Médecin de peste

Médecin de peste
Docteur Schnabel de Rome, pendant la peste noire (gravure de Paul Fürst 1656) : tunique recouvrant tout le corps, gants, bésicles de protection portées sur un masque en forme de bec, chapeau et baguette.

Un médecin de peste, appelé aussi docteur de peste, était un médecin spécialisé dans la prise en charge de la peste bubonique. Engagés et payés[1] par les villes touchées par l'épidémie pour s'occuper des riches comme des pauvres, ce sont rarement des médecins ou des chirurgiens expérimentés formés à traiter cette maladie, mais le plus souvent des médecins de second ordre sans grande réussite professionnelle, ou de jeunes médecins essayant de s'établir, car leur contact avec les pestiférés entraîne un taux de mortalité élevé parmi eux. Au XVIIe siècle et XVIIIe siècle, certains médecins portent un masque en forme de long bec blanc recourbé (ce bec de corbin fait qu'ils sont alors comparés à de lugubres vautours[2]) rempli d'herbes aromatiques conçues pour les protéger de l'air putride selon la théorie des miasmes (en) de l'époque.

Sommaire

Histoire

Le pape Clément VI engage plusieurs médecins de la peste pendant la Peste noire en 1347 pour assister les malades d'Avignon. À cette occasion il leur accorde le privilège de réaliser des autopsies dans l'espoir de découvrir la cause du mal et sa thérapeutique[3].

La communauté des docteurs de peste est privilégiée : la ville d'Orvieto embauche Matteo fu-Ange en 1348 pour des honoraires 4 fois plus élevés qu'en temps normal (50 florins par an). Lorsque Barcelone dépêche deux médecins de peste à Tortosa en 1650, des bandits les capturent en route et demandent une rançon payée par la ville de Barcelone.

Costume

Article détaillé : Costume du médecin de peste.
Caricature d'un médecin de peste de Marseille : manteau, masque, bottes et chapeau sont en cuir.

Certains médecins de peste portent un costume spécifique, bien que des sources graphiques montrent une grande variété de vêtements non spécifiques.

Charles de Lorme (en), premier médecin de Louis XIII, imagine en 1619 un costume protecteur : « le nez long d'un demi pied (16 cm) en forme de bec, rempli de parfums n'a que deux trous, un de chaque côté à l'endroit des ouvertures du nez naturel ; mais cela peut suffire pour la respiration et pour porter avec l'air qu'on respire l'impression des drogues renfermées plus avant le bec. Sous le manteau, on porte des bottines, faites de maroquin (cuir de bouc et de chèvre) du levant, des culottes de peau unie qui s'attachent aux dites bottines et une chemisette de peau unie, dont on renferme le bas dans les culottes, le chapeau et les gants sont aussi de même peau... des bésicles sur les yeux ». La tunique en lin ou en toile cirée et le cuir constituent sans doute une carapace contre les puces, protection se révélant efficace à l'usage, découverte empirique car ce mode de transmission n'est pas encore connu à l'époque. D'abord utilisé à Paris, son usage se répand ensuite dans toute l'Europe. Des épices et herbes aromatiques (thym, matières balsamiques, ambre, mélisse, camphre, clous de girofle, laudanum, myrrhe, pétales de rose, styrax, vinaigre des quatre voleurs) sont tassés ou imprègnent des éponges qui sont enfilées à l'intérieur du nez le plus souvent en carton bouilli ou en cuir[4].

Agents testamentaires et de la santé publique

Les médecins ont servi comme officiers de santé publique (à l'instar des chirurgiens-barbiers et des apothicaires) pendant les périodes d'épidémies. Dirigés par des commissaires de santé (capitaines ou prévôts de santé selon les époques), leur tâche principale, en plus de prendre soin des victimes de la peste, est l'enregistrement des décès dus à la peste. Enregistrement d'abord épisodique puis systématique dès le XVIIe siècle à Londres dans les Bills of Mortality (en) (registres de mortalité). Leur action a ainsi contribué à la naissance de la statistique sanitaire[5].

Assistant souvent aux agonies, il lui arrive de conseiller le patient et devenir l'exécuteur testamentaire. Après le Moyen Age, la nature de la relation entre le médecin et le patient est alors régie par un code d'éthique de plus en plus complexe.

Méthodes

Ces médecins, imprégnés de la théorie des humeurs d'Hippocrate, pratiquent des saignées et d'autres remèdes magiques comme placer des grenouilles sur les bubons afin de « rééquilibrer les humeurs ». Ils utilisent une baguette (verge blance ou rouge dite canne de Saint Roch) pour examiner les malades ou des pinces à long manche pour les opérer à distance (ouverture ou cautérisation des ganglions infectés). Pendant une épidémie, ils sont tenus à l'écart de la population et peuvent également être soumis à quarantaine.

