- Influence de la pensée bergsonienne chez Joseph Malègue
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Dans les premiers chapitres d'Augustin ou le Maître est là, Joseph Malègue décrit, à la manière de Péguy, l'humilité des agrégés des lycées provinciaux, dont le père d'Augustin fait partie, homme brillant, voué à la culture et à la pensée, meurtri par l'indiscipline qu'il subit dans sa classe, désespérant parfois de ce qu'il porte de meilleur en lui, pourtant jamais las de penser que «L'hémisphère supérieur du monde baigne dans la pensée, la liberté, trente siècles d'idées générales, d'Hésiode à M.Bergson » et que ces choses « sont comme chacun sait le tout du monde[1].»
Il y a dans cette naïveté (procédé de Malègue), un des hommages à Bergson (Monsieur Bergson) dont l'ouvrage est parsemé. Ils rendent compte surtout de la présence du philosophe de l'intuition et de la joie mystique dans l'œuvre de cet auteur. Tous ses commentateurs ont souligné la chose. Dans le renouveau actuel du bergsonnisme, des éléments permettent d'aller au-delà de ce que Wiliam Marceau (qui a le plus systématiquement traité des rapports entre Bergson et Malègue), n' hésite pas à appeler « la convergence de deux pensées » dans son livre paru à la Stanford University Henri Bergson et Joseph Malègue : la convergence de deux pensées, Saratoga, CA, Amna Libri, coll. « Stanford French and Italian studies » (n° 50), 1987.
Les relations entre Malègue et Bergson au plan historique
Henri Bergson fut le professeur de Malègue pendant une très courte période du premier trimestre de l’année scolaire 1899-1900 au Lycée Henri IV lorsque Malègue y préparait l’examen d’entrée à l’ Ecole normale supérieure [2].
Les contacts de Malègue avec Bergson à Paris avant 1914
Fin 1900, Bergson « avait quitté l’École Normale Supérieure pour le Collège de France où il enseigna jusqu’en 1914[3].» On sait que Malègue, de santé déficiente, ne put jamais réussir l’examen d’entrée à l’École normale, mais qu’il poursuivit ensuite des études de droit à Paris qui se conclurent par la publication d’une thèse de doctorat en 1913.
L’abbé Jean Lebrec a retrouvé dans les archives de l’écrivain vingt pages manuscrites qui sont des notes de lecture d’Emile Durkheim, ce sociologue qui, plus tard inspirera Bergson dans sa définition de la ‘’société close’’. Jean Lebrec pense à ce propos que la foi de Malègue « dut lui faire prêter intérêt, pour s’y confronter, à une pensée qui voulait le convaincre qu’il en devait les composantes à la collectivité. Sa croyance lui était-elle imposée comme le statut social ? Quelle part de liberté lui revenait dans sa ferveur ? Le débat se prolongera, à des plans différents, à travers ‘’Augustin’’ et ‘’Pierres noires’’. C’est dire avec quel sens de sa gravité, Malègue dut engager, en 1903, ce premier vif affrontement peut-être du croyant avec la pensée contemporaine [4].» (William Marceau pense que Bergson lui-même a pu forger sa pensée de la religion statique sur sa propre vision de l'intelligence et sur ce que dit Durkheim du rôle exclusivement social de la religion [5]) Jean Lebrec poursuit en insistant sur le fait que, au témoignage de Jacques Chevalier lui-même, Malègue fut entraîné par lui vers un autre maître, Bergson, dont les leçons au Collège de France étaient suivies par tout un public : « Il y avait là des philosophes et des savants, des jeunes gens, beaucoup de jeunes gens, avides d’apprendre et d’agir, des hommes las d’une trop longue oppression intellectuelle[6]…» Cette « oppression intellectuelle » et la libération qu’apportait Bergson sur un plan intellectuel, Raïssa Maritain en a parlé comme suit, évoquant la présence à ses côtés de Jacques Maritain, Georges Sorel, Ernest Psichari, Charles Péguy Henri Focillon…: « Nous partions pour les cours de Bergson émus d’une curiosité bouleversante, d’une attente sacrée. Nous en revenions portant notre cueillette de vérités ou de promesses, comme vivifiés d’un air salubre, exubérants, prolongeant encore et encore les commentaires sur la leçon du Maître [7].»
Et Jean Lebrec : « De fait, reprenant selon des perspectives personnelles et avec tout son génie l’effort de Ravaisson, de Lachelier et de Boutroux, Bergson fut un libérateur. Il libéra la méthode positive des sciences de l’ornière où elle s’embourbait ; par un effort puissant et neuf il la réconcilia avec l’exigence métaphysique, en portant cette dernière sur le terrain de l’expérience[8].» Il cite les mots écrits par Malègue dans l’exemplaire dédicacé qu’il fit parvenir à Bergson en 1933 et l’assurant : « de la gratitude intellectuelle que tous ceux de [sa] génération [lui] doivent »[9]. Quant au « terrain de l’expérience », Chevalier rappelle que Malègue lui parlait dès 1900 d’une «’’hagiologie’’ « qui permît de toucher expérimentalement l’absolu, en relief ou en creux, dans les états de l’homme, qui est fait pour la sainteté, mais qui a tant de peine à y atteindre et tant de facilité à en dévier[10].»
Autour d' Augustin ou le Maître est là
Jacques Chevalier a vu aussi sur le bureau de Bergson en 1933 l'exemplaire dédicacé d’Augustin que Malègue lui avait fait parvenir « bourré de marques et de feuilles intercalées » et rapporte l'éloge qu'en fit le philosophe : « c'est un livre tout à fait remarquable dont le seul défaut pour les lecteurs pressés - pour des lecteurs français - est d'être trop long : ce qui explique qu'on n'en ait point parlé comme on aurait dû le faire et comme il le mérite[11].»
Enfin, Joseph Malègue lui-même a témoigné à plusieurs reprises de sa dette intellectuelle à l’égard de Bergson. Notamment dans la lettre qu’il écrivit à Bergson en juin 1933, par laquelle il répondait aux remerciements du philosophe s’exprimant sur le roman de son ancien élève qu’il le lui avait dédicacé et que Bergson analysait brièvement : « J'ai voulu exprimer, (et là je n'avais pas encore pour me guider Les Deux Sources que pour qui cherche Dieu la fameuse preuve expérimentale, elle est dans l'expérience mystique à la fois éclatante et enveloppée, sans quoi nous vivrions en Éden [12].» Malègue veut dire que Dieu serait évident et la foi superflue. L'expression revient dans Augustin ou le Maître est là, notamment lorsque Augustin offre ses services de professeur de philosophie à Anne de Préfailles et remarque qu'il ne peut le faire qu'en travaillant de manière professionnelle, car « le surajouté doit l'être par l'auditeur ». Anne répond que sans cela il n'y aurait pas de foi, Mgr Herzog ajoutant qu'elle est un don de Dieu et Augustin concluant qu'au cas où Dieu serait évident « l'humble manière qu' a notre pauvre pensée de connaître Dieu serait changée, et le croyant vivrait en Éden [13].»
Il est souvent question de Bergson directement mis à contribution, notamment dans une scène où est soulignée à quel point le philosophe de l'Intuition pensait que la danse est liée à ce qu'est en profondeur la beauté féminine. Le professeur de philosophie d'Augustin lui donne à lire Essai sur les données immédiates de la conscience, le premier grand livre de Bergson [14]
Quelle influence de Bergson sur la littérature de son temps ?
Fernand Vial a écrit dans la revue américaine Thought « L’influence spirituelle de Bergson semble établie, en dépit de certaines déficiences et de possibles écueils de sa doctrine. Son influence littéraire cependant, ne peut pas être aussi clairement démontrée (…) D’une manière générale on peut dire que, en raison de son style, de son intérêt pour les problèmes psychologiques et de son appel permanent à l’expérience commune, Bergson a comblé le fossé existant entre la philosophie et la littérature. Une étude de la littérature contemporaine montrerait aisément que les notions de temps, de durée, d’espace, de conscience et de personnalité ont pénétré le roman, la poésie et le théâtre. Il serait absurde bien entendu de dire que tout auteur qui traite de tels sujets a médité l’ Essai ou Matière et mémoire. Mais le bergsonisme a seulement créé une atmosphère intellectuelle de laquelle la création littéraire ne peut pas s’abstraire [15].» William Marceau qui cite Fernand Vial pense cependant que pour des raisons historiques (rappelées plus haut), et que pour des raisons de fond, on ne peut pas nier que Bergson ait influencé Malègue et que leurs deux « pensées » ont évolué de manière parallèle et que « Bergson a exercé une influence sur Malègue[16].» Même si parfois, Malègue a pu parfois devancer Bergson ou si leurs itinéraires peuvent également converger. C’est ce qu’il pense principalement à propos de la notion de « classes moyennes du salut » chez Malègue.
