Trophime Dennyssovitch Lyssenko (1898-1976)

Trophime Dennyssovitch Lyssenko (1898-1976)

Trofim Denissovitch Lyssenko

Trofim Denissovitch Lyssenko

Trofim Denissovitch Lyssenko (septembre 1898 à Karlivka, aujourd'hui en Ukraine20 novembre 1976 à Kiev) était un ingénieur agronome soviétique. Il est à l'origine d'une théorie génétique non scientifique qu'il parvint à imposer en Union soviétique pendant la dictature de Staline. Ses thèses sur l'agriculture lui valurent le titre de héros de l'Union soviétique et lui permirent de dominer la recherche biologique en URSS, jusqu'à son discrédit dans les années 1960.

Sommaire

Biographie

Lyssenko dans un champ d'orge.

Lyssenko est né dans une famille de paysans ukrainiens. Après des études à Kiev, il devient technicien agricole.

Praticien talentueux, il démontre en 1927, en Azerbaïdjan, qu'on peut transformer une terre agricole en prairie et économiser du fourrage. Cette réalisation lui vaut une certaine publicité dans la Pravda.

De là, Lyssenko se fait le promoteur d'une technique découverte aux États-Unis en 1857, la vernalisation, qui permet de transformer des blés d'hiver en blés de printemps en les soumettant à de basses températures. Il prétend l'avoir inventée et y voit une façon de sortir l'agriculture soviétique de son marasme, même si les biologistes jugent la technique trop peu fiable pour être utile.

Il présente à ce sujet une communication lors d'un congrès à Léningrad en 1929. On critique sévèrement son manque de méthode et le fait qu'il s'attribue la découverte d'un autre.

Le conflit entre lui et les « universitaires » survient au moment où l'État stalinien entreprend de discréditer les intellectuels « bourgeois », souvent formés à l'étranger, pour les remplacer par des « fils du peuple », devant leur ascension à l'État soviétique et donc plus malléables.

Lyssenko s'exprimant au Kremlin en 1935, en présence de Stanislaw Kosior, Anastase Mikoyan, Andreï Andreïev et Joseph Staline.

La Pravda prend le parti de Lyssenko. Celui-ci, condamnant la génétique mendélienne, jugée « réactionnaire », reprend les thèses du mitchourinisme stipulant qu'il est possible de modifier les caractéristiques génétiques d'une plante en agissant sur son environnement. Il prétend, par des méthodes inspirées de cette théorie, pouvoir faire pousser du blé dans la toundra sibérienne.

Appuyé par le Parti, il fonde un magazine et attaque les biologistes « mendéliens ». En 1937, il se livre à des attaques contre les biologistes qui refusent ses idées et plusieurs finiront en prison lors des purges staliniennes. Ce qui conduit à l'annulation du Congrès international de génétique de Moscou prévu cette année-là.

En février 1938, un décret du Conseil des commissaires du peuple de l'URSS nomme Lyssenko à la tête de l'Académie Lénine des sciences agronomiques de l'URSS.

En 1939, Nikolai Vavilov, un des biologistes soviétiques les plus prestigieux, voit ses travaux rejetés sous recommandation de Lyssenko. Il est arrêté en 1940, ainsi que ses principaux collaborateurs. Tous mourront au goulag.

Après la Seconde Guerre mondiale, Lyssenko forme la notion de « biologie de classe », invitant à rejeter les travaux de Gregor Mendel, de Morgan et des autres généticiens. Contrairement à une idée répandue, il ne prônait pas un retour à Lamarck, mais bien aux idées originales que Darwin avait exprimées dans son ouvrage sur La variation des animaux et des plantes en 1868 où il proposait une théorie de la transmission des caractères acquis.

Il prétend, relayé par la presse scientifique soviétique et des pays de l'Est, qu'il est possible de donner naissance à une espèce végétale à partir d'une autre. Les partis communistes occidentaux répètent ce discours en Europe de l'Ouest, au grand désarroi de personnalités telles que Jacques Monod ou J. B. S Haldane, biologistes d'envergure et membres du Parti.

Haldane et Monod finiront par quitter le Parti, d'autres tairont leurs doutes pour la cause. Toute critique des théories lyssenkiste est impossible en URSS jusqu'à la chute de Nikita Khrouchtchev en 1964.

« De 1948 à 1952, le pouvoir de Lyssenko fut absolu : aucune de ses décisions ne fut contestée, aucune de ses thèses critiquée» [1].

En 1965, l'Académie des sciences relève Lyssenko de ses fonctions officielles. Sa mort sera mentionnée dans une petite dépêche de l'agence TASS. Bilan de la carrière de Lyssenko : « Apport scientifique nul, paralysie de la biologie et de l'agronomie soviétique pendant près de trente ans, mise à l'écart et assassinats de savants mondialement réputés. » (Joël et Dan Kotek, L'Affaire Lyssenko.)

Commentaire sur la théorie de Lyssenko

Lyssenko, l'Académie des sciences soviétique, la Nomenklatura et ses relais dans le reste du monde depuis les années 1930 jusqu'à la chute de Nikita Khrouchtchev en 1964 avec lui, croient que la nature des plantes peut être moulée par les conditions du milieu. Les partisans de Mendel furent désignés comme « ennemis du peuple soviétique ».

Pendant la guerre froide, le lyssenkisme, massivement appuyé par l'appareil des partis communistes locaux, connut également ses heures de gloire en Occident. À la fin des années 1940, on voit apparaître la fameuse théorie des deux sciences : « La science bourgeoise, fausse par essence, et la science prolétarienne, vraie par définition ».

Lorsqu'il fut décidé de se séparer de Lyssenko, ce dernier fut convoqué devant le comité de l'Académie des sciences soviétique, section Biologie, et soumis à une série de questions qui aboutirent au discrédit total de ses thèses.

Notes et références

  1. Dominique Lecourt, Lyssenko. Histoire réelle d'une « science prolétarienne » (1976), réed. Quadrige/PUF, 1995 (ISBN 2130473024).

Sources

  • Denis Buican, L'Éternel retour de Lyssenko, Paris, Copernic, 1978.
  • Denis Buican, Lyssenko et le lyssenkisme, PUF, Que sais-je ?, 1988.
  • Aurélien Chevalme, La Réception du lyssenkisme en France (1948-1998), Mémoire de D.E.A., Université Paris X-Nanterre, 2001.
  • David Joravsky, The Lysenko Affair, Chicago, Chicago University Press, 2e édition: 1986.
  • Joël et Dan Kotek, L'Affaire Lyssenko, Éditions Complexe, 1986 (ISBN 2870271875)
  • Dominique Lecourt, Lyssenko, histoire réelle d'une science « prolétarienne », Paris, Maspéro, 1976 (préf. de Louis Althusser) (Réed PUF, coll. Quadrige, 1995).
  • « Lyssenkisme » et « Marx et Darwin » in Dictionnaire d'histoire et philosophie des sciences, sous la direction de Dominique Lecourt (1999), 4e édition Quadrige/PUF, 2005.
  • Jaurès Medvedev, Grandeur et chute de Lyssenko, Gallimard, Collection Témoins, 1971 (ISBN 2070277763)
  • Régis Ladous, Darwin, Marx, Engels, Lyssenko et les autres, Vrin, Collection « Science », 1984 (ISBN 2711692663)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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