Services écologiques

Services écologiques

Les écosystèmes rendent de nombreux services dits services écologiques ou services écosystémiques qu'on classe parfois comme bien commun et/ou bien public.

Sommaire

Eléments de définition

La définition communément admise de services écosystémiques ou écologiques est celle du Millenium Ecosystems Assessment(MEA) qui dit que ce sont les bénéfices que les humains retirent des écosystèmes sans avoir à agir pour les obtenir. Il faut distinguer les services des fonctions écologiques qui les produisent : les fonctions écologiques sont les processus naturels de fonctionnement et de maintien des écosystèmes, alors que les services sont le résultat de ces fonctions. Ces services sont par exemple la production de l'oxygène de l'air, l'épuration naturelle des eaux, les ressources qui nourrissent les animaux domestiqués ou chassés, l'activité des pollinisateurs des cultures, des organismes qui produisent et entretiennent l'humus, la séquestration naturelle de carbone dans le bois, les sols, les mers et le sous-sol, ou encore le recyclage permanent des nutriments et de la nécromasse par les animaux, champignons, bactéries.
On y inclut parfois les aménités gratuitement offerte par la nature comme la beauté des paysages.

La Stratégie nationale pour la biodiversité les définit comme « Utilisation par l’homme des fonctions écologiques de certains écosystèmes, à travers des usages et une réglementation qui encadrent cette utilisation. Par souci de simplicité, on dit que les écosystèmes « rendent » ou « produisent » des services. Toutefois, une fonction écologique ne prend la forme d’un service à l’homme que dans la mesure où les pratiques sociales reconnaissent le service comme tel, c’est-à-dire reconnaissent l’utilité de la fonction écologique pour le bien-être humain. Ce sont, par exemple, la production de l’oxygène de l’air, l’épuration naturelle des eaux, les ressources qui nourrissent les animaux domestiqués ou chassés, l’activité des pollinisateurs des cultures, des micro-organismes qui produisent et entretiennent les sols, la séquestration naturelle de carbone dans le bois, les sols, les mers et le sous-sol, ou encore le recyclage permanent des nutriments et de la nécromasse par les animaux, champignons, bactéries[1]. »

Les moyens d'apprécier et quantitativement mesurer ces services qui sont souvent holistiques, diffus ou liés à des réseaux écologiques et complexes sont encore en débat[2], mais de nombreuses expériences ou tentatives de mesures ont lieu depuis la fin du XXe siècle, en particulier dans le domaine des ressources en eau, des forêts, du cycle du carbone et des puits de carbone.

Notion de fonctions et de fonctionnalités écologiques

Depuis les années 1990, dans le domaine de l'évaluation environnementale, on considère généralement[3],[4] que les fonctions écologiques sont les processus biologiques de fonctionnement, d'auto-entretien et de résilience qui maintiennent les écosystèmes en leur permettant d'évoluer (équilibre dynamique). Ces fonctions incluent les services écosystémiques en tant que processus biologiques produisant des bénéfices retirés par l'Homme. Ces notions sont plus ou moins relatives selon qu'on considère les bénéfices directs ou indirects. On cherche parfois à évaluer la valeur de ses fonctions pour les hiérarchiser[5], notamment dans le domaine de l'eau[6],[7].

Évaluation

À échelle mondiale, ces services ainsi que l'état des écosystèmes ont fait l'objet d'une première évaluation globale mondiale par l'ONU, dite : Évaluation des écosystèmes pour le millénaire. Un nombre croissant d'indicateurs[8] sont proposés pour suivre l'état et la structure des écosystèmes, les pressions anthropiques et les réponses des communautés animales, végétales, fongiques et microbiennes, notamment pour mesurer le chemin à parcourir pour atteindre d'objectif de stopper la perte de biodiversité[9], si ce n'est celui de préserver l'écopotentialité ou d'atteindre la restauration du « bon état écologique ».

La valeur « utile » de ces services peut être évaluée localement ou globalement ;

En France ; la conférence « Au-delà du PIB » de l'Union européenne (novembre 2007) a encouragé, notamment via la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi (créée en janvier 2008) une nouvelle mesure du progrès incluant l'économie, mais aussi le bien-être et la soutenabilité du développement.

