- Toponymes dénaturés
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Les toponymes dénaturés sont des toponymes qui ont été modifiés, altérés, à cause de réinterprétations fautives (attraction paronymique, mauvaise transcription, métraduction, etc.).
Sommaire
Attraction paronymique
Article détaillé : Attraction paronymique.On note de nombreuses altérations de toponymes par attraction paronymique :
- L'écluse (Pyrénées-Orientales) : réinterprétation de Les Cluses, comme si quelque péniche avait pu s'y aventurer pour traverser les Pyrénées.
- l'Araignée : interprétation de l'Arénier, a priori de arena « sable », en tout cas de *ar « pierre ».
- Le Blanc (Indre) : pour un préceltique Oblenko[réf. souhaitée].
- Le Bar-sur-Loup : originellement Albarn > Aubarn.
- Bonnoeil (Calvados) : rien à voir avec « bon œil » ; du gaulois Bono-ialo « défrichage de *Bonos ».
- Bordeaux (Gironde) : ancien Burdigala, devenu *Burdial, réinterprété en un diminutif masculin de borde « grange », devient Bordeu en gascon. Bordeaux en langue d'oil est l'ancien pluriel de bordel, au sens de « maison isolée ». Il est aujourd'hui interprétable par « bord de l'eau » alors que son origine est tout autre : Burdigala serait peut-être un nom basco-aquitain. *burd signifierait « marais » et *gala se traduirait par « abri ». Le nom aurait ensuite évolué en Bordigala, puis en Bordale en basque, Bordèu en gascon, francisé en « Bordeaux ».
- Bonnœuvre (Loire-Atlantique) : rien à voir avec une bonne œuvre ; du gaulois Banno-briga « place forte de Banna ».
- la Chapelle-en-Juger (Manche) : graphie souvent utilisée officiellement pour la Chapelle-Enjuger, du nom d'Engelger de Bohon seigneur de Bohon au XIIe siècle[1].
- Les Chéris : altération d'Escheriz, mentionné au XIVe siècle, déverbal du vieux français escharir « partager », se rapportant à « une terre partagée »[2].
- Corps-Nuds (Ille-et-Vilaine) : ancien Cornut (villa de Cornutus).
- Orgueil (Tarn-et-Garonne) : du gaulois Orgo-ialo « défrichage de *Orgos ».
- Les Deux Sœurs : altération de les deux sources.
- L’Homme, et ses variantes (la plus célèbre : l'Homme mort, les deux hommes, etc.) : de ulmus, « orme » (donc l'orme mort, etc.).
- Saint-Léger-du-Bourg-Denis (Seine-Maritime) : forme officielle pour Saint-Léger-Bourdeny (*BURDINIACO > Bordeneio, Burdeni XIIe siècle)[3].
- Les Vieux (Seine-Maritime) : anciennement les Vez « les gués »[4].
Parfois de belles histoires sous-tendent ces altérations. Ainsi Guatarram, nom d'une grotte creusée par une rivière souterraine, est-il sublimé en Betharram (« beau rameau » en Gascon), nom d'un personnage qui aurait sauvé de la noyade une fillette en perdition[5].
D'autres fois les assimilations sont moins plaisantes. Pourquoi continuer à trouver « Vilaine » la Visnaine (en Latin Vicinonia) ?
Il existe de très nombreux autres exemples de toponymes dénaturés et des centaines de toponymes dont le nom est expliqué par une « légende toponymique » fondée sur une étymologie populaire[6].
Faux Saints
- Saint-Arnac (Pyrénées-Orientales) : de l'occitan Centernac
- Saint-Dos (Pyrénées-Atlantiques) : d'un nom aquitanien Sendoz, gascon Sendòs.
- Saint-Boès (Pyrénées-Atlantiques) : d'un nom aquitanien Sembe, gascon Sembuès
- Saint-Goin (Pyrénées-Atlantiques) : peut-être d'un terme aquitanien *zingen, mais hypothèse sur Gaudentius.
