Régime concordataire

Régime concordataire

Régime concordataire français

Les évêques français prêtant le serment civil exigé par le Concordat.

Le concordat ou régime concordataire est le régime organisant les rapports entre les différentes religions et l’État en France de 1801 à 1905, à la séparation des églises et de l'État.

Il faut distinguer :

Sommaire

Le concordat pour la religion catholique

Le concordat de 1801 fut signé le 26 messidor an IX à minuit entre Joseph Bonaparte, frère du Premier consul et envoyé par lui (dont les démarches auprès du pape furent faites par l’abbé Bernier), l’administrateur Emmanuel Crétet et le cardinal Consalvi, secrétaire d'État et représentant du pape Pie VII (l’acte porte leurs signatures). Un mois plus tard, le pape ratifie le texte, avec la bulle Ecclesia Christi (15 août 1801).

Le concordat, en créant des relations officielles entre l’État français et la papauté, nécessite une réorganisation de la hiérarchie catholique en France. En effet, avec la Constitution civile du clergé de 1790, les ecclésiastiques français avaient dû prêter un serment de fidélité à la Constitution. Le pape Pie VI a condamné en avril 1791 ce serment qui faisait des prêtres des quasi-fonctionnaires. Une autre des conséquences de la Constitution civile du clergé était l’élection des évêques par les prêtres de leur diocèse, au lieu de la traditionnelle nomination par le pape. Depuis la Révolution française, il y avait donc un clergé d’Ancien Régime, dont souvent les évêques étaient en exil à l’étranger, et un clergé constitutionnel, dirigé par l’évêque Henri Grégoire.

L’exigence formulée par le Premier Consul de composer un épiscopat à sa guise l’oblige à faire céder à la fois les évêques réfractaires en exil et les évêques constitutionnels encore en place. Le 15 août 1801, le pape Pie VII promulgue deux décisions pour permettre cette réorganisation : le bref Tam multa exige la démission des évêques institués par Rome, alors que le bref Post multos labores demande celle des évêques élus. Cette intervention directe de l’autorité pontificale constitue un acte de haute importance puisqu’elle réintroduit la papauté en tant que source de l’institution canonique, ce qui met fin aux principes de l’Église gallicane. Sur les 81 évêques français encore en vie en 1801, 38 refusèrent d’adresser leur démission au pape et donnent ainsi naissance à la Petite Église.

Le concordat est un compromis, bref (39 articles), parfois très vague. D’emblée, « la religion catholique, apostolique et romaine sera librement exercée en France » (article 1). À plusieurs égards, le texte, succinct et imprécis, est celui d’un compromis. Archevêques et évêques sont nommés par le gouvernement mais reçoivent l’institution canonique du pape. Le texte stipule en outre qu’il « sera fait par le Saint-Siège, de concert avec le Gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français ».

En échange de l’abandon des biens ecclésiastiques vendus depuis 1790, le « gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés » (article 14). Mais plusieurs dispositions témoignent de la subordination de l’Église vis-à-vis de l’État. Evêques et prêtres doivent prêter serment de fidélité au gouvernement (article 6 et 7), et doivent faire réciter à la fin de l’office divin le Domine salvam fac Rempublicam.

Seulement les articles organiques, qui mettent en pratique les principes du Concordat, en infléchissent sur bien des points les dispositions. De plus, la reconstruction concordataire n’est que partielle : elle ne concerne pas le clergé régulier, ce qui n’empêche pas son développement – en particulier les congrégations féminines qui connaissent un extraordinaire essor. L’ouverture des facultés de théologie au sein de l’Université impériale fondée en 1808 se solde par un échec, puisqu’elles ne sont pas reconnues par Rome et que les grades qu’elles confèrent ne bénéficient donc d’aucune valeur canonique.

Pendant tout le temps du régime concordataire (1801-1905), la nomination des évêques procède d’une négociation complexe entre les autorités civiles et les autorités religieuses. Les évêques sont nommés sur proposition du ministre chargé des Cultes (lié au ministre de l’Intérieur le plus souvent) – choix où interviennent les recommandations d’hommes politiques et des évêques déjà en place – après l’accord préalable du nonce apostolique.

Cette pratique a été la source de nombreuses frictions à partir de la Troisième République – ce que Georges Clemenceau nomme le « discordat ». Néanmoins, certains républicains anticléricaux étaient attachés au maintien du Concordat qui permettait de contrôler l’exercice public de la religion.

Cas de l’Alsace-Moselle

Article détaillé : Concordat en Alsace-Moselle.

En Alsace et en Moselle le régime concordataire est toujours en vigueur : un avis du Conseil d’État du 24 janvier 1925 déclare que la loi du 18 germinal an X est toujours en vigueur.

En effet, la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905, mettant fin au Concordat de 1801, a été votée alors que ces régions étaient rattachées à l’Allemagne (suite à la défaite de janvier 1871).

