Bataille de Bouvines

Bataille de Bouvines

50°35′0″N 3°13′30″E / 50.58333, 3.225

Bataille de Bouvines
Bataille de Bouvines gagnee par Philippe Auguste.jpg
Horace Vernet : La bataille de Bouvines
Informations générales
Date 27 juillet 1214
Lieu Bouvines
Issue Victoire française décisive
Belligérants
Blason pays fr FranceAncien.svg Royaume de France Armoiries empereur Othon IV.png Guelfes
England COA.svg Royaume d'Angleterre
Blason Nord-Pas-De-Calais.svg Comté de Flandre
Commandants
Blason pays fr FranceAncien.svg Philippe Auguste
Blason Ducs Bourgogne (ancien).svg Eudes de Bourgogne
Blason Comtes de Dreux.svg Robert de Dreux
Armoiries Ponthieu.svg Guillaume de Ponthieu
Armoiries empereur Othon IV.png Otton IV
Armoiries Dammartin.png Renaud de Dammartin
Blason Nord-Pas-De-Calais.svg Ferrand de Flandre
Blason Lorraine.svg Thiébaud de Lorraine
Armoiries Brabant.svg Henri de Brabant
Counts of Holland Arms.svg Guillaume de Hollande
Namur Arms.svg Philippe de Courtenay-Namur
Blason Geoffroy Plantagenet.svg Guillaume de Longue-Épée
Forces en présence
env. 7 000
dont 1 500 chevaliers
env. 9 000
Pertes
moins de 1 000 plus de 1 000
Guerre franco-anglaise (1202-1214)

La bataille de Bouvines a lieu le dimanche 27 juillet 1214 . Elle oppose les troupes royales françaises de Philippe Auguste, renforcées par les milices communales et soutenues par Frédéric II de Hohenstaufen, à une coalition anglo-germano-flamande menée par Otton IV.

Sommaire

Le contexte

Article détaillé : Capétiens contre Plantagenêt.

En 1214, le royaume est menacé: Jean sans Terre a réussi à monter, contre Philippe Auguste son suzerain, une vaste coalition avec Renaud de Dammartin comte de Boulogne, Guillaume Ier comte de Hollande, le fils cadet du roi de Portugal Ferrand comte de Flandre, Henri Ier duc de Brabant, Thiébaud Ier duc de Lorraine, Henri III duc de Limbourg et surtout l'empereur romain germanique Otton IV. La plupart des seigneurs installés entre l'Escaut et le Rhin se joignent à cette coalition. L'année précédente, alors que Philippe Auguste guerroyait déjà contre Ferrand de Flandre, les Anglais avaient anéanti la flotte française dans le port de Damme (31 mai 1213). Les coalisés envisagent un plan d'invasion d'envergure dans lequel les troupes anglaises de Jean sans Terre attaqueraient par La Rochelle et Otton et ses alliés à la tête de 100 000 hommes[1] par le Nord. En Flandre, Philippe Auguste ne contrôle plus que les villes de Douai et de Cassel.

Philippe Auguste dépêche le prince Louis - le futur Louis VIII de France - garder la Loire à la tête d'une armée de 14 000 hommes. À la nouvelle de cette victoire, Philippe Auguste décide de prendre l'initiative sur le front nord avec le reste de son armée, avant que les renforts lorrains et allemands ne rejoignent les troupes de l'empereur.

Avant la bataille, une préparation tactique remarquable

Otton avec son armée arrive le 12 juillet à Nivelle et se dirige vers Valenciennes où il plante son camp.

Le 23 juillet, après avoir convoqué ses vassaux, ses arrière-vassaux et la milice des communes, Philippe Auguste et son armée, forte de 20 000 cavaliers et 39 000 piétons[1], quitte Péronne pour Douai et plante l'oriflamme de Saint-Denis à Tournai le 26. Le roi entend couper ses ennemis des renforts en provenance d'Allemagne et tente de surprendre Otton par le Nord-Est.

L'empereur a vent de la manœuvre de Philippe Auguste et se déplace à Mortagne à quelques lieues de l'armée royale. Après avoir observé l'armée d'Otton à deux lieues de distance, Philippe Auguste propose à ses généraux d'attaquer. Les barons, conscients de leur infériorité numérique, le lui déconseillent; il décide de se replier sur Lille.

Otton pense qu'il veut éviter la bataille et ses armées pensent que l'ennemi fuit. Otton dispose alors son armée en trois colonnes.

