La Nueve

La Nueve
La Nueve
Insigne régimentaire du Régiment de Marche du Tchad..jpgFlag of Spain 1931 1939.svg

Insigne régimentaire du Régiment de Marche du Tchad
Drapeau tricolore de la République espagnole

Période 19431945
Pays France
Allégeance France libre
Branche Flag of Free France 1940-1944.svg Forces françaises libres
Type Infanterie mécanisée
Effectif environ 150 personnes
Fait partie de 9e régiment de marche du Tchad, 2e division blindée
Surnom la Nueve
Guerres Seconde Guerre mondiale
Batailles Poche de Falaise
Libération de Paris
Bataille d'Alsace
Commandant Capitaine Raymond Dronne

La 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, qui faisait lui-même partie de la 2e Division Blindée ou Division Leclerc, a été populairement appelée la Nueve (« neuf » en espagnol). Il s'agissait d'une compagnie assez informelle, composée de quelques 150 républicains espagnols sous commandement français, qui participèrent au combat de la Libération de l'Afrique du nord, puis de la France'[1].

Son fait d'armes le plus connu est la libération de Paris, puisque ce sont les unités de la Nueve qui furent les premières à entrer dans la capitale française au soir du 24 août 1944[2].

Sommaire

Histoire

Origines et formation de la 9e compagnie

Le 22 juin 1940, l'Allemagne impose l'armistice à la France. Les territoires de l'Afrique du nord française se rallient au gouvernement de Vichy. Celui-ci se méfie des réfugiés espagnols, républicains qui ont fui l'Espagne franquiste après 1939. Ces réfugiés sont poussés à choisir entre le travail forcé en France métropolitaine, l'enrôlement dans la Légion étrangère ou le rapatriement en Espagne. Pour des raisons évidentes, la plupart des vétérans de la guerre civile espagnole choisissent d'être intégrés à l'armée française. Après le débarquement allié du 8 novembre 1942 en Afrique du nord, les autorités françaises créent le Corps franc d'Afrique, un corps régulier pour les combattants non-français, comme le capitaine Buiza, ancien amiral de la marine républicaine. Il est en grande partie composé d'Espagnols. Ils participent aux combats à partir de décembre 1942 contre l'Afrika Korps en Tunisie. Les combats se poursuivent durant la première moitié de l'année 1943, jusqu'à la conquête du port de Bizerte, qui marque la fin des combats en Afrique du nord.

Le choix fut posé aux Espagnols d'intégrer la division Leclerc ou les forces du général Giraud, qui venait de se rallier aux forces françaises libres. La division Leclerc avait été constituée à partir de mai 1943, sous le commandement du général Leclerc, au Tchad, en Afrique équatoriale française. Elle était formée de 16 000 hommes, dont 2 000 espagnols au début de l'année 1943. La plupart des Espagnols rejoignirent les unités de Leclerc. La 9e compagnie, fortement composée de ces Espagnols, prit le nom de la Nueve ou la Española. Elle fut placée sous le commandement du Français Raymond Dronne[3]. La plupart des hommes étaient des socialistes, des communistes, des anarchistes ou des apolitiques hostiles à Franco, d'autres des déserteurs des camps de concentration réservés aux réfugiés espagnols en Algérie ou au Maroc. Ils étaient bien des soldats de l'armée française, en aucun cas une armée autonome, bien qu'il leur fût permis d'arborer le drapeau tricolore républicain sur leurs uniformes.

En septembre 1943, la compagnie, avec l'ensemble de la division, est transférée à Rabat, au Maroc, où les hommes reçoivent un équipement américain : 160 chars de combat M4 Sherman, 280 blindés half-track M3 et M-8 Greyhound, camions Dodge, GMC, Brockway, Diamond et nombreuses jeeps. Les Espagnols donnent aux chars des noms originaux, rappelant pour la plupart des événements de la guerre d'Espagne. La jeep de l'unité de contrôle est baptisée « Mort aux cons » et le halftrack « Les Cosaques ». La 1re section de combat baptise ses véhicules « Don Quichotte », « Cap Serrat », « Les Pingouins »[4] (le nom de « Buenaventura Durruti », proposé par des anarchistes, est refusé par les supérieurs français), « Madrid » et Guernica. La 2e section de combat donne les noms de « Résistance », « Teruel », « España Cañi » (puis « Libération »), « Nous Voilà » et « Ebro ». La 3e section de combat baptise les siens « Tunisie 43 », « Brunete », « Amiral Buiza », « Guadalajara » et « Santander ».

Opérations : de la Normandie à Berchtesgaden

La division Leclerc est transférée du Maroc en Grande-Bretagne. Le 6 juin 1944 cependant, elle ne participe pas au débarquement de Normandie. Finalement, la 9e compagnie débarque sur la plage d'Utah Beach, dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1944. La 2e D.B. est alors intégrée à la 3e armée américaine, dirigée par le général George Patton. La Nueve est engagée dans des combats contre des unités allemandes aux alentours de Rennes, Le Mans, Château-Gontier et Alençon. Le 12 août, ce sont pas moins de 130 soldats allemands qui sont faits prisonniers à Écouché. Le 16, les divisions Waffen-SS Adolf Hitler et Das Reich, les 9e et 116e divisions Panzer et la 3e division parachutiste attaquent la 2e D.B. : les combats durent jusqu'au 19 août, où la 2e armée britannique arrive en renfort.

