Qabil

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Caïn

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Caïn et Abel
Caïn, sculpté par Giovanni Dupre (Musée de St. Pétersbourg

Caïn (Le mot hébreu קין qayin peut signifier « forgeron » ou encore, à l'aide de la racine qnh « j'ai acquis » (cf. Gn 4,1).) est un personnage de la Bible et du Coran. Fils aîné d'Adam et Ève, il est considéré par les judéo-chrétiens comme le premier meurtrier de l'histoire[1] en tuant par jalousie son frère cadet, Abel.

Sommaire

Dans l'Ancien Testament

Il est avec Abel et Seth l'un des trois enfants mâles d'Adam et d'Ève. Cultivateur, l'offrande agricole qu'il fait à Dieu n'est pas agréée, à la différence de celle d'Abel (des premiers-nés de son troupeau et leur graisse). Caïn en est irrité, Dieu le lui reproche, et l'invite à changer d'attitude. Cependant Caïn tue son frère dans un excès de jalousie.

Dieu, lisant dans le cœur de l'homme[2], connaissait la mauvaise habitude de Caïn, laquelle devint clairement manifeste aussitôt que Dieu eut rejeté son offrande. Caïn se mit aussitôt à pratiquer la querelle ou la jalousie, les excès de colère[3].

Maudit par Dieu et contraint au bannissement du sol, il clame que sa punition est trop lourde et qu'il risque d'être tué par le premier venu. Dieu, pour lui signifier la gravité de son acte l'a déclaré protégé (en le marquant du « signe de Caïn »), le laissant dans sa condition de fugitif jusqu'à sa mort. Le signe en question était vraisemblablement le décret solennel de Dieu. Caïn prit le chemin de l'exil et se fixa au pays de la fuite, à l'est d'Éden (dans la Terre de Nod); il emmena avec lui sa femme, une fille non nommée d'Adam et Ève. Après la naissance d'Hénoch, Caïn se mit à bâtir une ville, qu'il appela d'après le nom de son fils. Selon les critères actuels, cette ville n'a pu être qu'un village fortifié, et les Écritures n'en disent pas davantage quant à l'époque où elle fut achevée. Ses descendances sont citées en partie et se distinguent par une vie de nomades et d'éleveurs de troupeaux, mais aussi par le maniement d'instruments de musique, dans le martelage d'outils, et dans la pratique de la polygamie et de la violence. La lignée de Caïn prit fin lors du Déluge à l'époque de Noé.

La symbolique chrétienne de l'histoire de Caïn, Abel et de Seth dans l'Ancien Testament

Caïn fuyant avec sa famille . Musée d' Orsay, Paris (1880)
Fernand Cormon

Abel est une victime de haute valeur symbolique, il est le type du juste persécuté, et une figure du Christ. Son sang est éloquent auprès de Dieu, mais celui de Jésus l'est plus encore (Hébreux 11:4 ; 12:24). Seth est le troisième fils d'Ève[4] que Dieu lui a accordé pour remplacer Abel tué par Caïn. Seth est né quand Adam avait 130 ans[5]. C'est la descendance de Seth qui conduit à Sem ... David ... et Joseph le "père" de Jésus. Quant à Caïn, par son meurtre, il révèle la haine qui, dès la Genèse, habite le cœur de l'homme ; il est le type du mauvais, celui qui hait le juste, son frère. Abel est le juste qui crut la promesse de Dieu qui s'accomplit par l'offrande de sang.

Caïn dans le Coran

Le Coran[6] raconte aussi l'histoire des fils d'Adam, sans les caractériser par leur profession comme dans la Bible qui présente Abel comme pasteur et Caïn comme cultivateur. En revanche la tradition musulmane leurs donne des noms: Hâbîl pour Abel et Qâbîl pour Caïn[7].

