SkinHeads

SkinHeads

Skinhead

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Skinhead (des mots anglais skin (peau) et head (tête) : cuir chevelu (à nu)) désigne à l'origine un jeune prolétaire britannique aux cheveux tondus. Etymologiquement cela signifie que l'on voit la peau du crâne à travers ce qui reste de cheveux. Ceux-ci sont coupés court, tondus ou rasés.

Le phénomène skinhead est né au Royaume-Uni à la fin des années 1960. Il est apparenté à la mouvance modernist (les mods). Sa bande-son originale fut le reggae. A la fois mode vestimentaire et musicale, cette première vague skinhead n'est rattachée à aucun mouvement politique. Mais en s'étendant au reste du monde dix ans plus tard, le phénomène skinhead a connu des évolutions importantes à tel point qu'aujourd'hui, pour beaucoup, les skinheads apparaissent surtout comme des activistes d'extrème-droite.

Il est donc hasardeux d'utiliser l'expression « mouvement skinhead » sans autre précision, puisqu'elle impliquerait une union des skinheads, ou au moins une identité commune. Or il n'y a plus, loin s'en faut, ni unité, ni communion entre tous ceux qui se réclament de l'identité skinhead depuis la fin des années 1960.

Cet article cherche à amorcer l'étude du phénomène skinhead et des différentes mouvances actuelles d'un point de vue francophone.

Certains contributeurs imaginent une origine très ancienne au phénomène skinhead. Pendant la Première révolution anglaise (1641-1649), les partisans du Parlement menés par Oliver Cromwell étaient appelés les round heads (têtes rondes) par leurs ennemis en raison de leur coupe de cheveux courte opposée à la longue chevelure des aristocrates partisans du roi Charles Ier d'Angleterre. La ressemblance avec les skinheads s'arrête là, car les partisans de Cromwell, même s'ils recrutaient beaucoup parmi les classes populaires, étaient avant tout des protestants puritains d'inspiration calviniste qui refusaient les prétentions absolutistes du roi et la possibilité d'un rétablissement du catholicisme en Angleterre.

Il y aurait également mention d'individus répondant à la définition et à l'appellation du skinhead dès le début du XXe siècle dans la presse du Royaume-Uni. Le terme désignait de jeunes voyous issus des quartiers pauvres et aux cheveux courts, l'équivalent des « Apaches de la zone » en France.

Néanmoins, dans son acception moderne, skinhead s'applique à un mouvement de jeunesse né à la fin des années 1960 au Royaume-Uni. Tout part de la rencontre des rude boys, jeunes noirs d'origine antillaise (surtout jamaïcaine), et des hard mods, jeunes blancs fans de scooters et de soul music.

Dix ans plus tard les skinheads antiracistes dénient aux skinheads d'extrême-droite le droit de s'appeler skinheads et les qualifient de boneheads (littéralement « crânes d'os », ce qui familièrement signifie « crétins »). À l'inverse, les skinheads d'extrême-droite se considèrent comme les seuls skinheads authentiques et nomment les skinheads antiracistes redskins (littéralement « peaux rouges », c'est-à-dire « communistes »).

C'est cette histoire que nous tenterons de développer.

Sommaire

Des Mods aux Skinheads

Article détaillé : Mod.

Les skinheads sont issus de la vague modernist. Il faut donc rappeler brièvement qui sont les mods.

Dans un premier temps il s'agit de jeunes Londoniens à l'avant-garde de la mode qui s'habillent de façon à la fois luxueuse et décontractée, aiment les costumes de coupe italienne, se passionnent pour le modern jazz et tout ce qui est moderne d'une façon générale, d'où leur nom. Vers 1963-1964, cet underground élitiste devient un phénomène de masse : de nombreux adolescents et jeunes adultes deviennent mods. La musique mod apparaît : le mods beat, surtout inspiré par le rythm'n'blues et la soul des noirs américains. Les artistes les plus célèbres sont les Kinks, les Who et les Small Faces. Un des titres modernist les plus célèbres est "My generation" des Who. Les précurseurs de ce genre musical sont issus du Nord de l'Angleterre, surtout de la région de Manchester où s'était développé le "Mersey beat" entre 1960 et 1963, adaptation anglaise de la musique noire américaine. De cette école sont issus les célèbres Beatles, même si les mods rejettent souvent le "Fab 4", jugé trop commercial et consensuel. Les Rolling Stones non plus ne sont pas spécifiquement mods, même s'ils sont plus proches du phénomène.

Les faits divers rendent les mods célèbres. Les batailles rangées entre mods et rockers (autre mouvement de jeunesse, axé sur les motos, les blousons de cuir et le rock'n'roll) font les gros titres des tabloids (presse à scandale populaire). Les bandes de mods en scooter et de rockers à moto se donnent rendez-vous à Brighton pour de mémorables bastons. Les mods méprisent les rockers, les jugeant arriérés et passéistes. Les rockers trouvent les mods maniérés et dégénérés. Ces considérations ne sont qu'un prétexte à la bagarre : le mouvement modernist n'échappe pas à la culture des gangs et au hooliganisme.

Vers 1965 la scène modernist se scinde entre les peacoks mods (ou smooth mods), qui aiment le luxe et se laissent pousser les cheveux, et les heavy mods, issus de milieux plus modestes et qui portent les cheveux plus courts. Après 1967 beaucoup de mods se tournent aussi vers le flower power et le psychédélisme. Cheveux longs et chemises à fleur s'écartent encore plus du style mod originel. Les heavy mods, ou hard mods, préservent un style qui se veut authentiquement modernist et en même temps ouvrier. Ils portent le costume cintré et le chapeau pork-pie pour danser, mais des vêtements de sport ou de travail pour traîner dans la rue (polo Fred Perry, chaussures Doc Martens noires ou rouges). Ils prennent le contre-pied de la mode branchée de l'époque (telle la vague psychédélique ou le mouvement hippie) et affichent fièrement leurs origines ouvrières (working class). Ces hard mods se crispent sur l'identité modernist de la période 1963-1965 : musique noire américaine (r'n'b, Soul), luxe italien (Dolce Vita), style urbain et moderne, scooters Vespa ou Lambretta.

Comme ils vivent dans les mêmes banlieues et quartiers ouvriers, les hard mods fréquentent les rude boys, ou rudies, jeunes immigrés antillais, surtout jamaïcains, dont le look est proche et avec qui ils partagent le goût pour la musique noire américaine (soul, rythm'n'blues) et jamaïcaine (ska et rocksteady). Vers 1968, les hard mods et les rudies se confondent pour devenir les skinheads.

Certains prétendent que les premiers skinheads se sont tondus les cheveux pour se distinguer des hippies. On raconte encore que beaucoup étaient ouvriers, donc obligés de porter les cheveux courts en raison des normes de sécurité. Plus probablement, il s'agit d'un moyen pour échapper à la police montée lors des émeutes ou des bastons. Ces explications nombreuses alimentent la mythologie skinhead : les skinheads ne veulent pas ressembler à des hippies, les skinheads sont issus de la classe ouvrière, les skinheads aiment se battre et détestent la police.

Le look skinhead se standardise vite : cheveux courts (tondus ou coupés courts, mais rarement rasés à blanc à cette époque), favoris, poloshirt Fred Perry, chemise à carreaux de marque Ben Sherman, bretelles, blue-jean style Levis 501 coupé court ou pantalon ajusté type sta press (rejet des pattes d'éléphant), chaussures Dr. Martens, Getta(Paraboots), rangers ou baskets (en particulier le modèle samba de chez Adidas) mais c'est très rare,blouson style bombers jacket, harrington ou encore donkey jacket (manteau de docker), écharpe de son club de football préféré... La casquette plate (en feutre, en tweed, unie ou à chevrons) est parfois portée en concurrence avec le chapeau pork-pie pour afficher son appartenance au monde ouvrier. Les jeunes filles portent des vêtements similaires et affectionnent la mini-jupe. La coupe de cheveux typique des skinhead girls, dite chelsea (cheveux tondus avec une frange longue sur le devant et quelques mèches longues dans le cou) apparaît à la fin des années 1970 seulement.