Médecins de peste connus

  • Nostradamus dont les conseils sont : éliminer les cadavres infectés, ventiler les maisons avec de l'air frais, boire de l'eau propre et potable ou du jus de cynorrhodon. Dans son Traité des fardemens (en) il recommande de ne pas à saigner le patient.
  • Giovanni de Ventura (en) engagé par contrat comme médecin de peste par la ville italienne de Pavie en 1479
  • Niall Ó Glacáin (en), médecin irlandais qui gagne le respect profond de l'Espagne, la France et l'Italie pour son courage dans le traitement de nombreuses victimes de la peste.
  • Paracelse soigne la peste mais dans son Traité de la peste continue à colporter les croyances populaires de l'époque[6].
  • Ambroise Paré combat l'épidémie de peste à Lyon en 1564 et rédige en 1568 un Traicté de la peste, de la petite vérolle et rougeolle.
  • Jean Bauhin, médecin officiel de la peste à Genève en 1570, avec la « gaule en main »[7].
  • Paul-Louis Simond démontre en 1898 le rôle de la puce du rat dans la transmission de la peste bubonique.

Notes et références

  1. Cet engagement est concrétisé dans un contrat entre le médecin de peste et la ville(en)
  2. Les fossoyeurs ou porteurs de cadavres volontaires ou recrutés de force portant ce masque sont appelés des corbeaux.
  3. Stéphane Barry et Norbert Gualde, « La plus grande épidémie de l'histoire », L'Histoire, no 310, juin 2006, p. 47
  4. Salzmann, Masques portés par les médecins en temps de peste, n°1 , janvier 1932, Æsculape, p. 5-14
  5. Graziella Caselli, Jacques Vallin, Guillaume J. Wunsch, Histoire des idées et politiques de population, INED, 2006, p. 312
  6. Jean Wirth, La jeune fille et la mort, Librairie Droz, 1979, p. 122
  7. Paul Delaunay, La vie médicale au XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Slatkine, 2001, p. 141

Sources

Sur les autres projets Wikimedia :

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Médecin de peste de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Costume du médecin de peste — Docteur Schnabel de Rome, pendant la peste noire (gravure de Paul Fürst 1656) : tunique recouvrant tout le corps, gants, bésicles de protection portées sur un masque en forme de bec, chapeau et baguette. Le costume du médecin de peste était… …   Wikipédia en Français

  • Peste — Pour les articles homonymes, voir Peste (homonymie). Peste Classification et ressources externes …   Wikipédia en Français

  • Peste Noire — Pour les articles homonymes, voir Peste noire (homonymie). La peste noire (en anglais Black Death signifiant littéralement mort noire) est une pandémie de peste bubonique[1],[2] qui …   Wikipédia en Français

  • Peste noire (pandémie) — Peste noire Pour les articles homonymes, voir Peste noire (homonymie). La peste noire (en anglais Black Death signifiant littéralement mort noire) est une pandémie de peste bubonique[1],[2] qui …   Wikipédia en Français

  • Peste de Marseille (1720) — Pour les articles homonymes, voir Peste de Marseille. La peste de Marseille de 1720 constitue un épisode historique marquant, toujours présent dans la mémoire collective des Marseillais. Elle est la dernière épidémie de peste enregistrée en… …   Wikipédia en Français

  • Peste d'Arles (1720-1721) — À Arles, la peste de 1720 1721, venue de Marseille contaminée le 25 mai 1720, fut tardive et particulièrement violente. Cette contagion qui emporta plus de 40 % de la population avec environ 10 000 décès pour 23 000… …   Wikipédia en Français

  • Peste antonine — On appelle peste antonine l’épidémie pestilentielle qui frappa l’empire romain à la fin de la dynastie antonine, durant les règnes de Marc Aurèle et Commode, entre 165 et 190. Elle doit son surnom « antonine » à la dynastie qui… …   Wikipédia en Français

  • Peste Blanche — Tuberculose Tuberculose Classification et ressources externes CIM 10 A15 A19 CIM 9 010 018 La tuberculose est une maladie infectieuse transmissible et non immunisante, avec des signes cliniques variables. Elle est provoquée par une mycobactérie… …   Wikipédia en Français

  • Médecin Suk — École Suk L École Suk est une organisation médicale fictive issue du cycle de Dune de Frank Herbert. Fondée par Mohandas Suk après les ravages de la peste robotique sur les mondes de la Ligue des Nobles, au cours du Jihad Butlérien, l’école est… …   Wikipédia en Français

  • Mur de la peste — 43° 53′ 41″ N 5° 08′ 22″ E / 43.89476, 5.139465 …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”