  1. La colonne de gauche conduite par le comte Ferrand, se compose de la noblesse flamande et hollandaise ;
  2. La colonne du centre sous le commandement direct de l'Empereur comprenait 800 hommes d'armes du Brunswick, l'infanterie allemande et et un corps de réserve de 16 000 saxons ;
  3. La colonne de droite commandée par Renaut de Boulogne était formée des vassaux de Renaut, de vieilles bandes de routiers et de Brabançons qu'il avait pris à sa solde et de 6 000 chevaliers ou archers anglais conduit par le comte de Salisbury frère naturel de Jean Sans Terre.

Ils suivent l'armée française qui se replie le dimanche 27 juillet. Arrivée à proximité d'un étang sur sa droite et d'un bois sur sa gauche, l'armée française doit traverser la Marque et emprunter le pont de Bouvines situé entre Cisoing et Sanghin, nous dit Guillaume le Breton chroniqueur de Philippe II et auteur de La Philippide ; c'est un véritable entonnoir: étang à gauche et bois à droite, on ne peut se battre ni dans l'un, ni dans l'autre.

Otton s'étonne d'avoir rattrapé le roi de France[2] (qui a sans doute attiré l'empereur dans ce piège[3]). Bien que l'Église l'interdise[4], Otton, déjà excommunié[5], décide de lancer l'attaque sur ce qui est alors l'arrière-garde française. Philippe Auguste peut livrer bataille. Son armée se retourne brusquement.

Or, entre l'étang et le bois, l'armée française se déploie en ligne, et sur cette ligne, l'infériorité numérique est effacée. L'armée d'Otton n'a plus l'espace nécessaire pour déployer ses effectifs, donc l'avantage de son surnombre est effacé. Elle est devenue bien trop nombreuse pour ne pas être obligée de se gêner, puis de se piétiner.

Les forces en présence

Si aujourd'hui encore, l'évaluation des forces en présence suscite des controverses - l'historiographie française classique fait souvent référence à des troupes coalisées trois fois plus nombreuses que celles du roi de France (Philippe Contamine[6] n'est pas de cet avis : « En face, ses adversaires n'avaient pas une supériorité numérique évidente ») - on sait par Guillaume le Breton, chapelain de Philippe II présent à Bouvines, que les lignes de combattants se tenaient en ligne dans un espace de 40 000 pas (15 hectares)[7], ce qui ne laisse pas pas beaucoup de dégagement et prédispose au corps à corps. Guillaume le Breton ajoute dans sa chronique que les deux lignes de combattants étaient séparées par un espace peu considérable.

Position des armées sur le champs de bataille de Bouvines
Armée impériale
A l'extrême droite, appuyés à la Marque les archers anglais (A) et les routiers du Brabant (T) flanquait les noblesses des deux Lorraines et du Palatinat (L).
Au centre l'infanterie allemande (I) formée de phalanges profondes, hérissées de piques et flanquée par des compagnies formées en coin, puis en deuxième ligne, l'infanterie saxonne (Sa) en réserve. Dans l'intervalle, se tenait Othon entouré de 50 chevaliers allemands.
A gauche, on trouve les soldats de la Flandre et du Hainaut du comte de Ferrand
Armée royale
L'aile droite du duc de Bourgogne (B) avec des hommes d'armes et des milices paroissiales de Bourgogne, de Champagne et de Picardie couvert par les sergents à cheval du Soissonnais (S).
Le centre se compose de l'infanterie des communes d'Île de France et de la Normandie (N), en avant du roi et de ses chevaliers.
L'aile gauche est composée de la gendarmerie bretonne (Br), des milices de Dreux, du Perche, du Ponthieu et du Vimeux (D).
Le pont de Bouvines, unique moyen de retraite à travers les marécages, est gardé par 150 sergents d'armes du roi (R) qui forment la seule réserve des troupes française.

Philippe Auguste avait lancé alors un appel aux communes du nord de la France, afin d'obtenir leur concours.

Dix-sept des trente-neuf communes de l'État capétien répondent à l'appel :

  • Arras envoie 1 000 miliciens,
  • la région d'Abbeville 2 000 hommes...
  • Paris envoie un corps de 2 000 hommes, dont 1750 restent sur le champ de bataille[8]

Au total, l'armée royale atteindrait 7 000 combattants.

Armée royale

L'armée royale est divisée en trois batailles :

Cette aile droite est composée des hommes d'armes et des milices paroissiales de Bourgogne, de Champagne et de Picardie couvert par les sergents à cheval du Soissonnais.