Rupture avec le positivisme
André Cresson a écrit que du « progrès, au XIXe siècle, des sciences positives, et plus spécialement, des sciences de la nature fondées sur l'observation et l'expérimentation (...) était né le positivisme proprement dit, celui d'Auguste Comte. Mais beaucoup d'esprits (...) Forts, d'une part, des suggestions mécanistes de la physique et de la chimie, d'autre part, des théories évolutionnistes de Lamarck et de Darwin, enfin des conceptions associationnistes de la psychologie anglaise (...) s'acheminaient vers une théorie purement « scientiste » de l'univers et de l'humanité[17].» Ces deux philosophies s'accordant sur l'idée que « tout, dans le monde matériel psychologique et social, est soumis au déterminisme le plus régulier; rien ne se produit que suivant des lois constantes et générales; nulle part on ne trouve de miracle, de contingence, de liberté; quand certaines causes sont données, certains effets se produisent immanquablement[18].»
Pour William Marceau, si Joseph Malègue se montre auteur spirituel dans ses romans, « Ceci est dû à ses idées philosophiques et plus proprement métaphysiques. Comme Bergson, il était très ouvert à la pensée contemporaine. C'est en raison de ce courant de pensée positiviste, avec laquelle il n'était pas d'accord, qu'il a écrit des romans qui peuvent à juste tire être qualifiés d'antipositivites [19].» Et W.Marceau de citer Malègue qui regrette que, dans le monde contemporain « la pensée tend de plus en plus à déserter la métaphysique pour l'Expérimental [20].» Il s'agit bien entendu ici de l'expérience au sens positiviste du terme ou scientiste: en effet Malègue dira aussi qu'il est à la recherche de l'absolu dans l'expérimental, mais c'est dans un sens différent ou élargi de l' expérience. Cette expérience n'est pas seulement l'expérience scientifique dont Bergson s'aperçut, un jour, « avec étonnement » selon ses propres termes qu'elle est terriblement limitée. W.Marceau cite à cet égard une lettre restée fameuse écrite à William James : « Je m'aperçus, à mon grand étonnement, que le temps scientifique ne dure pas, qu'il n'y aurait rien à changer à notre connaissance scientifique des choses si la totalité du réel était déployée tout d'un coup dans l'instantané, et que la science positive consiste essentiellement dans l'élimination de la durée [21].»
« Cette situation fictive », ajoute Marceau « fait bien sentir que le temps de la science n'est pas celui de l'existence. Qu'est-ce donc alors que ce temps de l'existence auquel le bergsonisme affectera le mot durée? C'est le temps vécu et, comme tel, donné là où il est vécu, dans la conscience[22].» Ce temps vécu, la durée, c'est une façon de dire que le réel ne se limite pas à ce qui est appréhendé par l'expérience scientifique puisque la science est aveugle à celle-ci. De proche en proche Bergson va finir par prendre en compte jusqu'à l'expérience mystique qui s'appréhende dans le temps de la conscience, le concept-limite dira Frédéric Worms « rendu possible » chez Bergson « par sa doctrine philosophique même[23]...» « Nous croyons donc pouvoir conclure que Joseph Malègue et Henri Bergson, en réagissant tous deux contre la philosophie positiviste de leur époque, ont manifesté leur accord sur les valeurs spirituelles de l'existence en croyant l'homme capable de les atteindre[24].» Une réflexion du père d'Augustin résumé cette position : « On ne se passe pas d'idéalisme religieux. des deux formes de la pensée, l'esprit scientifique et es certitudes morales, ces gens suppriment la seconde et étendent la première à tout l'Être[25]...»
Un positivisme nouveau où la métaphysique est fondée sur l'expérience
Mais comme le montre Émile Poulat, cette rupture avec le positivisme est paradoxale. Il rappelle que l'année où Bergson publie Essai sur les données immédiates de la conscience, Alfred Fouillée publie L'Avenir de la métaphysique fondée sur l'expérience. À partir de là, Poulat distingue deux sortes de positivisme : « Le premier positivisme, c'était la fin de l'âge théologicco-métaphysique au profit de la science; le nouveau positivisme, c'est la science se posant des questions métaphysiques, théologiques[26].» Mais la science est ici à comprendre au sens de « philosophie », en tout cas pas de « sciences exactes ». Il ne s'agit pas du « spiritisme » aux « moyens courts et variés (...) accessibles à tous, pour communiquer avec les esprits » (et qui tenta rappelle Poulat, Victor Hugo et Gabriel Marcel). Il ne s'agit pas non plus de vérifier l'efficacité de la prière, ce que Charcot ou Alexis Carrel avaient expérimenté. Ni non plus de la méthode d'immanence, chère à Maurice Blondel montrant que l'exploration du réel amenait à l'idée d'un « surnaturel nécessaire », celui-ci n'étant pas de la compétence de la philosophie. Mais il s'agit d' un « appui dont le sérieux finit par s'imposer : les grands mystiques et le secret de leur expérience théopathique[27].» Parmi ceux-ci Bergson comme Jean Baruzi accordèrent beaucoup d'importance à Saint Jean de la Croix (Baruzi lui consacrant une très longue monographie). Ainsi Jean Baruzi écrit à l'abbé Frémont, le 13 juillet 1900 (il n'a pas encore vingt ans), que « ce qui n'est que métaphysiquement accessible, au prix d'arguments toujours discutables participe à la réalité indiscutables de faits, de paroles recueillies, authentiquement classées comme documents historiques. Le passage de l'infini au fini, métaphysiquement inexplicable, est grâce à la vie du Christ d'une part, grâce à l'Eucharistie de l'autre, lumineux pour toute âme sincère[28].» Joseph Malègue exprime cet état d'esprit de manière romanesque en imaginant dans son Augustin le dialogue entre Augustin et Largilier à Leysin où l'on lit que l'incarnation du Christ est « la facette qui frappait l'âme moderne, scientifique et mystique ensemble »: « Lui aussi, Augustin, jadis avait senti son cœur sollicité par la sainte Humanité de Jésus. Cette rencontre s'expliquait comme toutes les rencontres: le sujet flottait dans l'air religieux contemporain. Il avait sur les âmes la prise la plus naturelle et la plus forte. Des "fiches" lui étaient consacrées parmi celles qu'il avait relues dans la fameuse nuit [allusion à la nuit où la Foi d'Augustin s'effondre et où il est surpris dans sa thurne en cet état, par Largilier]. Dans le cristal adamantin des dogmes, c'était la facette qui frappait l'âme moderne, scientifique et mystique ensemble. La nature humaine de Jésus subissant les déterminismes que Sa nature divine avait Elle-même instituées, se soumettait au mécanisme social des expositions historiques lacunaires. Curieux pont suspendu entre la douleur et la question biblique, les entrelacs des lois positives le supportaient comme des filins[29].» Il faut noter aussi que la première grande étude de Pénombres, est Ce que le Christ ajoute à Dieu[30], alors que selon Émile Poulat il y a une carence de réflexion sur le Christ à l'époque, puisque le Dictionnaire de théologie catholique « juge inutiles les entrées « Pâques » en 1931 et « Résurrection » en 1937. Seules retiennent son attention la datation de Pâques et la résurrection des morts. La « carence christologique » du clergé français (...) aura duré plus de deux siècles, avec tous ses effets sur « le sens chrétien de l'homme »[31].»
Baruzi trouvera cela (l'incarnation et l'eucharistie) moins lumineux par après (mais l'orientation du « positivisme nouveau » comme l'appelle Poulat demeure). En 1910, il se tournera vers la mystique, louant, comme le fera Bergson, William James et son pragmatisme, James que l'on retrouve également chez Malègue.
Dans Augustin ou le Maître est là : de William James à Henri Bergson
Lors de l'examen de philosophie d'Anne de Préfailles dans Augustin ou le Maître est là (la VIe partie du roman intitulée Canticum canticorum pp. 351-535 dans la 11e éd.), dont Augustin se souvient avant d'aller déjeuner aux Sablons, celui-ci l'avait fait parler de William James décrivant l' expérience religieuse, dont l'étudiante a souligné le caractère personnel, c'est-à-dire, non ce que les sciences positives appellent expérience, valable pour toute raison humaine, estime Augustin. Or James pense qu'elle est cependant communicable par les voies où souffle l'esprit, soit de manière irrationnelle (estime Augustin), car la psychologie positive ne dispose pas d'instruments pour dire la spécificité de ces communications avec Dieu.
