Pu-erh

Pu-erh
Pu-erh
Xiaguan Te Ji tuo cha de 1992
Famille: post-fermenté
Autres noms : po-lay, thé noir
Origine : Yunnan, Chine
Description : Thé fermenté, longue conservation
Infusion
Température : 95° C
Temps : quelques minutes
Projet thé

Le pu-erh ou pu'er (chinois : 普洱茶 ; pǔ'ěr chá) est un thé post-fermenté qui doit son nom à la ville de Pu'er, dans la province chinoise du Yunnan. Cette ville fut longtemps un important centre commercial situé sur l'ancienne Route du Thé et des Chevaux[N 1] reliant le Yunnan au Tibet. Le thé produit dans la région était compressé pour pouvoir être plus facilement transporté par des caravanes jusqu'au Tibet.

Le thé pu'er se bonifie avec le temps et tout comme le vin chez nous, plus il est vieux plus il est cher.

Le pu'er est réputé pour ses propriétés médicinales. L'un des plus vendus en Europe, le pu'er en nid, est connu sous le nom de Tuo cha.

Sommaire

Description

Théiers de pu'er devant une pagode bouddhiste, Xishuangbanna

Le thé pu'er est fabriqué à partir de feuilles d'une variété de théier nommé Camellia sinensis var. assamica[1] ou « théier de l'Assam », « théier à grandes feuilles[N 2] » poussant dans le Yunnan. Les feuilles de 8-14 cm de long ont l'apex acuminé et la nervure centrale villeuse (en dessous).

Cette variété assamica pousse spontanément dans les forêts sempervirentes, entre 500 et 1 500 m d'altitude, dans le sud de la Chine (Yunnan, Guangdong, Guangxi, Hainan), en Birmanie, au Laos, en Thaïlande et au Viêt Nam.

Le thé pu'er est un produit de terroir qui ne peut être fait qu'à partir de feuilles récoltées sur des théiers à grandes feuilles da ye poussant dans le Yunnan, séchées au soleil et ayant subi une fermentation.

Les feuilles de théier sont traitées en deux temps :

  • tout d'abord sur le lieu de production, elles subissent une première oxydation, plus ou moins intense ;
  • puis, après avoir été pressées en briques ou galettes, elles subissent durant une longue période de vieillissement, une fermentation, produite par des champignons, bactéries et levures[2] (Aspergillus niger, A. glaucus, Penicillium, Rhizopus, Saccharomyces, Actinoplanes, Streptomyces et Bacterium). Ou bien, avec un procédé récent, une fermentation accélérée, en milieu humide, en une cinquantaine de jours. Jadis, on pensait que l'oxydation de la première phase était une fermentation, c'est pourquoi on qualifiait le processus de la deuxième phase de post-fermentation.

Contrairement aux autres thés qui doivent être consommés peu de temps après leur production, le pu'er peut être conservé plusieurs années. Durant ce vieillissement qui dure le plus souvent de un à cinq ans, voire plusieurs décennies, s'opère une "post-fermentation" qui développe une saveur terreuse sous l'effet de micro-organismes comme les levures. « Il faut au moins cinq ans pour que l'astringence et la note minérale, un peu métallique, de ces galettes s'adoucissent, se bonifient et évoluent vers un bouquet post-fermentaire harmonieux » (Delmas et al.[3] 2007).

Historique

En Chine, le thé commence à devenir une boisson commune sous les Tang (618-907). A cette époque, il est habituellement compressé pour faciliter son transport ; il est alors nommé pucha 普茶 .

Sous les Ming (1368-1644), l'empereur Yongle interdit les thés compressés, mais il demeura aux confins du Yunnan une zone où on continua à fabriquer un thé compressé sous le nom de tuancha 团茶[4].