Ce centre se composait de l'infanterie des communes d'Île de France et de la Normandie, en avant du roi et de ses chevaliers.

Cette aile gauche est composée de la gendarmerie bretonne, des milices de Dreux, du Perche, du Ponthieu et du Vimeux. Le pont de Bouvines, unique moyen de retraite à travers les marécages, est gardé par 150 sergents d'armes du roi qui forment la seule réserve des troupes française.

Armée des coalisés

Otton a également divisé son armée en trois groupes :

On y trouve les soldats de la Flandre et du Hainaut

Au centre l'infanterie allemande formée de phalanges profondes, hérissées de piques et flanquée par des compagnies formées en coin, puis en deuxième ligne, l'infanterie saxonne en réserve. Dans l'intervalle, se tenait Othon entouré de 50 chevaliers allemands.

A l'extrême droite, appuyés à la Marque les archers anglais et les routiers du Brabant flanquait les noblesses des deux Lorraines[11] et du Palatinat.

La bataille

Le premier choc fait s'affronter les forces d'Eudes de Bourgogne et l'aile gauche de l'armée d'Otton, commandée par Ferrand de Flandre. Les chevaliers chargent vigoureusement et au bout de quelques heures, Ferrand se rend, consacrant la déroute du flanc gauche d'Otton.

L'affrontement au centre est en revanche initialement dominé par l'infanterie de l'empereur, avec l'objectif de tuer Philippe Auguste. Une partie des troupes coalisées de l'aile gauche se déportent au centre pour soutenir l'effort de capture du roi de France. Enguerrand III de Coucy charge Otton lance baissée et le désarçonne. Au même moment Philippe Auguste est à la merci des soldats allemands et ne doit son salut qu'à l'intervention in extremis de ses chevaliers qui abandonnent l'Empereur et agitent l'oriflamme pour rassurer les combattants français, et notamment de son chambellan Pierre Tristan[12] qui lui fait un rempart de son corps. Mais par contrecoup une faille apparait sur l'aile gauche des coalises. Ce qui facilite une percée de l'aile droite française, et, à revers, surprend et capture Ferrand. Au centre et à gauche, les gens d'armes d'Otton s'empilent systématiquement sur les blessés et les morts qui sont en ligne de front, et sur lesquels trébuchent ceux qui essaient de reculer sous la charge des français. Ceux qui sont à l'arrière ne comprennent pas ce qui se passe devant. Ils commencent à voir des fuyards. C'est le début de la débandade sur une partie du front.

Quelques instants plus tard, Otton manque à son tour de se faire occire par les chevaliers français Guillaume Des Barres et Girard La Truie. Il ne doit son salut qu'à sa fuite du champ de bataille, et, au-delà, à sa fuite sous déguisement.

Robert de Dreux est à la peine. Ses troupes sont tout d'abord enfoncées par les hommes conduits par Guillaume de Longuépée et Renaud de Dammartin et sont obligées de défendre le pont de Bouvines pied à pied. Guillaume de Longuépée finit par être capturé et ses soldats anglais prennent la fuite. Mathieu II de Montmorency s'empare lui-même de douze bannières ennemies (en souvenir de cet exploit, le blason des Montmorency comportera douze aigles supplémentaires soit seize, au lieu de quatre auparavant[13]). Renaud de Dammartin, le dernier à résister farouchement sur le champ de bataille, finit par se rendre à la vue de la débandade générale de ses alliés.

La victoire de Philippe Auguste est totale, ses pertes en hommes minimes et une bonne partie des seigneurs coalisés est entre ses mains.

Après la bataille, un bilan très positif pour le roi de France

Selon Jean Favier, Bouvines est « l'une des batailles décisives et symboliques de l'histoire de France »[14]. Pour Philippe Contamine, « la bataille de Bouvines eut à la fois d'importantes conséquences et un grand retentissement »[15].

  • Otton s'enfuit et perd sa couronne.
  • Ferrand de Flandre passe quinze ans en prison au Louvre.
  • Dépossédé de la Normandie, du Maine, de l'Anjou, de la Touraine et de la Bretagne depuis 1206, Jean sans Terre cesse les hostilités contre la France, et regagne l'Angleterre. Pour sauver sa couronne, Jean sans Terre est contraint d'accorder à ses barons la Grande Charte (1215).