Le passage de James à Bergson
Il est à noter que dans la récente édition critique de l'ouvrage de Bergson Sur le pragmatisme de William James, Stéphane Madelrieux et Frédéric Worms souligne la grande importance pour le philosophe français de l'ouvrage du philosophe américain The Varieties of Religious Experience : A Study in Human Nature , New York and London, Longmans, Green & Co, 1902): « Cet ouvrage de James fut décisif pour Bergson sur qui il fit une « une profonde impression » : il est une étape importante dans le cheminement qui devait le conduire aux Deux Sources. Il lui reprend notamment l'idée du caractère personnel et vécu de la religion dynamique, qui s'incarne dans ces individus exceptionnels que sont les mystiques et les saints, et qui fait des traditions , des théologies et des Églises des cristallisations secondaires d'ordre intellectuel[32].» Ils citent à cet égard Les Deux Sources dans l'édition de 2008, p. 85: « ce sont les âmes mystiques qui ont entraîné et entraînent encore les sociétés civilisées », pp. 101-102 :« Les vrais mystiques s'ouvrent simplement au flot qui les envahit. Sûrs d'eux-mêmes, parce qu'ils sentent en eux quelque chose de meilleur qu'eux, ils se révèlent grands hommes d'action, à la surprise de ceux pour qui le mysticisme n'est que vision, transport, extase », p. 252: « nous nous représentons donc la religion comme la cristallisation, opérée par un refroidissement savant de ce que le mysticisme vint déposer, brûlant, dans l'âme de l'humanité » ce qui est l'écho de James écrivant « dans un monde où le sentiment religieux n'aurait jamais existé, aucune théologie n'aurait jamais été construite[33].»
Pour revenir à Augustin : Anne de Préfailles rétorque alors à celui-ci lors de son examen « C'est peut-être que la psychologie positive, bornée à l'étude expérimentale de l'individualité humaine, y est insuffisante? (...) Si par impossible (...) un chimiste ignorait la vie, il ne verrait nulle différence entre les éléments chimiques du protoplasme cellulaire et les autres molécules qui sont hors des protoplasmes, un peu plus de complexité seulement[34]. » Mais s'il sait les voir, dans un ordre spécial, c'est qu'il a déjà « l'idée de la vie » et Anne de Préfailles d'enchaîner: « De même celui qui ignore Dieu ne voit dans l'âme des saints qu'hallucinations, morcellement de personnalité pour tous les phénomènes de contact entre une âme et une Présence dont il n'a pas l'idée[35]... » Augustin lui répond qu'il n'y a de sainteté qu'aux yeux du croyant de même qu'il n'y a de conscience que pour l'observateur conscient et termine sur le monde interrogatif en estimant que cela « enferme le croyant en un subjectivisme bien strict, à l'abri des critiques mais impuissant aux conversions[36] ? » Il poursuit en citant Émile Boutroux estimant que lorsqu'un être a atteint toute la perfection dont il est capable,cette nature ne lui suffisant plus, il acquiert l'idée claire du principe supérieur dont cette nature s'inspirait. Ne connaissant pas cette référence qu'elle n'a pas à connaître, il lui dit alors que l'on est en pleine métaphysique « hors de toute atteinte de l'introspection » et lui concède : « vous pourriez me dire , il est vrai, que celle-ci en est cependant la source inavouée[37]... » Elle lui répond alors en citant le mot célèbre de Pascal« Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé ».
L'expérience de James vaut, selon Worms et Madelrieux, pour toute raison humaine, non (automatiquement) pour une conversion
On voit par Worms et Madelrieux, en tout cas, que l'influence de Bergson sur Malègue, à travers cet extrait, a pu passer par William James puisque les deux théories sont liées, selon ces spécialistes . Worms souligne trois caractéristiques de la démarche tant de James que de Bergson. Il y a d'abord que « l'expérience mystique fournit un fait à interpréter par un savant, ce savant étant psychologue comme c'est le cas de William James, ou philosophe comme c'est le cas de Bergson qui fait converger l'expérience mystique avec « d'autres lignes de faits », d'autres lignes d'expérience [38]...» Cette expérience est ensuite à envisager, non pas comme un fait donné du dehors par quelqu'un qui l'analyse comme un philosophe (Bergson) ou un psychologue (James), mais aussi comme « une rencontre entre un individu singulier et un principe absolu » (c'est-à-dire le mystique et Dieu), « une expérience qu'il faut alors envisager dans sa dimension existentielle comme telle[39].» Worms et Madelrieux mettent en cause l'interprétation étroitement pragmatiste de qu'on faisait en France de la pensée de James. Celui-ci avait dit que les expériences religieuses « apportent paix et sérénité à des âmes divisées » , « permettent de guérir de la mélancolie et de renaître du désespoir », « apportent de nouvelles énergies permettant de surmonter tous les obstacles » [40] Mais, selon les deux auteurs, quand il est interprété de cette façon « le pragmatisme religieux de James dissocie la question de la vérité des croyances religieuses de celle de l'existence objective de Dieu (peu importe que Dieu soit, du moment que la croyance en Dieu est avantageuse)[41].» Or pour Bergson, selon eux, le livre de James, loin de ce pragmatisme utilitaire « affirme l'existence d'une Source spirituelle à l'origine de ces expériences de guérison [42].» Et on sait que l'existence d'un accord profond entre les diverses manières dont les mystiques parlent de leur expérience, est, pour Bergson, également une vérité d'importance métaphysique car elle « est signe d'une identité d'intuition qui s'expliquerait le plus simplement par l'existence de l'Être avec lequel ils se croient en communication[43]. »
Et enfin, Worms souligne que « l'expérience mystique est envisagée par Bergson, mais aussi par James, comme apportant non seulement des faits, mais des critères - des critères permettant de discerner la véritable expérience mystique de la fausse expérience mystique (...) Une double critériologie (...) qui permet de distinguer le « vrai » et le « faux » mystique - en réalité : la vraie mystique et la fausse mythologie - mais aussi de définir l'expérience mystique elle-même comme rupture entre deux sortes d'expériences humaines, entre la souffrance et la joie, entre la clôture et l'ouverture (...) Nous verrons que si l'on doit aujourd'hui retenir quelque chose de Bergson et de James, c'est bien cette idée d'une polarité interne à notre expérience. Il me semble qu'aujourd'hui encore, le mystique est pour nous celui qui tient ensemble deux pôles : la négation et l'affirmation, l'obscurité et la lumière, et le passage de l'un à l'autre. Celui qui n'a que l'obscurité (...) qui n'accède pas ou refuse même la lumière, ne peut pas être dit « mystique »; celui qui n'a que la lumière, c'est-à-dire celui qui ne vit pas le passage de l'obscurité à la lumière par un point critique de retournement, par « l'instant mystique » (...), celui-là non plus peut-être. Dans le livre de James, c'est entre « l'inquiétude» (uneasyness) et la « délivrance » (deliverance) que se situe en effet le point critique du mysticisme. Ainsi (...) il y a bien, en effet un critère pragmatique du vrai mystique: c'est le passage « de l'inquiétude à la délivrance ». « Pragmatique », ici, veut dire que l'on se réfère bien en effet à un critère pragmatique du mysticisme : la véritable expérience mystique, c'est celle qui a cet effet-là sur notre vie. Le mystique ne s'atteste pas par un contenu dogmatique, une vérité contemplée, mais par un effet pratique, un effet de retour en quelque sorte sur notre existence, et cet effet est un effet de « délivrance », en tout cas un effet de rupture dans l'immanence même de notre vie[44].» Worms ajoute à tout ceci que nous ne pouvons pas renoncer à l'étude de l'expérience mystique « quelles que soient par ailleurs les croyances, les dogmes, les positions religieuses, théologiques ou métaphysiques que l'on veuille adopter [45].», donnant par là tort à Augustin sur la communicabilité de l'expérience en cause sans se prononcer sur la vertu qu'elle aurait de provoquer des conversions.
Pourtant par ailleurs, Augustin considère que dans la vie des saints, « on touche l'absolu dans l'expérimental[46].» Le grand ami d'Augustin Méridier, Largilier, « considérait Dieu, le Dieu catholique, comme une donnée, aussi donnée, aussi point de départ que n'importe quelle donnée d'expérience; et que si [Augustin] ne [voyait] pas ainsi c'est qu'[il] ne [regardait] pas dans l'âme des saints[47].»