- Saint-Igny-de-Vers (Rhône) : d'un nom gallo-roman Sentiniacum.
- Saint-Inglevert (Pas-de-Calais) : d'un toponymie germanique Santingeveld.
Bibliographie sur le sujet: Jacques E. Merceron, Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, Paris, Seuil, 2002.
Modifications volontaires
Nombre de toponymes connaissent un changement de nom ou de graphie officiel, voire de prononciation, car ils sont jugés dépréciatifs.
- Belleville-en-Caux (Seine-Maritime), anciennement Merdeuseville[7].
- La Bonneville (Manche), anciennement « Merdeuseville » (Merdosavilla XIIe siècle)
- Bosc-Bordel (Seine-Maritime), prononciation traditionnelle [bobɔrdel] tombant en désuétude pour des raisons évidentes, d'où [bɔsbɔrdel].
Noms de Saints déformés
- Saint-Chély (Aveyron) : de Sanch Ely (St Eloy).
- Saint-Chinian (Hérault) : de Sanch Inhan, en occitan (ou Saint Aignan).
- Sainte-Olive (Ain) : de Sanctus Ellidius (Saint Illog).
- Saint-Merd (Creuse) pour Saint Médard[8]
- Saint-Romphaire, altération du nom de sanctus Romacharius « saint Romacaire » (germanique Rumakar), sous l'influence du nom de personne norrois Rumfari, avec graphie -ph- hellénisante[9].
Graphies ambiguës
- Le Néouvielle est écrit avec des conventions hispaniques : v = b et -elle = -eille ; la prononciation devrait être Néoubieille du Gascon neu bielja, Oc neu vielha 'vieille neige'.
Agglutination de l'article
Le phénomène est très fréquent avec les noms de rivière :
Il existe même des doubles agglutinations :
- Lalacelle (Orne), à l'origine seulement La Celle.
Extraction de l'article
Le phénomène inverse se produit pour :
- Le Bar (Alpes-Maritimes) d'un ancien Albarn.
- La Nive pour un ancien *Unibar > Gascon lou Nibà(r) > lou Nibe, Français la Nive.
- La Rhune pour Larrune, du Basque Larr-hun « lieu de lande ».
Voir aussi
Notes
- François de Beaurepaire, Les noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, éditions Picard 1986. p. 98 - 99.
- François de Beaurepaire, Op. cité. p. 102.
- François de Beaurepaire (préf. Marianne Mulon), Les Noms des communes et des anciennes paroisses de la Seine-Maritime, Paris, A. et J. Picard, 1979, 180 p. (ISBN 2-7084-0040-1) (OCLC 6403150), p. 138.
Ouvrage publié avec le soutien du CNRS
- F. de Beaurepaire, Op. cité., p. 163.
- Toponymie générale de la France, Volume I, Librairie Droz 1990. p. 1867, Ernest Nègre signale que la forme primitive « Guatarram » (qu'il interprète comme signifiant peut-être « le bosquet du gué » a été au XVIIe siècle remplacée par « Betharram » (le beau rameau). Il fait allusion, sans préciser davantage, à une légende. In
- Voir à ce sujet l'ouvrage de Jacques E. Merceron, La Vieille Carcas de Carcassonne. Florilège de l'humour et de l'imaginaire des noms de lieux en France, Paris, Seuil, 2006.
- François de Beaurepaire, Les noms des communes et anciennes paroisses de la seine-Maritime, éditions Picard 1979. p. 40.
- Il s'agit en fait d'une hypercorrection pour « Saint-Mard » (« Mard » représentant l'évolution phonétique normale de « Medardu(s) ». Comme le [e] devant un [r] implosif s'était ouvert en [a] dans la langue populaire (voir « Piarrot » pour « Pierrot » chez Molière), on cru bien faire en revenant au [e], comme c'est le cas de « gerbe » qui devrait se dire « jarbe ».
- François de Beaurepaire, Op. cité. p. 212.
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