Tatars de Crimée

Tatars de Crimée
Page d'aide sur les redirections Cet article concerne le peuple tatar de Crimée. Pour la langue tatare de Crimée, voir Tatar de Crimée.
Tatars de Crimée
Populations
Population totale 500 000 à 2 000 000
Populations significatives par régions
Drapeau de Turquie Turquie 1 000 000
Flag of Crimea.svg Crimée 248 200[1]
Drapeau d'Ouzbékistan Ouzbékistan 150 000
Drapeau de Roumanie Roumanie 24 137
Drapeau de Russie Russie 3 789
Drapeau de Bulgarie Bulgarie 1 803
Autre
Langue(s) tatar, tatar de Crimée, turc tatar ou turc de Crimée
ukrainien, russe, turc de Turquie, ouzbek sont majoritairement parlé comme seconde langue
Religion(s) Majoritairement sunnite

Les Tatars de Crimée sont une population turcophone vivant initialement dans la péninsule de Crimée dans l'actuelle Ukraine, également dispersée dans les républiques de l'ancienne Union soviétique, les Balkans et la Turquie. Entre les XVe et XVIIIe siècles, ils constituaient le khanat de Crimée, allié aux Ottomans, qui prospéra puis tomba sous le pouvoir de l'Empire russe.

Sommaire

Ethnogenèse

Les Tatars de Crimée sont issus de différents peuples de la steppe, dont le plus important en nombre est celui des Coumans descendus d'Asie centrale vers la Volga aux XIe et XIIe siècles. Ils progressèrent ensuite vers la mer d'Azov et la mer Noire. Installés dans les montagnes de l'actuelle Crimée pour fuir les incursions mongoles, ils embrassent l'islam sunnite au moment de la formation du khanat de Crimée à partir de 1441 et qui survécut jusqu'en 1783. Les autres peuples installés en Crimée correspondent aux apports successifs de populations : il s'agit des descendants de peuples disparus en tant que communautés, tels que les Scythes, les Sarmates, les Grecs antiques, les Ostrogoths, les Grecs pontiques, les Alains ou les slaves (royaume de Tmutarakan) et les Khazars. Il y eut également des apports arméniens, latins et circassiens. Ces peuples se mélangèrent durant l'Empire romain et plus tard de l'Empire byzantin, ainsi qu'au moment de la domination gênoise. En revanche, la communauté tatare dès lors qu'elle embrassa le sunnisme tout en bénéficiant d'apports turcs ottomans d'Asie Mineure, forma une nouvelle entité séparée des autres.

Histoire

Drapeau des Tatars de Crimée (Qırımtatar bayrağı ou Kök bayraq).

Les Tatars de Crimée étaient craints et haïs pour leurs incursions fréquentes et dévastatrices en Ukraine, Russie et Moldavie. La dernière eut lieu en 1782. En 1571, les Tatars de Crimée prirent et brûlèrent Moscou. Ils pratiquèrent jusqu'au XVIIIe siècle le commerce d'esclaves slaves, moldaves ou circassiens avec l'Empire ottoman et le Proche-Orient. Le port de Kefe Caffa était un de leurs principaux marchés d'esclaves. Les anciennes affirmations[2] faisant état de plus de trois millions de personnes, principalement des Ukrainiens, Russes, Biélorusses et Polonais, capturées et asservies à la suite des incursions des Tatars de Crimée, sont exagérées. À l'inverse, celle de l'historien polonais Dziubinski, estimant qu'au XVIe siècle le nombre de Slaves vendus par les Tatars aux Ottomans atteignait en moyenne autour d'un millier par an, sont minorées. L'historien anglais Alan Fischer estime quant à lui qu'entre 1475 et la fin du XVIIe siècle plus d'un million d'esclaves furent pris en Ukraine et en Pologne et vendus en Crimée. À ces ventes effectives sur les marchés s'ajoutent les massacres commis pour les captures et les morts au cours du transport.

Outre le pillage et le commerce d'esclaves, les Tatars de Crimée avaient comme ressource l'élevage (notamment de chevaux, surtout pratiqué par les Roms dits Tataritika Roma qui leur servaient aussi d'éclaireurs, de charriers et de goujats)[3], l'agriculture (fréquemment pratiquée par des esclaves slaves ou moldaves) et le commerce (en particulier la vente de chevaux très réputés, de fruits secs et de fourrures, notamment vers l'Empire ottoman, leur principal débouché).

