Révolution française de 1848

Révolution française de 1848

48° 50′ 48″ N 2° 20′ 36″ E / 48.8468, 2.34347

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Série Histoire de France
Monarchie de Juillet
Campagne des banquets
Révolution de 1848
Gouvernement provisoire
Seconde République

La Révolution française de 1848 est la deuxième révolution française du XIXe siècle, après celle de juillet 1830 ; elle se déroule à Paris du 22 au 25 février 1848. Sous l'impulsion des libéraux et des républicains, le peuple de Paris, à la suite d'une fusillade, se soulève à nouveau et parvient à prendre le contrôle de la capitale. Louis-Philippe, refusant de faire tirer sur les Parisiens, est donc contraint d'abdiquer en faveur de son petit-fils, Philippe d'Orléans, le 24 février. Les révolutionnaires proclament la Deuxième République le 25 février 1848 et mettent en place un gouvernement provisoire républicain, mettant ainsi fin à la Monarchie de Juillet.

Sommaire

La bombe parisienne

Alphonse de Lamartine à l'hôtel de ville parisien le 25 février

Si le régime de la Monarchie de Juillet est usé, la crise politique et économique aggravée, le « terreau » social et urbain de la capitale est favorable à l’expression d’un mécontentement resté latent.

Le boulevard du Temple, photographié par Louis Daguerre en 1838 ou 1839
  • Avec plus d'un million d'habitants, le Paris de 1848 est encore le Paris de l'Ancien Régime avec ses maisons anciennes et ses rues étroites. La ville est close par le mur des Fermiers généraux et ses 52 barrières d'octroi. Une sorte de frontière sépare l'Ouest et l'Est, elle sera tragiquement retracée lors des Journées de Juin 1848, par la ligne de bataille qui, du boulevard Rochechouart à l'actuel boulevard de Port-Royal, suivra le boulevard Poissonnière, la rue Saint-Denis, traversera l'Île de la Cité et remontera la rue Saint-Jacques. Si cette frontière n’est nullement rigide (les quartiers populaires s'étendant vers l'Est, débordant vers le Quartier latin, l'Hôtel de Ville, le Louvre ou les Tuileries), la différenciation est très nette entre les classes « privilégiées » (ou supérieures) et le « peuple parisien ». Le monde de la boutique est très important dans la capitale. S'il fournit une grande partie de la Garde nationale, il est écarté du droit de vote censitaire. À Paris en 1848, les conditions d'existence (durée et dureté du travail, misère, conditions d’hygiène et de santé, voire environnement redoutable de la criminalité) sont telles que la mortalité chez les classes populaires dépasse souvent 30 pour 1000. La grande industrie a été rejetée sur les villages périphériques, La Villette, les Batignolles. L'essentiel des travailleurs est occupé dans des ateliers œuvrant pour le luxe (la moitié des 64 000 ateliers est tenue par un patron seul ou avec un ouvrier). Les spécialités sont très diversifiées (plus de 325 métiers recensés) où dominent le vêtement (90 000 travailleurs) et le bâtiment (41 000).
  • Même après les avancées de 1830 obtenant une monarchie constitutionnelle, les antagonismes s'exaspèrent (en ces temps d'épidémie, de choléra, de disette, de crise financière, de rivalités politiques ou de querelle à propos des écoles religieuses) plus régulièrement dans la capitale qu'en province et peuvent alors faire resurgir les barricades.
    • Le saccage de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois et de l'archevêché en protestation contre la célébration d'une messe légitimiste, puis le début d'insurrection suite au verdict prononcé contre 19 officiers de la Garde nationale (1831), l'émeute à l'occasion de l'enterrement du général Lamarque se soldant par 800 morts (1832), les batailles de rues (lourdement réprimées par Bugeaud) provoquées par l'arrestation de 150 militants de la Société des Droits de l'Homme et la promulgation de la loi sur les associations (1834), l'attentat contre le roi (1835), les incidents pour repousser les assaillants de l'Hôtel de Ville et de la préfecture de police (1839) y sont significatifs de la première décennie.
    • Les vigoureuses prises de position à la Chambre contre le suffrage universel de Thiers (1840) et de Guizot (1842) refusant de prendre en compte les aspirations démocratiques répondent par une fin de non recevoir à la pétition soutenant les Gardes nationaux manifestant pour obtenir le droit de vote et au lancement de la toute première campagne de « banquets » en faveur de la réforme électorale (1840). Si les manifestations et grèves des ouvriers du textile, du bâtiment et des ébénistes tournent à l'émeute Faubourg Saint-Antoine (1840), si des manifestants défilent avec le « drapeau rouge » en scandant « Vive la République ! » (1841), les années suivantes sont caractérisées par les contrecoups économiques et financiers du pays mal préparé à une évolution aussi rapide. La crise de 1846-47 provoque un chômage important : en 1848, près des deux tiers des ouvriers en ameublement et du bâtiment sont au chômage.