À l'époque des Qing (1644-1912), le thé du Yunnan connut une période florissante. Il pris le nom de pu'er cha 普洱茶 parce que sa zone de production se trouvait dans la préfecture de Pu'er 普洱府 au Yunnan. Dans cette préfecture, la ville nommée Simao 思茅市 de 1950 à 2007, a repris le nom de Pu'er 普洱市.

Fabrication

Actuellement, il existe deux procédés de fabrication :
- le thé vert compressé, sheng cha 生茶 : suivant la méthode traditionnelle, le thé est compressé en briques ou en galettes puis mis à vieillir.
- le thé noir pu'er, shou cha 熟茶 : suivant une technique datant des années 1970, la fermentation est accélérée et les feuilles de thé sont présentées en vrac ou compressées.

Le thé vert compressé

Séchage au soleil des feuilles de thé pu'er
Atelier de fabrication du thé pu'er, Yunnan
1. étuvage : les feuilles dans le pot métallique (percé de trous) sont traversées par un jet de vapeur
2. elles sont ensuite mises dans un sac qui sera placé sous la presse hydraulique
  • Cueillette

Trois grades sont distingués suivant que la période de cueillette se passe au printemps, en été ou en automne.

  • Séchage

Après la cueillette, les feuilles sont malaxées puis mises à sécher au soleil durant une journée. Durant cette étape, les feuilles s'oxydent légèrement et dégagent une note florale intense qui évolue vers des notes de cuir[N 3].

Les feuilles séchées sont ensuite triées puis emballées et vendues à des manufactures de grande taille ou des négociants. Ce sont eux et non pas les producteurs qui vont s'occuper des processus d'élaboration suivants.

  • Étuvage

Pour ramollir les feuilles, on les passe dans un jet de vapeur quelques minutes.

  • Pressage

Les feuilles sont ensuite mises dans une poche en coton qui est déposée entre les deux plaques d'une presse chaude sous un flot de vapeur continu. Lorsque la galette a refroidi, on la retire du sac et on la laisse sécher sur une étagère dans une pièce bien ventilée.

  • Vieillissement

Le vieillissement s'opère sous l'effet de levures comme Aspergillus niger qui prolifèrent dans une atmosphère tiède, humide et ventilée. Le stockage permet une fermentation lente des feuilles qui au fil du temps se bonifient, perdent leur astringence et évoluent vers un bouquet post-fermentaire harmonieux.

Le thé pu'er noir (ou cuit)

Les deux premières étapes à la ferme, cueillette et séchage, sont les mêmes.

Les étapes suivantes ont été mises au point par la manufacture de thé de Kunming, la capitale de la province du Yunnan, au début des années 1970[3].

  • Fermentation

Les feuilles sèches achetées au producteur sont étalées en une couche d'une soixantaine de centimètres, généralement à même le sol, dans une pièce à température et humidité constante. Après avoir été aspergées d'eau et recouvertes d'une bâche, les feuilles commencent à fermenter. La température peut monter jusqu'à 60°C à l'intérieur du monticule.

Des micro-organismes prolifèrent, des moisissures apparaissent et dégradent les feuilles. La durée de cette étape est de 45 jours à trois mois, suivant le degré de fermentation souhaité. La couleur des feuilles varient au terme du processus du brun au noir.

  • Séchage

Après la fermentation, les feuilles sont étalées au râteau en couches minces et laissées à sécher une quinzaine de jours.

  • Criblage

Une fois séchées, les feuilles sont passées à la cribleuse et triées suivant différents grades.

La majorité des feuilles sera compressée en galettes, briques ou nids, suivant la même technique que pour le thé vert décrite précédemment. Ces thés compressés peuvent être consommés immédiatement ou mis à vieillir pour développer leur saveur sucrée.

Une partie des feuilles triées sont aussi vendues en vrac.

Le processus accéléré de fermentation doit être bien conduit car des moisissures nocives peuvent apparaître. « Quoique le thé stocké en milieu humide fait par cette méthode ait un temps de fermentation plus court, il peut héberger des micro-organismes indésirables soit nocifs à la santé soit capables d'entraver la croissance des micro-organismes bénéfiques pour développer les arômes du thé » (Chen et al.[2] 2010).

