- Art naïf
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L’art naïf désigne les œuvres d’artistes, le plus souvent autodidactes, qui se trouvent en décalage avec les courants artistiques de leur temps, soit par maladresse, soit parce qu’ils en ignorent tout ou souhaitent s'en démarquer.
Au Québec, on emploie plus volontiers le terme d’« art indiscipliné », bien que celui d’art naïf soit parfois utilisé.
Sommaire
Définition
Origine du terme
Le terme « naïf » aurait été utilisé pour la première fois au XIXe siècle, pour qualifier les œuvres du peintre Douanier Rousseau, qui peignait hors des normes académiques, sans suivre pourtant les recherches picturales de l'avant-garde (impressionnisme). Il faut toutefois remarquer que dès 1870, dans son poème Au cabaret vert, Arthur Rimbaud emploie le mot pour désigner des représentations picturales « maladroites » ; « je contemplai les sujets très naïfs de la tapisserie », ce qui est peut-être à l'origine de l'emploi « naïf » chez Guillaume Apollinaire quelque temps plus tard. Il s'applique aussi à des formes d'expression populaires de différents pays, notamment au courant artistique le plus connu d'Haïti.
Caractéristiques
L’art naïf désigne aussi une école de peinture, nommée « peintres naïfs », prônant un style pictural figuratif. S’agissant d’un mouvement non académique, l’art naïf ne possède pas de définition propre. On peut toutefois observer que l'essentiel des caractéristiques de la peinture naïve peut se rapporter au non-respect (par ignorance ou par choix) des trois règles de la perspective (telles que définies par Léonard de Vinci) :
- diminution de la taille des objets proportionnellement à la distance ;
- atténuation des couleurs avec la distance ;
- diminution de la précision des détails avec la distance.
Cela se traduit par :
- des effets de perspective géométriquement erronés (caractère « ingénu » des œuvres, ressemblance avec des dessins d’enfants, ou de la perspective signifiante des peintures du Moyen Âge, mais la comparaison s’arrête là) ;
- l’emploi de couleurs vives (souvent en aplats) sur tous les plans de la composition, sans atténuation à l’arrière-plan ;
- une égale minutie apportée aux détails, y compris ceux de l’arrière-plan qui devraient être estompés.
L'art naïf se caractérise également par une représentation figurative de sujets populaires (paysages campagnards, costumes folkloriques, animaux domestiques ou sauvages). La codification et la pérennité de ce style semblent donc mener vers une autre forme d'académisme.
Critériologie
Robert Thilmany, dans sa Critériologie de l'art naïf (voir Bibliographie), s'essaie à recenser un certain nombre de « caractères apparents », non exhaustifs, de l'art naïf (tout en reconnaissant que les définitions diffèrent) :
- l’étonnement provoqué chez le spectateur, qui n'est toutefois pas celui induit par des œuvres surréalistes plus calculées, telles que celles de Magritte ou Dali
- le parfum d'innocence
- le dépaysement, dû à la vision non conventionnelle de l'artiste
- la fraîcheur d'expression, découlant du regard intérieur
- un certain infantilisme voulu (à ne pas confondre avec les manifestations spontanées de l'enfant)
- le figé naïf (s'opposant à la technique de l'enfant, qui se développe avec l'âge)
- l’insuffisance technique (assumée, alors qu'elle est involontaire chez l'enfant)
- la gaucherie, qui ne constitue toutefois pas un critère de qualité ni de définition à coup sûr du genre
- la qualité picturale, qui peut compenser le manque d'habileté, mais ne doit pas faire tomber l'œuvre dans le genre « décoratif »
- la non-historicité (pas d'évolution notable de ce courant pictural)
- la stylisation, trahissant une volonté, soit d'embellissement, soit de signification, soit de sublimation
- la simplification, traduisant à la fois la volonté de contourner certaines difficultés techniques, mais aussi de charger l'œuvre « d'un pouvoir signifiant, voire totémique, plus direct »
- l’aspect conteur (sujets champêtres, bucoliques ou solennels...)
- la perspective mentale, qui fait peindre par exemple une fleur plus grande qu'un arbre ou une maison
- l’idéalisation, qui à travers des conventions plastiques peut révéler des tendances inconscientes profondes
- la vision ontique (sensibilité au mystère ontique et existentiel des choses)
- l’imaginaire, pouvant tendre vers le fantastique, le merveilleux ou l'insolite, parfois le symbolisme ou l'ésotérisme
- l’humour, qui n'est ni grinçant ni grimaçant dans l'art naïf.
Thilmany s'attache également à distinguer successivement l'art naïf de l'art populaire (plus utilitaire, traditionnel, collectif), de l'art brut et de l'art des aliénés (auxquels il ne reconnaît pas de caractéristiques vraiment spécifiques). Il remarque que l'expressionisme naïf est peu fréquent, et aussi que l'art naïf s'exprime bien plus par la peinture que par la sculpture par exemple, même si des cas existent.
