Espérance de vie humaine

Espérance de vie humaine
Carte indiquant l' espérance de vie à la naissance dans les États membres de l'ONU en 2006.
70 ans et plus      82 ans et plus      80-81 ans      78-79 ans      76-77 ans      74-75 ans      72-73 ans      70-71 ans      indisponible moins de 70 ans      65-69 ans      60-64 ans      55-59 ans      50-54 ans      45-49 ans      40-44 ans      35-39 ans      moins de 35 ans

L'espérance de vie à la naissance est une des données statistiques les plus utilisées en termes de prospective et de projections démographiques[1],[2],[3], et pour évaluer le niveau de développement et l'indice de développement humain d'un État ou d'une région du monde.

Elle permet de quantifier les conditions de mortalité une année donnée : l' espérance de vie à la naissance est égale à la durée de vie moyenne d'une population fictive qui vivrait toute son existence dans les conditions de mortalité de l'année considérée.

Ainsi, contrairement à ce que l'intitulé « espérance de vie » peut laisser penser, ce n'est pas une prévision quant aux probabilités de décès des années ultérieures : dire par exemple que l'espérance de vie des hommes en 2000 est de 75 ans ne signifie pas que les hommes nés en 2000 vivront en moyenne 75 ans. Ils vivront en moyenne 75 ans seulement si les conditions de mortalité qu'ils vont rencontrer tout au long de leur vie vont correspondre à celles de l'année 2000. Donc, si les progrès continuent, les hommes nés en 2000 devraient vivre en moyenne plus de 75 ans. Mais il est possible aussi que les conditions se dégradent dans le futur.

Cette statistique est calculée sous l'égide de l'ONU, et publiée par de nombreux organismes, incluant l'OMS.

L'espérance de vie à la naissance se calcule à partir des quotients de mortalité par âge, c'est-à-dire des probabilités de décéder dans l'année pour des personnes qui atteignent un âge donné (mais elle peut aussi se calculer à partir des taux de mortalité). À chaque âge, le risque de décès est donc mesuré par le quotient par âge observé cette année-là. Elle synthétise donc les conditions de mortalité de l'année, sous forme d'une génération fictive. Elle diffère de la moyenne des âges au moment du décès de toutes les personnes mortes au cours d'une année qui, elle, est sensible à la structure par âge de la population.

Dans la quasi totalité des pays, l'espérance de vie des femmes est plus importante que celle des hommes.

Les guerres, les désastres naturels et les épidémies la font diminuer, alors que les progrès de la médecine et du niveau de vie (hygiène, vaccins, alimentation ...) tendent à l'allonger.

Sommaire

Calcul

Espérance de vie à la naissance d'une population non décédée

Le calcul de l'espérance de vie à la naissance une population encore vivante au moment de l'étude s'opère en deux phases[4] :

  • Dans un premier temps, les démographes calculent la probabilité de décéder à chaque âge (la probabilité de mourir à 1 an, à 2 ans, etc). Pour cela, ils rapportent le nombre de personnes décédées à un âge donné au nombre de personnes ayant cet âge dans la population l'année considérée. Par exemple, les démographes ont calculé qu'en 2000, 0,08 % des Français âgés de 30 ans sont décédés en cours d'année. Ce même calcul est étendu à tous les âges possibles (de 0 à l'âge le plus élevé de la population analysée). Les démographes obtiennent ainsi le taux de mortalité par âge.
  • Dans un second temps, les démographes se basent sur une génération fictive de 1 000 personnes. Sachant que la mortalité des individus qui ont moins d'un an en 2000 est de 4 ‰, ils retirent 4 individus et ainsi de suite : à l'âge de 30 ans, ils retirent 0,08 % des individus restants, et ce jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucun individu. À la fin de l'opération, tous les membres de cette génération fictive sont décédés, il ne leur reste alors plus qu'à faire la moyenne des âges de décès observés.

Remarque : ce calcul utilise le taux de mortalité observé en 2000, c'est-à-dire qu'on considère que le taux de mortalité par âge demeure constant dans le futur.

Statistiques

Évolution

Evolution de l'espérance de vie entre 1978 et 1998.
     Pays pour lesquels l'espérance de vie a augmenté de plus de dix ans.      Pays pour lesquels l'espérance de vie a diminué.