Pour Delmas et coll. « Ce processus de fabrication du Pu Er noir, qui visait à l'origine à reproduire « en accéléré » le vieillissement des galettes de thé vert, donne au final des thés aux caractéristiques organoleptiques assez différentes des Pu Er vieillis naturellement : les arômes humides, évoquant le sous-bois, la cave, y sont plus présents, et les notes animales plus prononcées ».

Classifications

Ce thé peut être classé suivant la région d'origine ou la méthode de production.

Régions

La majorité des pu-erhs proviennent de la région du Yunnan. La plupart des districts en produisent, mais les plus connus sont les six montagnes du thé dans le Xishuangbanna. Au cours du temps, ces montagnes et leurs noms ont souvent changé. Dans les enregistrements faits sous la dynastie Qing, les six montagnes se trouvent au nord-est du Mékong et sont nommées chacune selon un objet laissé là par Zhuge Liang.

La production de ces six montagnes a chuté à la fin de la dynastie Qing, pour de multiples raisons comme feux de forêts, taxes impériales trop élevées ou déforestation massive. En 1962, le gouvernement Chinois décide de renommer six nouvelles montagnes parmi les plus productrices, dont seule Yōulè fait partie des six originelles.

D'autres districts du Yunnan produisent du pu-erh, dont ceux de Lincang, Dehong, Simao, Xishuangbanna, et Wenshan.

D'autres régions, comme le Hunan ou le Guangdong, sont aussi productrices. Les pays limitrophes à la région du Yunnan (Laos, Vietnam, Birmanie) ont également une petite production, mais majoritairement pour une consommation locale.

Méthodes de production

Culture
Les théiers sauvages sont considérés être les meilleurs pour fournir un bon pu-erh. En pratique, on peut distinguer trois méthodes de culture :

  • Les plantations (guànmù, ), à basse altitude et sur terrain relativement plat. Les thés souffrent de l'utilisation de pesticides et fertilisants.
  • Les plantations revenues à l'état sauvage, souvent par manque de soin. Ceux-ci donnent de bons thés, notamment grâce à la présence de métabolite secondaire dans l'arbre. Ces arbres sont parfois entretenus, par un élagage régulier par exemple.
  • Les théiers sauvages (gŭshù, ; litt. "vieil arbre") produisent les thés les plus recherchés pour leurs saveurs plus profondes et complexes. On leur attribue un goût de camphre lié aux camphriers qui poussent dans les mêmes zones. Les jeunes pu-erhs de ces arbres n'ont pas l'amertume et l'astringence que l'on retrouve dans d'autres jeunes pu-erhs.

Les appellations chinoises mettent souvent les consommateurs en erreur, en confondant les deux dernières méthodes. Si les fabricants sont généralement honnêtes, certains vendeurs peu scrupuleux jouent avec ces différences. Il est donc difficile d'être sûr de trouver un thé sauvage avant de l'avoir goûté.

Cueillette
La saison de récolte joue un grand rôle dans le goût du pu-erh. Les thés récoltés au printemps sont les plus prisés, suivis par ceux de l'automne, puis par l'été.

Grade
On peut distinguer plus de dix grades de pu-erh selon la taille des feuilles et leur qualité. Un grade élevé représente des feuilles plus grandes, vieilles, moins tendres, voire cassées. Ces grades dépendent d'un fabricant à l'autre, et des feuilles de premier grade ne font pas une brique de premier grade. Le produit final est souvent un mélange de feuilles de différents grades, qui apportent différents goûts.

Forme finale
Quand il est compressé, le pu-erh peut avoir de nombreuses formes.