Deux cas de devancement pratique de la certitude
Sur son lit de mort, Augustin rédige cet article qui se réfère à sa propre expérience dans la conversation avec Largilier, puisque, pour lui ces deux cas sont ceux de la « confession de semi-incrédules ». Il s'est ressenti comme le pont suspendu entre la douleur et la question biblique. La part de raison dans le retour à la foi d'Augustin évoque aussi, selon Moeller, « le tour d'esprit de Bergson qui essaye de rejoindre les réalités métaphysiques sur le chemin de l'expérimental »[48] Augustin a été induit en tentation de consentir, non par l'effet de quelque pulsion irrationnelle (la peur ou n'importe quelle émotion), mais à travers un raisonnement qui lui permettra d'accueillir, en homme libre, l'invitation qui va lui être faite par l'intermédiaire de Largilier. Moeller écrit: «Pascal et, après lui, Blondel ont admirablement montré que, en dernière analyse, c'est dans un geste, un acte précis, parfois un rite infinitésimal, que l'Unique nécessaire nous est communiqué[49].» Ce geste, c'est Largilier qui va inviter à le poser en « risquant le tout pour le tout » dit Moeller, soit en invitant Augustin à se confesser. On voit qu'il s'agit là de ce que Bergson, commentant le pragmatisme de William James, appelle les vérités « que nous appelons à se faire, qui dépendent en partie de notre volonté[50].» Même si cette idée est traditionnelle en philosophie, poursuit Bergson, la vérité n'est pas que ce qui est conforme à la réalité, ni seulement une vérité qui « serait déposée dans les choses et dans les faits » et que « notre science irait (...) chercher [qu'elle] tirerait de sa cachette [51].» Bergson admet cependant que la vérité est « indépendante, en grande partie au moins, de ce que nous disons ou pensons d'elle » , mais, poursuit Bergson , la vérité pour James « ne peut s'attacher qu'à ce que nous affirmons de la réalité » et elle « lui paraît être créée par notre affirmation. Nous inventons la vérité pour utiliser la réalité, comme nous créons des dispositifs mécaniques pour utiliser les forces de la nature[52].» Il reprend cette idée plus loin en donnant l'exemple du bateau à vapeur qui « recouvre la force qu'il met en jeu et lui assigne une direction que nous avons choisie nous-mêmes[53].» Pour S. Madelrieux, cette thèse de Bergson « sous-entend que certaines émotions, comme les émotions mystiques, sont de véritables inventions, marquées du sceau de leur créateur[54]. »
Stéphane Madelrieux ajoute enfin : « Contre le veto des scientistes, pour qui il ne faut pas croire sans preuves certaines, James a défendu la « volonté de croire », c'est-à-dire le droit légitime de recourir à notre « nature passionnelle » pour décider dans certains dilemmes vitaux lorsque les preuves scientifiques font défaut (ce qui est notamment le cas dans les questions morales et religieuses)[55].» Madelrieux ajoute que pour Bergson « l'homme ne se réduit pas pour James à l'intelligence logique (comme le veut le rationalisme), ni l'expérience aux seules donnée des sens externes (comme le veut l'empirisme positiviste[56]...»
Classes moyennes du salut et convergence entre Joseph Malègue et Henri Bergson
Au témoignage de Jacques Chevalier, Malègue lui avait exposé le 16 juin 1900, un projet d'étude des phénomènes de la sainteté. Son dessein était d'en tirer dit Chevalier, rappelons-le, « s'il se pouvait, une hagiologie qui permît de toucher expérimentalement l'absolu, en relief ou en creux, dans les états de l'homme, qui est fait pour la sainteté, mais qui a tant de peine à y atteindre et tant de facilité à en dévier[57].» A propos de Pierre noires, l'abbé Jean Lebrec, auteur de l'étude la plus fournie consacrée à Malègue, écrit que le quatrième grand livre de Bergson Les Deux Sources de la morale et de la religion en constitue « l'épine dorsale »[58]. William Marceau qui a le plus systématiquement étudié cette influence compare ce que Malègue appelle les classes moyennes du salut - les chrétiens qui voient leur engagement comme un compromis entre Dieu et la vie terrestre où celle-ci l’emporte – avec la religion statique de Bergson.
Pour Jean Lebrec, chez Malègue comme chez Bergson, les saints sont comme le Christ « dégagés des déterminismes sociaux et personnels, grâce à une ascèse exigeante[59].» Selon Lebrec, citant Malègue (et ceci en accord avec Jacques Chevalier dans sa préface à ‘’Pierres noires’’), le saint ouvre une voie pour indiquer « d'où venait et où allait la vie[60].» Lebrec estime aussi que la vie même du saint est en elle-même un appel à l'imitation et cite à nouveau Bergson: « Pourquoi les saints ont-ils été des imitateurs, et pourquoi les grands hommes de bien ont-ils entraîné derrière eux les foules? Ils ne demandent rien, et pourtant ils obtiennent. Ils n'ont pas besoin d'exhorter; ils n'ont qu'à exister; leur existence est un appel[61].» Pour Lebrec, « La pensée du Bergson des Deux Sources et du Bremond de l' Histoire du sentiment religieux [62], dont Malègue avait devancé très jeune les intuitions, se trouve maintenant incarnée dans son roman [Pierres noires]..., qui est en même temps le monde de son enfance recréé par la mémoire et la poésie. Leur pensée aura fourni à la trilogie projetée l'épine dorsale de sa signification spirituelle[63].»
Classes moyennes de la sainteté et l' appel du saint chez Bergson
La définition des classes moyennes du salut est donnée dans une fictive Relation des temps révolutionnaires. André Plazenat, un des héros de Pierres noires redécouvre dans les archives familiales une pièce manuscrite datant de la Révolution française. Elle est intitulée Relation écrite en sa prison de Feurs par M.Henri Casimir de Montcel, ci-devant président du Présidial de Riom en Auvergne[64]. C’est de là que l’on peut tirer les trois définitions des « classes moyennes du salut » chez Malègue.
Première définition des classes moyennes du salut (que l’on lit dans ce manuscrit et qui rapporte les propos d'un prêtre, l'abbé Le Hennin) : « Jésus nous ordonne de chercher premièrement le royaume de Dieu et sa justice et le reste nous sera donné par surcroît. Selon la première définition, les classes moyennes de la sainteté sont celles pour qui la justice et le surcroît se présentent ensemble sur l'échelle des préférences et des préoccupations, et le surcroît passe quelquefois le premier [65].» Il s'agit selon Malègue, dont Chevalier rappelle la pensée, d'un « compromis intenable entre le bonheur terrestre et l'Amour unique de Dieu qui fait les saints[66].»
Deuxième définition des classes moyennes du salut : « Ces hommes et ces femmes de la classe moyenne sont comme enclos, comme parqués en de grands corps, aux puissantes structures, soit que ceux-ci constituent des cités ou des royaumes avec leurs corps de lois et d'immenses traditions de vie, ou (...) en des commerces, des métiers et les mille habitudes enchevêtrées (...) Ce sont ces grands corps (...) et bien d'autres encore dont l'énumération serait infinie. Ils leur doivent presque tout d'eux-mêmes, de leur nourriture à leur langage, à leur pensée, sauf juste cette fine pointe suprême, ces rares minutes de silence intérieur que beaucoup ne connaîtront jamais, plus facilement peut-être quand tout s'apaise enfin autour d'eux, les derniers moments de leur conscience, ce calme qui précède la mort[67].»
Troisième définition des classes moyennes du salut (et retour de Bergson). Comme le dit Jean Lebrec, la troisième définition est surtout une catéchèse, même si elle éclaire encore sur leur statut : les classes moyennes « ne sauraient s'intéresser à une prédication qui ne tiendrait nul compte des intérêts terrestres, des conditions du bonheur matériel et de son harmonie finale avec celui du ciel[68].» À moins, pense Lebrec, qu'ils ne soient ébranlés par l'exemple contagieux du saint. Et pour lui on retrouve le Bergson des Deux Sources, et, dit Jean Lebrec, sa notion de l'appel : « La nature de cet appel, ceux-là seuls l'ont connue entièrement qui se sont trouvés en présence d'une grande personnalité morale (...) Ce pouvait être un parent, un ami que nous évoquions par la pensée. Mais ce pouvait être aussi bien un homme que nous n'avions jamais rencontré, dont on nous avait simplement raconté la vie [69].» Ce qui fait écho à Malègue lui-même cité par Lebrec: « Le bourgeon initial de cette vaste efflorescence qu'est le salut des classes moyennes où est incluse tant de fatalité, c'est une évasion de ces classes moyennes, un véritable saut dans le ciel au-dessus de leur niveau, c'est le libre martyre d'un saint [70].» Ce martyre, dans Pierre noires aurait dû être celui de Félicien qui eût sauvé les personnages du roman, en les faisant sortir de la religion des classes moyennes, de la religion statique.