Indissociable de la culture skinhead : le tatouage. Les Britanniques affectionnent cet art plus que d'autres et les skinheads en font une véritable institution. Il serait vain ici de décrire par des mots la vaste gamme des tatouages spécifiquement skinhead.

Le blouson harrington, porté par les mods, puis les skinheads et enfin les punks, n'est pas une marque mais un type de veste légère en toile de coton unie doublée de tissus à carreaux écossais (tartan). Le nom vient du héros de la série télévisée américaine Peyton Place, très populaire au début des années 1960, Mr Harrington, qui portait ce vêtement.

Le look skinhead est donc un mélange de sportswear, de vêtements de travail et de surplus militaires. Mais le costume ajusté, héritage mod, est encore porté pour danser ou frimer en soirée. Ces adolescents et ces jeunes adultes s'approprient, comme ceux d'aujourd'hui, certaines marques qui deviennent ainsi emblématiques : Fred Perry, Lonsdale, Ben Sherman, Everlast, ou encore Adidas

1969, les Skinheads popularisent le reggae

En 1969, un véritable raz-de-marée skinhead envahit le Royaume-Uni pour quelques mois. Cette contre-culture devient soudain très à la mode et unit les jeunes des quartiers ouvriers, tant blancs que noirs. Les premiers skinheads écoutent de la soul, du rythm'n'blues (des labels Stax, Motown ou encore Chess records), du mod's beat (soul-rock britannique des Who et autres Kinks ou Small Faces), mais surtout du ska, du rocksteady et du reggae avec des artistes noirs venus des Caraïbes tels Simaryp, Laurel Aitken, Desmond Dekker et même les Skatalites, les Upsetters, Jimmy Cliff ou Bob Marley, les Wailers... Le reggae et le rocksteady, bien plus que le ska presque passé de mode en 1969, apparaissent comme le son skinhead par excellence. Pour les puristes, on parle alors de reggae one drop ou encore de early reggae. Un terme sera d'ailleurs forgé au début des années 1980 pour qualifier le son des années 69-71 : le skinhead reggae. Dans la tradition modernist, les skinheads aiment danser. Ils rivalisent de pas de danse compliqués pour frimer lors des discoes, l'équivalent des « boums » françaises. Les chansons parlent de leur vie quotidienne : émeutes, difficultés de la condition ouvrière ou de la condition noire, problèmes de tous les jours, contestation sociale, mais aussi sexe, danse et football. Les principales maisons de disques éditrices de ska et de skinhead reggae au Royaume-Uni sont Trojan Records, Pama Records et Torpedo Records. Le logo du label Trojan (un casque de guerrier grec comme on en portait lors de la guerre de Troie) a été repris par la suite pour désigner les skinheads originels qui perpétuent le spirit of 69. Les filles sont appelées skinhead girls plutôt que birds (terme péjoratif équivalent du français "gonzesses").

Les skinheads constituent à la fois une mode vestimentaire liée à des goûts musicaux, mais aussi une véritable contre-culture de jeunes avec ses comportements types (frime, violence, danse) et son argot. Celui-ci est largement influencé par l'accent jamaïcain : on s'appelle "frère" mais brother devient bovver. Aggro désigne la baston... To bash signifie "casser la gueule". Les leaders du mouvement sont les boss skinheads.

Ces gangs de jeunes ont parfois un comportement violent et les hooligans adoptent vite le style vestimentaire des skinheads. Certains avancent que les skinheads sont issus du hooliganisme. C'est à la fois vrai et faux : les jeunes Britanniques des classes moyennes et populaires se comportent souvent en hooligans dans les stades de football, mais le hooliganisme est plus ancien que la mode skinhead (il date du début du XXe siècle) et les codes vestimentaires des hooligans varient beaucoup dans le temps (la plupart des hooligans actuels n'ont absolument pas le look skinhead).

Si des "proto-skinheads" existent depuis 1967 avec les hard mods et les rudies, la mode skinhead explose vraiment en 1969 en même temps que la musique reggae. C'est "le truc" à la mode de l'été 1969 au Royaume-Uni. D'ailleurs pour beaucoup de jeunes cela ne se prolonge guère. Beaucoup n'ont été skinheads qu'un an ou deux, voire quelques mois.

L'abus d'alcool et de drogues diverses (surtout les amphétamines pour pouvoir danser toute la nuit, le LSD étant plutôt utilisé par les hippies) n'arrange rien à l'image des skinheads. La presse tabloid peut dès lors stigmatiser les skinheads, comme elle l'avait fait auparavant pour les mods ou les rockers. C'est la nouvelle menace.

L'Union Jack

L'usage fréquent des couleurs nationales (Union Jack pour l'ensemble des Britanniques ou Saint Georges Cross pour les Anglais) par les skinheads de cette époque est abusivement interprété comme un glissement vers le nationalisme, voire le fascisme. En fait les jeunes Britanniques font souvent preuve d'un patriotisme très cocardier tel qu'on peut le rencontrer dans les tribunes des stades de football (jingoism, équivalent du français chauvinisme). Il n'est généralement fondé sur aucun nationalisme au sens strict. Les mods auparavant arboraient les couleurs nationales pour le côté "pop art " et les punks par la suite feront de même par désespoir social et ironie. Les Britanniques pavoisent beaucoup plus fréquemment que les Français. Cette fierté d'appartenir à la nation britannique est même un élément unificateur pour les jeunes Britanniques blancs et les Antillais noirs venus de la Jamaïque ou de Sainte-Lucie (États du Commonwealth, dont les habitants sont assimilés aux Britanniques puisque sujets de la même reine). Ceci peut aussi s'appliquer aux Pakistanais, eux aussi ressortissants du Commonwealth.

Mais il est vrai que les skinheads de cette époque font preuve de méfiance à l'encontre, non pas des noirs, mais des jeunes Indiens et Pakistanais, dont le style vestimentaire et les goûts musicaux les rapprochent des hippies. Certains organisent de véritable ratonnades à leur encontre : le paki bashing. Ceux-ci réagissent et fondent des gangs de skinhead scalpers. Cette opposition entre skinheads noirs et blancs d'une part et jeunes indo-pakistanais de l'autre n'a cependant jamais été une généralité lors de la première vague skinhead. C'est plutôt un phénomène circonscrit à certains quartiers de Londres et surtout à certains gangs. Les archives d'époque montrent d'ailleurs de nombreux skinheads de type indo-pakistanais.

En 1969 à 1970 la mode skinhead est devenue si importante que certains artistes de rock l'adoptent afin de gonfler leur audience : c'est le cas du groupe Slade, pionnier du glam-rock, qui en 1969 adopte un look skinhead par opportunisme avant de revenir après 1970 à l'extravagance glam-rock. Même s'il s'agit d'un calcul commercial, Slade peut être considéré comme le premier groupe de rock skinhead, bien avant l'émergence du street-punk dix ans plus tard.

Cette première vague skinhead est donc avant tout une mode et un style musical et vestimentaire largement méconnus hors du Royaume-Uni. Il n'y a pratiquement pas de skinheads à cette époque en Europe continentale ou en Amérique du Nord. Seuls certains adolescents émigrés à cette époque en famille en Australie et au Canada exportent le style hors de Grande-Bretagne. Tout au plus la mode vestimentaire skinhead a-t-elle quelques échos pendant les évènements de mai 68 en Europe continentale. De manière amusante, dans le film « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » (1970), l'acteur Jean Yanne porte pendant quelques séquences une tenue inspirée par la mode skinhead : jean serré à revers, blouson ajusté de la même étoffe, rangers, cheveux plaqués et favoris. Pour la plupart des journalistes britanniques les skinheads ne sont qu'une nouvelle sorte de voyous incontrôlables (à l'époque la France a ses blousons noirs). Le mouvement n'est pas politisé.

Vers 1970 la vague skinhead s'essouffle. De nouvelles modes apparaissent : le style glam rock pour les jeunes blancs et le mouvement rastafari pour les noirs. Les skinheads authentiques, qui rejettent l'image de hooligans violents qui leur colle à la peau, adoptent le style suedehead (crâne de velours) : le look devient plus recherché, à la manière des mods, les cheveux repoussent.