Du côté français, la dynastie capétienne sort renforcée tandis que les récentes acquisitions de Philippe Auguste sur Jean sans Terre sont consolidées. Contrairement à Jean sans Terre, Philippe Auguste est désormais l'arbitre incontesté au-dessus de ses barons. Le retour de Philippe Auguste à Paris est triomphal ; ces festivités — qui durèrent six jours — seront exploitées par la monarchie pour en faire, non sans abus, l'une des premières manifestations de l'unité nationale : Philippe Auguste écrit à l'Université de Paris : « Louez Dieu !, car nous venons d'échapper au plus grave danger qui nous ait pu menacer... ».
Au lendemain de cette bataille, Philippe Auguste fonde, entre Senlis et Mont-l'Évêque, l'abbaye de la Victoire[16] — qui sera intégrée au domaine de l'évêque de Senlis en 1486.

La bataille de Bouvines fut la réédition d'une certaine bataille qui s'était nouée aux champs Catalauniques quelque 800 ans auparavant. Jamais depuis Aetius, aucun souverain de France n'avait réussi à entraîner un ost complet sans perspectives de rapines, de gains ou de titres et de terres pour défendre le royaume de France. En cela, la bataille de Bouvines est un moment majeur de l'histoire de France.

Pour approfondir

Bibliographie

Liens externes

Notes et références

  1. a et b Batailles française 1214 à 1559 du colonel Hardÿ de Périni
  2. Les chroniqueurs le disent d'ailleurs qu'Otton exprima vivement sa surprise de se trouver face à l'armée capétienne, alors qu'il la croyait en fuite.
  3. C'est l'hypothèse de la Chronique rimée de Mousket : "A l'approche de la nuit, fut réuni le conseil, Entre lui et ses hauts barons, Car le bon roi, avec ses compagnies (vers 21555) Voulait se rendre à Mortagne. Mais tous ceux de sa suite Ne surent que lui conseiller. Quand eut dit chacun sa raison, Suivant au mieux ses intentions, (v.21560) Girard la Truie après parla "Sire, fait-il, vous n'irez là; Trop, il y a de mauvais pas et rudes, Et aussi il y a trois grands villages Et deux petites rivières en outre, (v.21565) Qu'on ne pourrait passer en ce lieu. Mais retirez-vous vers votre terre, Et les Flamands, désirant la guerre, Si vous arrière retournez, Alors diront que vous fuyez, (v.21570) Et lors vous suivront avec orgueil, Comme présomptueux, sans aucun ordre, Car chacun d'eux veut être Sire, Et vous, sans couronne et sans colère. Ordonnez une bonne arrière garde, (v.21575) De manière que jamais l'ost ne s'en sépare. Et aussi rangez vos batailles, Et faites aller vos piétailles Près de leurs armes par ruse. Ils seront ainsi prêts si on les attaque. (v.21580) Lors, ainsi, vous verrez les Flamands venir, Qui se mettront à votre convenance." Tout ainsi fut accepté, Et de plus rien il ne fut discuté. Dormir ils allèrent et se reposer, (v.21585) Et quand vint le jour, Le roi rangea ses batailles, Et fit ordonner ses piétailles. Et le charroi et les bêtes de somme Partirent devant pendant ce temps. (v.21590)"
  4. Le synode d'Elne a décrété, en 1027, qu’« Il est interdit d'assaillir son ennemi depuis la neuvième heure du samedi jusqu'à la première heure du lundi »
  5. Otton IV avait promis à Innocent III de larges restitutions territoriales et son appui dans le royaume de Sicile. Pour n'avoir pas respecté ces promesses, il fut excommunié en 1210 et 1211.
  6. l'avis de Philippe Contamine
  7. La Philippide de Guillaume le Breton
  8. Dictionnaire des rues et monuments de Paris de Félix et Louis Lazare 1879 Chapitre III page 13
  9. La page du généalogiste fou... La bataille de Bouvines
  10. Girard Scophe dit la Truie, en raison de l'équivalent latin de son patronyme: scrofa
  11. duc de Lorraine et comte de Bar
  12. Pierre Tristan, chambellan de Philippe-Auguste, et sa famille, Henri Stein, Bibliothèque de l'école des chartes, 1917, Volume 78, Numéro 78
  13. Gabriel Eysenbach, Histoire du blason et science des armoiries, 1848, p. 321.
  14. Dictionnaire de la France médiévale, Paris, Fayard, 1993, p. 176
  15. Histoire militaire de la France (tome 1, des origines à 1715), Paris, PUF, 1992, p. 83
  16. Auguste Morel, De Paris à Cologne, à Bruxelles, à Senlis, à Laon... itinéraire descriptif et historique, Libr. de L. Hachette et Cie., 1864, p. 280

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