- Sulfure de mercure(II)
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Cinabre
Cinabre
Catégorie II : sulfures et sulfosels
Cinabre sur dolomite - Hunan,Chine Général Catégorie Minéral Formule brute HgS Identification Masse moléculaire 232,66 g/mol Couleur rouge carmin
à rouge briqueClasse cristalline et groupe d'espace trapézoèdre Système cristallin trigonal Réseau de Bravais hexagonal primitif (hP ) Clivage parfait à {} Échelle de Mohs 2,5 Éclat submétallique [1] Propriétés optiques Indice de réfraction ω=2,905 ε=3,256 Biréfringence Δ=0,351 ; biaxe positif Dispersion 2vz ~ ° Trait rouge vif Transparence opaque Autres propriétés Densité 8,0 - 8,2 Caractères distinctifs Principales variétés Le cinabre est un minéral composé de sulfure de mercure de formule HgS. Il a été décrit pour la première fois par Théophraste en 315 av. J.-C. (PLINE, HN; XXXIII; 37.)
Le cinabre (α-HgS) est le minerai de mercure le plus répandu et exploité. Lors des derniers millénaires, le cinabre natif présent dans les gisements a été utilisé soit comme pigment, après extraction dans une veine pure, soit pour en extraire le mercure par décomposition thermique.
Le vermillon, de même formule chimique que le cinabre, est par contre un pigment minéral artificiel produit par synthèse, favorisé par un milieu alcalin.
Sommaire
Formules des différents polymorphes du sulfure de mercure
α-HgS cinabre/vermillon
α'-HgS sulfure de mercure amorphe
β-HgS métacinabre
γ-HgS hypercinabre
Propriétés physiques
La formule suivante donne une approximation de la pression de vapeur saturante du cinabre :
- ln P* = 8,765 - 3533/T
P* étant exprimée en kPa et la température T en kelvin.
Le sulfure de mercure HgS est le minerai de mercure le plus important. Il est insoluble dans l’eau et dans les acides dilués. Il est utilisé pour la fabrication du mercure et comme pigment. Le cinabre contient donc environ 86,2 % de mercure. On obtient le mercure par grillage du cinabre. Pour l’extraction du métal, le minerai pulvérulent descend dans un four à 700 °C où l’on envoie de l’air. La réaction suivante se produit :
- HgS+O2→Hg+SO2,
au-delà de 737 °C, le cinabre se décompose en
- HgS → Hg+ S.
Le mercure s'obtient par pyrométallurgie : à pression atmosphérique, le cinabre se sublime à 583 °C (856 K) et se décompose en mercure liquide et vapeur de soufre.
On distingue trois formes cristallines :
- le cinabre trigonal rouge, groupe d'espace P 3121 ou P 3221 (n°154), structure B9 en notation Strukturbericht, plus stable à des températures de moins de 350 °C (Barnett et al., 2001, p. 1499.) et
- le métacinabre cubique, groupe d'espace , de couleur noire)
- Signalons également l’hypercinabre (γ-HgS), mis en évidence par Potter et Barnes en 1978. Son nom est lié au fait que sa zone de stabilité s’étend à des températures plus hautes que celles du cinabre et du métacinabre.
Propriétés chimiques
Les propriétés chimiques du sulfure noir et du sulfure rouge de mercure sont sensiblement les mêmes, cependant, le sulfure noir réagit plus que le rouge . Cinabre, vermillon ou métacinabre sont considéré généralement comme presque insoluble dans l’eau, les solvants organiques et les acides minéraux dilués.
Toxicologie
La présence de mercure libre dans le minerai de cinabre lui confère une toxicité indéniable. Pline l’Ancien considère que cette substance est un poison et déclare aventureux tout ce que l’on rapporte sur son emploi en médecine, il précise que l’on doit éviter qu’il pénètre dans les viscères ou touche une plaie (PLINE, HN, XXXIII; 42). L'affirmation précédente n'est pas exacte. Pline dit précisément, à propos de cinnabaris : « ...De plus, le cinnabaris est excellent comme contre-poison et comme remède. Qu'arrive-t-il ? nos médecins y substituent le minium qui est un véritable poison, comme nous le démontrerons plus tard... »
Dans la mesure ou le cinabre est pulvérulent ou se présente sous forme de poudre, des mesures strictes de protection sont vivement recommandées.