Le point de vue de Diderot
Denis Diderot développa l'Art naïf comme étant le seul courant véritablement art, dans son Traité du beau. Car pour lui l'art doit être exempt de tout sentiment d'utile et d'agréable, c'est-à-dire dépecé de tout intérêt humain salissant le Beau. Et qui est le mieux placé pour y parvenir? Diderot affirmera que c'est l'athée car il est libre de sa vision de la nature et de sa représentation ensuite artistique, il y rejettera tout finalisme. L'art naïf comme étonnement de tout ce qui est, la vision la plus proche de la réalité, qui se détache de ses carcans habituels. C'est aussi le retour de l'art fragmenté, et du difforme, et des paysages en ruine ; « Souviens toi que tu meurs (memento mori) » pour mieux vivre et plus intensément.[réf. nécessaire]
Le point de vue de Malraux
[1]Malraux lors de ses voyages en Haïti[2] rencontra bon nombre de peintres naïfs. Selon lui les artistes naïfs sont ceux qui "osent croire que le temps n'est rien, que la mort même est une illusion et qu'au delà de la misère, de la souffrance et de la peur." Il existerait "pour qui sait voir, respirer et entendre, un paradis quotidien, un âge d'or avec ses fruits, ses parfums, ses musiques". Selon Malraux les peintres naïfs proposeraient au spectateur "un éternel éden, où les sources de jouvence l'attendent pour effacer ses rides, ses fatigues". Ainsi de part le monde il existerait selon lui "cette confrérie des peintres et peintresses aux mains éblouies, en France à côté de nos portes, mais également au Brésil, aux États-Unis, en Haïti à saint soleil". Ils seraient "les artistes de la grande espérance, les jardiniers miraculeux qui, pour le spectateur, font pousser des fleurs sur le béton".
Malraux faisait bien la différence entre les 2 types de peintures qui règnent à Haïti. L'une naïve "doté d'un charme extrême mais avec les limites qu'on connait" et l'autre d'origine vaudou "un art brut, des toiles fétiches, les oriflammes d'une Afrique brusquement reconquise..."
Artistes naïfs
- Henri Rousseau, dit « le douanier Rousseau », qui ne comprenait rien à la perspective et comprenait mal que des gens de l'art moderne (Alphonse Allais, Guillaume Apollinaire) lui fassent la fête tandis que les peintres académiques le regardaient de haut...[réf. nécessaire]
- Ferdinand Cheval, dit « le facteur Cheval », qui construisit le Palais idéal à Hauterives dans la Drôme.
- Lucien Le Guern, peintre sourd-muet qui peignit notamment d'impressionnantes fresques très expressives inspirées par les Saintes Écritures et l'Occupation.
- Séraphine de Senlis, servante internée à l'asile.
- Niko Pirosmanashvili, dit Niko Pirosmani (1862-1918), artiste géorgien qui peignait sur des toiles cirées noires ou réalisait des enseignes pour les cabarets de Tiflis contre un cruchon de vin et un repas, découvert par les artistes de l'avant-garde russe Mikhaïl Le Dentu et Krill et Ilia Zdanevitch.
- Alfred Ernest Peter, (1890-1980), peintre naïf suisse, parisien d'adoption dès 1911, notamment considéré comme « l'Utrillo de l'art naïf » pour ses tableaux de Paris (Ex: Vue de la Place du Tertre, 1961).
- André Demonchy, cheminot, célèbre pour ses trains, le détail des murs et de ses personnages, dont beaucoup d'œuvres sont parties aux États-Unis. Sa cote ne cesse de monter, son tableau Lescure en albigeois a dépassé 1 million de dollars chez Phillips auction à Los Angeles en 2005.
- Jean-Étienne Delacroix, cultivateur à Argenteuil.
- Raymond Isidore, qui construisit la maison Picassiette à Chartres.
- Eva Lallemant.
- Chalgalo (1882-1968), peintre naïf français.
- Denys Corbet, journaliste, était un poète et peintre naïf normand.
- Robert Tatin, qui construisit un « étrange musée » à Cossé-le-Vivien dans la Mayenne (pour certains aspect de son œuvre uniquement).
- Aristide Caillaud.
- Léon Markarian, artiste originaire d'Arménie, vécu à Nice.
- Frédéric De Munter, artiste naïf contemporain né en Belgique le 16 avril 1969, poète pictural de l'art naïf.
- Ivan Generalic, peintre naïf croate.
- Radi Nedelchev, peintre bulgare d'art naïf.
- Jean Schubnel, peintre naïf français du XXe siècle.
- Pilar Sala, peintre naïf argentin.
- Bernard Vercruyce, peintre autodidacte dont le sujet principal est le chat. Nommé Académicien du Chat par l’Accademia dei Gatti Magici de Rome en 1994.