Au Canada, en 1901, en tenant compte de la mortalité infantile élevée, une femme « moyenne » née dans le pays pouvait espérer vivre jusqu’à 50 ans et un homme, jusqu’à 47 ans. Seuls 44 % des femmes et 38 % des hommes atteignaient 65 ans. Ceux qui y parvenait pouvait encore espérer vivre dix années (en moyenne) [5]. L'espérance de vie en bonne santé ou sans dépendance[6] s'est améliorée, mais n'a cependant pas évolué au même rythme[7]. Là encore de fortes différences existent entre hommes et femmes.

Depuis le début du XIXe siècle, période où l'espérance de vie des Français était au plus bas avec une moyenne de 33 ans (François de Closets, 1970, p. 201), celle-ci n'a cessé d'augmenter.

De 1900 à 2000, l’espérance de vie en France (moyenne hommes et femmes) est passée de 48 à 79 ans, soit une hausse de 65 % en un siècle seulement. Cette avancée a été le résultat de nombreux progrès :

Les causes individuelles ont également joué un rôle dans l’augmentation de l'espérance de vie. La prise de conscience de l’importance de la prévention a modelé les comportements : diminution de la consommation d’alcool, hygiène, asepsie, prise de conscience de l’importance de l’activité physique et de l’équilibre alimentaire pour la santé.

Aujourd'hui, la prévention des risques de santé par l'individu constitue le moyen le plus efficace pour permettre la poursuite de l'augmentation de l'espérance de vie dans les pays développés. Or, il semble qu'une compression de la morbidité se produise effectivement : c'est-à-dire que les individus vivent de plus en plus longtemps sans présenter d'incapacités ou de dépendances.

Cependant, comme le fait remarquer la philosophe Hannah Arendt, on peut considérer que l'espérance de vie n'augmente en Occident que par rapport à la période des débuts de l'industrialisation, dont certains aspects sont nocifs pour la vie humaine. En revanche, si l'on considère une durée plus longue, les données que nous possédons sur les anciens à Rome et en Grèce montrent que ces derniers vivaient communément jusqu'à 70 ou 80 ans, sans considérer la mortalité des moins de dix ans et des esclaves (en les comptant, l'espérance de vie chute à environ 12 ans, ce qui est beaucoup moins qu'à l'ère industrielle). De même, certains groupes humains traditionnels ont une espérance de vie similaire aux sociétés occidentales sans que cela puisse être attribué à la médecine moderne, comme en Kabylie ou en Arménie (Hannah Arendt, 1953, La Condition de l'homme moderne, p. 183. Toutefois, il n'y a aucune preuve que ces gens disent leur âge véritable et, de toutes manières, il s'agit d'une moyenne des âges, pas d'une mesure de l'espérance de vie, et cette dernière était malgré tout meilleure en 1900 qu'en 1750[8]). En outre, un certain nombre d'études suggèrent que chez les groupes humains adoptant des modes de vie « civilisés », la fréquence des infections augmente plutôt qu'elle ne diminue (Edouart Goldsmith, 1994, Le Défi du XXe siècle, p. 261). Ces auteurs supposent donc que les progrès scientifiques et techniques résolvent des problèmes par la médecine qu'ils ont eux-mêmes créés par la modernisation des modes de vie (Serge Latouche, 1995, La Mégamachine, raison techno scientifique, raison économique et mythe du progrès, p. 89).

De 1970 à 2009, l'espérance de vie des Américains augmentait de 2,6 mois/an en moyenne mais, en 2010 aux États-Unis, malgré une baisse de la mortalité infantile, qui atteint un minimum historique, l'espérance de vie a, pour la première fois depuis le XIXème siècle, diminué (d'un peu plus d'un mois, passant de 77,9 à 77,8 ans et plus précisément 80,3 ans pour les femmes et 75,3 ans pour les hommes)[9]. D'importantes inégalités sociales persistent, par exemple entre les populations blanche et noire (4,6 ans de moins pour les noirs). Les causes de cette régression sont une dégradation de la santé aux États-Unis : les maladies cardiaques (dues notamment à l'obésité) et une augmentation des taux de cancer (principales causes de mortalité aux États-Unis, avec 48 % des décès en 2008). Les maladies respiratoires et de la maladie d'Alzheimer (en hausse de 7,5 %), la grippe et des pneumonies (en hausse de 4,9 %), l'hypertension (+4,1 %), les suicides (+2,7 %), et les maladies rénales (+2,1 %) viennent ensuite comme principales explications selon les CDC.
En 1998, un homme âgé de 20 ans pouvait espérer vivre encore 45 ans à l'abri d'une maladie grave (maladies cardiaques, cancer ou diabète). Ce nombre est tombé à 43,8 en 2006. Soit une baisse de 1,2 années en 8 ans.