Le mouvement skinhead originel n'a donc une durée de vie que de quelques mois, nombre de hardmods le laissent tomber de dégoût dès que celui est identifié par le plus gros journal britannique comme une entité à part du mouvement mod, le 3 septembre 1969. La vague skinhead se prolonge environ deux années de plus, portée par les médias et la musique reggae. C'est une mode éphémère et sans lendemain pour beaucoup de jeunes Britanniques si ce n'est quelques rares suedheads qui perpétuent un style à la fois skinhead et modernist par la suite.

1979, les Skinheads réapparaissent puis se politisent pendant la vague punk

Une paire de Docs. On aperçoit la couture jaune distinctive autour de la semelle.

Après 1971, l'esprit skinhead ne disparaît pas pour autant et survit à travers les suedeheads puis les smoothies (ces derniers portent les cheveux assez longs). Les deux adoptent le style bootboy lorsqu'ils descendent dans la rue : blue jean retroussé, Doc Marten's montantes, bretelles... C'est le style vestimentaire arboré dans le film de Stanley Kubrick Orange mécanique. Coïncidence troublante, les jeunes décrits dans le roman d'Anthony Burgess, dont s'inspire le film, portent déjà cet uniforme plus de dix ans avant. L'œuvre est violente mais le message est plus subtil qu'il n'y paraît : une critique des théories comportementalistes et une caricature des aspects les plus ridicules des sociétés modernes. À la suite, ce film constituera une source d'inspiration pour de nombreux groupes skinheads, contribuant à forger l'image du jeune rebelle violent, incontrôlable mais cyniquement lucide.

Les mods eux aussi sont has-been mais restent nombreux, en particulier dans le nord de l'Angleterre où ils sont à l'origine d'un style musical particulier, influencé par la musique noire américaine des années 1960, la northern soul.

Les codes musicaux changent et chez les bootboys le reggae, le rocksteady et le ska sont vite supplantés par le glam rock (cf. David Bowie, T-Rex, Slade ou The New York Dolls), le pub rock (cf. Dr. Feelgood et Elvis Costello) puis le punk-rock (genre musical inventé aux États-Unis par les Stooges, les New York Dolls, encore eux, et les Ramones, nés en 1974 et célèbres dès 1976). Nombre des premiers punks britanniques (fin 1976-début 1977) ont le style bootboy, à commencer par les Clash (par ailleurs fans déclarés de reggae et de pub rock).

Profitant de l'explosion médiatique punk en 1977, les skinheads et même les mods réapparaissent et se mêlent aux punks. Ils sont alors peu nombreux, noyés dans la masse punk. Le film Quadrophenia (1979) et le groupe The Jam participent à la relance du courant modernist. L'hybridation des mods et des punks porte le nom de hard-mods (reprise d'un terme déjà utilisé à la fin des années 1960 pour désigner les proto-skinheads).

Après 1979 cependant, le punk-rock n'a plus la faveur des médias de masse et le look punk se radicalise : les punks deviennent not dead (de l'expression « punk's not dead », "le punk n'est pas mort"). C'est l'époque où apparaissent blousons cloutés et crêtes iroquoises colorées. Cependant beaucoup de punks de la première vague adoptent le style skinhead, ce qui passe à la fois comme un retour aux sources et une radicalisation. Le phénomène skinhead connaît une nouvelle heure de médiatisation.

Ces nouveaux skinheads écoutent ou jouent du street punk, ou oi !, c’est-à-dire une forme violente et radicale de punk-rock. On retrouve dans cette musique la base du punk-rock, mais aussi l'influence des chants de supporters de football et le style glam-rock dansant du début des années 1970. Cette musique doit susciter chez le jeune auditeur (et surtout le spectateur des concerts) l'envie de danser, de pogoter, mais aussi de reprendre les refrains en chœur, de se mêler aux autres dans une communion de rock, de bière et de sueur. Oi!, en argot cockney, est la contraction de l'apostrophe : Hey you !. On entend Oi! pour la première fois sur un morceau des Clash en 1977 (Career opportunities). Le terme street-punk est générique : ce punk-rock "issu de la rue" désigne aussi bien la musique de groupes punks, skinheads ou mélangés. La "oi music" désigne presque exclusivement celle des groupes skinheads. Il s'agit en fait du même style musical, mais c'est la coupe de cheveux des artistes qui fait toute la différence. Les groupes précurseurs, sont Menace, Cock Sparrer, Sham 69, ou Skrewdriver, puis viennent Angelic Upstarts, Cockney Rejects, Business, The 4 Skins, The Burial, Last Resort, The Oppressed, Blitz... Si les Clash sont les premiers à enregistrer "oi!", les spécialistes de cette apostrophe scandée devenue cri de ralliement des skinheads sont les Cockney Rejects.

Les Sham 69, groupe emblématique des skinheads (et toujours sur la route) n'ont jamais adopté un look skinhead radical (le chanteur porte les cheveux mi-longs, même s'il à lui-même été skinhead dans son adolescence). Les vidéos de la fin des années 1970 montrent plutôt le look bootboy très fréquent à cette époque, ou plus exactement "herbert" (mi punk - mi skinhead). Les membres de Blitz ou des Oppressed affichent quant à eux une apparence skinhead beaucoup plus standardisée (cheveux tondus, chaussures montantes, bretelles...). Les Exploited quant à eux illustrent le look punk's not dead. Ce dernier est fondamentalement différent de celui des skinheads : coupes iroquoises (crêtes), blousons de cuir cloutés, cartouchières et pantalons moulants... tout ceci s'écarte du look skinhead. On constate ici (sauf pour les cheveux) une osmose avec le style heavy metal très extravagant de l'époque. Mais les punk's not dead portent aussi bretelles, jeans retroussés et chaussures montantes comme les skinheads. Les punks semblent préférer les rangers et les skinheads les Doc Martens (ou Docs) coquées ou les paraboots (terme générique pour désigner les bottes de saut, la marque la plus connue étant Getta Grip). Les chaussures de sport, type basket, ont aussi leurs amateurs. Les looks intermédiaires entre le punk et le skinhead sont désignés sous les termes bootboys, skunks ou encore herberts. Certains adoptent une tenue skinhead mais une coupe iroquoise courte, comme les parachutistes américains. Dans les années 1980 apparaît aussi un look intermédiaire entre le punk de rue, le skinhead et le rockeur : c'est le style "psycho" lié aux musiques psycho billy (héritière du rock-a-billy des années 1950-60 avec des groupes comme les Stray Cats) et psycho-punk (aux sonorités davantage punk-rock comme le son des Meteors). Le blouson teddy remplace le harrington ou le bomber jacket. Et surtout la banane ou le spike (mèche tenue au gel) surmonte les cheveux coupés courts. Ces nuances paraissent futiles au néophyte. Mais il faut comprendre que chez les punks comme les skinheads l'apparence vestimentaire, la coupe de cheveux et l'allure en général ont une importance considérable. La plupart sont des adolescents ou de jeunes adultes qui cherchent à s'émanciper et sont donc très attentifs aux codes vestimentaires.

Cette époque connaît aussi un revival rocksteady, ska et skinhead reggae qui contribue à populariser le style skinhead avec des groupes comme Madness, The Specials, Bad Manners ou The Selecter de chez Two-Tone Records. Ces musiciens adoptent un style vestimentaire plutôt modernist ou hard mods, mais le public, comme nombre de musiciens de ces groupes, sont largement skinheads. De nombreux artistes jamaïcains tombés dans l'oubli refont surface (par exemple le chanteur Laurel Aitken, godfather of ska music, ou le tromboniste Rico Rodriguez). Le ska-punk (ska et skinhead reggae énergisés par le bouillonnement punk) constitue avec le street-punk le fond sonore de cette deuxième vague skinhead.

Mais en 1979, contrairement à 1969, la très grande majorité des skinheads sont blancs. C'est aussi de cette époque que date l'habitude de se raser les cheveux, et la musique Oi! de cette époque est souvent qualifiée de closed shave (rasée de près). Le slogan ACAB (all the cops are bastards, "tous les flics sont des bâtards") fait son apparition.

