Martin Sandberger

Martin Sandberger
Martin Sandberger photographié par l'armée américaine le 1er mars 1948.

Martin Sandberger (né à Berlin le 17 août 1911 - mort à Stuttgart le 30 mars 2010[1]) était un Standartenführer-SS (colonel) qui commanda le Sonderkommando 1a de l'Einsatzgruppe A dirigé par le Brigadeführer Stahlecker. Le colonel SS Sandberger était également chef de la Sicherheitspolizei et de la SD en Estonie, et joua donc un rôle important dans l'extermination des Juifs des États baltes. Il exerça aussi en Italie, organisant la déportation des Juifs vers Auschwitz. Sandberger a été condamné à mort lors du procès des Einsatzgruppen à Nuremberg en 1948, mais sa peine fut commuée en prison à perpétuité en 1952, et il fut libéré dès 1958 par le Comité des grâces. Il exerça alors à nouveau comme juriste pour l'entreprise Lechler, grimpant la hiérarchie jusqu'à en être l'un de ses dirigeants[1].

Sommaire

Jeunesse et ascension

Fils d'un directeur d'IG Farben[1], il étudia le droit à Munich, Cologne, Fribourg et Tubingue[2].

A 20 ans, soit en 1931, il adhéra au NSDAP et à ses sections spéciales, les SA, devenant alors un leader nazi du mouvement étudiant à Tübingen. Le 8 mars 1933, avec son camarade Erich Ehrlinger, qui sera lui aussi en charge d'un Einsatzkommando en 1941, il hissa ainsi le drapeau nazi devant le principal bâtiment de l'Université de Tübingen[3].

Docteur en droit en 1935[4], il devint inspecteur d'université grâce à son emploi de permanent à l'Union des étudiants nationaux-socialistes. En 1936, il adhéra à la SS ainsi qu'à sa police spéciale, la SD, à Württemberg, étant sous les ordres de Gustav Adolf Scheel. Il monta rapidement la hiérarchie, devenant Sturmbannführer-SS (major) dès 1938.

Parallèlement, il travailla comme assistant juge pour le ministère de l'Intérieur du Würrtemberg, et devint conseiller du gouvernement en 1937[2].

Seconde Guerre mondiale

Le 13 octobre 1939, après le début de la campagne de Pologne, le Reichsführer Himmler le nomma chef du Bureau d'immigration central du nord-est (Einwandererzentralstelle Nord-Ost), chargé de l'« évaluation raciale » (rassische Bewertung). Sandberger fut ensuite nommé chef du Sonderkommando 1a (ou Einsatzkommando) en juin 1941, qui dépendait de l'Einsatzgruppe A dirigé par Stahlecker[2]. Il voyagea avec celui-ci durant les deux premières semaines de l'invasion de l'URSS. Il gérait par ailleurs, depuis mars 1941, des affaires pour le RSHA et dirigeait l'organisation du cursus scolaire (Lehrplangestaltung der Schulen).

Selon son témoignage lors du procès des Einsatzgruppen en 1948, il apprit l'existence de l'ordre du Führer ordonnant l'extermination des Juifs de l'officier du RSHA IV (la section où travaillait Adolf Eichmann, chargée des « affaires juives ») Bruno Streckenbach[5],[6]. Outre un discours public à ce sujet, Streckenbach lui avait donné des instructions personnelles pour l'« élimination des Juifs, Tsiganes et fonctionnaires communistes (...) et tout autre élément pouvant mettre en danger la sécurité[7]».

Mission en Estonie

Sandberger entra à Riga avec l'Einsatzkommando la et 2, qui participèrent à l'incendie des synagogues et aux massacres aux côtés du Sonderkommando Arājs. Il était en Estonie avec pour mandat clair, selon son témoignage lors de son procès, d'appliquer l'ordre du Führer d'extermination des « ennemis du Reich[5] ». Le 10 septembre 1941, il promulgua un ordre général pour l'internement des Juifs. 450 d'entre eux furent transférés au camp de concentration de Pskov puis assassinés. Le 3 décembre 1941, il devint commandant de la Sicherheitspolizei et du SD pour l'Estonie[2].

