- Mesures d'éloignement des Roms de nationalité étrangère en France
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Les mesures d'éloignement des Roms de nationalité étrangère en France sont les mesures d'éloignement des étrangers qui sont appliquées aux Roms de nationalité étrangère en France (95 % d'entre eux sont de nationalité française). Il s'agit notamment du programme initié en juillet 2010 par le gouvernement français pour rapatrier des centaines de Roms roumains et bulgares, et fait partie d'une politique de répression des campements illégaux. Bien que les citoyens bulgares et roumains aient le droit d'entrer en France sans visa, leur pays d'origine faisant partie de l'Union européenne, les règles d'immigration françaises les obligent à avoir des permis de travail ou un titre de séjour pour rester plus de trois mois en France.
Depuis juillet 2010, au moins 51 campements roms illégaux ont été évacués, et la France a rapatrié au moins 1230 Roms d'Europe de l'Est vers leur pays d'origine.
Cette politique a suscité une controverse au sein de l'Union européenne, et la commissaire européenne pour la justice, la liberté et la sécurité Viviane Reding a déclaré lors d'une conférence que la Commission européenne allait prendre des mesures légales contre le gouvernement français au sujet des déportations forcées, ajoutant que c'était « une honte ». La polémique née de ces commentaires a été décrite comme ayant assombri un sommet de l'Union européenne en septembre 2010.
Sommaire
Contexte
Le 16 juillet 2010, la police française abat un Rom français de 22 ans, accusé d'avoir forcé un barrage de police. En représailles, un groupe qui sera identifié comme composé de gens du voyage, attaque et pille le village de Saint-Aignan dans le Centre. Le maire du village décrit les troubles comme « un règlement de comptes entre les gens du voyage et la gendarmerie »[1].
Bien que les citoyens bulgares et roumains aient le droit d'entrer en France sans visa, leur pays d'origine faisant partie de l'Union européenne, les règles d'immigration en France les oblige à avoir un permis de travail ou un titre de séjour s'ils veulent rester plus de trois mois[2].
Le 30 juillet, le président français Nicolas Sarkozy fait un discours à Grenoble au sujet des événements récents, à Grenoble et à Saint-Aignan. Il déclare à cette occasion : « j'ai demandé au ministre de l'Intérieur de mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms […] Dans les trois mois, la moitié de ces implantations sauvages auront disparu du territoire français[3]. » Le bureau du président a affirmé que les campements non autorisés étaient des « sources de trafics illicites, d'exploitation des enfants à des fins de mendicité, de prostitution ou de délinquance[4] ». Le journal allemand Der Spiegel estime que cette opération a pour but de « garder le thème de la sécurité au premier plan de sa politique[5] ».
Depuis juillet 2010, au moins 51 campements roms ont été démantelés et évacués, et la France a renvoyé au moins 1230 Roms étrangers, en leur fournissant une aide financière et le billet de retour vers la Roumanie ou la Bulgarie[6],[7]. Ces opérations étaient déjà souvent menées ces dernières années. Les évènements autour d'un camp à Massy en mars 2010 avaient fait quelque bruit[8], et, selon Alexandre le Clève, président du collectif hors-la rue, sur l'ensemble de l'année 2009, il y aurait eu 12000 expulsions de Roms, roumains ou bulgares, soit presque la moitié de l'ensemble des reconduites à la frontière[9]. Début novembre, une évacuation de camp a lieu à Créteil, plusieurs Roms recevant une obligation de quitter le territoire français[10].
Le 7 octobre 2010, le quotidien Le Monde affirme l'existence d'un fichier de gendarmerie, nommé MENS (pour « Minorités étrangères non sédentarisées »), rassemblant des informations sur l'origine ethnique des personnes, en particuliers les Roms[11]. Le même jour, le site Rue89 apporte des éléments tendant à prouver l'existence de ce fichier[12]. Devant les dénégations, le site apporte de nouvelles informations et ajoute : « Combien de temps encore l'OCLDI, la gendarmerie nationale et le ministère de l'Intérieur pourront-ils nier l'évidence ? »[13]. La CNIL a alors effectué un contrôle, lors duquel elle n'a pas découvert un tel fichier, tout en relevant que plusieurs traitements de données utilisaient la mention MENS[14]. Le 8 octobre, Libération révèle que des gendarmes ont effectué des prélèvements d'ADN sur les occupants d'un campement illégal, dans le cadre d'un « recensement[15] ».
Le 29 septembre, la Commission européenne avait demandé à la France pour le 15 octobre des garanties au sujet de la légalité des expulsions de Roms. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères a assuré que la France allait modifier son droit national pour entrer en conformité avec la législation européenne[16].
Le 7 octobre, quatre associations portent plainte contre X au sujet du fichage supposé des Roms par la gendarmerie[17]. Huit autres associations déposent une nouvelle plainte contre la France pour « violation du droit communautaire en matière de libre circulation des personnes »[18].