Classes moyennes du salut, chez Malègue, religion statique et dynamique chez Bergson
Chez Bergson, la religion statique se définit comme une réaction de la vie (via la fonction fabulatrice) face à l'intelligence qui nous invite à viser notre intérêt plutôt que celui de la société close ou encore qui débilite notre attachement à la vie du fait qu'elle nous informe de ce que la mort est inévitable. Elle est aussi, écrit Frédéric Worms, « ce qui assure cette fonction dans l'espèce humaine : l'ensemble des représentations agissantes ou idéo-motrices issues de la fonction fabulatrice, et des institutions ainsi suscitées dans toute société à des fins de cohésion et de clôture[71]...»
Mysticisme, religion dynamique, expérience mystique chez Bergson et Malègue
Cependant ces effets (de sécurisation de la vie et de dépassement de soi vers la société mais cette fois une société ouverte), peuvent être obtenus « depuis une autre source, différente en nature, même si elle peut et de fait vient toujours se greffer sur ce fondement naturel: il s'agit de l'expérience mystique, qui rompt avec la religion « statique » et dont le mélange avec elle donne lieu à ce mixte qu'est la « religion dynamique » elle-même [72].»
Pour William Marceau, ce que Bergson appelle religion statique, c'est la religion des classes moyennes du salut. Il cite à cet égard un des héros de Pierres noires, Paul Vaton, qui vient de recevoir une lettre de Félicien, le saint, celui qui représente ici selon W.Marceau la religion dynamique alors que, pour Marceau, Vaton représente la religion statique[73].
Dans ce que cite W.Marceau, Paul Vaton cache une lettre de Félicien, gêné, parce que, dans sa famille, on a coutume de s'expliquer de tout courrier reçu et qu'il sent soit qu'on ne le comprendra pas, soit qu'il est indigne des confidences que lui fait son ami Félicien : « Ces sujets religieux dont je ne prenais guère que le curieux romanesque, que je sentais néanmoins intimité sacrée, ils eussent paru à mon père lettre morte. Sa vie religieuse, comme celle de l'immense majorité des hommes, n'était jamais allée plus loin que les traditionnelles pratiques que j'ai dites, et plus tard le nécessaire pour une digne et simple mort. Pour ma mère c'était pire, elle me savait parfaitement indigne de m'intéresser à des sujets réservés au clergé. L'admettre lui eût semblé caricatural et presque sacrilège. ma sœur Jeanne n'eût été que réception passive et lourde docilité, mais Marguerite, secrète, fine, un peu pointue, l'eût écoutée en un silence vaguement souriant, non pas en dessous, comme si elle avait connu dans son couvent bien des méditations et lectures spirituelles du même ordre, mais amusée de nos étonnements devant ces choses, ces hauts niveaux-là[74].»
Très proche du Bergson du quatrième grand livre du philosophe, Malègue avait même en quelque sorte anticipé déjà avec Augustin ou le Maître est là (paru début 1933) sur Les Deux Sources de la morale et de la religion, livre paru en 1932. Il l’explique dans sa lettre à Bergson déjà citée où il dit qu’il a voulu exprimer, sans avoir lu ‘’Les Deux Sources’’ que la preuve expérimentale de Dieu réside dans l’expérience mystique. Il l'explique aussi dans Le drame du romancier chrétien : « Toute âme profondément, uniquement religieuse nourrit une psychologie immense, spéciale, inretrouvable ailleurs (...) Ces âmes semblent constituer comme une autre et supérieure sorte d'Esprit (...) puisqu'elles sont les âmes des Saints et nous offrent à considérer l'immense psychologie mystique. C'est là, dans ces lieux où il se trouve, que le romancier chrétien doit avoir l'audace d'aller chercher son bien[75].»
Joie chez Bergson, souffrance chez Malègue, action chez les deux
La grande différence entre Henri Bergson et Joseph Malègue est l'insistance de l'un sur la joie du mystique, l'autre sur le salut par la souffrance. William Marceau rappelle à ce sujet la citation célèbre de L'Énergie spirituelle : « Le plaisir n'est qu'un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l'être vivant la conservation de la vie; il n'indique pas la direction où la vie est lancée. Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu'elle a gagné du terrain, qu'elle a remporté une victoire: toute joie a un accent triomphal [76].» Pour Malègue il s'agit du salut par la souffrance. Marceau pense que l'écrivain et le philosophe se rejoignent malgré tout : « Ces deux thèmes se rejoignent dans l'action. Car si pour Malègue l'amour commande l'apostolat auprès des classes moyennes à sauver, pour Bergson, « le mysticisme complet est action » [77]et c'est souvent la joie qui nous y conduit[78].»
La question de « l’absolu dans l’expérimental »
A cet égard, William Marceau cite longuement Malègue et son recueil théologique Pénombres : « Ce que l’on pourrait appeler la métaphysique de Dieu a paru fort peu ébranlable lorsque la métaphysique semblait la voie royale de la connaissance. Mais depuis l’avènement conjoint de la science positive et de la critique, les démarches de l’intelligence ont changé leur allure et c’est là, désormais, en ces rythmes nouveaux, qu’il faut nécessairement les suivre. Si l’on nous sollicitait de formuler en un seul mot l’essentiel penchant de la pensée contemporaine, nous dirions volontiers avec toutes les faiblesses et aussi toutes les forces des affirmations trop absolues : la pensée tend de plus en plus à déserter la métaphysique pour l’Expérimental. Elle y reviendra sans doute. Il se pourrait même qu’elle commençât d’y revenir. Mais non sans l’avoir d’abord déserté et s’être même enrichie au cours de ces désertions[79].»
L'expérience mystique comparée à l'expérience scientifique
William Marceau cite aussi, avec Henri Gouhier la réponse de Bergson au Père Tonquédec à propos de ses idées sur Dieu : « Je ne suis pas sûr de jamais rien publier à ce sujet. Je ne le ferai que si j’arrive à des résultats qui me paraissent aussi démontrables ou aussi « montrables » que ceux de mes autres travaux [80].» Pour Henri Gouhier cité Par William Marceau : « Vingt ans plus tard, Bergson publie ‘’Les Deux Sources de la morale et de la religion’’, c’est qu’il est en possession de tels résultats. Sans doute, il ne dirait pas comme Descartes qu’il a trouvé une démonstration de l’existence de Dieu aussi certaines que les vérités de la géométrie, mais le seul fait qu’il expose dans un livre ses vues sur le Dieu de la religion dynamique signifie qu’il leur accorde une probabilité comparable à celle des théories biologiques (…) Ainsi, de la première à la dernière page, l’œuvre de Bergson veut être une métaphysique positive[81].»
Dans Les Deux Sources Bergson tente de répondre à l'objection selon laquelle l'expérience mystique « ne peut pas être contrôlée par le commun des hommes, qu'elle n'est pas comparable par conséquent à l'expérience scientifique et ne surait résoudre des problèmes[82].» Il estime cependant que l'expérience scientifique n'est pas toujours susceptible de « répétition ou de contrôle ». Il donne à cet égard l'exemple des cartes tracées sur les indications données par les explorations de Livingstone. Certes, admet-il, la possibilité de refaire le trajet de Livingstone était possible en droit sinon en fait. Mais il ajoute qu'il en va de même pour les mystiques et le « voyage » qu'ils ont fait et que « ceux qui en sont effectivement capables sont au moins aussi nombreux que ceux qui auraient l'audace et l'énergie d'un Stanley allant retrouver Livingstone ». Il se réfère à William James : « William James déclarait n'avoir jamais passé par des états mystiques; mais il ajoutait que s'il en entendait parler par un homme qui les connût d'expérience « quelque chose en lui faisait écho »[83].» Le texte auquel Bergson se réfère - « quelque chose en lui faisait écho » - est tiré de William James, Les variétés de l'expérience religieuse. Essai de psychologie descriptive, Editions Exergue, Chambéry,2001, p. 368. James ajoute encore: « Mon tempérament m'interdit presque toute expérience mystique, et je n'en puis parler que d'après les autres[84].» Dans une lettre dont Elizabeth Michaël ne donne pas le correspondant, Joseph Malègue écrit, dans le même sens que Bergson citant lui aussi le même passage de James - « quelque chose en lui faisait écho » - , à un lecteur d’ Augustin en 1933 : « Je crois incontestable, comme l’a vu Hamelin, que la pensée scientifique contemporaine profite au vieux théisme, qui reprend vigueur, et ressuscite d’un absurde oubli (…) Il est très vrai aussi qu’entre le Dieu du théisme et la précision des dogmes, s’étend une distance que la pensée pure n’éprouve nulle tentation de franchir. Seulement, derrière la pensée pure, perce un état nouveau, d’une extraordinaire étrangeté, qu’on ne décrit exactement que depuis peu, dont on ne fait que pressentir l’incroyable portée métaphysique. (Car des ‘’Deux Sources’’, tout ne découle pas) : Je veux dire l’âme du Saint, qui aime Dieu d’un amour violent, jaloux et partagé. Certes le beau cas pur présente toute la rareté des grandes réussites biologiques (beauté, génie…), car lui aussi, le Saint, est soumis aux causes secondes. Mais l’expérience commune nous fournit un nombre suffisant de pressentiments et de premiers crayons. Si nous n’en contemplons que de fort bas la rareté éblouissante, quelque chose comme dit William James répond en nous, quand nous la voyons[85]. James a plusieurs fois exprimé cette idée que reprennent donc à leur compte tant Malègue que Bergson: « Personnellement, je n'ai aucune expérience mystique, mais seulement assez du genre mystique pour reconnaître d'où vient cette voix quand je l'entends[86].» Enfin, bien que ceci ne se retrouve pas nécessairement comme tel chez Malègue, il n'est pas inutile de rappeler ce qu'est la conclusion - ou la formule - que tire Bergson de l'expérience mystique, en ce qui concerne la nature de Dieu (saisie comme une personne par les mystiques et non comme une nature ): « Cette nature, le philosophe aurait vite fait de la définir s'il voulait mettre le mysticisme en formule. Dieu est amour, et il est objet d'amour: tout l'apport du mysticisme est là (...) [Cette formule] Ce qu'elle dit clairement, c'est que l'amour divin n'est pas quelque chose de Dieu : c'est Dieu lui-même[87].»