  • La nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité reconnait (page 13[11]) 43 services écosystémiques rendus par la biodiversité identifiée dans la patrimoine naturel « national ».
  • un rapport[12]sur « l’économie de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » a été rédigé par le Centre d’Analyse Stratégique (CAS), présenté le 29 avril 2009 par Bernard Chevassus-au-Louis (président du Groupe de travail du CAS). Ce rapport contient une synthèse critique des méthodes utilisables pour estimer des valeurs économiques de la biodiversité et des services écosystémiques, et des exemples de méthodes applicables aux écosystèmes présents en France pour produire des « valeurs de référence » utilisables pour évaluer les investissements publics, y compris des points de vue socio-économiques. Ce rapport différentie la biodiversité « remarquable » et « générale » ou « ordinaire ». Ce rapport propose une valeur moyenne de référence à accorder aux écosystèmes forestiers métropolitains, de 970€/hectare/an (soit environ 35 000/ha en valeur totale actualisée en 2009), avec une fourchette variant de 500 à 2.000 €/ha/an (ces chiffres sont donnés a minima et varient selon, notamment, l'usage récréatif ou touristique et le mode de gestion de l’écosystème. 600€/ha/an est serait la valeur de référence des prairies extensives. L'évaluation monétarisée des services non-marchands rendus par la forêt métropolitaine (fixation du CO2, services récréatifs) a montré que la fourniture de bois n'était pas de ce point de vue le plus important des services rendus par la forêt. Suite aux travaux du CAS, ce type d’approche devrait étendre à d'autres écosystèmes.

Indicateurs

Sur la base du Millennium Ecosystems Assessment, l'IFEN a en France, retenu[13] les indicateurs suivant[14]:

  • Services culturels :
- Variation du nombre d'espèces (diversité spécifique) ;
- Variation d'abondance des populations («listes rouges») ;
- Variation d'abondance d'espèces particulières (emblématiques, cynégétiques, endémiques, entités vivantes sacrées...) ;
  • Services de régulation :
- Variation de l'abondance relative de groupes fonctionnels ;
- Variation de l'abondance relative des groupes spécialistes ;
  • Services d'auto-production :
- Variation de l'abondance relative des espèces « clé de voûte » (ours, tigre, lion, loup, lynx...) et « ingénieur » (castor par exemple) ;

Services de prélèvement :

- Variation de l'’abondance relative des espèces utilisées par l’homme ;
- Variation de l'indice de niveau trophique moyen des espèces prélevées ;

Homogénéisation de la biodiversité :

- Variation de l'Indice de Spécialisation des Communautés (abondance des espèces spécialistes/abondance des espèces généralistes) ;
  • Changement global :
- Variation de la distribution spatiale et altitudinale des espèces (oiseaux, poissons, chênes vert, tiques, virus …).

Typologie des services écosystémiques

  1. services d'approvisionnement (ex : air respirable, eau douce, sol, nourriture, fibres, molécules utiles, ressources génétiques...)
  2. services de régulation, liés aux processus des écosystèmes (ex : effet tampon sur les inondations..., inertie climatique, etc.)
  3. services culturels et aménités (ex : bénéfices spirituels, récréatifs, culturels, esthétiques, scientifiques, pédagogiques...)
  4. services de soutien aux conditions favorables à la vie sur Terre : cycle des éléments nutritifs, oligoéléments, métaux toxiques, cycle du carbone. Ce sont les services nécessaires à la production de tous les autres services : production de dioxygène atmosphérique et solubilisé dans les eaux, production de biomasse et recyclage de la nécromasse, formation et rétention des sols et des humus, offre en habitats naturels, etc.
  5. Puits de carbone (forêts, prairies, sols, océans, récifs coralliens, etc.)
  6. services ontogéniques

Valeur économique de ces services

Selon une étude[15], la valeur de l'activité pollinisatrice des insectes (abeilles surtout) a été d'environ 153 milliards d'euros en 2005, rien qu'en considérant les principales cultures dont l'homme se nourrit. La valeur de ce service « gratuitement » rendu par la biodiversité correspond à 9,5 % de la valeur de toute la production alimentaire de la planète. D'autres estiment que les services globalement rendus par la biodiversité (alimentation et fourniture renouvelée d'oxygène en particulier) tendent simplement vers l'infini. De nombreuses études ont porté sur la valeur des services rendus par la boidiversité ou les zones humides pour l'eau potable et le cycle de l'eau, par exemple pour le marais de Guînes[16] ou d'autres en France.