La nuit du 27 octobre, un camp de Roms dans les Yvelines est attaqué par des hommes armés et habillés comme des policiers, qui leur volent leurs papiers d'identité[19]. À Lyon, le 19 novembre 2010, des policiers jettent une bombe lacrymogène dans un squat, provoquant l'hospitalisation d'un bébé de cinq jours, d'un enfant de deux ans et d'une adolescente de 17 ans[20].
Un amendement passé le 10 septembre 2010 dans un projet de loi du gouvernement, LOPPSI 2, prévoyait d'expulser en l’absence du juge les habitants installés de manière « illicite ». Cet amendement est invalidé par le Conseil constitutionnel le 10 mars 2011.
Réactions internationales
Le 20 août, le secrétaire du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement, Agostino Marchetto, a déclaré à l’AFP que : « les expulsions en masse de Roms vont à l’encontre des normes européennes »[21]. Ces propos de l'Église catholique romaine ont suscité plusieurs réactions dans la classe politique française[22].
Le 27 août 2010, le Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) de l'ONU demande à la France de « garantir l'accès des Roms à l'éducation, à la santé, au logement et autres infrastructures temporaires dans le respect du principe d'égalité » et se demande pourquoi elle n'a « toujours pas mis à la disposition des gens du voyage le nombre nécessaire d'aires d'accueil conformément à la loi du 5 juillet 2000 dite loi Besson »[23].
Le 6 septembre, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a fait un discours généralement interprété comme une critique de la politique française[24]. Il dit entre autres : « Tout Européen doit respecter la loi et les gouvernements doivent respecter les droits de l'homme, y compris ceux des minorités. Le racisme et la xénophobie n'ont pas leur place en Europe »[25]. Le 9 septembre, le Parlement européen se déclare « vivement préoccupé par les mesures prises par les autorités françaises et les autres Etats membres » et a critiqué « le manque d'engagement du Conseil et de la Commission dans cette affaire ». Dans une résolution déposée par la S&D, l'ADLE, le Groupe des Verts/Alliance libre européenne et la GUE/NGL, et adoptée par 337 votes contre 245 avec 51 abstentions, le Parlement a déclaré que les membres des États en question devaient immédiatement « suspendre les expulsions de Roms »[26].
Le président roumain Traian Basescu a critiqué la politique française envers les Roms[27].
Plus tard, la commissaire européenne pour la justice Viviane Reding a parlé de déportations en disant que c'était « une honte ». Elle dit encore : « Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième guerre mondiale »[28]. Sa réaction était due à la dissimulation par la France d'une circulaire datée du 5 août et envoyée par le directeur de cabinet du ministère de l'intérieur aux chefs de police régionaux, qui donnait pour instruction : « 300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d'ici trois mois, en priorité ceux des Roms »[29], [30].
Le 15 septembre, l'administration des États-Unis a aussi exprimé son inquiétude sur le sort des Roms par la voix de la diplomatie américaine[31].
Le même jour, Viviane Reding tempère sa précédente déclaration et dit entre autres : « Je n'ai en aucun cas voulu établir un parallèle entre la Deuxième Guerre mondiale et les actions du gouvernement français d'aujourd'hui »[32].
Pourtant, le conflit entre le gouvernement français et la commission européenne est supposé avoir éclipsé le sommet européen du lendemain 16 septembre[33],[34]. Le président français a répondu aux paroles de Viviane Reding que sa politique était la bonne et qu'il la poursuivrait, et devant les sénateurs UMP, il a suggéré que le Luxembourg, pays de Viviane Reding, accueille les Roms expulsés[35],[36]. Le ministre luxembourgeois des affaires étrangères, Jean Asselborn, a jugé ces derniers propos « malveillants »[37].
La chancelière allemande Angela Merkel a soutenu la politique de la France et critiqué les paroles de la commissaire européenne, tout en démentant l'affirmation de Nicolas Sarkozy selon laquelle ils auraient parlé entre eux de l'expulsion des Roms d'Allemagne[38]d'origine bulgare ou roumaine[réf. nécessaire], mais seulement des expulsions allemandes des roms du Kosovo[pas clair][réf. nécessaire].
Une partie de la presse allemande a vu dans la politique actuelle de Nicolas Sarkozy une « dérive populiste »[39]. En Bulgarie, à l'appel de plusieurs associations, 150 Roms bulgares ont manifesté le 18 septembre devant l'ambassade de France à Sofia[40].
