Purges stalinienes

Purges stalinienes

Grandes Purges

Les Grandes purges sont les principales purges staliniennes, concentrées sur une période de répression massive en Union soviétique vers le milieu et la fin des années 1930. La direction du Parti communiste, sous les ordres de Joseph Staline, utilisa l'exécution et l'emprisonnement pour éliminer dans ses rangs les opposants politiques existants, mais aussi potentiels (ou supposés tels).

Sommaire

Purge

Les purges constituaient une élimination drastique des camarades qui ne « méritaient » plus leur appartenance au Parti. La perte de l'affiliation dans l'élite (la nomenklatura) faisait non seulement perdre des avantages sociaux essentiels, par exemple pour les fonctionnaires tout espoir d'avancement, mais souvent aussi la liberté ou la vie.

Déroulement

Toute personne perçue comme une menace potentielle pour l'autorité du régime (incluant quelques-uns de ses plus grands supporters, et la plupart des officiers les plus hauts dans la hiérarchie de l'armée) fut systématiquement identifiée et soit exécutée, soit incarcérée au Goulag, condamnée à des travaux forcés ou éloignée en exil intérieur en Sibérie ou autres régions lointaines au climat difficile.

Le 5 août 1937 date d'entrée en application du « prikaz 00447 », directive signée par le chef du NKVD Nikolaï Iejov qui ordonna de réprimer les « éléments antisoviétiques et socialement dangereux », est considéré en Russie comme le début des purges à grande échelle.

Les procès de Moscou

Article détaillé : Procès de Moscou.

La grande purge du parti en 1936 a eu pour but de contrôler le recrutement en son sein. À la fin de 1936, avant même que les grandes purges ne commencent, le Parti ne compte plus que 1 450 000 membres, soit une diminution de 750 000 en quatre ans. En 1937, première année de purge en profondeur, 500 000 autres membres disparaissent des registres, le plus souvent fusillés ou envoyés dans des camps[réf. nécessaire]. 1937 marque l'accentuation de la politique entreprise.

En août 1936, Joseph Staline fait juger Kamenev et Zinoviev et 14 autres personnes, accusés d'avoir constitué un « centre terroriste trotsko-zinoviéviste », déjà responsable de l'assassinat de Kirov[réf. nécessaire], et de comploter l'assassinat de Staline et de la plupart des membres du Politburo, pour restaurer le capitalisme avec l'aide de fascistes allemands et japonais. Les preuves sont visiblement truquées ; en particulier celles attestant une rencontre entre les fils de Trotski et les accusés.

En septembre, Staline fait remplacer Guenrikh Iagoda par Nikolaï Iejov à la tête du NKVD pour renforcer la répression. L'étape suivante date de la session du Comité central de février–mars 1937 où, après des débats houleux, Staline, Molotov, Ejov finissent par l'emporter sur les partisans d'une ligne modérée. Ils obtiennent la tête de Nikolaï Boukharine et Rykov, aussitôt arrêtés (leur ancien collègue Mikhaïl Tomsky s'était suicidé). En mars 1938, Boukharine, Rykov, Iagoda passent à leur tour en procès. Par la suite, Toukhatchevski et six autres maréchaux sont également jugés sommairement et exécutés. L'armée est décimée.

La période la plus intense des Purges fut de 1936 à 1938, pendant laquelle Nikolaï Iejov fut à la tête du Commissariat du peuple aux Affaires intérieures (NKVD), les Russes appellent d'ailleurs cette période « Iejovchtchina ». Durant ces deux années, la répression fait plus de deux millions de victimes, dont 725 000 exécutions[1]. La directive « prikaz 00447 », appliquée à partir du 5 août 1937 ordonne à la police secrète de fusiller un quota minimal de 75 950 personnes et d'en envoyer 193 000 au goulag[1].

À Moscou, plusieurs procès spectaculaires furent tenus, pour convaincre l'opinion publique interne et étrangère de l'existence d'une vaste conspiration antisoviétique et pour servir d'exemple pour les procès qui se déroulaient dans le reste du pays. Ces procès se sont révélés être mis en scène de toute pièce. Les accusés se retournaient les uns contre les autres, tout en n'oubliant pas de s'accuser. Ces aveux, pour certains totalement fantasmagoriques (rencontre dans un hôtel qui n'existait plus le jour de la rencontre, personnes se trouvant à plusieurs endroits en même temps, etc.) devaient très certainement avoir pour origine les fortes pressions et tortures exercées par le NKVD, sur ordre de Staline. La plupart de ces procès finissaient par la condamnation à mort des victimes, rarement par l'exil ou par incarcération dans un Goulag.

Presque tous les Bolcheviks qui avaient tenu un rôle de premier plan pendant la Révolution russe de 1917, ou dans le gouvernement de Lénine ensuite, furent exécutés ou exilés pendant cette période. Léon Trotski part en exil au Mexique mais il est assassiné par un agent soviétique en 1940. Seuls parmi les vieux bolcheviks, Viatcheslav Molotov, Mikhaïl Kalinine et bien évidemment Staline survécurent à ces purges.

La grande terreur

Ces procès, cependant, n'étaient qu'une partie mineure des purges, et l'un de leurs buts étaient de détourner l'attention du monde de ce qui se passait dans le reste du pays. Près d'un million de personnes furent exécutées par des pelotons et bien plus furent envoyées dans des prisons ou des camps gérés par le Goulag où beaucoup ne survivaient pas. Les estimations des victimes varient beaucoup, le chiffre revenant le plus souvent étant de 20 millions de morts, mais selon certains[2], ce chiffre correspondrait au nombre de déportés (de la période allant de 1930 à 1953) et le nombre de morts (exécutions et famines comprises) de 1932 à 1939 irait jusqu'à neuf millions de personnes.

