre de lAcadémie française. On raconte aussi que le duc dOrléans, lui ayant dit : « Fontenelle, je ne crois pas à la vertu », celui-ci lui répondit : « Il y a dhonnêtes gens, monseigneur, mais ils ne viennent pas vous trouver. »

Son intelligence souple et lucide a très bien servi les lettres et surtout les sciences, quil sait excellemment rendre accessibles et même attrayantes en gardant lexactitude. La qualité dhomme de lettres fut relevée par la brillante considération attachée à la personne de cet académicien familier du duc dOrléans et de Fleury. Comme Voltaire, il exerce la royauté littéraire et mondaine et, comme lui, il a une sorte duniversalité, à la fois causeur fêté, poète badin et dramatique, philosophe, critique, historien des idées et géomètre. Ses vues sur la philosophie en poésie, sur lamour et lintérêt au théâtre, sur lhistoire, sur le progrès, sont attachantes. Comme la dit Trublet, « la main dœuvre est toujours bonne chez Fontenelle », quand il ne se travaille pas trop. Fontenelle fut également, avec Le Cornier de Cideville, le cofondateur, le 17 juin 1744, de lAcadémie de Rouen, dans sa ville natale.

Les Œuvres complètes de Fontenelle (Paris, 1758, 11 vol. in-12) ont été plusieurs fois réimprimées, particulièrement avec les notes de Lalande (1790, 8 vol. in-8° ; 1825, 5 vol. in-8°).

Œuvres

  • La Comète (1681), pièce dans laquelle il dénonce l'exploitation de la crédulité et des peurs de la population lors de l'arrivée de tels astres
  • Nouveaux dialogues des morts (1683)
  • De l'origine des fables (1684)
  • Lettres galantes du chevalier dHer*** (1685)
  • Relation de lîle de Bornéo (1686)
  • Entretiens sur la pluralité des mondes (1686)
  • Histoire des oracles (1686)
  • Digression sur les anciens et les modernes (1688)

Fontenelle donne lui-même trois éditions de ses œuvres (1724, 1742, 1752-1757).

Il y a encore :

Édition de référence :

  • Œuvres complètes, [9 tomes parus], texte revu par Alain Niderst, Paris, depuis 1989 (ISBN 2-213-02539-8, ISBN 2-213-02684-X et ISBN 2-213-02292-5) etc. (Corpus des œuvres de philosophie en langue française (ISSN 0765-4685), 43).

D'Alembert et Garat ont écrit son Éloge.

Liens externes

Filmographie

Source

  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 812-3.

Liens externes

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Wikisource propose un ou plusieurs textes écrits par Bernard Le Bouyer de Fontenelle.


Précédé par
Jean-Jacques Renouard de Villayer
Fauteuil 27 de lAcadémie française
1691-1757
Suivi par
Antoine-Louis Séguier
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