Dès 1979 la mode skinhead dépasse le Royaume-Uni et touche l'Amérique du Nord et l'Europe de l’Ouest (en France la première compilation skin-punk Chaos sort en 1982). C'est une contre-culture particulièrement vivace dans les années 1980, même si elle n'attire pas la majorité des jeunes. En France, le street-punk des Camera silens, des Kommintern Sects ou deLa Souris Déglinguée attire un public skinhead. Les skinheads sont nombreux dans la scène dite alternative des années 1980. Les Garçons Bouchers (en particulier le multi-instrumentiste François Haji Lazaro), ou François Béru des Béruriers Noirs, s'affichent en skinheads. Après les Bérus, ce-dernier fonde Molodoi. Au Québec il faut évoquer le groupe Banlieue Rouge. À New York ou ailleurs aux Etats-Unis, les précusrseurs de la musique punk-hardcore sont généralement des skinheads. Agnostic Front, Sick Of It All, Madball, MOD, Black Flag, Anti Eros etc revendiquent encore aujourd'hui leur appartenance ou tout au moins des liens avec cette mouvance. Il faut aussi évoquer les noirs rastafariens des Bad Brains de Washington, qui jouaient du punk hard-core entrecoupé de reggae, et qui ont eu un public surtout skinhead. Récemment le leader du groupe Agnostic Front, Roger Miret, a initié la compilation "the real Oi!" où de nombreux groupes hard-core reprennent les classiques de la Oi! anglaise. Pensons aussi aux célèbres rappeurs blancs new-yorkais des Beastie Boys qui ont débuté avec du punk-rock très hard-core et un look très skinhead (EP Pollywog Stew de 1982). Notons que si en Europe cette nouvelle vague skinhead est majoritairement blanche de peau (mais pas exclusivement), elle est beaucoup plus colorée aux Etats-Unis où le phénomène brasse blancs, noirs et latinos. Ces skinheads évoluent dans une mouvance plus large : le punk-rock, le hardcore ou encore le rock alternatif.

Cette seconde époque skinhead est aussi marquée par la récupération politique du mouvement. C'est déjà l'extrême-droite qui cherche à s'implanter. À la fin des années 1970, l'extrême droite britannique du National Front) s'implante parmi les jeunes punks et skinheads blancs issus généralement des classes sociales les plus défavorisées et en situation de marginalisation. Le british national party né en 1982 suit la même politique quelques années plus tard. Les provocations de quelques punks, comme Sid Vicious qui arborait souvent un t-shirt à croix gammée, ont fait penser à certains que les vrais rebelles étaient les nazis. Ian Stuart, chanteur du groupe punk Skrewdriver, est un exemple typique de cette dérive. Skrewdriver était un groupe street-punk parfaitement apolitique (comme l'immense majorité des groupes punks à cette époque), mais particulièrement provocateur, né en 1976. Après un split de courte durée Ian Stuart (qui jusque là cachait son engagement auprès du National Front depuis 75) reconstitue le groupe en 1979, mais sous une forme politisée ouvertement néonazie, puis il crée Blood and Honour au début des années 1980. C'est un mouvement nationaliste, raciste et en particulier antisémite. Ian Stuart ne cache plus sa fascination pour Hitler et apporte directement son soutien aux associations néonazies, aussi bien au Royaume-Uni qu'en Allemagne. Il est suivi par une partie des skinheads et certains punks qui adoptent un comportement de plus en plus violent et basculent vers l'extrême droite. Beaucoup sont des hooligans fascinés par la violence sous toutes ses formes. Ils hurlent Sieg Heil! ou Heil Hitler dans les concerts et déclenchent de fréquentes rixes avec les autres skinheads ou les punks, sans oublier les agressions envers les noirs ou les immigrés. Le paki bashing reprend, motivé par la xénophobie et le racisme.

Certains skinheads ont pu se rapprocher de l'extrême-droite pour prendre le contrepied des punks (not dead) de la période 1979-1982 : rejet de la saleté, du look destroy mal rasé, de la clochardisation, de l'anarchisme, des drogues dures... respect des valeurs familiales, du travail, de la patrie, allure physique et vestimentaire saine et propre... C’est-à-dire le rejet de la marginalisation et l'attachement à des valeurs à la fois populaires et conservatrices. Idéologiquement ces premiers skinheads et punks nationalistes ratissent très large : rescapés du nazisme britannique des années trente qui servent de mentors, antisémites de tout poil, xénophobes échaudés par l'immigration, anticommunistes qui dénoncent les États soviétiques, hooligans violentissimes, punks et skinheads dépourvus de repères idéologiques qui aiment provoquer en arborant des insignes nazis (alors que leurs parents ont souvent combattu les nazis en 1939-45)...

Strength Thru Oi!, une compilation sortie en mai 1981, cause quelques controverses. Ce devait être la compilation phare de la vague Oi! : du vrai street-punk pour les jeunes ouvriers. Les groupes participant ne sont pas d'extrême-droite, mais depuis plusieurs mois les journalistes épinglent les actes xénophobes ou racistes de certains skinheads. Or le titre de la compilation est calqué sur "strength thru joy" (de l'allemand Kraft durch Freude, la santé par la joie), organisme des loisirs nazis du Troisième Reich. Puis la presse révèle qu'une personne représentée sur la pochette est un néo-nazi emprisonné pour violences racistes. Pour l'opinion publique britannique, il semble désormais évident que les skinheads sont des activistes d'extrême-droite. Le 3 juillet 1981, un concert à la Hamborough Tavern de Southall, où jouent The Business, The 4-Skins, et The Last Resort, est incendié par des jeunes asiatiques qui ont pensé que l'évènement était un rassemblement néo-nazi. Par la suite, malgré un reportage télévisé à la BBC qui donne la parole à des skinheads opposés à l'extrême-droite et tente de démontrer que les groupes Oi! concernés ne sont pas néonazis, la majorité des journalistes continuent d'associer la scène Oi! à l'extrême-droite.

Écœurés par cette récupération de leur contre-culture et fidèles à leurs racines métisses, les skinheads antiracistes se regroupent à partir de 1979-80 dans Skinheads Against the Nazis (SAN, impulsé et contrôlé par le Socialist Worker's Party, trotskiste), puis au sein des SHARP (SkinHeads Against Racial Prejudice). Ce mouvement est fondé à New York en 1987 et est lui-même issu d'un groupe de skinheads de Cincinnati appelé Baldies Against Racism depuis 1985. La figure emblématique du mouvement SHARP est Roddy Moreno, leader du groupe gallois The Oppressed et importateur en 1988 du SHARP au Royaume-Uni. The Oppressed chantent Work together, référence marxiste implicite et hymne à la classe ouvrière. Mais avant que les « pare-feux » ne se mettent à fonctionner, l'image des skinheads, et même de certains groupes emblématiques de la scène, a eu à pâtir de la dérive vers le néonazisme d'une partie d'entre eux. Ainsi les Sham 69 sont désespérés que de nombreux skinheads d'extrême-droite fréquentent leurs concerts (la "SHAM Army", cohorte de fans du groupe, étant même gangrénée par ceux-ci). Son chanteur mythique Jimmy Pursey décide alors de remettre les pendules à l'heure en faisant jouer le groupe dans les festivals RAR (Rock Against Racism), par exemple contre l'apartheid en Afrique du Sud. Les Sham 69 adaptent le chant révolutionnaire chilien El pueblo unido jamas sera vencido (Le peuple uni ne sera jamais vaincu) en If the kids are united they will never be defeated (Si les jeunes sont unis, ils ne seront jamais battus). Ces groupes réaffirment leur fierté d'appartenir à la classe ouvrière et de partager ses valeurs : fraternité, solidarité, luttes sociales... À la même époque les Dead Kennedys (groupe punk californien) dénoncent la dérive des punks et skinheads nazis dans le morceau Nazi punks. Fuck off!.

