Prieuré et commanderie hospitalière

Prieuré et commanderie hospitalière

Les commanderies hospitalières de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem sont en Europe, d'abord et avant tout, des possessions terriennes de rapports, destinées à procurer des fonds pour soutenir l'action des Hospitaliers en Terre sainte. Elles ont souvent comme origine une donation d'un seigneur local pour satisfaire à la religion ou de nouveaux chevaliers qui lèguent leurs biens à l'Ordre.

Sommaire

Les commanderies

Une commanderie est un ensemble de bâtiments à visées agricoles composés de logis comprenant cuisine, réfectoire et dortoir et de communs avec ateliers, granges, charreteries, écuries, étables, porcheries, etc. et aussi droit à colombiers. Les prieurs, commandeurs, baillis et chevaliers étant religieux, il existe aussi une chapelle plus ou moins importante et une salle du chapitre. Certaines de ces commanderies, suivant leurs implantations, pour convenir aux règles de l'Ordre intègrent, qui un hôpital pour soigner les « chers malades » ou les frères blessés au combat, qui une hôtellerie, sur les chemins de pèlerinage, pour accueillir les pèlerins de passage ou les frères trop âgés pour le combat. C'est ensembles fonciers tiennent à la fois de la ferme de rapport et du monastère. Entourés de murs, à la différence des forteresses en terres de croisades, ces commanderies ne sont pas, à l'origine, fortifiées même si certaines d'entre elles l'ont été par les circonstance de l'histoire ou des donations.

Article détaillé : Commanderie.

Organisation des commanderies

Organisation en prieurés

Toutes les commanderies sont regroupées en prieuré. Dès la première donation faite à l'Ordre par Godefroy de Bouillon, d'un casual (village fortifié) en Palestine et d'un fief en Brabant[1] le pli est pris ; l'ordre reçoit des forts pour défendre la Terre sainte et des fiefs pour assurer le revenu des aumônes. Il fallait gérer tous ces biens fonds, les supérieurs puis les grands maîtres « recommandèrent » ces biens à des frères puis à des chevaliers « gens de mérite et de probité » qui résidaient sur place. Cette praeceptoria dirigées par un praeceptor ou un magister est à l'origine des commanderies du XIIIe siècle qui chaque année envoient à l'ordre le responsions (impositions) qui représente environ le 16 des revenus de la commanderie[2]. Les commanderies assurent ainsi les richesses de l'ordre qui permettent l'entretien des garnisons, des hôpitaux et des auberges de l'ordre[3].

Organisation en langues

Après avoir perdu la Terre sainte, les « Francs » se replient majoritairement en Europe. Les Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem choisissent d'abord l'île de Chypre avant de conquérir Rhodes. Le nouveau grand maître Guillaume de Villaret (1300–1305), par décret capitulaire de 1301, crée une nouvelle organisation en « langue » confirmée en 1327 par le chapitre de Montpellier. Ces « langues » sont, à l'origine, au nombre de sept : la « langue » de Espagne, de Provence, d'Auvergne, de France, d'Italie, d'Angleterre et d'Allemagne. Elles regroupent effectivement les chevaliers par leur langue parlée. Rapidement cette organisation devint une organisation spatiale ; les possessions européennes, les commanderies de l'Ordre, sont aussi regroupées en « langue »[4]. En 1462, la Langue d'Espagne est scindée entre : la langue de Castille et la langue d'Aragon. La langue d'Angleterre est dissoute en 1540 pour être recréée comme langue Anglo-Bavaroise en 1781. Le dernier prieuré créé, au sein de la langue Anglo-Bavaroise, en janvier 1797 est le grand prieuré russe de Saint Petersbourg. L'ordre de Saint-Jean de Jérusalem tente de survivre dans la création du second grand prieuré de Russie (mais d'obédience orthodoxe) en octobre 1797 par Paul Ier de Russie.

Dévolution des biens des Templiers

Après la perte de la Terre sainte en 1291, Les Hospitaliers conquièrent Rhodes, les Teutoniques vont évangéliser l'Europe du nord et les Templiers se replient sur leurs commanderies européennes. De moines-soldats, ils deviennent des gestionnaires de leurs riches domaines et cela est relativement mal perçu en France comme au Saint-Siège[5]. L'importance de leurs richesses attise les convoitises de Philippe le Bel. Pour les dépouiller, il les accuse des pires forfaits. Pour permettre un procès public, Clément V promulgue une première bulle Faciens misericordiam le 12 août 1308 et devant les difficultés, le 4 septembre 1310, il fulmine Alma mater ecclesia où il exhorte à conclure rapidement. Enfin c'est le 3 avril 1312, par la bulle Vox (clamantis) in excelso il décrète la suppression de l'ordre du Temple et, le 2 mai 1312 par Ad providam, la dévolution de leurs biens à l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem[6].

Les choses ne se firent pas aussi facilement que cela. L'attribution des biens des Templiers aux Teutoniques aurait pu modifier l'équilibre des pouvoirs en Europe[7], c'est pour cette même raison que les rois catholiques obtinrent la dévolution des biens des Templiers aux ordres militaires de la péninsule ibériques. Le roi de France tenta bien de garder certains biens mais sans grande réussite. Cela entraîna pour les Hospitaliers des complications politiques et financières et, au XVe siècle, perduraient encore des litiges. Cela entraîna aussi une confusion entre les deux ordres, dans bien des endroits les commanderies ont continué à être appelées Templio, au mieux on leur accolait Sancti Johannis[7].

Langue de Provence

La langue de Provence a regroupé jusqu'à 81 commanderies dans les prieuré de Saint-Gilles (53 commanderies) et le de Toulouse (28 commanderies). Le premier de tous les prieurés européens, le prieuré de Saint-Gilles, d'où était originaire le frère Gérard fondateur de l'Ordre, date de 1115. Le siège du prieur est transféré à Arles en 1621. Le prieuré de Toulouse est créé en 1315 au moment de la dévolution des biens des Templiers aux Hospitaliers[8].