Nature et origine
Le cinabre, sous sa forme native est la variété la plus abondante de sulfure de mercure et se trouve dans des terrains divers : primaires, secondaires, tertiaires. Il peut être concentré en filons plus ou moins épais, comme dans les flancs de l'ancien volcan du Mont Amiata en Toscane, à Almaden en Espagne ou dispersé dans des couches dites « métalliques » comme à Idrija (Slovénie). Il est plus abondant dans les roches sédimentaires que dans les roches ignées. Les dépôts se trouvent habituellement à moins de 300 mètres de profondeur. Il contient souvent dans sa forme native des inclusions d’antimoine, d’arsenic, de bitume, de sélénium, de sulfure de fer, de sulfate de calcium ou de baryum, de plomb ou de zinc, et il renferme du mercure libre (Biester et al., 1999, p. 195-197.).
Utilisations
La couleur du cinabre est intense, même réduit en poudre ; on l'a donc utilisé comme colorant rouge vermillon.
La couleur du cinabre varie de cannelle au rouge écarlate en passant par le rouge brique, ce qui explique que le cinabre ait historiquement été utilisé comme pigment, principalement dans la peinture et les encres d'imprimerie[2], mais également comme colorant alimentaire traditionnel. Comme il permettait d'obtenir la couleur pourpre, couleur impériale par excellence, le cinabre était très important dans l'Empire byzantin, où il permettait d'authentifier les actes de la chancellerie impériale à l'encre pourpre.
Le cinabre est connu et utilisé depuis la plus haute antiquité en médecine, voir Pline (Pline, HN, XXXIII; 41). Ce dernier d'ailleurs déconseillait et considérait cette substance comme un poison.
Il a également été utilisé en médecine, pour le traitement de la syphilis, ou on le prescrivait, dans les années 1820, aux femmes enceintes, par fumigation (Archives générales de médecine, Imp. De Vaugirard, 1914, p436.). Sous forme de pommade, il était utilisé contre les maladies cutanées (Louis Mialhe, Traité de l’art de formuler, éd. Fortin, Masson, 1845, p150.). On retrouve aussi le cinabre dans la composition de remèdes pour le traitement externe du cancer, comme la pâte dite du frère Côme, composé d’arsenic blanc, de cendres brûlées de semelles de souliers, de sang dragon, de cinabre et d’eau (Hermann Lebert, Traité pratique des maladies cancéreuses et des affections curables confondues avec le cancer, éd. Baillière, 1851, p645.)
On utilise toujours le cinabre en médecine homéopatique.
Utilisation thérapeutique
Le cinabre est utilisé comme remède depuis des temps anciens en Asie[3].
Les ascètes chinois reconnaissaient dans le jade une pierre qui ne pouvait se ternir. Ils consommèrent également le quartz et d’autres minéraux qui, insolubles, étaient censés rendre le corps de celui qui les consommait dur comme de la pierre. Après broyage, elles étaient prises oralement dans l’espoir de fortifier le corps.
Plus tard, le jade est devenu le remède de la longévité et même de la résurrection. Dans le même ordre d’idée, une autre théorie considérant le sang comme l’âme et sa couleur comme le principe actif ou le concentré le l’âme, les substances rouges étaient considérées comme riches en concentré vital et pouvaient donner à celui que les consommait des parties du principe actif de la vie.
Consommer l'ocre rouge, selon ces croyances permettait de remplacer des pertes de sang et de favoriser une longue vie. Le cinabre ayant l’exacte couleur du sang était de ce fait considéré comme supérieur au minium ("médicament" asiatique à base de plomb encore plus toxique que le cinabre).
En Chine, les ascètes étaient amateurs substances censées donner la longévité et ce fut la raison pour laquelle ils utilisèrent successivement le jade, l’or et le cinabre. Il est certain que le cinabre était l’une des plus importantes substances considérée comme donneuse de vie. On peut en conclure que deux substances principales étaient vues comme des facteurs de longévité par les anciens chinois et étaient consommées comme des remèdes ; l’or pour préserver le corps et le cinabre pour prolonger la vie.
Vers 500 avant JC, l’or et le cinabre sont chauffés ensemble pour créer un amalgame. Le cinabre délivrait alors le mercure en se décomposant avec la chaleur. On ne connaissait pas d'autre mode opératoire pour créer le « rouge-or ». Les expérimentations avec le cinabre ont permis de découvrir la technique de sublimation. Il fut établi que le cinabre était constitué de soufre et de mercure. Le soufre, le mercure et l’or sujet à la sublimation donnèrent le produit requis. « L’or-cinabre » était un produit sublimable. Il était censé mener à l’immortalité pour les chinois.
Cette substance est toujours fabriquée en Inde de nos jours et est appelée Makaradhvaja. Même Newton préparait du cinabre et l’utilisait oralement pour acquérir plus de virilité. Spargo et Pounds trouvèrent que les cheveux de Newton présentaient des concentrations inhabituellement élevées de plomb, d’antimoine et de mercure.