Parenthèse: comment Bergson complète L'Évolution créatrice par Les Deux Sources
Bergson prolonge toutes ces observations selon une ligne de pensée qui lui est propre. Notamment lorsqu'il formule la preuve de Dieu par l'expérience des mystiques chrétiens qui ne s'expliquent pas selo lui par une simple identité de tradition car « leur accord profond est signe d'une identité d'intuition qui s'expliquerait le plus simplement par l'existence réelle de l'Être avec lequel ils se croient en communication[88].» Ensuite quand il relie Les Deux Sources à L'Évolution créatrice, ce qu'André Cresson résume ainsi pour nous: « Dans ce livre, il n'a voulu tenir compte que des seules données de la biologie. L'expérience des mystiques permet d'envisager au-delà certaines« vraisemblances ». Pourquoi ne pas croire que la création est une entreprise de Dieu pour créer des Créateurs, pour s'adjoindre des êtres dignes de son amour[89]? Et Bergson écrit « Des êtres qui ont été appelés à l'existence qui étaient destinés à aimer et à être aimés, l'énergie créatrice devant se définir par l'amour. Distincts de Dieu qui est cette énergie même, ils ne pouvaient surgir que dans un univers et c'est pourquoi l'univers a surgi. Dans la portion d'univers qu'est notre planète, probablement dans notre système planétaire tout entier, de tels êtres pour se produire ont dû constituer une espèce et cette espèce en nécessiter une foule d'autres qui en furent la préparation le soutien et le déchet [90]... » Voilà ce que l'expérience des mystiques permet d'ajouter comme une probabilité à ce que L'Évolution créatrice suggérait fortement[91].»
Retour à Malègue : la convergence avec Bergson et James
Il y a une influence indéniable de James et Bergson sur Malègue mais il y a aussi une convergence.
Qu'est-ce que l' hagiologie?
Hagiologie : littéralement la science des saints ou encore de la sainteté. Yvonne Malègue dit de son mari: « La psychologie des saints, présenta pour lui, dès ses premières années d'études philosophiques, un très vif attrait. Il rêvait d'une hagiologie. C'est en 1898-99 qu'il eut l'intuition d'une idée reprise vingt-six ans plus tard par Bremond et trente-deux ans plus tard par Bergson. Elle consistait en ceci: on pouvait discerner dans le domaine des faits proprement psychologiques, une catégorie privéliée qui est celle des rapports de l'âme et de Dieu. Il fut amené là par un souci de prolonger les différents échelons positifs indiqués dans La contingence des lois de la nature de Boutroux: la physique servant de base à la chimie, celle-ci à la biologie, celle-ci à la psychologie. Il doit y avoir, et la vie des saints est là pour le montrer, un domaine supérieur pour lequel la psychologie n'est qu'instrumentale : c'est l'hagiologie se servant de la liberté humaine de la même manière que la biologie use de la contingence chimique - l'âme servant de matière première à la vie de Dieu[92].»
Dans De la contingence des lois de la nature Boutroux écrit : « Ainsi, c’est aller contre l’essence même de la conscience, que d’essayer de s’en rendre compte, par voie de construction analytique, en combinant les actions réflexes suivant les lois qui leur sont propres. Rien ne serait, à ce compte, plus complexe que la conscience. Il semble, au contraire, que rien ne soit plus simple, et que nulle part la nature ne s’approche autant de ce terme idéal : l’unité dans la perfection. La conscience n’est pas une spécialisation, un développement, un perfectionnement même des fonctions physiologiques. Ce n’en est pas non plus une face ou une résultante. C’est un élément nouveau, une création. L’homme, qui est doué de conscience, est plus qu’un être vivant[93].» De même que la liberté, si elle ne peut exister qu'en raison de la physiologie sans pourtant s'y réduire et n'être qu'une émanation de celle-ci, la relation de l'âme à Dieu, tout en étant rendue possible par la liberté, ne pourrait y être réduite, c'est-à-dire que, pour reprendre les mots de Boutroux, il s'agirait d' «un élément nouveau, [d'] une création ». C'est comme cela que l'on peut comprendre ce que Yvonne Malègue veut dire en disant que l'hagiologie instrumentalise la liberté, comme la psychologie instrumentalise la biologie ou la physiologie.
L'ambition philosophique de Malègue
Assez curieusement pratiquement aucun commentateur ne cite ce que Yvonne Malègue dit de l'ambition proprement philosophique de l'écrivain et penseur Malègue, même si elle dit aussi que Malègue lui-même admettait une certaine part de chimère dans son projet: « Quand il rappelait sa si nette intuition [trouver Dieu dans l'âme des saints], Malègue y notait la part de chimère que comporte toute pensée trop jeune : on devait trouver l'action de Dieu dans l'âme liée à des sortes de règles, à des consécutions expérimentales, toutes semblables à des lois positives, comme en biologie, comme en psychologie - ce qui résolvait la question du miracle, en maintenant l'existence du fait qualifié miraculeux, au point de vue des lois antérieures, mais expliqué par les lois hagiologiques. Postulat factice. Mais cette science nouvelle devait apporter un avantage immense, incommensurable avec tous les modes précédents de réfléchir sur Dieu, en faire une théologie positive, la transférer, ainsi que toute métaphysique, du plan conceptuel au plan expérimental. Dieu pas plus niable que l'âme humaine. On avait une métaphysique expérimentale[94].» Cette approche n'est pas exactement celle de Bergson, ni celle de James, mais on en perçoit les analogies avec les deux grands penseurs. Yvonne Malègue cite d'ailleurs immédiatement après ce résumé des ambitions philosophiques de Malègue ce qu'il répondit à Charly Clerc, un lecteur protestant d' Augustin ou le Maître est là.