Langue d'Italie

La langue d'Italie a regroupé jusqu'à 135 commanderies dans les prieurés de Messine (11 commanderies) créé en 1136, de Barletta (11 commanderies) créé en 1170, de Venise (29 commanderies) créé an 1180, de Lombardie (36 commanderies) créé en 1186, de Rome (19 commanderies) créé en 1214, de Capua (17 commanderies) créé en 1223 et de Pise (12 commanderies) créé en 1236[9].


Langue d'Angleterre

La langue d'Angleterre a regroupé jusqu'à 77 commanderies dans les prieurés de Clerkenwell en Angleterre (59 commanderies) créé en 1144 et de Kilmainham en Irlande (18 commanderies) créé en 1202[10].

Langue d'Espagne

La langue d'Espagne a été scindée en deux, en 1462, en langue de Castille et langue d'Aragon. La langue de Castille a regroupé jusqu'à 58 commanderies dans les prieurés de Castille et León (37 commanderies) créé en 1149 et de Crato au Portugal (21 commanderies) créé en 1232. La langue d'Aragon a regroupé jusqu'à 77 commanderies dans les prieurés de Amposta (30 commanderies) créé en 1154, de Navarre (18 commanderies) créé an 1185 et de Catalogne (29 commanderies) créé en 1319[11].

Langue de Castille


Langue d'Aragon


Langue de France

La langue de France, qui comprend aussi la Flandre a regroupé jusqu'à 67 commanderies dans un seul prieuré créé 1178. Il existait des Hospitaliers à Jordoigne (Flandre) dès 1173. Le siège du prieure est installé à Corbeil en 1223 avant d'être transféré à Paris en 1315 à la maison du Temple suite à la dévolution des biens des Templiers[12]. Elle est alors divisée en 3 grands-prieurés :

  1. le grand-prieuré de France, dont le siège était à Paris dans l'enclos du Temple.
  2. le grand-prieuré d'Aquitaine, dont le siège était à Poitiers.
  3. le grand-prieuré de Champagne[13], dont le siège était à Voulaines-les-templiers.

Il faut noter l'existence éphémère du Prieuré de Bourgogne, qui est attestée par deux chartes de novembre 1298 et du 17 juin 1299, jour où se tient le chapitre provincial à Normiers[14],[15]. Guillaume de Vandelain (ou Vendelain) est alors prieur de Bourgogne. En novembre 1301, Ytier de Nanteuil est prieur de Bourgogne et de France[16]. Pour J. M. Roger, ce prieuré préfigure le Prieuré de Champagne, créé, lui, en juillet 1317.

Langue d'Allemagne

La langue d'Allemagne a regroupé jusqu'à 77 commanderies dans les prieurés de Bohême (24 commanderies) créé en 1182, de Germanie (31 commanderies) créé en 1187, de Hongrie (5 commanderies) créé an 1217, de Dacie (9 commanderies) créé en 1266 et le grand bailliage de Brandebourg (13 commanderies) créé en 1382[17].


Langue d'Auvergne

La Langue d'Auvergne ne comportait qu'un prieuré créé en 1233 et a regroupée jusqu'à 51 commanderies. Le siège du prieur est d'abord à Olloix, puis à Lureuil en 1475 et à Bourganeuf en 1530 avant d'être déplacé à Lyon en 1787[18].


Langue Anglo-Bavaroise

La langue Anglo-Bavaroise a été reconstituée en 1776 avec 57 commanderies dans les prieurés de Pologne (29 commanderies) et de Bavière (28 commanderies)[19].


Notes et références

  1. acte conservé à la Bibliothèque nationale de Malte (B. Galimard Flavigny 2006, p. 19)
  2. B. Galimard Flavigny 2006, p. 39–40
  3. B. Galimard Flavigny 2006, p. 42
  4. B. Galimard Flavigny 2006, p. 50–52
  5. S. Mercieca 2008, p. 14
  6. S. Mercieca 2008, p. 15
  7. a et b S. Mercieca 2008, p. 16
  8. H. J. A. Sire 1994, p. 115–126
  9. H. J. A. Sire 1994, p. 160–174
  10. H. J. A. Sire 1994, p. 176–189
  11. H. J. A. Sire 1994, p. 139–157
  12. H. J. A. Sire 1994, p. 130–134
  13. J. M. Roger 2003, p. xx
  14. J. M. Roger 2003, p. 184 et s.
  15. Delaville Le Roulx 1906, no 4470, t. III, p. 785
  16. Delaville Le Roulx 1906, no 4546, t. IV, p. 13
  17. H. J. A. Sire 1994, p. 192–206
  18. H. J. A. Sire 1994, p. 126–130
  19. H. J. A. Sire 1994, p. 205–206

Bibliographie

  • Bertrand Galimard Flavigny, Histoire de l'Ordre de Malte, Paris, Perrin, 2006 
  • Simon Mercieca (trad. de l'italien par Rose-Marie Olivier et Aline Bonnefon), Les chevaliers de Saint-Jean à Malte, Florence, Casa Editrice Bonechi, 2008 
  • Jean-Marc Roger, Le prieuré de Champagne des Chevaliers de Rhodes : Thèse de paris IV 2001, Université Paris-Sorbonne, 2003, 2000 p. 
  • (en) H. J. A. Sire, The Knights of Malta, Yale University Press, 1994 
  • Joseph Delaville Le Roulx, Cartulaire général de l'ordre des hospitaliers de S.-Jean de Jérusalem (1100-1310), Perrin, 1894-1906 

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