Révolution

Caricature politique de l'époque, représentant un obèse Louis-Philippe Ier et Marianne.

Le gouvernement Guizot décide finalement d’interdire ces faux banquets qui sont de vraies réunions politiques.

  • Le 14 février, le préfet de police interdit un banquet projeté à Paris pour le 19. À l'appel d'Armand Marrast, dans Le National, les Parisiens sont invités à manifester le 22, date à laquelle le banquet a été reporté. Le rassemblement doit s'effectuer place de la Madeleine. La veille, pourtant, les principaux chefs de l'opposition reculent devant l'épreuve de force et donnent le contrordre d'annuler le banquet et la manifestation. Le gouvernement semble devoir l'emporter ; confiant, il décide de ne pas mettre en application les dispositifs militaires prévus en cas d'incidents graves.

En fait, gouvernement et opposition vont être débordés par la situation se développant au fil des heures en « révolution ».

  • Le 22 février au matin, des centaines d'étudiants (dont certains s'étaient déjà mobilisés dès le 3 janvier pour dénoncer la suppression des cours de Jules Michelet) se rassemblent place du Panthéon, puis se rendent à la Madeleine où ils se mêlent aux ouvriers. Les manifestants (3 000 personnes) se dirigent ensuite vers la Chambre des députés, Place de la Concorde, aux cris de « Vive la Réforme ! À bas Guizot ! ». Mais dans l'ensemble, les forces de l'ordre contrôlent la situation. L'occupation militaire de Paris a été décrétée vers 16 heures. Le roi peut compter sur 30 000 soldats, l'appoint de l'artillerie, la sécurité des forts qui encerclent la capitale. Il y a, enfin, la Garde nationale, 40 000 hommes environ.

Après quelques incidents (un mort), les troubles se déplacent vers l'église Saint-Roch, la manifestation s'organise, la situation s’envenime puisque la crise ne peut être dénouée, la Chambre ayant rejeté quelques heures plus tôt la demande de mise en accusation du gouvernement Guizot déposée par Odilon Barrot.

  • Le matin du 23 février, alors que l'insurrection se développe, les gardes nationaux de la deuxième Légion, boulevard Montmartre, crient « Vive la Réforme ! ». Dans d'autres quartiers, différents bataillons de la Garde nationale protègent les ouvriers contre les gardes municipaux et même contre la troupe de Ligne. La Garde nationale se pose ainsi en arbitre entre l'armée et le peuple. Cette défection sonne le glas du pouvoir de Guizot.

Louis-Philippe se rend subitement compte de l'impopularité de son ministre et se résout, dans l'après-midi, à le remplacer par le comte Molé, ce qui équivaut à accepter la réforme. Le roi renvoie certes tardivement son ministre Guizot, mais la protestation se calme : le pire semble évité même si le climat reste tendu.

En soirée, la foule déambule sous des lampions pour manifester sa joie et envisage de se rendre sous les fenêtres de Guizot pour le huer. Le mécontentement avait été si profond depuis des mois et la tension des dernières heures si vive que le moindre incident pouvait encore mettre en péril ce règlement « légaliste » et improvisé de la crise et raviver les ardeurs révolutionnaires. Dans le quartier des Capucines, une rue est barrée par le 14e régiment d'infanterie de ligne et la provocation d'un manifestant porteur d'une torche envers un officier a des conséquences tragiques. Se croyant menacée, la garde ouvre le feu, laissant sur le pavé plus de 50 tués qui « justifient » le rebondissement et l'amplification du mouvement protestataire, alors que l'apaisement semblait en bonne voie. Cette fusillade du boulevard des Capucines, la promenade des cadavres, la nuit, à la lueur des torches, sur une charrette dans les rues de Paris, l'appel du tocsin annonçant le massacre, entre 23 heures et minuit, de Saint-Merri à Saint-Sulpice, relancent l'insurrection. Puisqu'il y a 52 martyrs, on dévalise les armuriers et on édifie des barricades. Il y en a bientôt 1 500 dans toute la ville. Le monde ouvrier y coudoie la jeunesse estudiantine et la petite bourgeoisie.

Pendant que Paris se soulève, le roi, aux Tuileries, n'a plus de gouvernement. Le maréchal Bugeaud, nommé commandant supérieur de l'armée et de la Garde nationale de Paris, est convaincu qu'il peut vaincre l'émeute, mais le souverain refuse la solution de force. Beaucoup trop de sang a déjà coulé.