Ce, protestant, Charly Clerc était professeur de littérature française à l’École polytechnique de Zurich. Malègue lui écrivit à propos d’ ’’Augustin’’, cette lettre du 7 juillet 1933 (à propos d’ ’’Augustin’’, mais d’une manière qui fait penser très clairement à ‘’Pierres Noires’’) sur le même sujet de la preuve expérimentale de Dieu: « Au fond Augustin rentre (conduit ? traîné ?) dans l’immense encadrement spirituel constitué par le monde des âmes qui ont aimé Dieu sans mesure, par ceux que, dans l’Église catholique, nous appelons les Saints. Il n’est pas de réalité plus intimidante. Je suis mal renseigné sur le mysticisme des Églises réformées, mais je suis sûr que dans les âmes graves, pures et fraternelles qui s’y abritent, elle doit résonner comme un bel orgue neuf (…) Qu’il y ait là, dans la vie des Saints, le chemin où trouver cette fameuse preuve expérimentale, qu’après Hamelin, l’intelligence contemporaine tend à exiger de Dieu, c’est ce dont W.James, un Protestant, eut le premier l’idée vive. Bergson l’a reprise dans les ‘’Deux Sources’’. N’en laissons point s’émousser le prodigieux relief. Cette réalité mystique qui nous conduit aux sommets du monde, et au cœur de l’explication humaine, comment faire, (ce qui est mon métier) pour lui conférer la vie romanesque ? Problème d’une difficulté extrême, non faute de données (elles surabondent), mais réellement par infériorité morale, par l’espèce de répulsion que suscite même à ses propres yeux, l’homme médiocre qui se permet d’en parler. Je n’ose dans le roman, montrer le Saint que de loin, dans un lointain actif et éblouissant, habité par le sentiment d’une efficace inépuisable. Mais tout roman d’âmes médiocres doit s’éclairer d’une référence aux âmes supérieures, sans lesquelles le mot d’âme médiocre n’a pas de sens, ni les dites âmes médiocres de levain pour lever, de quoi d’ailleurs elles n’ont cure [95]…»
Certains passages d' Augustin ou le Maître est là sont un écho à l'hagiologie dont Malègue a rêvé comme lorsque, dans la fameuse nuit où il a perdu la foi, Augustin passant en revue toute son évolution se rappelle « c'est le jour où Largilier me dit qu'il considérait Dieu, le Dieu catholique, comme une donnée aussi « donnée », aussi point de départ que n'importe quelle donnée d'expérience; et que si je ne voyais pas ainsi, c'est que je ne regardais pas où il fallait regarder, dans l'âme des Saints[96].»
Autres convergences ou accointances
Léon Emery rapproche la façon dont Malègue conçoit le mal « comme un affaiblissement de l'influx divin, une prépondérance de la matière » de Bergson qui conçoit « le déclin vital comme une minéralisation des corps vivants » [97], ou encore, sous la forme du positivisme qui consiste (selon Bergson) à se laisser séduire par la propension d'une certaine intelligence à « opérer sur des solides, ce qui la contraint à vouloir ramener tout ce qu'elle appréhende à la géométrie et à la mécanique »[98], ce qui fait que cette intelligence « s'isolant des autres forces spirituelles, provoque un dessèchement de l'âme et prépare d'ultérieures capitulations[98].»
Certains commentateurs ont parfois fait valoir que Malègue avait autant le sens des images que Bergson: « Il y a des descentes d'escaliers qui auraient rendu Proust jaloux; des conversations où entre la question et la réponse, nous avons oublié la question; des gaucheries, des répétitions affaiblissantes, des développements fastidieux... Seulement, nous avons affaire à une très forte imagination. L'abstraction est combattue, chez lui, par une fécondité d'images qui s'associe dans mon souvenir à celle de M.Bergson. Il s'y abandonne avec un grave plaisir [99].»
Bibliographie
- Émile Boutroux [De la contingence des lois de la nature, chapitre VII, L'homme http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/philo/textesph/Boutrouxcontingencelois.pdf], Paris, 1895.
- Joseph Malègue, Pénombres : glanes et approches théologiques, Paris, Spes, 1939, In-16, couv. ill, 236 p. (notice BNF no FRBNF324111420)
- Fernand Vial, ‘’Henri Bergson : Spiritual and Literary Influence’' in ‘’Thought’’, n° 16, juin 1941.
- André Cresson, Bergson. Sa vie. Son œuvre. Sa philosophie, PUF, Paris, 1946.
- Yvonne Malègue, Joseph Malègue, Casterman, Tournai, 1947.
- Raïssa Maritain, *Les Grandes Amitiés, coll. « Livre de vie », Desclée de Brouwer, 1949.
- Elizabeth Michaël (préf. Jacques Madaule), Joseph malègue, sa vie, son œuvre, Paris, Spes, 1957, In-16 (20 cm), 285 p. (notice BNF no FRBNF32447872x)
- Jacques Chevalier, Mon souvenir de Joseph Malègue Préface au roman inachevé de malègue Pierres noires, Spes, Paris, 1958, p. IX-XXIII, p. XIV.</ref>
- Henry Bousquet La Luchézière, Avant-propos à Pierres noires, Spes paris, 1958, pp. 1-8.
- Léon Emery, Joseph Malègue : Romancier inactuel, Lyon, Les cahiers libres, coll. « Les Cahiers libres » (no 68), sans date 1962, 25 cm, 141 p. (notice BNF no FRBNF329931393)
- Joseph Malègue, Le sens d'Augustin appendice posthume à Augustin ou le Maître est là, 11e éd., Spes, Paris, 1966, pp. CCMXXIII-CCMXLVI.
- Jean Lebrec, Joseph Malègue : romancier et penseur (avec des documents inédits), Paris, H. Dessain et Tolra, 1969, In-8° 24 cm, 464 p. (notice BNF no FRBNF353206072)
- William Marceau, Henri Bergson et Joseph Malègue : la convergence de deux pensées, Saratoga, CA, Amna Libri, coll. « Stanford French and Italian studies » (no 50), 1987, couv. ill. ; 24 cm, 132 p. (ISBN 0-915838-66-4 et 978-0915838660) (notice BNF no FRBNF34948260n) [présentation en ligne]
- Émile Poulat, L'Université devant la Mystique, Salvator, Paris, 1999. ISBN 2-7067-0219-2
- William James, Les variétés de l'expérience religieuse. Essai de psychologie descriptive, Editions Exergue, Chambéry, 2001.
- Henri Bergson, Les Deux Sources de la morale et de la religion, PUF, Paris, 2008, p. 262. Cité par Anthony Feneuil, Bergson, Mystique et philosophie, PUF, Paris, 2011,
- Henri Bergson, Sur le pragmatisme de William James édition critique réalisée par Stéphane Madelrieux et Frédéric Worms, PUF, Paris, 2011,
- Frédéric Worms, « La conversion de l’expérience », ThéoRèmes, Paragraphe 8 [En ligne], Philosophie, mis en ligne le 12 juillet 2010, consulté le 02 octobre 2011. URL : http://theoremes.revues.org/76 [archive]
- Frédéric Worms, Le vocabulaire de Bergson, Ellipses, Paris, 2000. ISBN 978-2-729-85829-2
Notes et références
- Joseph Malègue, Augustin ou le Maître est là, 8e éd., Tome I, Spes, Paris, 1947, p. 62 11e éd., Spes, Paris, 1966, p.57.
- Elizabeth Michaël, op. cit., p. 25
- William Marceau, Henri Bergson et Joseph Malègue : la convergence de deux pensées, op. cit. p. 4
- Jean Lebrec, op. cit., p.53.
- totémique en Australie, Paris 1912, pp. 13-17. William Marceau, op. cit. , p.89, qui cite l'ouvrage de Durkheim Les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système
- Jacques Chevalier, ‘’Bergson’’, Plon, Paris, 1926, p.55.
- Raïssa Maritain, ‘’Les grandes amitiés’’, Desclée de Brouwer, Collection Livre de Vie, Paris, 1949, p.82.
- Jean Lebrec, op. cit., p.54.
- Malgègue cité par Jean Lebrec, in op. cit., p. 54.
- Jacques Chevalier, ‘’Mon souvenir de Joseph Malègue’’, op. cit., pp. XI-XII ;
- Jacques Chevalier, Entretiens avec Bergson, Plon, Paris, 1959, p. 197-198.
- Lettre de Joseph Malègue à Bergson de juin 1933, citée par Elizabeth Michaël, ‘’Joseph Malègue, sa vie, son œuvre’’, Spes, Paris, 1957, p.176.
- Joseph Malègue, Augustin ou le Maître est là, Spes, Paris, 11e éd., pp.515-516.
- Augustin, 11e éd., p. 119.
- Fernand Vial, ‘’Henri Bergson : Spiritual and Literary Influence’ ’in ‘’Thought’’, n° 16, juin 1941 : « The spiritual influence of Bergson seems proved, in spite of deficiencies and possible dangers in his doctrine. His literary influence, however, cannot be so clearly demonstrated (…) Generally spaking it may be said that, by reason of his style, preoccupation with psychological problems and constant appeal to common experience, Bergson has bridged the gap between philosophy and literrature. A Survey of contemporary littérature would easily show that the notions of time, duration, space, cosciousness and personnality have inaded the novel, poetry and the theater. It would be, of curse, absurd to assume taht every author who treats of such topics has meditated the ‘’Essai’’ or ‘’matière et mémoire’’. Bergsonnism has only created an intellectual atmosphre from which literary creation cannot escape. »
- William Marceau, op. cit., p. 3.
- André Cresson, Bergson. Sa vie. Son œuvre. Sa philosophie, PUF, Paris, 1946, p. 11
- André Cresson, Bergson. Sa vie. Son œuvre. Sa philosophie, p. 12.
- William, Marceau, op. cit., p. 77.