Certains skinheads antiracistes sont engagés au sein du SWP, Socialist Worker's Party, organisation marxiste révolutionnaire trotskiste qui organise de grandes grèves à partir de 1980 en réaction à la politique libérale du gouvernement Thatcher (remise en cause d'acquis sociaux, restructurations dans l'industrie et les mines...). Ils sont appelés reds (rouges) par les nationalistes qui les accusent de vouloir faire basculer l'Occident dans la sphère soviétique. Certains sont effectivement trotskistes, donc communistes, mais opposés à l'URSS. Mais la plupart des skinheads antiracistes de cette époque au Royaume-Uni sont plutôt proches du travaillisme (l'aile gauche du Labour Party anime le red wedge, le "coin rouge", à destinations des jeunes punks et skinheads) et du syndicalisme réformiste. Ils ne constituent que des compagnons de route du SWP. Les véritables redskins, impliqués dans la gauche révolutionnaire, constituent d'ailleurs à l'origine un mouvement distinct des skinheads. Ils gravitent autour du groupe de soul-rock The Redskins, animé par des permanents du SWP.

Les skinheads antiracistes considèrent les nationalistes et les néonazis comme de faux skinheads et les appellent boneheads (littéralement « crânes d'os », en fait l'équivalent anglais de « crétin »). Les skinheads d'extrême droite appellent leurs opposants reds (« rouges » ou « gauchos » en français) ou redskins (« peaux rouges »). Ces termes, péjoratifs dans l'esprit de ceux qui les utilisent, ont toujours cours aujourd'hui.

Les skinheads aujourd'hui

Skinheads lors d'un concert

Aujourd'hui la mouvance des skinheads est profondément divisée et hétéroclite. Le néophyte aura bien du mal à les départager, d'autant plus que les codes vestimentaires sont similaires malgré des tendances politiques très différentes. Comme la culture skinhead est fondée sur un support musical, la lecture des chansons, l'imagerie des pochettes de disque, les labels de distribution, de production, les logos ou slogans affichés permettent souvent de localiser politiquement les artistes.

Malgré cette diversité, il y a des points communs qui rassemblent (presque) tous les skinheads : ils sont généralement issus des classes sociales modestes ou moyennes, et sont fiers de leurs origines sociales. Enfin, les skinheads sont également très actifs dans la rédaction et la diffusion de fanzines dédiés à la musique, au football et à d'autres cultures (comme le tatouage ou le scooterisme par exemple).

Les skinheads non politisés

Ils sont présents partout en Europe, aux Amériques, en Australie, en Asie... En fait, ils sont présents partout dans le monde où il y a une scène skinhead. Ils constituent très vraisemblablement la majorité silencieuse du monde skinhead. Ces derniers refusent toute récupération politique et rejettent toute affiliation à un parti ou à un syndicat à travers leur identité skinhead. Toutefois, cela ne signifie pas que ces skinheads sont dépourvus de conscience politique. Bien au contraire. En réalité, ces derniers n'ont tout simplement pas envie de mélanger musique et culture skinhead avec un engagement politique. Il est probable que la plupart d'entre-eux votent, participent à des débats de société, s'engagent par ailleurs. Mais ils ne l'affichent pas sur leurs vêtements. Pour eux, le militantisme politique au sein de la scène skinhead est un poison et le mouvement skinhead doit revenir à ses racines des années 1960, à savoir redevenir aussi apolitique que les scènes mod, psycho, scooterist ou rocker. Cette mouvance apolitique n'est ni structurée ni organisée.

En France l'ultragauche a longtemps désigné les apolitiques comme des brutes pour qui ne comptaient que les "3B" (bière, baise, baston), voire comme des crypto-fascistes ou des spécialistes du retournement de veste. Il est vrai que certains skinheads français des années 1980 ont commencé par être apolitiques avant de devenir néonazis. On peut évoquer ici le très controversé chanteur du groupe L'Infanterie Sauvage. Il y eut aussi des parcours inverses. Surtout les skinheads apolitiques apparaissent aujourd'hui comme échaudés par les extrémistes de tous bords. Mais la plupart s'affichent aussi comme antiracistes et non-nazis, ce qui est déjà une prise de position par la négative.

L'humour n'a pas toujours sa place dans les différentes mouvances skinheads : lorsque que le groupe français Œil Pour Œil, autoproclamé apolitique, choisit d'intituler son album RAC- Rock Anti Caillera, il provoque le scandale. Le sigle RAC désigne en fait la musique des skinheads néonazis et signifie rock against communism (rock anticommuniste). De plus de nombreux skinheads d'extrême-droite avaient fait de la chasse aux délinquants et dealers (« la caillera », donc « la racaille ») un de leurs thèmes de prédilection. Humour? Provocation?

Les Skinheads Against Racial Prejudice

À l'origine les skinheads apolitiques furent ceux qui refusèrent l'embrigadement par l'extrême-droite au début des années 1980 aux Etats-Unis. Le mouvement SHARP américain peut alors être considéré comme apolitique tout comme son « petit frère » anglais (malgré une présence certaine de skinheads militants issus d'un mouvement trotskyste, la Red Action, scission du SWP). Le SHARP est à la frontière de l'apolitisme et de l'engagement idéologique. De manière très paradoxale on pourrait définir les skinheads Sharp comme des « apolitiques de gauche » (l'expression est d'un journaliste québécois). Cependant les premiers skinheads sharp ont souvent dénoncé le système soviétique.

Le mouvement S.H.A.R.P (Skin Heads Against Racial Prejudice, "Skinheads contre les agressions raciales") désigne donc de façon générale un mouvement de skinheads dits traditionnels qui se positionnent contre le racisme et le fascisme. En France le Sharp se veut « antiraciste, antifasciste et populaire ». Dans de nombreux pays, le Sharp arbore souvent les couleurs nationales : le premier logo du Sharp américain représente une bannière étoilée qui terrasse un croix gammée. Ces même skinheads sharp américains s'affichent aussi souvent comme patriots (patriotes). Il peut sembler curieux depuis l'Europe que ces skinheads aient défilé contre le racisme ou l'homophobie d'une part, mais aussi pour soutenir les troupes américaines lors de la première guerre du Golfe d'autre part! La France, l'Allemagne, l'Italie et d'autres ont connu des dictatures nationalistes, ce qui rend suspectes les exubérances patriotiques aux yeux de la gauche. Aux États-Unis presque toute la population se dit patriote sans pour autant appartenir à l'extrême-droite. Même la gauche contestataire utilise la bannière étoilée et se réfère à la Constitution fédérale pour appuyer ses revendications.

Les Trojan

Article connexe : Trojan Records.

Parmi les branches de la mouvance skin qui n'ont pas forcément de coloration politique générale, on rencontre en particulier les Trojan skinheads ou skinheads traditionnels, perpétuateurs de l'esprit de 1969, fans de reggae, de soul, de rocksteady et de ska, ils circulent souvent en scooter comme les 'mods', ils ne mêlent pas forcément musique et politique. Ils affichent cependant un antiracisme sincère à travers leur amour pour la black music et revendiquent leur appartenance à la classe ouvrière. Ils sont, au sens historique, les fidèles continuateurs de la première vague skinhead. On les surnomme parfois baldies ("les chauves"), en raison soit de leur coupe courte, soit de leur âge avancé. Les groupes emblématiques de cette scène, outre les vieilles stars comme Laurel Aitken, sont ceux qui pratiquent le retour aux sources des années 1960, comme par exemple les Américains des Slackers, des Hepcats ou des Aggrolites. On peut citer aussi le très rootsy rythm'n'blues jamaïcain parisien des Jim Murple Memorial.

D'une manière générale le skinhead reggae et le ska-punk connaissent depuis les années 1980 de multiples avatars. L'école ska revival(par exemple les Américains des Toasters ,les Allemands de No Sports, Dr Ring Ding ou les français de Rude Boy System) reste très liée au phénomène skinhead. C'est une musique très cuivrée et dansante qui reprend les thèmes jamaïcains des années 1960. Certains musiciens évoluent vers une approche plus jazz, comme ceux du New York Ska-Jazz Ensemble. L'école ska-punk évolue vers une musique plus punk-rock avec des groupes américains commme Operation Ivy (dont le bassiste joue actuellement dans Rancid). Cette musique s'adresse à un public davantage punk et moins spécifiquement skinhead. Le ska est même mêlée au punk hard-core pour une musique tonitruante comme celle des Américains de Voodoo Glow Skulls. La plupart des groupes de punk-rock un tant soit peu underground (c'est à dire non commerciaux) ont toujours un morceau ska ou reggae en réserve lors des concerts. Les Californiens de NOFX non seulement jouent de nombreux morceaux ska-punk, mais scandent Oi! lors de leurs concerts (avec humour et ironie). L'héritage skinhead est bien là.