La ville de Paris se soulève contre l'occupation allemande, le 20 août 1944. Charles De Gaulle insiste auprès du commandement suprême des forces alliées pour que les troupes françaises libres soient les premières à entrer dans la capitale française. De Gaulle soutient Leclerc, qui veut tirer parti de l'insurrection de la Résistance française pour libérer rapidement Paris. Le 24 août 1944, vers 20 heures, la 9e compagnie, accompagnant un peloton de chars du 501eRCC, entre dans Paris par le porte d'Italie[5]. Les unités se dirigent ensuite vers l'Hôtel de Ville, où, en pénétrant sur la place, le halftrack « Ebro » tire les premiers coups de feu contre un ensemble de mitrailleuses allemandes. Le lieutenant Amado Granell, ex-capitaine anarchiste de la Colonne de fer, est le premier officier « français » reçu par le Conseil national de la résistance. En attendant la capitulation du général allemand von Choltitz, gouverneur de Paris, la Nueve est envoyée pour occuper la Chambre des députés, l'hôtel Majestic (siège de la Gestapo à Paris) et la place de la Concorde. Dans l'après-midi du 25 août, à 15h30, la garnison allemande se rend, tandis que le général von Choltilz se constitue prisonnier, aux mains de Raymond Dronne.

Le lendemain, les troupes alliées entrent dans Paris en triomphe. Les Espagnols participent au défilé de la victoire et accompagnent le général de Gaulle sur les Champs-Elysées. Ils défilent en portant des bannières aux couleurs de la Seconde République espagnole, tandis que les protestations ultérieures du régime de Franco sont ignorées par le gouvernement français.

Après quelques jours de repos dans le bois de Boulogne, la 9e compagnie abandonne Paris le 8 septembre pour repartir au front. Le 12 septembre, la compagnie se fait remarquer à Andelot, où 300 soldats allemands sont faits prisonniers. Le 15, les hommes de la Nueve traversent la Moselle au niveau de Châtel-sur-Moselle et établissent une tête de pont face aux lignes allemandes. Le général de Gaulle reconnait la valeur de l'unité, et le 26 septembre, il remet personnellement des décorations aux soldats dans la ville de Nancy. Le capitaine, Raymond Dronne, le sous-lieutenant canarien Miguel Campos, le sergent catalan Fermín Pujol et le caporal galicien Carmiño López reçoivent la Médaille militaire et la Croix de guerre. Les combats en Alsace commencent en novembre 1944[6]. Le 23 novembre, la Nueve entre dans Strasbourg, dernière grande ville française occupée. Le 1er janvier 1945, le capitaine Dronne leur rend hommage dans une lettre :

« Les Espagnols se sont remarquablement battus. Ils sont délicats à commander mais ils ont énormément de courage et une grande expérience du combat. Certains traversent une crise morale nette due aux pertes subies et surtout aux événements d'Espagne. »

La guerre se poursuit en 1945, jusqu'à la prise, le 5 mai, du « Nid d'Aigle », à Berchtesgaden. A ce moment, les pertes de la 9e compagnie s'élevaient à 35 morts et 97 blessés. Il ne restait plus que 16 Espagnols actifs dans la Nueve, beaucoup ayant été affectés à d'autres unités de l'armée française. A la fin de la guerre, certains restèrent dans l'armée française, tandis que d'autres retournaient à la vie civile.

Postérité et hommages

Le rôle de ces Espagnols tombe rapidement dans l'oubli. Aujourd'hui, rares sont les soldats de la Nueve encore vivant, mais leur part dans la Libération de la France, et surtout de Paris, est reconsidérée. En 2004, une plaque « Aux républicains espagnols, composante principale de la colonne Dronne » a été inaugurée quai Henri-IV, en présence de Bertrand Delanoë, du président du Sénat espagnol, Francisco Javier Rojo, de l'ambassadeur d'Espagne, Francisco Villar, et de deux survivants, Luis Royo Ibañez et Manuel Fernandez[7]. Une plaque similaire a été posée square Gustave-Mesureur, place Pinel (Paris 13e), une autre au centre de la place Nationale, (Paris 13e).

Le 24 février 2010, la mairie de Paris a remis la Grande Médaille de Vermeil à Manuel Fernandez, Luis Royo Ibañez et Raphaël Gomez[8][9][10].

Bibliographie

  • Raymond Dronne, La Libération de Paris, Presses de la Cité, Paris, 1970.
  • Evelyn Mesquida, La Nueve, 24 août 1944 : ces Républicains espagnols qui ont libéré Paris, Le Cherche Midi, 2011 (ISBN 2749120462)

Filmographie

  • La Nueve ou les oubliés de la victoire, documentaire d'Alberto Marquardt, produit par Point du jour, France Télévisions et l’ECPAD, 2010.

Sources

Références

  1. La Neuvième
  2. Allocution du Général Roquejeoffre quant au rôle des espagnols du Régiment de marche du Tchad
  3. Détail des hommes de la Nueve, selon son capitaine Raymond Dronne
  4. D'après le surnom donné par les soldats français aux Espagnols ou « Espingouins ».
  5. Denis Fernandez Recatala, « Ces Espagnols qui ont libéré Paris », Le Monde diplomatique, août 2004.
  6. « Le Régiment de Marche du Tchad prend garnison à Colmar », FNCV Infos et Actualités des Combattants Volontaires, 6 septembre 2010.
  7. Michel Lefebvre, « Les rouges espagnols à Paris », Le Monde, 26 août 2011.
  8. Site de l'ambassade de France à Madrid, « Paris honore ses héros Espagnols », 24 février 2010.
  9. « La Ville de Paris rend hommage aux survivants de la Nueve », Armées.com, février 2010.
  10. Luis Miguel Úbeda, « Francia rinde homenaje a los tres últimos supervivientes españoles de La Nueve », RTVE, 24 février 2010.

Liens externes


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