- Joseph Malègue, Pénombres, Spes, Paris, 1939, p.21.
- Lettre de Bergson à William James du 9 mai 1908 in Henri Bergson, Sur le pragmatisme de William James, PUF, Paris, 2011, p. 77, cité par W. Marceau, op. cit., p. 14.
- W.Marceau, Ibidem.
- Frédéric Worms, Le vocabulaire de Bergson, Ellipses, Paris, 2000, p. 50.
- William Marceau, op. cit., p.82.
- Augustin11e éd., p.88;
- Émile Poulat, L'Université devant la Mystique, Salvator, Paris, 1999, p. 142.
- E.Poulat, op. cit., pp. 142-143.
- Agnès Siegfried, L'abbé Frémont, Félix Alcan, Paris, 1932, 2 vol., Tome I, p. 137.
- Augustin, 8e éd., t. II p. 489, 11e éd., p. 787.
- Joseph Malègue, Ce que le Christ ajoute à Dieu in Pénoombres, Spes, Paris, 1939, pp. 4-74
- Émile Poulat, op. cit., p. 151.
- Henri Bergson, Sur le pragmatisme de William James édition critique réalisée par Stéphane Madelrieux et Frédéric Worms, PUF, Paris, 2011, note 10) de Madelrieux et Worms p. 114.
- William James, Les formes multiples de l'expérience religieuse, Félix Alcan, Paris, p.401.
- II, pp. 53‒54, 11e éd., pp. 391‒392. Augustin, 8e éd., t.
- II, p. 54, 11e éd., p. 392. >Augustin, 8e éd., t.
- "Augustin 11e éd., p. 392
- II, p. 55‒56, 11e éd., p. 392‒393. Augustin, 8e éd., t.
- http://theoremes.revues.org/76 Frédéric Worms, « La conversion de l’expérience », ThéoRèmes Paragraphe 7 [En ligne], Philosophie, mis en ligne le 12 juillet 2010, consulté le 02 octobre 2011. URL :
- http://theoremes.revues.org/76 Frédéric Worms, « La conversion de l’expérience », ThéoRèmes, Paragraphe 8 [En ligne], Philosophie, mis en ligne le 12 juillet 2010, consulté le 02 octobre 2011. URL :
- Worms et Madelrieux, op. cit. pp. 115-116.
- Worms et Madelrieux, op. cit. p.116
- Worms et Madelrieux, ibidem.
- Henri Bergson, Les Deux Sources de la morale et de la religion, PUF, Paris, 2008, p. 262. Cité par Anthony Feneuil, Bergson, Mystique et philosophie, PUF, Paris, 2011, p. 7.
- http://theoremes.revues.org/76. Passages soulignés par Worms. Frédéric Worms, « La conversion de l’expérience », ThéoRèmes Paragraphe 10- Paragraphe 11 [En ligne], Philosophie, mis en ligne le 12 juillet 2010, consulté le 02 octobre 2011. URL :
- http://theoremes.revues.org/76 Frédéric Worms, « La conversion de l’expérience », ThéoRèmes Paragraphe 12 [En ligne], Philosophie, mis en ligne le 12 juillet 2010, consulté le 02 octobre 2011. URL :
- Joseph Malègue, Augustin ou le Maître est là, Spes, Paris,1966, 11e éd., p. 156.
- Augustin, 11e éd., p. 309.
- Charles Moeller, Littérature du Vingtième siècle et christianisme, Casterman, Tournai, 1953, p.290
- Charles Moeller, op. cit., p.
- Henri Bergson, Sur le pragmatisme de William James, op. cit., p. 6
- Sur le pragmatisme de William James, op. cit., p. 7.
- Sur le pragmatisme..., p. 9.
- Sur le pragmatisme, p. 12.
- S. Madelrieux, Dossier critique in Sur le pragmatisme,op. cit. pp. 109-133, p.119.
- Stéphane Madelrieux, 'Dossier critique de Henri Bergson Sur le pragmatisme de William James PUF, Paris, 2011, pp. 109 -133, pp. 111-112 (note 8)
- S.madelrieux, op. cit.,p.112.
- Jacques Chevalier, Mon souvenir de Joseph Malègue, préface à Pierres noires. Les classes moyennes du Salut, Spes, Paris, 1958, pp. IX-XXIII.
- Jean Lebrec : Joseph Malègue romancier et penseur (avec des documents inédits), H.Dessain et Tolra, Paris, 1969.p.389
- Jean Lebrec, Joseph Malègue, romancier et penseur, H.Dessain et Tolra, Liège,1969, p.389.
- Henri Bergson, Les Deux Sources de la morale et de la religion, PUF, Paris, 1932, p. 274.
- Les Deux Sources, p.30.
- Histoire littéraire du sentiment religieux en France depuis la fin des guerres de religion jusqu'à nos jours (11 vol.) 1916-1933 réédition en 2006.
- Jean Lebrec, op. cit., p. 389.
- in Joseph Malègue, Pierre Noires, pp.416-442.
- Relation, in Pierres Noires, p. 433.
- Jacques Chevalier, op. cit., p. XI.
- Relation in Pierre noires, p. 434.
- Relation in Pierres noires, p. 436.
- Henri Bergson, Les Deux Sources, op. cit., p. 30.
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- Frédéric Worms, Le vocabulaire de Bergson, Ellipses, Paris, 2000, p. 57.
- Frédéric Worms, ibidem.
- Stanford University,1987, p. 60. William Marceau, Henri Bergson et Joseph Malègue la convergence de deux pensées, Stanford French and Italian studies,
- Pierres noires, p. 534. Cité par W.Marceau op. cit., 91.
- La Haye, Nimègue, Ruremonde et Louvain les 6, 7, 9 et 11 mars 1935, reproduite dans Jean Lebrec, L'art de la nouvelle selon Joseph Malègue, H.Dessain et Tolra, Paris, 1969, pp.113-119, p. 118. Joseph Malègue, Le drame du romancier chrétien (conférence donnée à
- Henri Gouhier, PUF, Paris, 1959, pp. 832-833. Cité par W.Marceau, op. cit.,p. 121. L'Énergie spirituelle in Henri Bergson. Œuvres, textes annotés par André Robinet, introduction par
- Les Deux Sources, op. cit., p. 240.
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- Joseph Malègue ‘’Ce que le Christ ajoute à Dieu’’ in ‘’Pénombres’’pp. 13-74, p. 21. Cité par William Marceau, op. cit., p. 77.
- André Robinet, PUF, Paris, 1972, p. 964. ’’À Joseph de Tonquédec’’ in ‘’Mélanges’’, textes réunis par
- Henri Gouhier, ‘’Le Bergsonnisme dans l’histoire de la philosophie française’’, in ‘’Revue des Travaux de l’Académie des Sciences morales et Politiques, séance du 11 mai 1959, pp. 183-200.
- H.Bergson, Les Deux Sources, PUF, Paris, 2008, p. 260.
- H.Bergson, Les Deux Sources, PUF, Paris, 2008, p.260.
- William James, Les variétés de l'expérience religieuse. Essai de psychologie descriptive, Editions Exergue, Chambéry, 2001, p. 363.
- Lettre de Joseph Malègue citée par Elizabeth Michaël, op. cit. pp. 181-182.
- W.James, Extraits de sa correspondance, trad .F.Delattre et M. Le Breton, Paris, 1924. Lette de James à Edwin D.Starbuck du 24 août 1909.
- Les Deux Sources, p. 267.
- Les Deux Sources, op. cit., p. 262.
- Les Deux Sources, p. 276.
- Les Deux Sources, p. 275.
- André Cresson, citant Les Deux Sources in Bergson, sa vie, son oeuvre, sa philosophie, PUF, Paris, 1946.
- Yvonne Malègue, Joseph Malègue, Casterman, Tournai, 1947, pp. 29-30.
- http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/philo/textesph/Boutrouxcontingencelois.pdf] Émile Boutroux [De la contingence des lois de la nature, chapitre VII, L'homme
- Yvonne Malègue, op. cit., p. 30.
- Lettre de Joseph Malègue à Charly Clerc du 7 juillet 1933, citée par Elizabeth Michaël, op. cit., pp. 170-171. Citée par Yvonne Malègue in Joseph Malègue op. cit., pp. 32-34.
- Augustin, 8e éd., t. I, p. 339, 11e éd., p. 308.
- Léon Emery, ‘’Malègue romancier inactuel’’, Les cahiers libres, Lyon, 1969, p. 128.
- Léon Emery,op. cit. p. 130
- Je suis partout, 2 septembre 1933. André Bellesort Augustin ou le Maître est là,
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