Mythologie
Les taoïstes utilisaient le cinabre comme une drogue afin d'accéder à un état bienheureux. Il était reconnu comme la substance naturelle la plus performante pour obtenir l'immortalité ou, du moins, prolonger la vie et la jeunesse. On savait même l'obtenir à partir du soufre, du salpêtre et du mercure. Dans la théorie mystique chinoise du qi, le « champ du cinabre » (dantian) est un point situé dans le bas-ventre et où se concentre l'énergie vitale.
Certains alchimistes affirmèrent qu'il était possible de le transformer en or mais toutes les expériences qui furent tentées échouèrent.
Historique
Le cinabre est connu dès la préhistoire. Il y a 4500 ans, les Chinois et les Égyptiens connaissaient déjà le mercure et son minerai, le cinabre[réf. nécessaire]. Les chinois utilisait le cinabre il y a 3600 ans comme pigment pour les poteries ou comme encre[réf. nécessaire]. Ils auraient été les premiers, à avoir fabriqué le vermillon, au début de notre ère. Dans l'Égypte des Ptolémées (IVe ‑ Ier siècles), apparaît la pratique de la crémation. Sur certains fragments d'os brûlés, on trouve une couleur rouge, le colorant est du cinabre intentionnellement déposé. Vers 300 av., Théophraste, philosophe et savant grec, évoque les mines de mercure d’Almadén en Espagne. On utilisait dans l’Antiquité le cinabre comme un pigment qui était généralement réservé à l’élite. Ainsi, Rome en fait un monopole d'État et une loi en fixe le prix de vente. Pline en fait mention sous l'appellation de minium dans les livres XXXIII et XXXV de son Histoire Naturelle. Vitruve (De Architectura, VII), au Ier siècle av. J.-C., décrit l'utilisation du cinabre en peinture. Zosime de Panapolis, savant et alchimiste grec, né en Égypte, aurait, au IIIe siècle de notre ère, mentionné que le cinabre était composé de mercure et de soufre. L'alchimiste Geber ou Jabir Ibn Hayyan, né en Iran en 721, explique que le mercure et le soufre, peuvent, avec la chaleur se combiner en cinabre.
Au Moyen Âge, en Orient, les documents les plus importants étaient signés avec une encre à base de cinabre (à Byzance, l'empereur seul pouvait l'employer) tandis qu'en Occident (certaines sources évoquent le XIIIe siècle, d'autres le XIIe) certaines enluminures étaient réalisées à l'aide d'une encre à base de cinabre et de sanguine. Les artistes de l'époque prenaient soin d'isoler cette substance trop réactive aux autres pigments à l'aide de vernis et de la protéger des rayons solaires en posant par dessus des glacis (garance). Des recettes médiévales évoquent l'adjonction de cérumen, car cette cire possède des propriétés fongicides. Le moine Théophile, au XIIe siècle, explique que le mélange à parts égales de soufre et de mercure était disposé dans un contenant en verre fermé avec de l'argile qui était chauffé jusqu'à la formation du pigment. Cennino Cennini, vers 1390, dans son Livre de l'art, mentionne également ce pigment. En 1527, Paracelse prescrit le mercure et son oxyde comme médicament dans des onguents comme remède de la syphilis.
- termes similaires : metacinabre ou métacinnabarite, sulfure de mercure, vermillon, fleur de cinabre (vermillon natif)
Identification
La couleur de la trace des minéraux peut aussi servir à l’identification sommaire des pigments. Il s'agit de réaliser sur une tablette de porcelaine dure une trace du minéral par friction et d'en observer la couleur. Beaucoup de minéraux ont une trace incolore, certains ont des traces de couleurs caractéristiques. Voici un exemple : Les traces roses à rouge-brun peuvent indiquer la présence de cinabre, de cuprite ou encore d’hématite.
Le mercure en petites quantités peut être détecté par la spectrométrie ou grâce aux précipités de Hg²Cl² et HgS. On considère que si des composés du mercure sont chauffés dans un tube avec de la soude, il y a la formation d’un miroir gris de mercure qui se condense sur les parois froides.
Les méthodes spectrométriques permettent l’identification du cinabre. Il est utile de mentionner la spectroscopie Raman, une méthode optique, qui analyse sans contact les pierres (semi) précieuses, les pigments, les verres et les céramiques. Cette méthode ne nécessite pas de prélèvement d’échantillon. Et grâce à leur source laser incorporé, les dernières générations de spectromètres sont transportables au cœur des musées. L’identification des objets peut se faire « in-situ ». De plus, cette identification moléculaire permet de différencier sans ambiguïté des composés proches, de même composition élémentaire.
Pour identifier la structure cristalline, la méthode Pixe, (Particle Induced X-ray Emission ), permet de différience la forme hexagonale et cubique.