Italie et chef du service de renseignements extérieurs

De retour en Allemagne en septembre 1943[2], il fut nommé à l'automne chef de la Gestapo à Vérone, où il organisait la déportation vers Auschwitz.

En janvier 1944, il fut nommé à la tête du Bureau des Renseignements extérieurs du RSHA (VI-A, Organisation des Auslandsnachrichtendienstes), répondant directement de ses actes devant Walter Schellenberg et gardant le compte interne de l'organisation[8]. En tant que premier assistant de Schellenberg, il lui servait d'homme de liaison avec Himmler[9].

Après guerre

Son accès à des informations hautement classifiées le poussa à tenter d'empêcher ou au moins à retarder son inculpation lorsqu'il fut détenu comme prisonnier de guerre par les Britanniques[10].

Mais, avec la découverte de documents concernant les Einsatzgruppen, le rôle criminel de Sandberger devint apparent aux yeux des Alliés, et celui-ci fut inculpé pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et appartenance à une organisation criminelle (la SS) lors du procès des Einsatzgruppen, à Nuremberg, en 1948. Le tribunal considéra notamment que Sandberger était responsable des forces auxiliaires estoniennes et qu'il avait volontairement appliqué l'ordre du Führer ordonnant l'extermination des Juifs, Tziganes, communistes, handicapés, etc[2].

Le juge Michael Musmanno le reconnu ainsi coupable de ces trois chefs d'accusation en septembre 1947[11], ce qui lui valut la peine capitale par pendaison[12].

Malgré des pressions politiques, cette sentence fut confirmée en 1949 par le général Lucius D. Clay[10] mais, en 1951, elle fut commuée en emprisonnement à perpétuité par un conseil réuni sous l'autorité de John J. McCloy, Haut Commissionnaire des États-Unis pour l'Allemagne et chargé à ce titre de la dénazification[10],[13]. Le sénateur américain William Langer, du Dakota du Nord, avait notamment poussé McCloy en ce sens, un grand nombre de ses électeurs étant d'origine allemande tandis qu'il pensait lui-même que juger des Nazis autres que les chefs suprêmes aurait été contraire à la tradition juridique américaine et aurait aidé le communisme[11].

Par ailleurs, le père de Sandberger, à la retraite de ses fonctions de direction à IG Farben, compagnie elle-même fortement impliquée dans le nazisme, fit appel à Theodor Heuss, président de la RFA et ami de celui-ci[1],[14]. Heuss lui-même contacta l'ambassadeur américain James B. Conant en lui demandant de gracier l'ex-Standartenführer. D'autres politiques influents se prononcèrent en sa faveur, dont Haugn Carlo Schmid, vice-président du parlement et ancien professeur de Sandberger à Tübingen[1],[14]; Gebhard Müller, ministre-président du Bade-Wurtemberg[1]; Wolfgang Haußmann, ministre de la Justice[15], et Martin Haug, Landesbischof. La pression politique aidant, ainsi que le temps et les conditions de la guerre froide - fin 1957, il ne restait plus que quatre criminels de guerre nazis en prison en RFA, dont Sandberger - celui-ci fut libéré le 9 janvier 1958 de la prison de Landsberg[14].

Il repris alors son activité de juriste pour Lechler, spécialiste des techniques de pulvérisation, en devenant l'un de ses dirigeants[1]. Lorsque le Centre national d'enquêtes sur les crimes de guerre nazis de Ludwigsburg tenta de le faire re-juger en 1970, son avocat, Fritz Steinacker, qui avait défendu Josef Mengele, fit valoir le principe de la chose jugée, empêchant toute nouvelle poursuite. Bien que la publication des archives du bloc de l'Est après la chute du mur de Berlin ait apporté de nouveaux éléments dans le dossier Sandberger, ceux-ci ne furent pas considérés suffisants pour justifier un nouveau procès. Sandberger n'a jamais exprimé publiquement de remords concernant les crimes commis lorsqu'il était en Estonie et en Italie. Il a fini les dernières années de sa vie dans l'une des meilleures maisons de retraites d'Allemagne[16].