Notes et références

Statistiques par pays

Espérance de vie[10]
Pays Homme Femme
Japon 78,0 84,7
Canada 78,7 83,8
Australie 78,9 83,0
France 78,1 84,8
Royaume-Uni 75,8 80,5
États-Unis 74,6 79,8
Chine 69,6 72,7
Brésil 65,7 72,3
Égypte 65,3 69,0
Russie 58,4 72,1
Inde 60,1 62,0
Nigeria 48,0 49,6

Depuis quelques années, des espérances de vie en bonne santé sont également calculées. Ainsi, l'OMS publie depuis 2001 une statistique appelée espérance de vie en bonne santé, qui ne tient pas compte des années de vie durant lesquelles les individus souffrent de maladies incurables. Eurostat publie annuellement depuis 2004 une statistique appelée Healthy Life Years (HLY ; en français, littéralement, Années de vie en bonne santé), basée sur la déclaration des limitations d'activité. Les États-Unis utilisent des indicateurs similaires dans le cadre de leur programme national de promotion de la santé et de prévention des maladies « Healthy People 2010 » (en français, littéralement, Personnes en bonne santé). De plus en plus de pays utilisent aujourd'hui des espérances de vie en bonne santé pour surveiller la santé de leur population.

Différence entre hommes et femmes

Le fait que l'espérance de vie des hommes soit de plusieurs années inférieure à celle des femmes dans la plupart des pays « suscite la réflexion et [...] questionne » les chercheurs, qui tentent des explications[11]. Mais il est certain que le rôle social attribué à l'homme est souvent un peu plus dangereux que celui attribué aux femmes. En effet, la machisme, bien que diminué dans de plus en plus de pays, continue à donner l'idée que les hommes sont "forts", ce qui incite à se préoccuper moins de leur santé que de celle des femmes. D'autre part, la différence d'espérance de vie entre les hommes et les femmes seraient aussi due à une génétique un peu meilleure chez les femmes, du fait de leur fonction corporelle à développer un fœtus et alimenter des nourrissons.[réf. nécessaire]

Facteurs déterminants

Une équipe de chercheurs de l'université de Cambridge (Royaume-Uni), en partenariat avec le Medical Research Council, a mené une enquête sur 20 244 individus pendant 14 ans (entre 1993 et 2007), dont 1 987 sont décédés en cours d'enquête, afin de déterminer l'impact du mode de vie sur l'espérance de vie[12]. L'étude conclut que le « mode de vie idéal » - absence de tabac, consommation d'alcool égale ou inférieure à un demi verre par jour, consommation de 5 fruits et légumes par jour, exercice physique d'une demi heure par jour - majore l'espérance de vie de 14 ans par rapport au cumul de quatre facteurs de risque[13]. Le cumul des quatre facteurs de risque (tabac, alcool, manque de fruits et légumes et d'exercice physique) multiplie le risque de décès par 4,4, trois facteurs, de 2,5, deux facteurs de près de 2 et 1 facteur de 1,4. Selon le professeur Kay-Tee Khaw, premier signataire de l'étude, « c'est la première fois que l'on analyse l'effet cumulé des facteurs de risque sur la mortalité »[13].