Les Tatars de Crimée furent en guerre quasi permanente contre les puissances chrétiennes voisines, notamment la Russie et la Pologne, qui armèrent contre eux des troupes irrégulières d' hommes libres vivant sur le pays : les Cosaques. Ceux-ci adoptèrent le même style de vie et se livrèrent aussi au pillage, non seulement contre les Tatars, mais parfois aussi contre les villages chrétiens. Ils vécurent dans ce que la Russie appela l’Ukraine, littéralement sa « marche-frontière », peuplée alors de Ruthènes. En 1792, l'Empire ottoman perdit une guerre contre l'Empire russe et lui céda la Crimée : les Tatars se trouvèrent soumis à leurs anciennes victimes. Ils durent rendre les armes, libérer tous les esclaves chrétiens, céder leurs Roms aux monastères et seigneurs russes, et un grand nombre d'entre eux s'enfuirent dans l'Empire ottoman, notamment en Dobrogée, en Bulgarie, en Anatolie et dans le Caucase. Au cours des décennies suivantes, ils devinrent minoritaires en Crimée, car l'Empire russe y installa un grand nombre d'agriculteurs russes, ukrainiens, allemands et moldaves.

La Guerre de Crimée de 1853 et les lois de 1860-63 et 1874 provoquèrent un nouvel exode des Tatars de Crimée vers des territoires ottomans — aujourd'hui la Bulgarie, la Roumanie et la Turquie. Ceux de la côte sud, qui s'étaient relativement mélangés autrefois avec les Grecs pontiques et les Italiens descendants des Génois, étaient très connus pour leurs connaissances en jardinage, leur honnêteté et leurs habitudes laborieuses. Les Tatars de montagne ressemblent beaucoup à ceux du Caucase, alors que ceux de la steppe (les Nogaïs) sont certainement d'origine mélangée entre des Turcs et des Mongols.

Le régime soviétique se traduisit, pour les Tatars de Crimée, par une nouvelle saignée démographique. Ils furent nombreux à être persécutés durant la collectivisation et les Grandes Purges des années 1930 : une génération entière d'hommes politiques et d'intellectuels — comme Veli İbraimov et Bekir Çoban-zade — disparut sous de fausses accusations.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands tentèrent d'embrigader les Tatars, mais bien que seule une infime minorité eût accepté, toute la population tatare de Crimée fut victime de la répression stalinienne. Ils furent accusés d'être des collaborateurs des nazis et déportés en masse en Asie centrale et dans les régions lointaines de l'Union soviétique, le 18 mai 1944. Cette punition collective fut également appliquée indistinctement, quelques mois plus tard, aux Grecs, aux Allemands et aux Arméniens vivant dans la péninsule. Beaucoup moururent de maladie et de malnutrition. Elle entraina également la suppression l'année suivante de la République socialiste soviétique autonome de Crimée créée en 1921 et qui fut alors transformée en un simple oblast de Crimée au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR).

En 1967, un décret supprima les accusations portées contre les Tatars de Crimée déportés, mais le gouvernement soviétique ne prit aucune mesure concrète pour faciliter leur réinstallation en Crimée ni pour réparer les pertes humaines et les confiscations de propriétés.

Aujourd'hui, plus de 250 000 Tatars sont retournés en Crimée, luttant pour rétablir leurs vies et réclamer leur nationalité, que leur droits culturels. Cette communauté est malgré tout confrontée à beaucoup d'obstacles sociaux et économiques, comme la ghettoïsation, car la plupart des rapatriés vivent concentrés à la périphérie des villes, ce qui ajoute à leur isolement.

Les problèmes que rencontrent les Tatars sont importants et portent d’abord sur la question de :

  • la citoyenneté qui les prive d’un accès l'emploi (taux de 60 % de chômage), à l’instruction, à la sécurité sociale, aux soins de santé dont le coût est prohibitifs ;
  • le logement (constitué généralement d'abris de fortune) ;
  • la protection culturelle et linguistique.

Depuis 1991, la défense des intérêts des Tatars est prise en charge par une organisation, le 1998, l'organisation envoie 14 députés au Verkhovna Rada Oukraïny, le parlement ukrainien, dont son leader, Mustafa Abdülcemil Qırımoğlu.

Les Tatars de Crimée ont soutenu Viktor Iouchtchenko dans les élections ukrainiennes de 2004[réf. nécessaire].

Sources

  1. http://www.ukrcensus.gov.ua/eng/results/general/nationality (en)
  2. Théophile Lavallée: http://www.crda-france.org/fr/6histoire/a_d/16_devchirme.htm
  3. Stéphane Zweguintzow, « Les Roms dans la C.E.I. », Échos de Russie et de l'Est, no 24, jan.-fév. 1995, p. 16, Éd. B. de Saisset, ISSN: 1250-8659. Goujat doit ici s'entendre dans son sens premier de « valet d'armée ».

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Tatars de Crimée de Wikipédia en français (auteurs)

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