Une des difficultés pour la mesure de la valeur de la biodiversité et des services rendus par les écosystèmes et qu'une grande partie de cette valeur n'est pas directement marchande, mais relative à la résilience écologique et au potentiel écologique, en grande partie inconnus, car cachés dans le vivant (de l'échelle génomique à celle des grands réseaux écologiques) et parce qu'elle ne s'exprimerait qu'à certaines conditions (réchauffement ou refroidissement climatique, épidémies, modifications importantes des milieux etc. conditions non-modélisables en laboratoire).
Cet écopotentiel, et ses limites sont inconnus. De même mesure-t-on mal le potentiel de réapparition d'une espèce quand elle a été éliminée d'une zone géographique où elle était présente et jouait un rôle écologique important. Néanmoins, de premières études tendent à prendre les écopotentialités en compte (par exemple dans la écocartographie de la Trame verte et bleue dans le nord de la France.

Article détaillé : Valeur de la biodiversité.

Paiements pour services environnementaux (PSE)

Cette notion renvoie essentiellement aux usages qui peuvent être faits de la nature, et des ressources naturelles. Une distinction est généralement établie entre ceux issus de la gestion des cycles de l'eau, ceux associés à la présence de forêts, ceux dérivés de la biodiversité, et enfin ceux procurés par les paysages. (Une classification formelle a été effectuée par le Millenium Ecosystem Assessment.) Cette approche insiste sur l'utilité que l'économie, et la société, retirent du fonctionnement d'écosystèmes préservés. Cette préservation a cependant un coût (restauration, entretien, etc.) ; il est donc nécessaire de rémunérer celles et ceux qui, à travers leurs pratiques, participent à cette préservation.
Il peut ainsi s'agir, au Nord, de rémunérer des pratiques agricoles compatibles avec une eau potable (cf. mesures agroenvironnementales instaurées suite à la mise en place de la politique agricole commune - PAC - en Europe, dans les années 1980; politique américaine de subventions agricoles instaurée dans les années 1920). Au Sud, les PSE ont d'abord eu pour objectif la conservation et la préservation des forêts (au Costa Rica, en 1997, par exemple). C'est d'abord en Amérique latine, sur des initiatives d'ONG environnementales, que sont apparus les PSE dans les pays en développement et émergents.
Si les PSE sont aujourd'hui considérés comme des outils souvent efficaces apportant des réponses pragmatiques à des difficultés auxquelles sont confrontées les politiques environnementales traditionnelles, il est important de prendre en compte certains effets pervers potentiels (rémunération de l'arrêt de certaines pratiques illégales, par exemple). Pour autant, l'étude des différents contextes dans lesquels peuvent avoir lieu ces effets montrent que la rémunération peut parfois s'avérer plus efficace, l'application de la loi étant parfois trop affaiblie pour qu'une action de coercition puisse être possible[17].

Métiers de l'environnement, liés aux services écologiques

En France, dans le cadre des suites du Grenelle de l'Environnement et en particulier du plan de mobilisation pour les métiers de la croissance verte , l'Atelier Technique des Espaces Naturels (GIP-ATEN) et la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA) se sont vu confier la mission de contribuer à structurer une filière « biodiversité et services écologiques[18] ». Ils consacreront 220 000 euros pour créer ou mettre à jour  :