Image Nom courant Caractère Chinois Pinyin Description
S T
Haiwan bingcha.jpg galette Bĭngchá Disque rond, allant de 100g à 5kg en poids, le plus communément d'un poids de 357g, 400g, ou 500g. Selon la méthode de pressage, le côté du disque est arrondi ou droit. Connu aussi sous le nom de Qīzí bǐngchá (七子餅茶, litt. "Gâteau de thé de Sept unités"), dû au fait que les bings se vendent ou se transportent par lots de sept.
Xiaguan 1992 tuo cha.jpg tuocha, nid ou bol Túochá Thé à forme convexe, dont le poids varie entre 3g et 3kg mais le plus souvent de 100g, 250g ou 500g. Le nom vient peut-être de la route du Tuojiang. Les tuochas avaient jadis peut-être un trou pour les lier ensemble au moyen d'une corde.
Zhuan cha.jpg brique Zhuānchá Bloc épais de 100g, 250g, 500g ou 1000g. Forme traditionnelle le long de la route du thé par caravanes de cheval.
Fang cha.jpg carré Fāngchá Carré plat de thé, de 100g ou 200g. Des sinogrammes sont souvent pressés sur le dessus.
Jincha.jpg champignon Jĭnchá Littéralement thé étroit, de poids de 250g or 300g. Ces thés sont généralement produits pour l'export vers le Tibet.
Golden melon.jpg melon ou melon doré Jīnguā De la forme du túochá, mais plus gros et décoré de bandes. Cette forme fut créée expressément pour les empereurs de la dynastie Qing. De plus gros spécimens sont parfois appelés tête humaine () pour leur taille, mais aussi parce qu'ils étaient présentés de la même façon que les têtes coupées.

Vieillissement et stockage

Plusieurs propriétés affectent la vitesse de vieillissement du thé.

  • la qualité des feuilles.
  • la compression : plus un thé est compressé et plus il vieillit lentement.
  • la surface : une plus grande surface de contact avec l'air favorise le processus. Un bĭngchá vieillira donc plus vite, proportionnellement, qu'un jīnguā.

La façon de stocker le thé joue également selon les critères suivants.

  • la circulation d'air.
  • les odeurs : le thé a tendance à saisir les effluves environnants. On peut aérer les thés qui ont subi la proximité d'une odeur forte.
  • l'humidité accélère la vitesse du vieillissement.
  • l'ensoleillement peut sécher prématurément le thé, qui devient amer.
  • la température : un thé trop exposé au chaud va développer un mauvais goût, tandis que le froid stoppe le vieillissement.

Lorsqu'il est conservé en tong, le vieillissement du thé dépend de la nature de l'emballage, que ce soit du brou de bambou, des feuilles de bambou, ou du papier épais.

Préparation

La préparation du pu-erh commence par découper une partie du thé compressé. Ceci se fait à l'aide d'un couteau à pu-erh, analogue à un couteau à huître ou un ouvre-lettre, qui permet d'en prélever la bonne quantité sans casser les feuilles. Sur de petits thés, comme le tuocha, on pourra soumettre le thé à un bain de vapeur pour le ramollir. Etant donné que le goût n'est pas le même partout, on cherche à obtenir une coupe large.

Le pu-erh est généralement servi selon la méthode du gong fu cha, dans un service en argile de Yixing, ou bien dans un gaiwan. La température optimale est très chaude autour de 95°, descendant jusqu'à 85-89° pour de meilleurs vieux pu-erhs. La première infusion est de quelques secondes, puis la durée s'allonge jusqu'à quelques minutes pour les infusions suivantes. Les meilleurs pu-erhs donnent le plus d'infusions, différentes saveurs apparaissant au fur et à mesure.

La culture cantonaise autorise l'ajout de chrysanthème dans le pu-erh pour un peu de fraîcheur. Ce mariage s'appelle guk pou ou guk bou (; pinyin: jú pǔ).

Qualités d'un pu-ehr :

Certains indicateurs permettent de juger de la qualité d'un pu-ehr.

