Rétention de sécurité

Rétention de sécurité

Rétention de sûreté en France

La rétention de sûreté est en droit pénal français une mesure visant à maintenir enfermés les prisonniers en fin de peine qui présentent un risque très élevé de récidive parce qu'ils souffrent d'un trouble grave de la personnalité, lorsqu'ils ont été condamnés pour les crimes les plus graves, en particuliers sexuels.

Elle a été créée en 2008 par la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

La rétention de sûreté est distincte de la période de sûreté qui peut être associée à l'emprisonnement à perpétuité.

Sommaire

Description

La rétention de sûreté concerne, à l'issue de leur peine, les personnes qui ont été condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans et non ceux condamnés à une peine de réclusion criminelle à perpétuité :

  • les crimes, commis sur une victime mineure, d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration.
  • les crimes, commis sur une victime majeure, d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal.

La rétention de sûreté pourrait être prononcée s'il est établi, à l'issue d'un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l'exécution de leur peine, qu'elles présentent une particulière dangerosité, dangerosité se caractérisant par une probabilité très élevée de récidive du fait qu'elles souffrent d'un trouble grave de la personnalité.

Ne peuvent être soumises à une rétention de sûreté que les personnes pour lesquelles la Cour d'assise a prévu cette hypothèse au moment de la condamnation.

La rétention de sûreté doit être décidée à titre exceptionnel et en dernier recours par une commission pluridisciplinaire qui se réunit au moins un an avant la fin de la peine. Pour apprécier la dangerosité du détenu, la commission le confie à un centre spécialisé, dans lequel une expertise médical est conduite. Le recours est possible devant une juridiction consacrée exclusivement à cette tâche, composée de conseillers auprès de la Cour de cassation. La rétention est valable un an et peut être reconduite. La personne retenue peut demander que soit mis fin à la mesure tous les trois mois. S'il n'est pas statué dans les trois mois sur sa demande, la personne est libérée d'office.

Polémique autour de la réaction du Président à la décision du Conseil constitutionnel

Le Conseil, saisi par l'opposition, a partiellement censuré la loi le 21 février 2008. Bien que la rétention de sûreté ne soit pas pour le législateur comme pour les Sages une peine, le Conseil Constitutionnel, décida de lui appliquer le principe constitutionnel de non rétroactivité de la loi pénale la plus dure[1][2], censurant de ce fait la possibilité d'appliquer immédiatement cette loi à des personnes déjà condamnées (qui ont déjà fait l'objet d'un jugement et étaient en train ou avaient fini de purger leur peine).

Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a annoncé alors le 22 février qu'il comptait demander au premier Président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda, de formuler des propositions pour que la rétention de sûreté puisse être applicable immédiatement.

Cette annonce a été fortement critiquée, tant par la majorité que par l'opposition politique [3]. L' Union syndicale des magistrats, majoritaire, ainsi que le Syndicat de la magistrature, ont demandé au premier Président de la Cour de se déclarer incompétent, car une telle demande serait contraire à l'article 62 de la Constitution de la Ve République, selon lequel les décisions du Conseil s'appliquent aux pouvoirs publics (dont le Président de la République) et que par conséquent, celles-ci ne peuvent faire l'objet d'aucun recours.

Le 25 février, le premier Président de la Cour a répondu que, s'il ne s'opposait pas au principe d'une mission sur la récidive, il ne remettrait pas en cause la décision du Conseil, qui s'impose à toutes les juridictions, y compris la Cour de cassation.[4]

Commission consultative nationale des droits de l'homme (CCNDH)

En accord avec sa faculté d'auto-saisine, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a adressée le 4 janvier 2008 au Premier ministre François Fillon, au Garde des Sceaux et ministre de la justice Rachida Dati, au ministre de la Santé Roselyne Bachelot ainsi qu’aux présidents des deux assemblées une note sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pour cause de trouble mental [5]). .