Le Coran raconte qu'alors que chacun des deux frères avait fait une offrande (ou un sacrifice), Dieu (Allah) n'a accepté que celle d'Abel. Par jalousie, Caïn promit alors de tuer son frère qui répondit : « Allah n'accepte l'offrande que de la part des pieux. Si tu étends vers moi ta main pour me tuer, moi, je n'étendrai pas vers toi ma main pour te tuer : car je crains Allah, le Seigneur de l'Univers[8]. »

Qâbîl tue néanmoins Hâbîl. Selon le texte, un très profond sentiment de remords l'envahit alors, et il devint ainsi parmi les perdants. Qâbîl reste consterné devant le cadavre de son frère, ne sachant que faire. Allah lui envoie alors un corbeau qui se met à gratter la terre pour lui montrer comment ensevelir le cadavre de son frère. Il dit : « Malheur à moi ! Ai-je donc été incapable d’être comme ce corbeau et de cacher le spectacle indécent de mon frère ?

« Il devint alors du nombre de ceux que ronge le remords.[9]. »

Les deux traditions bibliques et coraniques présentent donc Caïn comme le premier meurtrier. Le Coran ajoute qu'il est le premier à avoir enterré un cadavre[10].

Le mythe récurrent des frères rivaux, présent dans plusieurs civilisations

Ce mythe en évoque d'autres présents sur tous les continents, ce qui laisse penser qu'il a une origine ancienne, de même (dans le Coran) que l'invitation à enterrer les morts, souvent présentée comme un indice d'apparition de civilisation chez l'Homme préhistorique.
L'opposition entre deux frères (parfois jumeaux) est très répandue dans les mythes, contes et légendes. Ethnologues et historiens notent que dans ces récits mythiques souvent, l'un des deux frères tue l'autre, devenant ainsi la souche d'une lignée postérieure, par exemple avec les jumeaux de mythes sibériens et amérindiens, Osiris et Seth dans la mythologie égyptienne, les frères Shun et Yao de la mythologie chinoise et enfin pour les fameux Romulus et Rémus dans le mythe de la fondation de Rome. Ainsi Caïn pourrait représenter le mal et Abel le bien, dans une dualité qui évoque aussi une culpabilité liée à un mythique péché originel.

Autres interprétations

Parmi les autres interprétations symboliques, ont été évoquées d'autres hypothèses, sans confirmation ou infirmation historique possibles à ce jour :
  • Le mythe de Caïn et Abel pourrait être ce qui reste de l'expression d'une relation conflictuelle ou de forte différentiation culturelle entre les hommes de Néandertal et de Cro-magnon (alors respectivement représentés par Abel et Caïn dans le mythe), les seconds, ayant fini par supplanter les premiers, ce que signifierait le symbole du meurtre dans le mythe, qui n'implique nullement de volonté ni réalité génocidaires (on n'a pas d'indices de relations meurtrière ni d'interactions entre ces deux types d'hominidés, et de nombreuses controverses persistent sur le nombre et l'importance des relations guerrières au sein des peuplades préhistoriques), et entre les deux types d'hominidés, lesquels semblent avoir localement cohabité après l'arrivée des hommes de Cro-Magnon, jusqu'à il y a 29 000 ans environ, époque de la disparition progressive et inexpliquée de l'homme de Néandertal.
  • le mythe pourrait aussi être la trace relictuelle de conflits anciens entre des cultures de type Chasseur-cueilleur ou d'éleveurs nomades, face aux cultures nouvelles se développant chez les peuples se sédentarisant grâce à l'agriculture et à un élevage non nomade. Caïn est en effet présenté par la Bible comme étant agriculteur. Et il « tue » son frère présenté par la Bible comme un pasteur. Le mythe pourrait décrire symboliquement le fait que l'agriculteur interdise à son frère nomade l'accès aux terres (et eaux) les plus riches, désormais de plus en plus exclusivement réservés et dédiés à l'agriculture, à la pisciculture et à la coupe du bois puis à la sylviculture... au détriment de l'itinérance vitale aux nomades et possesseurs de troupeaux itinérants).
    On pourrait alors parallèlement voir dans ce mythe l'opposition entre d’une part les cultures nouvelles de l'espace privatisé (marqué par les clôtures, les contrats de propriété et une gestion défensive de l’espace) et d’autre part les cultures de l'espace partagé (géré selon la coutume et d’autres modes de gestion des conflits). Plus largement encore ce mythe pourrait évoquer l'opposition entre « culture » et « nature » ou entre « exploitation rationalisée de l'environnement » et « reconnaissance de la naturalité » de l'Homme et de sa relation à la Nature.
  • Il pourrait enfin aussi s'agir de la trace mythique d'un choc culturel encore plus ancien ayant opposé des peuples chasseurs-cueilleurs itinérants (représentés par Abel) et les premiers éleveurs nomades (la descendance de Caïn est présentée par la Bible comme nomade). On peut noter que dans le mythe, Dieu agrée Abel et son offrande, et plus tard, dans le Nouveau Testament, le pasteur et l'importance du sacrifice de l'agneau resteront des thèmes récurrents et importants, le Christ lui-même étant fréquemment présenté comme un pasteur (qui cette fois se sacrifie Lui-même) et son peuple comme un troupeau d'agneaux.
  • Si l’on fait une lecture psychanalytique ou tout simplement littérale du texte, il apparaît que la cause du drame de Caïn est qu’il croit être fils de Dieu sur le dit de sa mère :

