- Théorie des humeurs
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Popularisée par les Écrits hippocratiques, la théorie des humeurs fut l'une des bases de la médecine antique. Selon cette théorie, le corps était constitué des quatre éléments fondamentaux, air, feu, eau et terre possédant quatre qualités : chaud ou froid, sec ou humide. Ces éléments, mutuellement antagoniques (l'eau et la terre éteignent le feu, le feu fait s'évaporer l'eau), doivent coexister en équilibre pour que la personne soit en bonne santé. Tout déséquilibre mineur entraîne des « sautes d'humeur », tout déséquilibre majeur menace la santé du sujet.
Sommaire
La théorie dite des humeurs
La santé (de l'esprit ou du corps) varie en fonction de l'équilibre des humeurs dans le corps, la « crase ».
Humeurs et tempéraments
Pour les anciens, il existe quatre humeurs :
- le sang : produit par le foie et reçu par le cœur (caractère sanguin ou jovial, chaleureux)
- la pituite ou flegme ou lymphe : rattachée au cerveau (caractère lymphatique)
- la bile jaune : venant également du foie (caractère « bilieux », c'est-à-dire anxieux)
- la bile noire ou atrabile : venant de la rate (caractère mélancolique).
Ces humeurs correspondent aux quatre éléments, eux-mêmes caractérisés par leurs propres qualités:
Selon leur prédominance, ils vont déterminer les quatre tempéraments fondamentaux :
- le bilieux (chaud et sec), est « enclin à la colère »[1].
- l'atrabilaire (froid et sec), « se dit de celui qu'une bile noire et aduste rend triste et chagrin[2]. »
- Le flegmatique (froid et humide), "se dit de l'homme calme et imperturbable, qui garde son sang-froid." Presque apathique.
- le sanguin (chaud et humide), « Celui en qui le sang prédomine sur les autres humeurs. Il est d'humeur gai, parce qu'il est sanguin, d'un tempérament sanguin[3]. »
Influence des saisons
Selon le physicien, quand les saisons varient, tel ou tel élément prédomine.
Ainsi en hiver, c'est la pituite[4] qui domine, ainsi que le prouvent selon Hippocrate les maladies pituiteuses qui sont caractéristiques de cette saison : rhumes et bronchites avec expectoration de phlegme[4]. Au printemps, quand la saison encore humide se réchauffe, c'est le tour du sang, avec le risque de maladies hémorragiques[4]. L'été chaud et sec échauffe la bile et aggrave les affections bilieuses et les fièvres. L'automne, sec et froid, favorise la bile noire et la mélancolie[4]. Cette connaissance des saisons est importante pour le médecin qui doit s'en souvenir lors du diagnostic et de l'élaboration d'un traitement.
Ainsi un tempérament plutôt sanguin n'est plus le même au printemps ou en été, en automne ou en hiver. Chaque saison correspondant à un élément : printemps - l'air / été - le feu / automne - la terre / hiver - l'eau.
Il en concluait que les gens avaient un tempérament sanguin au printemps et flegmatique en hiver...
Influence des âges de la vie
Les âges de la vie correspondent à une évolution de l'individu qui possède une chaleur maximale au début de sa vie qu'il perd peu à peu pour devenir un vieillard froid. Lorsque l'absence de chaleur rend la coction des humeurs, notamment du sang, impossible, le sujet meurt.
Ces âges de la vie correspondent aux saisons. Les hommes ont leur printemps, leur été, leur automne et leur hiver. Mais comme les grands cycles du temps correspondent aux petits cycles, une journée est aussi comme une année, avec sa chaleur sèche du jour et sa froideur humide de la nuit. Le médecin doit donc observer les heures et les saisons les plus favorables pour saigner ou purger les malades, le microcosme étant soumis aux rythmes du macrocosme.
Manque et surplus
Lors d'un déséquilibre, quand une humeur l'emporte sur toutes les autres, ou que son influence est excessive, les maladies physiques et psychiques surviennent. Les traitements sont donc calculés pour rétablir l'équilibre et les régimes pour le maintenir : on peut corriger l'excessive froideur des vieillards en leur faisant boire un peu de vin, mais la chaleur excessive des jeunes gens leur interdit absolument cette boisson. Si l'humeur ne peut s'évacuer naturellement (par vomissement, expectoration, saignement de nez, urine ou défécation), on peut avoir recours à des remèdes qui vont la provoquer (cholagogues, diurétiques, purgatifs, saignées).