Références

  1. a, b, c, d, e, f et g Mort d'un nazi, L'Express, 7 avril 2010
  2. a, b, c, d, e et f Trials of War Criminals before the Nuremberg Military Tribunals under Control Council Law No. 10, Nuernberg, October 1946 - April 1949, Volume IV, ("Green Series) (the "Einsatzgruppen case"), at pages 532 to 536 ("Einsatzgruppen judgment") (also available at Mazel library (well indexed HTML version))
  3. Wildt, Michael, Generation of the Unbound, at page 13.
  4. Browder, George C, Hitler's Enforcers, at page 222.
  5. a et b Ezergailis, The Holocaust in Latvia, at pages 204-205
  6. Ezergailis, A. (en) (1996), The Holocaust in Latvia, p.  149.
  7. Einsatzgruppen trial transcript, 1947-1948, volume 6, pages 2143-2176, as excerpted and republished in Ezergailis, The Holocaust in Latvia, at page 205.
  8. Kahn, Hitler's spies, at pages 263-264.
  9. International Military Tribunal, record of proceedings, 4 April to 15 April, 1946, Testimony of Ernst Kaltenbrunner, April 12, 1946, page 310.
  10. a, b et c Breitman and Goda, U.S. Intelligence and the Nazis, at pages 105 and 146-147.
  11. a et b Smelser, Ronald M., and Davies, Edward J., The Myth of the Eastern Front, Cambridge University Press 2007 ISBN 0521712319
  12. Einsatzgruppen judgment, at page 587
  13. National Archives. org: Breitman, Richard, "Historical Analysis of 20 Name Files from CIA Records analysis of CIA files", April 2001
  14. a, b et c Frei, Norbert, and Golb, Joel, "Adenauer's Germany and the Nazi past", at pages 226 to 229.
  15. Notice biographique
  16. Derniers jours paisibles à Stuttgart pour Martin Sandberger, criminel de guerre nazi, 5 avril 2010

Annexes

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

  • (de) Birn, Ruth Bettina: Die Sicherheitspolizei in Estland 1941-1944. Eine Studie zur Kollaboration im Osten. Ferdinand Schöningh, Paderborn 2006, ISBN 978-3-506-75614-5.
  • Breitman, Richard, and Goda, Norman, U.S. intelligence and the Nazis, Cambridge University Press 2005 ISBN 0521852684
  • Conclusions of the Estonian International Commission for the Investigation of Crimes Against Humanity
  • Ezergailis, Andrew, The Holocaust in Latvia 1941-1944—The Missing Center, Historical Institute of Latvia (in association with the United States Holocaust Memorial Museum) Riga 1996 ISBN 9984-9054-3-8
  • (de) Frei, Norbert: "Vergangenheitspolitik. Die Anfänge der Bundesrepublik Deutschland und die NS-Vergangenheit", München 1996, ISBN 3-406-42557-7
  • Kahn, David, Hitler's spies
  • (de) Klee, Ernst: „Martin Sandberger“ Eintrag in ders.: Das Personenlexikon zum Dritten Reich. Wer war was vor und nach 1945. Aktualisierte Ausgabe. Fischer-Taschenbuch, Frankfurt am Main 2005, ISBN 3-596-16048-0, S. 43
  • (de) Ruck, Michael: Korpsgeist und Staatsbewußtsein. Beamte im deutschen Südwesten 1928 bis 1972. Oldenbourg, München 1996, ISBN 978-3-486-56197-5
  • Smelser, Ronald M., and Davies, Edward J., The Myth of the Eastern Front, Cambridge University Press 2007 ISBN 0521712319
  • (de) Wildt, Michael Wildt: Generation der Unbedingten – Das Führungskorps des Reichssicherheitshauptamtes. Hamburger Edition, Hamburg 2003, ISBN 3-930908-87-5.

Sources judiciaires

Liens externes

Source originale


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