  • Aspect général : il ne doit pas y avoir de brindille, de matières étrangères ou de points noirs ou blancs sur la surface du thé compressé. Les feuilles doivent être entières, distinctes, fragiles mais non poudreuses. Le thé doit avoir une certaine odeur, même sec. Après infusion, on doit pouvoir retrouver les feuilles entières non décomposées.
  • Liqueur : l'infusion ne doit pas être nuageuse ou opaque, mais avoir une belle robe rougeâtre sombre.
  • Goût : les différentes saveurs ne doivent pas disparaître d'une infusion à l'autre, c'est peut-être la marque d'un ajout d'arôme.
    • les jeunes pu-erhs ont un goût de camphre, de fruit sec comme des prunes, et quelques notes vertes de sencha. Il peut être légèrement amer et astringent, mais réserve un arrière-goût plaisant, appelé gān (甘) et húigān (回甘).
    • les vieux pu-ehrs ne doivent pas sentir la terre, le moût, ou le champignon. Les saveurs sont très variables. La texture doit avoir des gān et húigān distincts sur la langue et la joue, qui font saliver et laisse une sensation au fond de la gorge.

Composition

Les jeunes feuilles de théiers fraiches contiennent environ 30% de polyphénols[N 4], des protéines (15-20%), des acides animés, des glucides etc. Les composés phénoliques sont constitués à 90% par des flavan-3-ols (catéchine et ses derivés estérifiés) ainsi que des flavonols (aglycones et glycosides), flavan-3,4-diols et des acides phénoliques[5].

Durant la phase d'oxydation enzymatique, des enzymes, nommées polyphénolases, catalysent la transformation des composés phénoliques en orthoquinones. Celles-ci formées par oxydation des flavan-3-ols se condensent ensuite en théaflavines et en théarubigines. Les théaflavines donnent une couleur jaune orangé au thé et contribue à son astringence.

Durant la phase de fermentation en milieu humide, avec des champignons filamenteux de type moisissure (Aspergillus niger principalement), la température monte rapidement à 50°C et se maintient à ce niveau pendant 35 jours avant de décroître jusqu'à la température ambiante (Abe et al[6] 2008). La teneur en polyphénol décroît constamment à partir du 10e jour jusqu'au 50e et pendant la même période la population de champignons croît régulièrement. L'analyse par PCR a montré qu'à côté du bien connu Aspergillus niger, un autre champignon, nommé Blastobotrys adeninivorans, jouait un rôle important. Les Aspergillus secrètent des enzymes qui en dégradant les protéines et les lipides sont responsables du développement d'arômes uniques. On retrouve des Aspergillus dans le processus de fermentation de la sauce de soja et de miso (A. oryzae, A. sojae).

Hou et al[7] (2009) ont montré qu'une fermentation accélérée (en 50 jours), produite en humidifiant les feuilles et en les inoculant d'Aspergillus niger provoquait une réduction des polyphénols de 30% à 12% (de matières sèches) et une augmentation des polysaccharides.

Constituants majeurs du thé pu'er non fermenté et fermenté
en % ou en mg/g de MS, d'après Hou et al. 2008
Pu'er Polyphénols
% de MS
Polysaccharides
% de MS
Acide gallique Caféine Théogalline EGCG ECG
non fermenté 29,97 0,35 - 3,03 3,26 7,59 10,00
fermenté 12,38 2,40 0,63 2,58 - - -

Les catéchines principales sont l'(-)-épigallocatéchine gallate EGCG et l'épicatéchine gallate ECG.

Les moisissures Aspergillus sont connues pour produire des molécules utilisées dans les médicaments contre l'hypercholestérolémie, nommées statines. En 2006, des chercheurs de Taiwan[8], ont pu effectivement mettre en évidence la présence de lovastatine dans le thé pu'er avec une teneur de 139,26 ng/g MS (par extraction à l'acétate d'éthyle).