"Adam pénètre Hava sa femme. Enceinte elle enfante Caïn. Elle dit "J'ai eu un homme avec IHVH" (G 4, 1) . Or ce n'est pas avec Dieu qu'elle a fait l'amour c'est avec son compagnon Adam ; les détails les plus crus sont indiqués afin qu’il n’y ait aucun doute sur le sujet. On sait depuis la psychanalyse et notamment Françoise Dolto l’importance du désir des parents, surtout des désirs inconscients qui s’attachent à l’enfant, déni de paternité ou projections substitutives, et de l’identité ou signification inconsciente qui leur est assignée.

Caïn illustre le difficle renoncement à un de nos fantasmes les plus chers : «  se croire dieu ». Ce qui, dans l’épisode précédent (Arbre de la Connaissance), constituait la promesse du serpent « et vous serez comme des dieux » se révèle vrai. L’erreur est d’y croire en oubliant le « comme » du serpent. Eve y a cru. L’épisode Caïn montre ce que cela donne quand on y croit, c’est pour cela qu’il suit « La Chute ». Dans la volonté d’accréditer un fantasme, y compris celui d’un autre, se nouent les liens du fanatisme comme identification et inscription dans la dépendance. Caïn apparaît comme sa figure emblématique, au moment où il naît, en germe, à l’unité en quelque sorte. On peut considérer que le rédacteur biblique a noué ce drame sur le premier geste rituel, et en début de Bible, pour constituer une sorte d’ « avertissement au lecteur » en quête de foi ou de… sagesse ! D’autant que sur le plan du développement psychique chaque enfant passe par une phase dite de « reconstruction du roman familial » dans laquelle il fantasme que « mes parents ne seraient pas mes vrais parents et je serai en réalité le fils d’un roi et d’une reine ». Voir le livre Caïn, l’énigme du premier criminel de Jacques Laffitte TdB Editions mars 2009.

[réf. nécessaire]

  • Par ailleurs, Caïn sera souvent représenté vêtu d'une peau de bête, comme Hercule/Héraclès, qui peuvent évoquer l'animal, le chasseur, ou un caractère « sauvage », voire la violence[11] potentiellement explicative de ce mythe du premier meurtre, par le premier fils d'Adam et Ève. Le mythe pourrait alors - de ce point de vue - être à la fois l'expression d'une culpabilité refoulée (Cf. la colère de Dieu, l'Œil de Dieu, etc.), et de deux tendances intérieures - individuelles et collectives - qui chez l'homme s'opposent encore ; le civilisé sédentaire, et l'itinérant (doublement refoulé selon cette interprétation du mythe).