Parmi les groupes de musique street-punk et Oi! apolitiques, on peut citer The Last Resort, The Burial, 4-Skins, Cock Sparrers, Warzone ou encore The Business pour les anciens. Aujourd'hui beaucoup de groupes skinheads, ou avec des références partiellement skinheads, sont de fait apolitiques, tout en rejetant le racisme et en prônant souvent l'union des punks et des skinheads : Agnostic Front (EU) pour la tendance hard-core, les Hollandais de Discipline, les Dropkicks Murphys(EU) qui mêlent street-punk façon Cock Sparrers et folk irlandais façon Pogues, Perkele (Suède) ou The Templars (EU) pour une Oi! aux accents pub-rock et aux sonorités garage rock...

Casuals, Hooligans, Ultras

Ces termes renvoient à la nébuleuse footballistique. Les hooligans sont des supporters qui utilisent la violence pour peser sur le résultat d'un match. Les hooligans habillés en skinheads représentent aujourd'hui une infime minorité, tant au Royaume-Uni que dans le reste du monde. Les casuals sont des holligans bien habillés, très éloignés par leur allure vestimentaire du skinhead ou du "jeune de banlieue". Mais les casuals aiment la « baston » sous leurs dehors respectables. Les ultras ne sont pas nécessairement violents et bagarreurs. Ce sont des supporters inconditionnels organisés en clubs. La plupart ne se battent que lorsqu'ils sont agressés. Le terme hools est parfois utilisé pour désigner des skinheads supporters de football tantôt ultras, tantôt hooligans.

Le lien entre culture skinhead et hooliganisme n'est plus à démontrer en ce qui concerne le Royaume-Uni des années 1960-70. Cependant aujourd'hui, partout dans le monde peu nombreux sont les hooligans qui s'habillent en skinheads. Mais des liens persistent entre les cultures skinheads contemporaines et le monde des tribunes de football.

Il existe des associations d'ultras ouvertement antiracistes, d'autres au contraire implicitement xénophobes, racistes, voire néonazies. Il n'est pas rare qu'une même équipe soit supportées par des groupes aux idées complètement opposées.

Les skinheads politisés

Les skinheads politisés sont des militants politiques, syndicaux ou associatifs qui partagent soit une idéologie d'extrême-gauche soit une idéologie d'extrême-droite. Leur volonté est de faire passer un message politique radical à travers leurs concerts, leurs fanzines et actions. En dehors de similitudes vestimentaires et musicales (musique oi!), les skinheads d'extrême-droite et d'extrême-gauche s'opposent radicalement, presque toujours par la violence.

Les skinhead d'extrême-droite

Les nationalistes

Ces derniers sont proches des partis d'extrême-droite traditionnels, comme le Front national ou le Mouvement national républicain (MNR) en France. Au Royaume-Uni ils sont regroupés dans le National Front ou le British National Party. Ces skinheads ne sont pas ouvertement néonazis. Ils sont identitaires (défense de l'identité nationale, de la culture gréco-romaine ou celto-germanique, et de l'héritage chrétien de l'Europe) et anti-gauchistes. Leur nationalisme exacerbé peut les rapprocher de temps à autre du mouvement White Power (raciste et néonazi). La plupart sont particulièrement opposés à l'islam et aux immigrés d'origine maghrébine (en France), pakistanaise (Royaume-Uni) ou encore turque (Allemagne). Les skinheads nationalistes, souvent attachés aux valeurs conservatrices, méprisent souvent les homosexuels. Le Groupe union défense (GUD, mouvement étudiant d'extrême droite en France) a un temps recruté parmi les jeunes autour de thèmes fédérateurs comme la défense de l'identité française, le refus de l'immigration ou la corruption des hommes politiques. Selon Fiammetta Venner[1], de nombreux Beurs ou individus d'origine immigrée composent le mouvement boneheads d'extrême-droite et leur engagement fait penser au symptôme d'une crise identitaire, « comme si le fait d'être parmi les plus racistes faisait oublier leurs origines et était la forme ultime d'intégration ».

L'extrême-droite française est divisée et les skinheads qui en sont proches de même. Beaucoup récusent le terme skinhead pour lui préférer celui de « jeune nationaliste ». La fréquentation des sites et forums internet de cette mouvance nous apprend ainsi que certains sont profondément antisémites, ils condamnent l'existence même d'Israël et prennent fait et cause pour les Arabes palestiniens et même les islamistes. Le look des "jeunes identitaires" est à part dans la culture skinhead. La préférence va au surplus militaire, treillis et jean, et aux rangers ou paraboots plutôt que les Doc Martens. Comme chaussures basses, tous ce qui est noir à grosse semelle est accepté, comme les chaussures de sécurité, des botillons ou des Doc Marten's 1.4.60. En France, certains portent même des bérets comme symbole de leur identité française. La ressemblance avec la tenue des néo-nazis est parfois flagrante, comme les blouson noirs ou les pantalons militaires. Quant aux insignes des identitaires, ils s'agit exclusivement de la flamme tricolore ou de la croix celtique. Les identitaires portent les cheveux courts ou très courts, mais rarement rasés à blanc. Certains se laissent pousser les cheveux. On peut en déduire que les membres du groupe de RIF Fraction sont des Skinheads identitaires. Leurs principaux ennemis sont les délinquants issus de l'immigration, qu'ils appellent la "racaille" ou encore la "caillera".

Les White Power, néonazis et suprémacistes blancs
Articles connexes : Skinhead nazi et NSBM.
Skinhead nazi

Ouvertement nazis, donc racistes. On parle aussi de boneheads (littéralement, crâne d'os), terme péjoratif utilisé par leurs opposants (tous les autres skinheads), ou de naziskins. Ils sont très actifs (et ont été assez répandus en France dans la période 1985-95, où ils représentaient alors la majorité des skinheads) et regroupés dans diverses organisations telles Blood and Honour, Hammerskins ou Combat 18, un groupe terroriste organisé à partir du kop fasciste des Chelsea Headhunters. Ces boneheads WP sont très visibles en Scandinavie, en Allemagne de l'Est (ex-RDA), dans certaines régions des États-Unis (où ils sont organisés en réseau avec d'autres organisations d'extrême-droite comme le Ku Klux Klan), ainsi qu’en Europe de l’Est, notamment en Pologne, Serbie ou surtout Russie, pays qui compte le plus grand nombre d'entre-eux (où ils défraient souvent la chronique par leurs nombreuses agressions contre des immigrés ou Russes orientaux, allant couramment jusqu'au meurtre).

Le look se distingue un peu du look skinhead : il est franchement paramilitaire, les cheveux sont généralement rasés à blanc. Les insignes sont la croix gammée, les écussons de la LVF ou de la division Das Reich, la croix celtique, les galons de la Wehrmacht ou de la SS... Notons qu'en France, le port ostensible des insignes du Troisième Reich ou de l'Etat Français est interdit par la loi. La symbolique germanique, viking ou celte est souvent utilisée par les skinheads néonazis qui marquent ainsi leur rejet des valeurs judéo-chrétiennes et prônent un retour au paganisme indo-européen. L'usage de l'imagerie celte ou germanique est une récupération. Tous les mouvements qui se réclament du paganisme, du celtisme etc ne sont pas néonazis, ni même nationalistes. Les naziskins se reconnaissent grâce au sigle NS (national-socialiste, c'est-à-dire nazi), généralement accolé au nombre 88 (pour HH, huitième lettre de l'alphabet et initiales de "Heil Hitler", ou pour SS, huitième lettre à l'envers de l'alphabet). La marque Lonsdale a longtemps été la préférée des néonazis car en ouvrant partiellement le blouson sur le t-shirt on peut lire NSDA, qui sont les initiales de National-Sozialistische Deutsche Arbeiter (travailleurs national-socialistes allemands). Ces initiales renvoient à NSDAP, "National-Sozialistische Deutsche Arbeiter Partei", le parti nazi de Hitler. Cependant les propriétaires de la marque ont beaucoup communiqué sur le fait que le champion de boxe Lonsdale, à l'origine de la marque, a créé à Londres la première salle d'entraînement ouverte aux noirs. Il n'y a jamais eu de lien officiel entre la marque Lonsdale et l'extrême-droite. Les naziskins ont aujourd'hui leurs propres marques et sigles emblématiques.