Comme de nombreuses souches de champignons, levures et bacilles[N 5] ont été trouvées dans des pu'er vieux de 15 et 25 ans[2], Jeng et collaborateurs[9] (2007) ont cherché les souches donnant les thés aux composés actifs les plus intéressants. Ils ont montré que les feuilles de thé inoculées uniquement avec la bactérie Streptomyces bacillaris produisaient un thé avec la plus grande teneur en polyphénols (3,3 mg/100g) et la plus grande activité antiradicalaire avec DPPH. Une inoculation avec S. cinereus donnait aussi une bonne teneur en polyphénols mais aussi la plus forte teneur en statines (1012 ng/G) après 42 jours de fermentation. Et fait remarquable, la teneur en statine au bout 180 jours de fermentation était 4 à 8 fois supérieure à celle d'un pu'er de 25 ans d'âge. Ces deux souches donnaient aussi un accroissement de 5-6 fois de la teneur en GABA des feuilles fraiches.


Actions pharmacologiques

  • Activité anti-oxydante

Comme toutes les plantes riches en polyphénols, le thé a été très étudié sous l'angle de son activité anti-oxydante.
La mesure de l'activité anti-oxydante des thés verts pu'er (sheng cha, raw pu-erh tea) et des thés noirs pu'er (shou cha, ripened pu-erh tea) par trois méthodes différentes[10] (TEAC, DPPH et FARP) indique une bien plus grande activité des premiers. Ceci se comprend puisque les thés verts pu'er sont plus riches en composés phénoliques et en flavonoïdes que les thés noirs pu'er (respectivement 1,65 fois et 2 fois plus riches en acide gallique équiv/g). Des corrélations significatives ont été trouvées entre la composition et le nombre d'années de post-fermentation des thés noirs pu'er : les catéchines (EGCG, EGC, ECG), la strictinine (un ellagitanin) et l'acide quinique décroissent alors que l'acide gallique croît en fonction du nombre d'années. Il a été montré que l'activité anti-oxydante décroissait au fur à mesure de la diminution des composés phénoliques du thé.

  • Diminution des facteurs de risque de l'athérosclérose, effets hypocholestérolémiants

Hou et al[7] (2009) ont examiné les effets bénéfiques du thé pu'er sur la prise de poids et le cholestérol plasmatique de rats hyperlipidémiques (nourris avec un régime enrichi en lipides, en jaunes d'œufs et cholestérol). Dans le groupe des rats recevant un régime hyperlipidémique, ceux qui en plus recevaient une dose importante (3 g/kg) d'extrait aqueux de pu'er, ont manifesté un gain de poids très réduit. Chez ces mêmes rats, le contrôle du cholestérol total plasmatique et des triglycérides a permis de montrer que le thé pu'er non fermenté aboutissait à une réduction d'un tiers du cholestérol plasmatique et de 42% des triglycérides après un traitement de 1,5 g/kg. De même le niveau de LDL-C (le mauvais cholestérol) était diminué de manière très significative.

De nombreuses études sont actuellement menées pour élucider les mécanismes d'action des effets hypolipidémiants, hypocholestérolémiants et anti-obésité du thé.

- inhibition de la biosynthèse du cholestérol par le foie
En dehors de l'apport du cholestérol par l'alimentation, celui-ci est produit par une synthèse endogène dans le foie. Lu et Hwang (2008) ont étudié in vitro comment des extraits de thé pu'er pouvaient inhiber la biosynthèse du cholestérol sur une culture de cellules hépatiques. Ils ont montré que l'aptitude à inhiber la synthèse du cholestérol est le fait des polyphénols dans l'ordre suivant :
gallocatéchine gallate (GCG) > épigallocatéchine gallate (EGCG) > épicatéchine gallate (ECG) >acide gallique> épigallocatéchine (ECG)> myricétine>quercétine.
La découverte de statine dans le thé pu'er post-fermenté[8] permettrait aussi de comprendre cet effet. Les statines sont des inhibiteurs de la HMG-CoA réductase, une enzyme régulatrice de la synthèse du cholestérol (son inhibition réduit la synthèse du cholestérol).