Comme référence dans la littérature et la fiction

  • Dans Hamlet, de William Shakespeare, le prince compare le meurtre de son père, le vieil Hamlet, par son frère Claudius au premier fratricide.
  • Kaori Yuki, dans son œuvre Comte Cain, donna le nom de Cain à son héros, afin de respecter le fait que l'Angleterre, où se passe l'intrigue, est le Royaume de l’alphabet sans accent, d’où le titre, Comte Cain, et non pas Comte Caïn. Mais le Cain fait directement référence au Caïn de la Bible.
  • Victor Hugo, dans un poème de la La Légende des Siècles intitulé La Conscience, consacre une centaine de vers sur le remords de Caïn, poursuivi par un œil omniprésent. Protégé par ses enfants, nomades, derrière des murs de toiles de tentes, de bronze et de granit, Caïn va jusqu'à s'enterrer, mais rien ne peut arrêter non seulement l'œil de Dieu, mais également l'œil de la culpabilité, l'œil de la conscience, Caïn ainsi que tout homme ne peut fuir sa conscience  : « L'œil était dans la tombe, et regardait Caïn ».
  • Baudelaire écrira pour sa part Abel et Caïn, poème de son recueil Les Fleurs du mal dans la section intitulée Révolte. La race de Caïn, laborieuse et affamée, écrasée par la punition séculaire pesant sur elle, y côtoie la race d'Abel, qui s'engraisse indéfiniment dans la grâce de Dieu. Mais Baudelaire termine le poème en annonçant la révolte des déshérités divins, gagnant le Ciel en balayant Dieu et ses favoris. Il est difficile de ne pas y voir l'influence de 1848, de ses idéaux trahis par une république embourgeoisée, et du socialisme naissant.
  • Dante donne le nom de Caïn à l'une des strates de son Enfer, la Caïna.
  • Caïn de lord Byron.
  • Steinbeck dans « À l'Est d'Éden ».
  • Robert Ludlum, Dans la trilogie de Jason Bourne "La Mémoire dans la peau", "La Mort dans la peau", "La Vengeance dans la Peau", Bourne se fait appeler "Caïn" face à son rival Carlos.
  • Hermann Hesse, intitula le second chapitre de son Demian, Caïn.
  • La littérature tournant autour de l'univers des jeux de rôles donnent à Caïn le rôle central de père originel des vampires. Son statut de vampire serait la fameuse marque de Dieu. Il aurait rencontré Lilith dans la Terre de Nod, la première femme d'Adam dans la Kaballe juive, laquelle l'aurait initié à ses nouveaux pouvoirs.
  • Dans En attendant Godot, de Samuel Beckett, le personnage de Pozzo, devenu aveugle et mis à terre, est successivement appelé Abel et Caïn par Estragon et Vladimir, après qu'il a été frappé par ce dernier.
  • "Lullaby for Cain", de Sinead O'Connor, utilisée comme thème principal du film "Le Talentueux Mr Ripley", d'Anthony Minghella.
  • La bande-dessinée "Le Syndrome de Caïn", par Tackian et Red, met en scène le personnage de Caïn associé au mythe du juif errant. Détenteur d'une connaissance millénaire, immortel, Caïn est ici le premier alchimiste et livre aux hommes un savoir peu orthodoxe pour lequel ils s'entre-déchirent.
  • Le romancier de science-fiction Yann Quero a fait de Caïn son personnage principal, dans le roman L'ère de Caïn (2004), où le héros traverse les grands âges de l'histoire de l'humanité, pour se demander finalement si ce qu'il pense avoir vécu est la réalité ou seulement un délire schizophrène.


Comme référence dans la musique

  • La chanson The Ghost of Cain de Bruce Dickinson tirée de l'album Accident of Birth.

Caïn dans d'autres histoires fratricides

De nombreuses histoires et mythes sur les fratries représentent des frères "ennemis" ou opposés ;

Notes

  1. Des meurtres historiques sont décrits avant la Bible qui est un ouvrage relativement récent
  2. Samuel 1S 16. 7 et Psaumes Ps 139. 1-6
  3. Galates Ga 5. 19
  4. Genèse Gn 4. 25
  5. Genèse Gn 5. 3
  6. Le Coran, La table servie, V; 27-31
  7. arabe : hābīl, هابيل, Hâbîl, Abel; qābīl, قابيل, Qâbîl, Caïn
  8. Le Coran, La table servie, V; 27-28
  9. Le Coran, La table servie, V; 29-33
  10. Par exemple voir Tabari, La chronique (Volume I) De la création à David, Éd. Actes Sud, (ISBN 978-2-7427-33-17-0) p. 88
  11. La violence et le sacré, René Girard, 1972, Éd. Pluriel
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