Concrètement, la loi de séparation de 1905 n’est pas appliquée en Alsace-Moselle et les quatre cultes catholique, luthérien, réformé et juif y bénéficient d’un statut officiel. Prêtres et laïcs en mission, pasteurs et rabbins y sont rémunérés par l’État. Les évêques de Strasbourg et Metz sont nommés par le chef de l’État. De fait, l’Élysée suit désormais le souhait du Saint-Siège. Le président de l’Église protestante de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine (EPCAAL), dont le nom est proposé par un vote du consistoire supérieur de cette Église, est lui aussi nommé par l’État. Les membres laïcs élus des consistoires israélites des trois départements doivent avoir l’agrément du Premier ministre.

Ce statut particulier a été contesté à plusieurs reprises, notamment en 1924 par le Cartel des Gauches, mais les Alsaciens et Mosellans, qui se sont alors mobilisés pour le conserver, s’y montrent encore très attachés. Les partis de gauche en avaient inscrit l’abolition dans leur programme jusque dans les années 1970, mais y ont renoncé ensuite.

Un prêtre alsacien traditionaliste, suspendu à ce titre par le Vatican, s’est vu, dans ce cadre, indemnisé quelque temps par les Assedic.

Cas de la Guyane

La Guyane française bénéficie également d’un régime particulier : le clergé catholique, et lui seul, est salarié par le Conseil général. Ainsi, 27 prêtres sont rémunérés par un budget de 800 000 €.[1]

En effet, en 1911, lors de l’extension de la loi de 1905 aux Antilles et à la Réunion, une partie de la classe politique guyanaise s’est opposée à toute modification. La Commission Coloniale émet alors un avis négatif, bien qu’elle ne soit pas compétente en la matière.

Depuis, la question a été évoquée plusieurs fois, en particulier :

  • En 1970, lors de la création d’un poste de pasteur protestant à Kourou.
  • Lors de la désignation d’un imam musulman en Guyane.

Pour l’heure, aucune décision politique n’a remis en cause ce statut, ni ne l’a étendu à d’autres cultes.

Cas de Saint-Pierre et Miquelon

Une variante du régime est également appliquée dans cette collectivité territoriale ultramarine où la religion catholique n'a pratiquement pas de concurrent.

Les religions minoritaires, protestantes et israélite

Contrairement à ce qu’on dit souvent, le concordat de 1801 ne fait pas du catholicisme la religion officielle de la France. Si la Charte de Louis XVIII, en 1814, puis celle de Louis-Philippe en 1830 font du catholicisme la religion de la majorité des Français (28 ou 29 millions de Français dont seulement 600 000 protestants, 40 000 juifs et sans doute un tout petit nombre d’athées), le régime concordataire donne surtout une place officielle aux autres religions. Il est même capable dans certains cas (Nîmes) d’inverser le bénéfice du principe majoritaire.

Le temps ayant passé, on ne mesure peut-être plus bien le caractère nouveau de cette reconnaissance officielle en 1802 du protestantisme (et en 1808 du judaïsme), et l’importance de la paix religieuse qu’elle permet. À l’époque, il y a à peine 15 ans que les protestants ont un état civil, et 30 ans qu’on pouvait encore condamner à mort des pasteurs qui célébraient le culte.
La manière dont les consistoires protestants et juifs se mettent en place est un exemple de participation et, finalement, à la fois un signe et un gage d’intégration.

En ce qui concerne les juifs, voici la manière dont le concordat se met en place:

  1. Il y a d’abord un dialogue, marqué par une participation plutôt positive des juifs à la création des consistoires : des délégués (une centaine pour tout le pays) sont nommés par les préfets. Ils réfléchissent à la manière de concilier les préceptes religieux juifs avec les exigences légales du nouveau code civil.
  2. En 1807, un « grand sanhédrin » se réunit à Paris pendant un mois en tire les conclusions pour la loi juive.
  3. En 1808, deux décrets organisent les consistoires locaux et national sur le modèle du protestantisme.

Ce régime concordataire connaît des débuts chaotiques : en 1808 un troisième décret (le « décret infâme ») limite la circulation et le droit de commercer pour les juifs.

Très vite, pourtant, y compris sous la Restauration, les communautés juives s’intègrent. Ex. Adolphe Crémieux.

Finalement, ce nouveau régime juridique va favoriser un doublement de la population juive française en 80 ans, surtout par immigration, les pays voisins à l’est étant loin de montrer la même tolérance.

L’organisation actuelle du culte protestant en France découle directement des articles organiques.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Sources

  • R.P. Bernard Ardura, Le concordat entre Pie VII et Bonaparte, Paris, Cerf, 2001.
  • Sur la Petite Église voir en particulier : Guy Janssen, La Petite Église en 30 questions, Geste éditions, 2006, qui contient entre autres le texte du Concordat et des écrits expliquant la position des anticoncordataires.
  • A. Campion, Manuel pratique de droit civil ecclésiastique ou exposé de la législation et de la jurisprudence sur l'administration temporelle du culte catholique et ses rapports avec l'autorité civile, Paris, Librairie administrative Paul Dupont, 1866, xxiv-513 p.

Notes et références

  1. Voir cet article de Frédéric Farine sur le site de RFI
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