- inhibition des lipases pancréatiques (diminution de l'absorption intestinale des graisses)
Pour pouvoir être absorbées, les graisses des aliments doivent d'abord être dégradées par des lipases dans l'intestin. Un médicament très employé contre l'obésité, le Xenical, agit en inhibant partiellement l'action des lipases gastro-intestinales. Il a été montré in vitro que le thé blanc et le thé vert avaient un effet inhibiteur important sur l'activité des lipases pancréatiques mais que le thé noir ne manifestait pas cet effet. Il a d'abord été supposé que l'EGCG, beaucoup plus abondant dans le thé vert que dans le thé noir pourrait expliquer cet effet inhibiteur. Gondoin et al[11] (2010) ont cherché quel composant plus abondant dans le thé blanc pouvait expliquer sa plus grande activité inhibitrice. L'analyse par chromatographie a montré que la fraction contenant le plus de strictinine était la plus inhibitrice. Pour Gondoin et al, la strictinine, un ellagitanin, pourrait être le composé crucial permettant d'expliquer l'effet inhibiteur sur les lipases. Rappelons que la strictinine est la plus abondante dans le thé vert pu'er sheng cha et qu'elle décroît avec le nombre d'années de post-fermentation.

- augmentation de l'activité de la lipase sensible aux hormones des tissus adipeux (diminution des graisses viscérales)
La lipase hormono-sensible des dépôts adipeux catalyse la dégradation des triglycérides qui s'y trouvent.
Cao et al[12] (2010) ont reproduit l'expérience décrite plus haut, de rats recevant un régime hyperlipidémique, divisés en groupe de contrôle et groupes recevant diverses doses d'extrait de pu'er. Comme de nombreux laboratoires l'ont vérifié, les groupes recevant du thé pu'er ont un poids inférieur, et des concentrations diminuées de cholestérol total, de triglycérides plasmatiques et de LDL-C. De plus le thé pu'er accroît l'activité de la lipoprotéine lipase (qui hydrolyse les triglycérides de VLDL), de la lipase hépatique (qui hydrolyse les glycérides des IDL et HDL), la lipase hormono-sensible. Le thé pu'er augmente de manière significative le niveau de ARNm de la lipase hormono-sensible chez les rats hyperlipidémiques.
Ces résultats suggèrent que le thé pu'er atténue l'accumulation des graisses viscérales.

Toutefois les essais cliniques portant sur les effets du pu'er sur l'homme font défaut. Il faut dire que la composition des thés pu'er varie énormément entre le thé vert pu'er, sheng cha et le thé noir pu'er, shou cha, il varie aussi en fonction du temps de vieillissement, à quoi s'ajoute l'absence de cahier des charges strict pour les producteurs de thé chinois.

- augmentation des dépenses énergétiques via l'inhibition de la COMT (catéchol O-méthyl transférase)
Ces dernières années, un mécanisme d'augmentation des dépenses énergétiques a été mis en évidence qui ne serait pas lié au thé pu'er en particulier mais au catéchines présentes en quantités notables dans tous les thés verts. Dulloo et al.[13] (1999) ont montré que la consommation de thé vert stimulait une augmentation de la dépense d'énergie, en raison de la thermogenèse induite sur le système nerveux sympathique. Les catéchines et la caféine du thé inhibent deux enzymes (la COMT et la phosphodiesterase respectivement) qui interfèrent avec la thermogenèse activée par la norépinéphrine (ou noradrénaline). Ce neuromédiateur étant dégradé par l'enzyme nommée COMT, il s'en suit que les catéchines vont provoquer une augmentation de concentration de norépinéphrine et par conséquent une plus grande activité du système nerveux sympathique. Or, ce système nerveux régule le métabolisme de base, l'homéostasie énergétique, la lipolyse. Les dépôts graisseux de l'abdomen semblent mieux répondre à la lipolyse induite par la norépinéphrine que les autres dépôts[14] . Lorsqu'ils sont associés, thé vert et caféine semblent se renforcer. Une méta-analyse de Hursel et al.[15] sur les effets du mélange thé vert + caféine montre que la perte de poids (1,3 kg en moyenne) et la prévention d'une reprise de poids peuvent être attribuées à consommation de ce mélange.