Une évolution future incertaine

Alors que les projections de l'Insee et l'ONU prédisent une évolution vers le haut, certaines études[14] contredisent ce scénario. Elles relèvent principalement la non prise en compte de phénomènes considérés comme des « bombes à retardement » que sont l'obésité, les maladies dues à l'amiante, le tabagisme et les impacts des produits phytosanitaires et de la pollution sur la santé (augmentation impressionnante et avérée du nombre de cancers[15]). L'augmentation importante des cas de cancers - près de 200% entre 1980 et 2005 en France - ne peut en effet être expliquée par les seuls facteurs démographiques (vieillissement et accroissement de la population) ou médicaux (amélioration du dépistage)[16]. Quoiqu'il en soit la mortalité due au cancer régresse - tout au moins dans nombre de pays développés dont la France[17] - et ne réduit donc pas l'espérance de vie. C'est pourquoi les deux indicateurs suivants sont plus pertinents.

L'espérance de vie corrigée de l'incapacité ou en bonne santé

Un indicateur proche a été mis au point par l'OMS pour représenter le nombre d'années passées en bonne santé, Espérance de vie corrigée de l'incapacité abrégé en EVCI.

Un autre indicateur a été mis au point par Eurostat pour représenter le nombre d'années passées en bonne santé : l'Espérance de vie en bonne santé.

Notes et références

  1. Révision de 2004, Résumé de 17 pages en Français, PDF, Nations Unies ; New York, 2005
  2. Révision de 2006, Résumé de 21 pages en Français, PDF, Nations Unies ; New York, 2007
  3. Perspectives démographiques mondiales 1950-2050 : révision de 2008 (DAES 2009D), source des estimations et projections démographiques de l’Organisation des Nations Unies. Préparé tous les deux ans par la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales (DAES) des Nations Unies, ce rapport intègre les données des registres d’état civil, des recensements de la population et des études démographiques au niveau national.
  4. Site de l'Institut National d'Étude Démographique.. Consulté le 27 juillet 2008
  5. Étude « Une analyse de l’évolution de l’espérance de vie sans dépendance au Canada entre 1986 et 1996 », publiée dans le rapport sur l’état de la population du Canada, 1998-1999, produit no 91-209-XPF au catalogue de Statistique Canada.
  6. Laurent Martel et Alain Bélanger, L’espérance de vie sans dépendance au Canada ; Tendances sociales candiennes, Automne 2000 ; Statistique Canada — No 11-008 au catalogue (Télécharger l'étude)
  7. L.M. Verbrugge, « Longer Life but Worsening Health? Trends in Health and Mortality of Middle-Aged and Older Persons », Milbank Memorial Fund Quarterly / Health and Society, vol. 62, no 3, 1984, p. 475 à 519 ; E.M. Crimmins, « Are Americans Healthier as Well as Longer-Lived? », Journal of Insurance Medicine, vol. 22, no 2, 1990, p. 89 à 92 ; S. J. Olshansky, M.A. Rudberg, B.A. Carnes, C.K. Cassel et J.A. Brody, « Trading Off Longer Life for Worsening Health », Journal of Aging and Health, vol. 3, no 2, 1991, p. 194 à 216.
  8. http://www.ined.fr/fr/tout_savoir_population/graphiques_mois/esperance_vie_france/.
  9. Source : étude publiée le 9 décembre 2010 par les CDC (Centers for Disease Control and Prevention).
  10. Chiffres Organisation mondiale de
    la santé (OMS), 2003
  11. La nécessaire compréhension entre les sexes, Paul-Edmond Lalancette, p. 32 à 38, Québec, 2008.
  12. Public Library of Medecine, n°de la semaine du 9 janvier 2008, cité dans Le Figaro, 9 janvier 2008, page 12
  13. a et b Une vie saine peut accroître la longévité de 14 ans, dans Le Figaro, 9 janvier 2008, page 12
  14. Espérance de vie, la fin des illusions, par Claude Aubert. Editions Terre Vivante, mars 2006.
  15. (fr) Le nombre de cas de cancers augmente-t-il ou diminue-t-il dans le monde ?, OMS, Avril 2008
  16. [1] Analyse de l'augmentation de l'incidence des cancers en France, Médecine Science, Mars 2009, Vol. 25, n°3, EDP Sciences]
  17. [2] Évolution de la mortalité par cancer en France de 1950 à 2006]

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Perspectives démographiques mondiales 1950-2050 : la révision de 2008 (DAES 2009D) (Source officielle des estimations et des projections démographiques de l’Organisation des Nations Unies).


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Espérance de vie humaine de Wikipédia en français (auteurs)

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