Beaucoup de ceux accusés et emprisonnés l'étaient sous l'inculpation de sabotage économique, d'affiliation avec le trotskysme ou d'être des agents de la subversion étrangère. De nombreux chefs locaux du parti furent dénoncés et accusés d'abus de pouvoir.

À l'été 1938, Staline et son entourage proche réalisèrent que les purges étaient allées trop loin et Iejov fut rétrogradé comme commissaire du peuple au transport fluvial le 21 août puis envoyé en purge. Lavrenti Beria fut alors placé à la tête du NKVD. Cela marqua la fin des Grandes purges, cependant la pratique d'arrestation de masse et d'exil continua jusqu'en 1953, à la mort de Staline.

Conséquences des purges

L'élimination d'un grand nombre d'officiers de l'Armée rouge lors de ces purges est généralement considérée comme une des raisons principales des défaites soviétiques initiales face à l'attaque de l'Allemagne nazie (opération Barbarossa), l'Armée rouge étant privée de ses éléments les plus compétents.

Ce jugement peut cependant être nuancé. Ainsi, dans son journal du 8 mai 1943, Goebbels rapporte que, si ce fut initialement aussi l'avis d'Hitler, il changea d'opinion par la suite :

« Le Führer explique encore une fois le cas Toukhatchevski et exprime l'opinion que nous étions absolument dans l'erreur à l'époque, lorsque nous croyions que Staline ruinerait ainsi l'Armée rouge. C'est le contraire qui est vrai : Staline s'est débarrassé de tous les cercles d'opposition de l'Armée rouge et a ainsi réussi à ce qu'il n'y ait plus de courant défaitiste dans cette armée. [...] Vis-à-vis de nous, Staline a en plus l'avantage de ne pas avoir d'opposition sociale, car le bolchevisme l'a supprimée elle aussi au cours des liquidations de ces vingt dernières années. [...] Le bolchévisme a éliminé ce danger à temps et peut ainsi tourner toute sa force contre son ennemi[3]. »

Par ailleurs, outre l'aspect politique, les purges ont également contribué à rajeunir l'armée et à remplacer de nombreux cadres des échelons inférieurs et intermédiaires par de nouveaux cadres qui avaient généralement fait des études secondaires, voire supérieures. Le logicien et écrivain russe Alexandre Zinoviev, qui combattit au sein de l'Armée rouge, juge ainsi que même si l'arrestation des chefs militaires de grades élevés a certainement eu des conséquences tragiques au début de la guerre, ce rajeunissement et l'élevation du niveau culturel et intellectuel associé a été un facteur décisif de la victoire :

« [] Il y a dans tout mal une part de bien. Grâce à ces répressions et à ces défaites du début de la guerre le niveau d'instruction des officiers a augmenté. Oui, oui ! Des quantités d'hommes ayant fait des études secondaires et supérieures ont pris le commandement de pelotons, de compagnies, de bataillons, de régiments. [] Si vous voulez le savoir, ce sont les bacheliers de mon école qui ont gagné cette guerre[4]. »

Réhabilitation

C'est Nikita Khrouchtchev qui le premier, après la mort de Staline, dénonça les purges des années staliniennes. Alors qu'il est à la tête de l'Union soviétique, dans un discours secret pendant le XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique en février 1956 (discours qui fut rendu public un mois plus tard), Khrouchtchev déclare que les purges étaient un « abus de pouvoir » de Staline et qu'elles eurent des conséquences désastreuses pour le pays. Dans le même discours, il a reconnu que plusieurs des victimes des purges étaient innocentes et que les confessions avaient été obtenues sous la torture.

Prendre position contre les purges était un avantage pour Khrouchtchev. Cela lui permit d'évincer un certain nombre de personnes qui avaient participé aux purges et d'accéder au poste de Président du Conseil des ministres.

Les dernières réhabilitations, comme celle de Nikolaï Boukharine, eurent lieu en 1988.

Notes et références

  1. a  et b « Un responsable des droits de l'homme russe qualifie les purges staliniennes de terrorisme d'État », dans Le Monde du 14/08/2007, [lire en ligne]
  2. Comme Nicolas Werth, voir L'URSS de Staline et Histoire de l'URSS.
  3. La contribution soviétique à la victoire contre le nazisme sur Communisme-Bolchevisme.net. Consulté le 19 mai 2008
  4. Alexandre Zinoviev, Le Héros de notre jeunesse, Julliard/L'Âge d'Homme p. 194.

Bibliographie

De nombreux auteurs ont écrit sur le sujet. Par ordre alphabétique :

  • Varlam Chalamov, Récits de la Kolyma, La Découverte/Fayard. Varlam Chalamov est un grand écrivain des camps soviétiques (il fut d'ailleurs pressenti en premier pour écrire L'Archipel du Goulag, avant de se brouiller avec Alexandre Soljenitsyne).
  • Robert Conquest, La Grande Terreur. Les purges staliniennes des années trente, Paris, Cercle du Nouveau Livre d'Histoire, 1970, 579 p.
  • (en) John Arch Getty, Origins of the Great Purges: The Soviet Communist Party Reconsidered, 1933-1938, New York, 1985 ; The Road to Terror: Stalin and the Self-Destruction of the Bolsheviks, 1932-1939, Los Angeles, 1999.
  • Arthur Koestler, Le Zéro et l'Infini, 1945 (roman).
  • Andreï Makine, La Musique d'une vie, 2001.
  • Boris I. Nicolaevski, Les dirigeants soviétiques et la lutte pour le pouvoir : essai, Paris , Collection : Dossiers des Lettres Nouvelles, Denoël, 1969

Voir aussi

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