Pour avoir un sens, les études d'intervention sur la consommation de thé doivent indiquer la quantité de catéchines (ou d'autres composants) apportées en plus par la boisson testée. Nagao et al[16] (2007) ont cherché l'effet de la consommation d'extrait de thé vert contenant environ 600 mg/jour de catéchines sur la graisse viscérale de 240 sujets obèses. Après 12 semaines, les membres du groupe prenant ces fortes doses de catéchines ont perdu du poids (-1,7 kg), ont vu diminuer leur indice de masse corporelle, leur tour de taille (-2,7 cm pour les femmes et -2,3 cm pour les hommes), leur masse grasse (-2,1 kg pour les femmes et -2,5 kg pour les hommes). Ces personnes ont vu aussi l'amélioration des facteurs de risque des maladies cardiovasculaires : diminution du LDL-C (mauvais cholestérol) et diminution de la tension sanguine systolique (de -10,4 pour les femmes ayant au début 139,0 mm Hg et de -8 pour les hommes ayant initialement 140,4 mm Hg). Ces résultats suggèrent que la consommation de ces extraits de thé vert riches en catéchines contribuent à réduire les risques liés à l'obésité et à la maladie cardiovasculaire.

Usages traditionnels

Le pu-erh est considéré en Chine comme une boisson médicinale. Dans la région de Canton, on le sert fréquemment lors d'un dim sum car il est réputé faciliter la digestion. Il est vendu en Europe dans les commerces d'« alimentation naturelle » sous le nom de thé du Yunnan ou de Tuo Cha; l'argumentaire affirme que ce thé sombre contribue à réduire le niveau de cholestérol et d'acides gras saturés et pourrait aider à la perte de poids.

Le pu-erh est traditionnellement recommandé pour aider la digestion, réduire le cholestérol et le niveau de lipides. En médecine chinoise, il est également supposé revigorer la rate, empêcher l'humidité; dans l'estomac il réduit la chaleur et descend le qi.

Le pu-erh (en Occident, particulièrement le túochá) est utilisé pour perdre du poids, même si les données empiriques soutiennent plutôt l'efficacité des catéchines et de la caféine présentes seulement en quantités notables dans le pu'er vert.

Certains pu-erh contiennent de grandes quantités de fluor. Ceci est lié à l'utilisation de vieilles feuilles de moindre qualité, qui accumulent le fluor[17]. Une trop grande consommation a mené à des cas de fluorose dentaire dans les régions consommatrices de thé en brique, comme le Tibet.

Notes

  1. cha ma da dao 茶马大道
  2. da ye zhong cha 大叶种茶
  3. cette section et la suivante sont redevables des informations précises, obtenues sur le terrain, par Delmas, Minet et Barbaste (2007)
  4. % de matières sèches
  5. Aspergillus niger, A. glaucus, Penicillium, Rhizopus, Saccharomyces, Actinoplanes, Streptomyces et Bacterium

Références

  1. Référence Flora of China : Camellia sinensis var. assamica (en)
  2. a, b et c Yuh-shuen Chen, Bing-lan Liu, Yaw-nan Chang, « Bioactivities and sensory evaluation of Pu-erh tea made from three tea leaves in an improved pile fermentation process », dans Journal of Bioscience and Bioengineering, vol. 109, no 6, 2010, p. 557-563 
  3. a et b François-Xavier Delmas, Mathias Minet, Christine Barbaste, Le guide de dégustation de l'amateur de thé, chêne, 2007, 240 p. 
  4. Wiki chinois
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