Dans le cas contraire, lorsqu'une humeur fait défaut, on peut y remédier par une nourriture appropriée, ou des exercices.
C'est précisément à l'un de ces troubles qu'Hippocrate s'intéresse : La mélancolie ou "spleen" [venant du grec σπλήν ("splèn") signifiant la "rate", la "mauvaise humeur"]. Il inspirera plus tard des écrivains symbolistes tel que Baudelaire, qui écrira Les Fleurs du mal en puisant ses idées dans cette théorie.
Pour les anciens l’atrabile, encore appelée mélancolie ou bile noire, est un liquide froid et sec (contrairement à la pituite ou lymphe (phlegme), froide et humide).
Postérité
Cette théorie a eu une grande influence sur les lettres et les arts. À la renaissance, elle inspire l'iconographie de nombreuses œuvres peintes ou gravées[5], telle par exemple cette série de feuilles volantes dessinées par Herman Müller et gravée par Maarten van Heemskerck, « Les Quatre Tempéraments » (Université de Liège). Publiées à Anvers par l'éditeur Jérôme Cock, établi à l'enseigne des « Quatre Vents », elles font partie de ces nombreuses séries didactiques que la gravure rendait accessibles à un public trop peu fortuné pour acheter des tableaux. La théorie des humeurs était donc largement répandue dans le nord de l'Europe. Elle fait l'objet de multiples allusions dans le théâtre élisabéthain[6] où elle a notamment donné naissance à la Comédie des humeurs, créée par l'auteur dramatique anglais Ben Jonson. Elle permet la résurgence d'archétypes traditionnels popularisés par l'allégorie médiévale. La colère (Ira), par exemple, devient le colérique bilieux, souffrant d'un excès de bile rouge.
La théorie des humeurs fut défendue toute sa vie par le biologiste Auguste Lumière (1862-1954), sous le nom de théorie humorale[7] alors qu'elle avait été abandonnée depuis longtemps par les spécialistes de l'époque[8]. Gérard de Lacaze-Duthiers surnomma Lumière le "Père du Néo-Hippocratisme"[9]. La théorie humorale d'Auguste Lumière ne fut pas reconnue par l'Académie des Sciences à l'époque du fait que celui-ci n'était pas médecin[10].
Bibliographie
- Dominick Léaud-Zachoval La naturopathie au quotidien, Ed.Quintessence 2002 - 2005 - 2008 Tempéraments hippocratiques en naturopathie.
- Raymond Klibansky, Erwin Panofsky, Fritz Saxl, Saturne et la mélancolie, Paris, Gallimard, 1989 (ISBN 2070715663)
- Robert Burton (1577-1640), Anatomie de la mélancolie, Paris, Gallimard, 2005 (ISBN 2070416453)
- Noga Arikha, Passions and Tempers: A History of the Humours (Passions et tempéraments, histoire des humeurs), Ecco, 2007 (ISBN 0060731168)
Notes et références
- Dictionnaire de L'Académie française, première édition (1694), p. 101
- Dictionnaire de L'Académie française, quatrième édition (1762), p. 117
- Dictionnaire de L'Académie française, première édition (1694), p. 440
- Hippocrate (préf. Émile Littré), Œuvres complètes, vol. 6, « de la Nature de l'homme »
- Saturne et la mélancolie
- « His life was gentle, and the elements // So mix'd in him that Nature might stand up // And say to all the world 'This was a man! » (Sa vie fut honnête, et les éléments // Si bien dosés en lui que la Nature pourrait se mettre debout // Et dire à la face du monde : « Lui, c'était un homme ! ») Voir Hamlet, Prince mélancolique qui envie son ami Horatio, homme équilibré qui n'est donc pas le jouet de ses passions (Hamlet, acte III, scène ii), ou ce passage de Jules César (acte V, scène v) où Antoine fait l'éloge de Brutus :
- Un héros de la pensée, Auguste Lumière et son oeuvre. Le problème de la tuberculose devant l'opinion. Gérard de Lacaze-Duthiers, Albert Messein, Paris, 1946, p. 49.
- Les horizons de la médecine, Auguste Lumière, Albin Michel, Paris, 1937, p. 26.
- Un héros de la pensée, Auguste Lumière et son oeuvre. Le problème de la tuberculose devant l'opinion. Gérard de Lacaze-Duthiers, Albert Messein, Paris, 1946, p. 13.
- La vie laborieuse et féconde d'Auguste Lumière, Paul Vigne, Durand-Girard, Lyon, 1942, pp. 107, 135, 202, 318, 337, 410.
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