Voir aussi
Notes
- Des gens du voyage saccagent une commune du Loir-et-Cher, Le Figaro, 19 juillet 2010. Consulté le 21/09/2010
- Droit des étrangers en France et Convention de Schengen. Voir
- Prise de fonction du nouveau préfet » sur www.elysee.fr, Élysée, Présidence de la République, 30 juillet 2010. Consulté le 29 juillet 2011 Nicolas Sarkozy, Président de la République, «
- Communiqué de la Présidence de la République, en date du 28 juillet 2010, sur la situation des gens du voyage et des Roms en France, Vie publique, 28 juillet 2010. Consulté le 21/09/2010
- France Begins Controversial Roma Deportations, Der Spiegel, 19 août 2010. Consulté le 21/09/2010
- French ministers fume after Reding rebuke over Roma, BBC, 15 septembre 2010. Consulté le 2010-09-16
- France sends Roma Gypsies back to Romania, BBC, 20 août 2010. Consulté le 22/08/2010
- À Massy, en deux jours, 240 Roms rapatriés en Roumanie, Rue 89, 13 mars 2010. Consulté le 21/09/2010
- Arrêt sur Images consulté le 01/10/2010 Alexandre Le Clève au Soir 3 du 18 août, rapporté par le site
- Créteil: près de cinquante Roms évacués, Le Figaro, 3 novembre 2010. Consulté le 5/11/2010
- MENS, le fichier ethnique illégal sur les Roms », Le Monde, 7 octobre 2010. Consulté le 9/10/2010 Franck Johannès, «
- Les preuves de l'existence d'un fichier ethnique sur les Roms », Rue 89, 2010. Consulté le 9/10/2010 Julien Martin, «
- Rue89 publie un fichier « Roms » de la gendarmerie », Rue 89, 2010. Consulté le 19/10/2010 Julien Martin, «
- CNIL, Conclusions du rapport préliminaire des contrôles effectués les 8 et 12 octobre 2010 auprès de l’OCLDI et du STRJD de la gendarmerie nationale, 14 octobre 2010
- Tests ADN sur des Roms: l'excès de zèle des gendarmes du Val-d'Oise », Libération, 8 octobre 2010. Consulté le 9/10/2010 Sylvain Mouillard, «
- Roms : la France prête à modifier son droit », Libération, 15 octobre 2010. Consulté le 15/10/2010 AFP, «
- Plainte contre un «fichier ethnique illégal» sur les Roms, Le Figaro, 7 octobre 2010. Consulté le 5/11/2010
- Plainte contre la France pour violation des droits des Roms, Rue 89, 26 octobre 2010. Consulté le 5/11/2010
- Un camp de Roms attaqué par des inconnus dans les Yvelines, Le Monde, 30 octobre 2010. Consulté le 5/11/2010
- A Lyon, la police a-t-elle « gazé » un chien ou des Roms ? », Rue 89, 20 novembre 2010. Consulté le 21/11/2010 Laurent Burlet, «
- Expulsions de Roms : la France rappelée à l’ordre par le pape, Le Soir, 22 août 2010. Consulté le 21/09/2010
- Les propos du pape sur les Roms divisent la droite, Le Nouvel Observateur, 23 août 2010. Consulté le 21/09/2010
- L'ONU somme la France de condamner le racisme, Mediapart, 27 août 2010. Consulté le 21/09/2010
- Barroso makes veiled criticism of French anti-Gypsy campaign », The Guardian, 7 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010 Ian Traynor, «
- Discours de José Manuel Barroso sur l'état de l'Union européenne, La Croix, 7 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- La France et les autres États membres doivent suspendre immédiatement les expulsions de Roms, Parlement européen, 9 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- Roms : critiques du président roumain, Le Figaro, 8 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- Roms : la Commission veut ouvrir une procédure d'infraction contre la France, Libération, 14 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- Expulsions de Roms, un “mode d’emploi” explicite, Le Canard social, 13 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- La France et les Roms : pour Bruxelles, “trop, c'est trop !”, Rue 89, 14 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- Roms : Washington met en garde Paris, Le Figaro, 15 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- Roms: Reding regrette, Washington interpelle la France, L'Express, 15 septembre 2010. Consulté le 29/07/2011
- Roms : Sarkozy et Barroso auraient eu un "échange très violent", Le Monde, 16 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- “La France mérite d'être boutée hors de l'Union”, Libération, 17 septembre 2010. Consulté le 22/09/2010
- Sarkozy suggère à Reding d'accueillir les Roms au Luxembourg, Public Sénat, 15 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- Roms : Viviane Reding retire sa comparaison avec la seconde guerre mondiale, Le Monde, 15 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- Roms : le Luxembourg juge Sarkozy “malveillant”, Le Soir, 15 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- Roms : Merkel contredit sèchement Sarkozy, L'Express, 16 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- La dérive “populiste” de Nicolas Sarkozy, vue par la presse allemande, Le Monde, 17 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
- À Sofia, les Roms de Bulgarie défilent devant l'ambassade de France, Le Monde, 18 septembre 2010. Consulté le 21/09/2010
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