  • un répertoire unique incluant les métiers de la biodiversité définis comme étant«  ceux contribuant à la prise en compte des enjeux de biodiversité dans les autres activités économiques » ;
  • un dénombrement des emplois existants ;
  • un dictionnaire des compétences ;
  • une cartographie de l’offre de formation professionnelle (formation initiale et continue).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (fr)Centre d’Analyse Stratégique, 2009, L’approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes, rapports et documents, CAS, avril 2009
  • (fr)« Évaluation économique des services rendus par les zones humides » ; Collection « Études et documents » du Service de l’Économie, de l’Évaluation et de l’Intégration du Développement Durable (SEEIDD) du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) ; Études & documents, n°23, juin 2010
  • (fr) CREDOC, Biotope, Asconit Consultants, Pareto, 2009, Étude exploratoire pour une évaluation des services rendus par les écosystèmes en France, application du Millennium Ecosystem Assessment a la France, étude conduite à la demande du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat (MEEDDM), septembre. Daily, G.C. (éd.), 1997, Nature's Services: Societal Dependence on Natural Ecosystems, Washington DC., Island Press.
  • (en) Alcamo, J., D. van Vuuren, and W. Cramer. 2005 . Changes in ecosystem services and their drivers across scenarios. Pages 297-373 in S. R. Carpenter, L. P. Prabhu, E. M. Bennet, and M. B. Zurek (eds) Ecosystems and Human Well-Being: Scenarios. Millennium Ecosystem Assessment. Island Press, Washington DC.
  • (en) GreenFacts Glossary: Ecosystem services
  • (en) Carpenter, Mooney, Agard, et alii., 2008, “Science for managing ecosystem services: Beyond the Millennium
  • (en) Ecosystem Assessment”, PNAS, vol. 106, n°5, pp.1305-1312, February 3.
  • (en) Costanza, R., et al., 1997, “The value of the world's ecosystem services and natural capital”. Nature, 387 (6630), pp. 253–260. (traduction française)
  • (en) Norgaard R.B., 2010. “Ecosystem services: From eye-opening metaphor to complexity blinder”, Ecological Economics, Forthcoming.
  • (en) Dujin A., Maresca B., Mordret X., Picard R., 2008, La valeur economique et sociale des espaces naturels protégés, CREDOC, cahier de recherche n°247.
  • (en) Ranganathan J. ; Ecosystem Services: a guide for Decision makers, World Resources Institute, mars 2008.

Notes et références

  1. Voir glossaire de la SNB, page 57/61
  2. Cécile Barnaud, Martine Antona et Jacques Marzin, Vers une mise en débat des incertitudes associées à la notion de service écosystémique; vertigo, vol 11, n°1, mai 2011
  3. Commissariat général au développement durable – Service de l’économie, de l’évaluation et de l’intégration du développement durable (Télécharger), voir p7/74
  4. COSTANZA R. et al., 1997, The value of word’s ecosystem services and natural capital, Nature, Vol 387, 6230, 253-260
  5. DE GROOT R. S. et al., 2002, A typology for the classification, description and valuation of ecosystem functions, goods and services, Ecological Economics, 41, 393-408
  6. DE GROOT R. et al, 2006, Valuing Wetlands: guidance for valuing the benefits derived from wetland ecosystem services, Ramsar Technical Report n°3, CBD Technical series n°27, Ramsar Convention Secretariat, Gland, 46p
  7. DUARTE C. M., 2000, Marine Biodiversity and ecosystem services: an elusive link, Journal of experimental marine biology and ecology, 250, 117-131
  8. G.J. Piet and F. Pranovi. 2004. A review of the indicators for ecosystem structure and functioning. INDECO-report 513754.
  9. CBD-report UNEP/CBD/AHTEG-2010-Ind/1/INF/5/2004. Ad Hoc Technical Expert Group on indicators for assessing progress towards the 2010 biodiversity target
  10. Exemple : [1] [PDF] du ministère wallon de l'Environnement sur les services rendus par la forêt wallonnne
  11. Nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) 2011-2020, faisant suite à la SNB 2004-2010
  12. Chevassus-au-Louis, B., et al. (2009). Évaluation économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes : contribution à la décision publique. Rapport du CAS, Paris.
  13. Conseil scientifique de l'Ifen du 29 mars 2007
  14. Conférence française pour la biodiversité – 10-12 mai 2010 – Chamonix Note de cadrage – Atelier « Exploiter durablement les ressources naturelles renouvelables » – 26 avril 2010 (voir p 5)
  15. Étude sur l'évaluation économique de la vulnérabilité de l'agriculture mondiale confrontée au déclin des pollinisateurs, conduite par l'INRA-CNRS en France et par des chercheurs allemands, publiés dans la revue "ECOLOGICAL ECONOMICS" Bulletin d'information (Notre planète - Info) d'octobre 2008
  16. Exemple français avec le marais de guine (dans le Nord-Pas-deCalais) étude Agence de l'eau/ECOWHAT – Étude de cas, Guînes, avril 2010
  17. Pour en savoir plus sur les PSE, lire Les paiements pour services environnementaux, publié par l'Agence française de développement en juin 2011
  18. Convention signée par ces 2 organismes et le gouvernement représenté par Valérie Létard le 1er juillet 2010 (communiqué consulté 2010 07 10)

Wikimedia Foundation. 2010.

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