- Radia Bent Lhoucine, peintre autodidacte marocaine née en 1912. Une des figures majeures de l'art naïf au Maroc.
- André Pierre (1914-2005), le peintre le plus célèbre et le plus représentatif de l'art naïf haïtien, exposé à New York, Sydney, Osaka, musée Getty...
- Léonce Durette, artiste québécois encore vivant, internationalement célèbre pour sa maison « pin d'épice ».
- Alphonse Benquet (1857-1933), peintre sculpteur, dont les œuvres firent partie de la collection privée d'André Breton.
- Michel Loeb (né en 1931), ancien joailler, découvert par Félix Vercel dans les années 1970.
- Elena Volkova, (née en 1915), remarquée par Vasyl Yermylov, fondateur de l'avant-garde ukrainienne
La peinture naïve connaît un renouveau au début du XXIe siècle. Une nouvelle expression débarrassée des stéréotypes passéistes, simplistes et enfantins en vogue dans les années 1980 (et jusqu’à la fin du siècle) a vu le jour.
- Alyona Azernaya, peintre naïf russe, revisitant les mythologies slaves, les contes traditionnels russes et les récits bibliques.
- Denis Bauquier, peintre français établi dans le Haut-Doubs, choisi par l'UNICEF et l'UNESCO pour des cartes de voeux.
- Raymond Beauduy, peintre haïtien, réalise des paysages tropicaux idéaux, surréalistes et vaudou
- Jean Claude Blanc, peintre haïtien, réalise des scènes de marchés tropicaux
- Albott Bonhomme peintre haïtien, réalise des forêts tropicales pleines d'oiseaux multicolores.
- Edgar Brierre, peintre haïtien réalise des paysages, des forêts, des villages, des scènes d'enfance inoubliables
- Louis Daniel, peintre haïtien largement inspiré par les animaux sauvages de Henri Rousseau
- Albert Galicier, (1915-2007), peintre naïf autodidacte auteur de nombreux tableaux sur panneau et sur toile.
- Anne Guyonneau, artiste française qui se prévaut du « réalisme poétique », représente la traduction la mieux achevée de cette renaissance prometteuse.
- Simone Le Moigne, artiste contemporaine française.
- Edouard Michelet, peintre haïtien, réalise des scènes de marchés, des paysages d'enfance inaltérables.
- Racine Milhomme, ses forêts imaginaires sont un enchantement de couleur et de paix.
- Sophie Moisan, artiste contemporaine ayant participé au Carrousel du Louvre en 2010.
- Céleste Pedoux, peintre naïf du Pays de Liège. Autodidacte, exporte son art teinté de fraîcheur aux travers de multiples compositions florales. Également un grand nombre de toiles représentant le charme des paysages wallons.
- Galland Semerand, peintre haïtien atypique, inspiré par l'école flamande du XIXe S, il réalise des paysages d'une Haïti idéale.
- Alain Thomas, chef de file de la peinture naïve contemporaine.
- Arthur Villeneuve, peintre naïf ayant recouvert les murs de sa maison de ses œuvres.
Musées en France
- Musée international d'art naïf Anatole Jakovsky de la ville de Nice.
- Un musée d’Art naïf se situe à Laval (Mayenne), patrie du Douanier Rousseau.
- Dans le Gers on peut visiter un remarquable musée d'art naïf, M.A.N[3]., au château d'Ensoulès à Béraut riche d'une collection d'environ 3 000 tableaux.
- Musée international d'art naïf Max Fourny (MIDAN) à Vicq, dans les Yvelines, à 40 km à l'ouest de Paris ; un musée en pleine campagne.
- Musée DAUBIGNY à Auvers-sur-Oise qui dispose d'une collection d'Art naïf dont les œuvres sont présentées lorsque le thème de l'exposition temporaire le permet.
- Musée d'art naïf de la ville de Noyers sur Serein (89 - YONNE) possédant la deuxième collection d'art naïf de France
Notes et références
- DVD Journal de Voyage avec André Malraux à la recherche des arts du monde entier. Ecrit et Réalisé par JM Drot. Doriane Films.
- http://www.agwe-galerie.com
- MAN - Musée d'Art Naïf
Bibliographie
- Marie-Christine Hugonot, La peinture naïve en France, un art vivant, Éd. Sous le Vent, Paris (1981)
- Marie-Christine Hugonot, Tendances actuelles de la peinture naïve en France, thèse soutenue en octobre 1978 à la faculté de Paris X.
- Robert Thilmany, Critériologie de l'art naïf, Éd. Max Fourny, 1984
Voir aussi
Liens externes
Musées internationaux
- La collection d'Art naïf au musée du Vieux-Château, Laval(Mayenne)
- Musée International d’Art Naïf Anatole Jakovsky, Nice
- Musée International d'Art Naïf, Vicq (Yvelines)
- Musée d'Art Naïf de Béraut (Gers)
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