Les skinheads néonazis se réclament aussi de la classe ouvrière. Dans les années 1980 beaucoup d'entre-eux se considéraient comme les fils spirituels des SA (Sections d'assaut, brigades de militants nazis des années 1930 en Allemagne). Ces SA tenaient un discours à la fois nationaliste, raciste mais aussi social et étaient issus du monde ouvrier et de la petite bourgeoisie. Ils réclamaient des mesures sociales avancées et la constitution d'une armée populaire. Leurs chefs furent exécutés et leurs organisations absorbées par les SS aux ordres d'Hitler lors de la nuit des Longs Couteaux en 1934.

Le lien qui unit les naziskins du monde entier est le racisme : ils pensent représenter l'élite de la race blanche européenne et se préparent à la « guerre des races ». En Amérique du Nord, le terme « suprémaciste » désigne ceux qui croient en la supériorité de la race blanche. Dans certains pays, comme la France, où il est très mal vu de se dire raciste, l'extrême-droite recoure à l'euphémisme « ethnoséparatiste » (partisan de la séparation des ethnies).

La musique des naziskins est le RAC : Rock Against Communism. La plupart des groupes rac sont diffusés de façon discrète, par la vente par correspondance, où lors des concerts. Beaucoup de "distros" (petites organisations indépendantes de distribution musicale) en France ou en Allemagne refusent de vendre des disques rac (soit par antifascisme, soit pour éviter les ennuis). Ceux qui acceptent de distribuer cette musique, comme par exemple Bords de Scène, à Paris, sont alors identifiés par les skinheads antifascistes comme des agents sournois de l'extrême-droite. Chez les skinheads le simple commerce n'est jamais neutre.

Parmi les groupes musicaux néonazis, on peut citer : Les Allemands Landser, les Français Légion 88, Bunker 84, Chevrotine, Division Skinhead, les Australiens Fortress, les Polonais Konkwista 88, les Américains Bound For Glory ou encore les Suédois Pluton Svea. Le groupe de référence reste les Anglais de Skrewdriver (cf la première partie de l'article).

Il existe, depuis quelques années, un rapprochement entre les skinheads white power et les milieux black metal païens aussi appelé NSBM, qui se réclament parfois eux aussi du national-socialisme, créant un style hybride qui commence à prendre une certaine ampleur, notamment en Europe de l’Est et aux États-Unis. Si l'on constate aussi une adhésion aux idées d'extrême-droite dans une partie minoritaire des scènes industrielle et dark folk, la mouvance gothique est loin d'adhérer massivement à l'extrême-droite. Il y a là encore une récupération partielle. Seul le RAC peut être considéré, par les idées qu'il véhicule, comme authentiquement d'extrême-droite. Cependant nationalistes et néonazis fréquentent aussi d'autres univers musicaux qui ne leur sont pas réservés (il serait absurde et anachronique de décréter que Beethoven et Wagner sont nazis sous prétexte qu'Hitler utilisait leur musique lors de ses meetings).

Les Skinheads d'extrême gauche

Les Redskins

A l'origine, il s'agit d'un groupe de soul-rock britannique The Redskins (fin 70's/première moitié 80's), dont plusieurs membres appartenaient au Socialist Workers Party et en étaient des permanents. Le nom vient d'une bande de skins de Sheffield proche du minuscule British Communist Party. Le groupe, qui tient un discours révolutionnaire sur fond de musique soul mâtinée de punk rock, passera la majorité de sa courte carrière à soutenir les luttes de résistance contre les dégâts sociaux et politiques du libéralisme de Margaret Thatcher. Notable signe d'indépendance et de radicalisme, ils refuseront de devenir animateurs du Red Wedge (le "coin rouge") avec d'autres groupes et artistes (Style Council, Billy Bragg, Bronski Beat/The Communards...) jugeant celui-ci trop proche du Parti Travailliste. Leurs incessantes tournées leur permettent d'être le point de rencontre où se regroupent d'authentiques skinheads "rouges" qui commencent plus ou moins à s'organiser pour reprendre la rue aux fascistes ou défendre les concerts. Ces skinheads sont regroupés dans la Red Action Skinhead, fraction skinhead de la Red Action, un petit groupe politique trotskiste issu d'une scission du SWP sur la question de l'anti-fascisme dans la rue, ou issus de bandes à caractère particulier, comme celle des skinheads de Coventry. Enfin ils permettront de fédérer nombre de skins traditionnels déçus par le tournant raciste de la scène, d'ex-punks rejetant le folklore punk's not dead et des étudiants en rupture de fac en amenant au grand public leurs thèmes de prédilection : anti-apartheid, soutien aux mineurs en grève et antiracisme dans les quartiers populaires.

En France, les premiers redskins sont portés par l'émergence de la scène dite du rock alternatif, représentée par Bérurier Noir, Nuclear Device, Ludwig Von 88 (qui a introduit "88" dans le nom de son groupe ironiquement pour faire grincer les dents des néonazis), Babylon Fighters, LKDS, Laid Thénardier... et sont popularisés par les luttes étudiantes de l'hiver 86 contre les skinheads d'extrême-droite. Ils affichent un look empruntant autant aux skinheads qu'aux tribus "rock" en général (punks, mods, psychobillys...).
Nombre de ces redskins ont aussi gravité autour du réseau SCALP (sections carrément anti-Le Pen ou section de contre-attaque à la peur), et en particulier du SCALP-REFLEX parisien. Au reflux de la vague alternative, à partir de 1989, certains se sont ensuite rapprochés du style skinhead originel en conservant parfois quelques particularismes hérités de cette première vague redskin : bomber retourné côté doublure orange, lacets rouges, insignes et patches communistes divers... C'est dans le Sud de la France, à Toulouse, Marseille et Bordeaux que la jonction avec un mouvement skin plus traditionnel va s'opérer encore plus avant.
Mais tous les redskins ne se considèrent par pour autant comme skinheads. Si la majeure partie d'aujourd'hui peut être rattachée aux skinheads (musiques, style vestimentaire ou de vie...), il subsiste un courant qui n'en reste qu'à la marge ou, même, s'en éloigne parfois au niveau culturel (investis dans le rap...) et ne cultivant souvent avec les autres redskins qu'un lien social et politique.

Les Red And Anarchist Skinheads
Logo du RASH

Fondé à New York au tout-début des années 1990, le RASH (Red and Anarchist Skinheads), surtout européen et, depuis quelques années latino-américain, regroupe d'anciens redskins de la première vague et de nouveaux skinheads engagés à l'extrême-gauche, parfois issus de la mouvance SHARP, le premier groupe Rash étant issu du SHARP new-yorkais et de l'Anti Fascist Action. Ses membres considèrent leur appartenance au mouvement skinhead comme un complément de leur engagement militant, le skinhead devenant une forme d'idéal ouvriériste, mais l'inverse est parfois vrai : certains skinheads « sentimentalement » ou culturellement de gauche, mais sans engagement, deviennent militants par les fréquentations, la formation ou l'acquisition expérimentale au sein de bandes et groupes où sont présents des militants du RASH.