Altération chromatique
L'assombrissement, jusqu'à devenir gris-noir, de la couleur écarlate du cinabre (α-HgS) sous l'influence de l'irradiation solaire constitue une importante problématique de conservation des peintures murales depuis l'antiquité et représente toujours un casse tête générateur de polémiques. Vitruve (De Architectura, VII) explique que : « Lorsqu'il est employé dans les appartements dont les enduits sont à couvert, le cinabre conserve sa couleur sans altération ; mais dans les lieux exposés à l'air, comme les péristyles, les exèdres, et quelques autres endroits semblables où peuvent pénétrer les rayons du soleil et l'éclat de la lune, il s'altère, il perd la vivacité de sa couleur, il se noircit aussitôt qu'il en est frappé ». Ce dernier mentionne que de la cire punique[4] aurait été appliquée sur les peintures murales pour empêcher que la lumière de la lune et les rayons du soleil n'en enlèvent la couleur ; mais certains facteurs associés accélèrent ce changement chromatique, comme une forte humidité associée à une atmosphère fortement polluée. Seule la surface est dégradée, si elle est grattée, on peut apercevoir à nouveau la couleur rouge. Cette dégradation spécifique au cinabre rouge peut aussi permettre son identification.
Actuellement, le noircissement des fresques de la villa des Mystères à Pompéi en est la parfaite illustration. Le nettoyage au laser de peintures murales contenant du cinabre est déconseillé en raison de l'altération chromatique qui en résulte.
Lexicologie et terminologie
Chine: dsü, tchu-cha, yn-tchou, theout-chou, tan, tancha, hong
Inde: Rasagarbha, rasasthana
Perse: Sinkarf ou kinbar
Arabie: zingefr ou kynjar
Grec ancien: kinnabari
Latin: cinabrum, stupium, minium
De nos jours, on trouve les appellations suivantes :
- sulfure de mercure rouge
- mercure sulfure rouge
- sulfure mercurique
- cinabre
- vermillon
- vermillon chinois .
Notes et références
- ↑ Encyclopédie des minéraux, sous la direction Allan woolle
- ↑ La couleur des premiers timbres de France : le Un franc vermillon, puis les timbres de couleur orange sont issus de telles encres.
- ↑ Résumé sommaire traduit de l'anglais, pour l'original consulter S. Mahdhihassan, 1987.
- ↑ La cire punique (ou cire saponifiée) est une cire d'abeille sans résidus, blanchie sans chlore, associée à de la potasse et de l'eau.
Bibliographie
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- M. Svensson, B. Allard, A. Düker, Formation of HgS-mixing HgO or elemental Hg with S, FeS or FeS₂, in, Sciences of the Environnement 368 (2006) 418-423.
- M. Svensson, B. Allard, A. Düker, Formation of cinnabar-estimation of favourable conditions in a proposed Swedish repository, in, Journal of Hazardous Materials B136 (2006) 830-836.
- G. A. Mazzocchin, F. Agnoli, M. Salvadori, Analysis of Roman age Wall painting found in Pordenone, Trieste and Montegrotto, in, Talanta 64 (2004) 732-741.
- J. S. Waples, K. L. Nagy, G. R. Aiken, J. N. Ryan, Dissolution of cinnabar (HgS) in the presence of natural organic matter, in, doi:10.1016/j.gca.2004.09.029.
- R. J. Gettens, R. L. Feller, W. T. Chase, Vermilion and Cinnabar, in, Studies in Conservation, Vol. 17, No. 2 (mai 1972), 45-69.
- S. Mahdihassan, History of cinnabar as drug, the natural substance and the synthetic product, in, Indian Journal of History of Sciences, 22(1): 63-70 (1987).
- T. Stratoudaki, A. Manousaki, K. Melesanaki, V. Zafiropulos and G. Orial, Study on The discolouration of pigments induced by laser irradiation, in, Rev. Met. Paris, N°9 (septembre 2001), pp.795-801.
- J. K. McCormack, The darkening of cinnabar in sunlight, in, Mineralium Deposita (2000) 35: 796-798.
Liens externes
- Pline l'Ancien, Histoire Naturelle, Livre XXXIII [1] et XXXV: [2]
- Vitruve, De l'architecture, Livre VII: [3]
- ScienceDirect : articles diverses sur le cinabre: [4]
- Musée de minéralogie : [5]
- mindat.org - the mineral and locality database: [6]
- The RRUFF™ Database Project : [7]
- American mineralogist Crystal Structure Database: [8]
- Und.edu, Mineral Project Pages: de bonnes images: [9]
- Britannica, 11ème édition: [10]
- Cosmetic science: [11]
- The Cinnabar (B9) Structure, site du Center for Computational Materials Science, US Navy
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