  • Le 24 février, Louis-Philippe ne parvient pas à reprendre en main la situation.

Lorsque le palais commence à être attaqué par la foule, vers midi, le roi abdique en faveur de son petit-fils de 9 ans, le comte de Paris, confie la régence à la duchesse d'Orléans, puis se résout à prendre le chemin de l'exil. Au début de l'après-midi, la duchesse d'Orléans se rend au Palais-Bourbon pour y faire investir son fils et y faire proclamer officiellement la régence, dans l'espoir de sauver la dynastie. Les députés, dans leur majorité, semblent favorables à une régence. Mais les républicains ont appris de leur échec de 1830 et tandis que la bourgeoisie s’organise un nouveau gouvernement simplement plus libéral, ils forcent la main : pendant la séance, le Palais-Bourbon est envahi par les révolutionnaires qui, d'accord avec les élus de l'extrême gauche, repoussent toute solution monarchique et font proclamer un gouvernement provisoire.

On estime que les trois journées de février ont fait 350 morts et au moins 500 blessés.

Sources

  • Sylvie Aprile, la IIe Republique et le second empire, Pygmalion, 2000
  • Arnaud Coutant, 1848, quand la Republique combattait la Democratie, Mare et Martin, 2009
  • Georges Duveau, 1848, Gallimard, Collection Idées
  • François Luchaire, 1848, Naissance d'une Constitution, Fayard.
  • Inès Murat, La Deuxième République, Fayard, 1987 (importante bibliographie)
  • Philippe Vigier, La Monarchie de Juillet, PUF, collection Que Sais-Je?

Récits et analyses

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Karl Marx analyse les événements dans Les Luttes de classes en France (1) :

« Le 25 février, vers midi, la République n'était pas encore proclamée, mais, par contre, tous les ministères étaient déjà répartis entre les éléments bourgeois du Gouvernement provisoire et entre les généraux, banquiers et avocats du National. Mais, cette fois, les ouvriers étaient résolus à ne plus tolérer un escamotage semblable à celui de juillet 1830. Ils étaient prêts à engager à nouveau le combat et à imposer la République par la force des armes. C'est avec cette mission que Raspail se rendit à l’Hôtel de ville. Au nom du prolétariat parisien, il ordonna au Gouvernement provisoire de proclamer la République, déclarant que si cet ordre du peuple n’était pas exécuté dans les deux heures, il reviendrait à la tête de 200 000 hommes. Les cadavres des combattants étaient encore à peine refroidis, les barricades n'étaient pas enlevées, les ouvriers n'étaient pas désarmés et la seule force qu'on pût leur opposer était la Garde Nationale. Dans ces circonstances, les considérations politiques et les scrupules juridiques du Gouvernement provisoire s'évanouirent brusquement. Le délai de deux heures n’était pas encore écoulé que déjà sur tous les murs de Paris s'étalaient en caractères gigantesques  : « République française ! Liberté, Égalité, Fraternité ! » »

Ces journées révolutionnaires apparaissent dans l'Éducation sentimentale de Flaubert ; elles forment le cadre du début de la troisième partie  :

« La veille au soir, le spectacle du chariot contenant cinq cadavres recueillis parmi ceux du boulevard des Capucines avait changé les dispositions du peuple ; et, pendant qu'aux Tuileries les aides de camp se succédaient, et que M. Molé, en train de faire un cabinet nouveau, ne revenait pas, et que M. Thiers tâchait d'en composer un autre, et que le Roi chicanait, hésitait, puis donnait à Bugeaud le commandement général pour l'empêcher de s’en servir, l’insurrection, comme dirigée par un seul bras, s’organisait formidablement. Des hommes d'une éloquence frénétique haranguaient la foule au coin des rues ; d'autres dans les églises sonnaient le tocsin à pleine volée ; on coulait du plomb, on roulait des cartouches ; les arbres des boulevards, les vespasiennes, les bancs, les grilles, les becs de gaz, tout fut arraché, renversé ; Paris, le matin, était couvert de barricades. La résistance ne dura pas ; partout la garde nationale s’interposait ; — si bien qu’à huit heures, le peuple, de bon gré ou de force, possédait cinq casernes, presque toutes les mairies, les points stratégiques les plus sûrs. D’elle-même, sans secousses, la monarchie se fondait dans une dissolution rapide ; et on attaquait maintenant le poste du Château-d'Eau, pour délivrer cinquante prisonniers, qui n'y étaient pas. »

Victor Hugo évoque longuement cette Révolution dans ses Choses vues.

Annexes

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