Le sigle Rash apparaitra tout d'abord au Havre puis à Bordeaux autour des rédacteurs du fanzine Shaven Republic (ou RASH est décliné en Red Action Skin Head), pour ensuite s'implanter à Paris. La plupart des skinheads RASH en France, gravitent autour de : l'Union anarchiste, la Fédération anarchiste, the Anarchist Black Cross, l'Organisation communiste libertaire, la Confédération nationale du travail (anarcho-syndicaliste), la Ligue communiste révolutionnaire, le réseau No Passaran (issu du SCALP) et différents groupuscules trotskistes ou guévaristes, voire, marginalement, post-maoïstes... Ce mouvement revendique un antiracisme viscéral et un antifascisme radical et joue parfois la surenchère vis-à-vis du SHARP, tantôt considéré comme un allié, tantôt comme un concurrent (mais pas comme un ennemi). Les thèmes de la lutte des classes, de l'urgence révolutionnaire ou de l'internationalisme sont récurrents. Un slogan des skinheads rash est : « Pas de guerre entre les races, pas de paix entre les classes ».

Parmi la scène skinhead d'extrême-gauche, on peut citer les italiens de Banda Bassotti, Erode, Los Fastidios ou les groupes indépendantistes catalans marxisants Opcio K-95 et Pilseners, les madrilènes de kaos Urbano, Guerilla Oi! ou Non Servium, les basques de Suburban Rebels ou Mossin Nagant, les groupes libertaires parisiens Brigada Flores Magon et Ya Basta ! ou les groupes bordelais Los Foiros et Redweiler.

Nombre de groupes, sans être d'ailleurs idéologiquement marqués, soutiennent certaines initiatives du réseau Rash, on peut citer : les Allemands de Stage Bottles, les légendes britanniques Angelic Upstarts, le premier groupe Oi! Italien Nabat, ou encore les très sharp The Oppressed...

A noter que certains skinheads Sharp, Rash et de nombreux redskins s'affichent aussi comme indépendantistes, voire nationalistes. Il existe deux nationalismes : un d'extrême-droite (primauté de la nation, valeur structurelle), auquel se rattachent skinheads nationalistes et néonazis, un autre de gauche (liberté pour la nation, espace historique et dialectique d'une communauté de destin), auquel se rattachent certains skinheads engagés à gauche, en particulier au sein de minorités qui luttent pour leur reconnaissance ou leur indépendance : Bretons, Basques, Catalans, Occitans... Dans ce dernier cas il s'agit d'une mouvance très minoritaire et qui arbore le slogan "Occitània Antifascista". Il en va de même pour la plupart des skinheads pro-indépendance basque qui reprennent à leur compte la culture marxiste et antifasciste de l'ETA des années 1970. Il n'y a donc pas d'équivoque.

Autres identités skinheads

De manière plus anecdotique, il existe d'autres identités skinheads.

Les skinheads chrétiens

Leur positionnement est ouvertement antiraciste et antinazi. Très présents en Amérique du Nord (Canada et États-Unis) où la scène punk-rock chrétienne est gigantesque, les skinheads chrétiens font de plus en plus parler d'eux en Europe. Aux États-Unis ils sont souvent issus de la mouvance évangéliste progressiste plutôt que du catholicisme ou de l'évangélisme conservateur. Ils sont cependant beaucoup plus présents dans les milieux hardcore ou ska/rocksteady que dans le milieu Oi!. Parmi les groupes skins chrétiens, on peut citer le groupe de ska/rocksteady américain The Israelites, le groupe de punk hardcore américain The Deal, le groupe street-punk américain aux sonorités écossaises Flatfoot 56 ou encore le groupe de Oi! allemand Jesus Skins

Les Gayskins

"Skinheads" homosexuels. La mode skinhead est ostensiblement arborées par certains homosexuels, appelés gayskins avec quelques fantaisies amusantes : polo rose fluo ou pantalon en latex moulant... Dans la pornographie homosexuelle masculine, le skinhead est un avatar du working class boy (jeune ouvrier). Les skinheads d'extrême-droite, généralement homophobes, récusent cette mouvance. Les autres ne les prennent guère au sérieux car les références skinheads des gayskins sont davantage vestimentaires que musicales. Jimmy Summerville, du groupe Bronski Beat, était-il le prototype du skinhead gay? A noter qu'il existe néanmoins, dans la mouvance SHARP americaine (collectif Brotherhood) ou Rash (notamment en Allemagne), de véritables skins gays affirmés et revendiqués comme tels. Il existerait aussi un groupuscule gay néonazi fondé par un roadie du groupe fasciste Skrewdriver : les Gay Aryan Skinheads (skinheads aryens gays), qui se réfèrent aux SA et aux mœurs « grecques antiques » de ces derniers. Mais ces skinheads homosexuels nazis pratiquent beaucoup moins l'art du second degré que les autres gayskins et tentent surtout, à travers leurs contradictions, de faire exister une identité marginale en soi autant que dans leur propre espace socio-politique.

Les Gabbers

Les Gabbers, ou Gabba-skins, n'ont en général en commun avec les autres skinheads que le look. Ce sont des amateurs de musique techno, surtout "hardcore", "gabber" ou "hardstyle". Certains sont aussi ouvert aux autres musiques skinheads comme le reggae et la Oi! Quelques-uns s'affichent antiraciste et antifascistes, d'autres au contraire appartiennent à l'extrême-droite. Beaucoup de Gabba Skins sont aussi supporters-hooligans ou ultras, donc visibles dans les tribunes des stades de football. Cette mouvance Gabba Skin semble peu présente en France, au Royaume-Uni, Canada et États-Unis. En revanche elle est plus importante aux Pays-Bas, en Belgique, en Suisse et en Allemagne.

Conclusion

Il faut retenir que les premiers skinheads sont apparus à la fin des années 1960 au Royaume-Uni et qu'ils n'étaient en aucun cas des militants politiques ou syndicaux. Leurs points communs étaient leur origine sociale modeste, leur amour de la musique noire, en particulier jamaïcaine, et leur goût pour la bagarre. Cette mode rassemblait aussi bien des blancs que des noirs.

C'est avec l'apparition du punk rock en 1977 et surtout du chômage qui frappe de plein fouet l'Europe à la fin des années 1970, que le mouvement skinhead se scinde et qu'une partie des skinheads est séduite par les textes néonazis de la seconde formation du groupe britannique Skrewdriver.

Aujourd'hui les skinheads sont nombreux à travers le monde, mais profondément divisés tant par leurs références musicales que leurs attaches idéologiques.

Bibliographie

  • Série photographique sur les mods, punks, skinheads : Tribes Of England - Our culture
  • Roman très autobiographique sur les hooligans : Football Factory, Éditions de l'olivier ISBN 2-87929-464-9 de John King
  • Daniel Hubert et Yves Claudé,, Les skinheads et l'extrême droite, VLB editeur, Montréal, 1991, 134 p. (ISBN 2-89005-439-X)
  • Benoît Marin-Curtoud, Planète skin : les groupuscules néo-nazis face à leurs crimes, L'Harmattan, 2000, 204 p. (ISBN 2-7475-0058-6)
  • Le Mouvement skinhead et l'extrême-droite, Ligue des droit[s] et libertés, Montréal (Québec), 1989, 111 p. (ISBN 978-2-920549-92-0)
  • (de) Klaus Farin et Eberhard Seidel, Skinheads, C.H. Beck, Munich, 2002 (5e éd.), 245 p.(ISBN 978-3-406-47583-2)
  • (de) White noise : Rechts-Rock, Skinhead-Musik, Blood & Honour - Einblicke in die internationale Neonazi-Musik-Szene, Searchlight Magazine Ltd. (Londres), Unrast, Hambourg, Münster, 2001, 167 p.(ISBN 3-89771-807-3)
  • (en) Mark S. Hamm, American skinheads : the criminology and control of hate crime, Praeger, Westport, Conn., Londres, 1993, 243 p. (ISBN 0-275-94355-0)

Aussi, un livre qui intéressera sans doute les skinheads :

  • Jérémie Kroubo Dagnini, Les Origines du reggae : retour aux sources. Mento, ska, rocksteady, early reggae, L'Harmattan, coll. Univers musical, 2008 (ISBN 978-2-296-06252-8)

Filmographie

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Articles connexes

Liens externes

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Notes et références

  1. Fiammetta Venner ,Extrême France p.102, Grasset, 2006
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