Regrettant d'abord le fait de ne pas avoir été saisi, la CNCDH « [s'inquiète] de l’introduction au cœur de la procédure pénale du concept flou de « dangerosité », « notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique » », rappelant « que le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d’un comportement futur, et s’inquiètent de la mise en place de mesures restrictives de liberté sur une base aussi incertaine. » [5] De plus, elle « [regrette] l’assimilation du malade mental à un délinquant potentiel. » [5]

Critiques

Cette loi instaure l'enfermement (pour une durée potentiellement infinie) d'une personne ayant purgé sa peine, « payé sa dette à la société », sans nouvelle infraction, sans nouveau procès et sans nouvelle condamnation judiciaire. Pour toutes ces raisons, la rétention de sureté génère un certain nombre de critiques.

La déclaration du garde des sceaux Rachida Dati a également prêtée flanc à la critique : « La rétention de sûreté, c'est la sûreté de tous au prix de la liberté de quelques-uns. »

Le texte avait été comparé par Georges Fenech, parlementaire UMP, à une loi de la république de Weimar[6]. La comparaison est apparue hasardeuse quand Le Canard enchaîné a révélé le 20 février 2008 que cette loi avait été instituée en 1933 et signée par Adolf Hitler[7] . Certaines dispositions de la Lex Carolina, promulguée par Charles Quint en 1532, autorisaient déjà l'enfermement à titre préventif, et même la torture[réf. nécessaire].

Le magistrat Philippe Bilger fait partie de la minorité des magistrats qui soutient la rétention de sûreté au moins quant à son principe. Il souligne le fait que la commission composée par la loi est plus douée que le juge d'application des peines pour connaitre la dangerosité des individus concernés, regrette le formalisme des opposants de la rétention, et estime que les oppositions à la rétention de sûreté sont liées à la difficulté d'admettre qu'une petite fraction de l'humanité est nécessairement malfaisante et ne peut être laissée en liberté[8].

Opinion publique

Selon un sondage Ifop pour le Figaro de février 2008, effectué sur un échantillon de 977 personnes, 4 Français sur 5 seraient partisans de la rétention de sûreté, estimant que cela ferait diminuer la récidive [9][10] et 56% considèreraient qu'elle exercerait un effet dissuasif [9]. Néanmoins, le même sondage estime qu'environ 40% des personnes interrogées considère que la rétention de sûreté est « une atteinte aux libertés car elle condamne de nouveau des individus ayant déjà effectué leur peine de prison » [9].

Un collectif personnalités[11] s'affichent contre la rétention de sûreté. Une personnalité du droit comme Robert Badinter[12] s'y oppose également.

Notes et références

  1. Pascal Jean, « Le Président, le Conseil et la Cour. Une histoire de palais de mauvais goût », AJDA 2008 p. 714
  2. Pierre Mazeaud (interviewé par Claude Askolovitch), « Pierre Mazeaud : "La rétention ? Une mauvaise loi !" », Le Nouvel Observateur, 28 février 2008
  3. Cf. par exemple l'article de Dominique Rousseau, Quand la République gêne le "Président", Politis, 12 novembre 2008
  4. « Rétention de sûreté : le président de la Cour de cassation n'entend pas contredire les Sages », Le Monde.fr[1]
  5. a , b  et c Note de la Commission nationale consultative des droits de l’homme du 4 janvier 2008 et communiqué de la Ligue des droits de l'homme (LDH)
  6. [2]
  7. Article du Nouvel Observateur sur le parallélisme entre cette loi et la loi allemande
  8. « Bilger sans langue de bois », Le Baromètre', n°6, octobre 2008, p.26-27.
  9. a , b  et c Sondage IFOP de février 2008 pour le compte du Figaro
  10. « L'opinion largement favorable à la rétention de sûreté », Le Figaro, 26 février 2008.
  11. Appel pour l'abolition de la loi sur la rétention de sûreté
  12. « Badinter dénonce le projet de loi sur la rétention de sûreté des pédophiles », nouvelobs.com, 13 juin 2008.

Liens externes

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