Procès de l'ordre du Temple

Procès de l'ordre du Temple

Le procès de l'ordre du Temple est une affaire judiciaire internationale du XIVe siècle. L'ordre du Temple fut accusé en 1307 par la royauté française de divers chefs d'accusation : hérésie, simonie, sodomie, idolâtrie, entre autres. Cette affaire a pris une ampleur particulière car elle mettait en cause un ordre militaire composé de religieux, et également parce qu'elle est une des conséquences de la lutte entre le roi de France Philippe IV Le Bel et le pape Clément V. L'affaire débute au matin du 13 octobre 1307, et se termine vraiment en 1317, lorsque le pape Jean XXII attribua à divers autres ordres de chevalerie les derniers biens du Temple.

Sommaire

Le contexte historique

En 1291, à la chute de Saint-Jean-d'Acre, les chrétiens sont chassés de Terre Sainte. C'est la fin de la période des croisades, et aucun chrétien ne parviendra par la force à remettre durablement le pied en Palestine. Les ordres de chevalerie, comme l'ordre du Temple, gardent des troupes près des côtes et sont installées à Chypre. Des plans de réinstallation en Terre Sainte sont prévus, parfois exécutés, mais jamais avec grand succès ; ainsi, un projet de croisade sera présenté par le maître de l'Hôpital, Foulques de Villaret, en 1306.

Ils sont alors forcés de se replier davantage sur l'Occident, où le climat politico-religieux est très agité, notamment par la lutte de la papauté contre le Saint-Empire romain germanique, dont l'empereur Frédéric II a été excommunié. Même s'il ne règne plus à l'époque du procès, il a eu d'importants démêlés en Terre Sainte avec les Templiers, et en général avec la papauté. Au moment du procès, c'est au tour de la royauté capétienne d'entrer en lutte avec le Saint-Siège, et le procès de l'ordre sera l'une des facettes de cette lutte.

Les protagonistes

L'ordre du Temple

Article détaillé : Ordre du Temple.

La Milice des Pauvres chevaliers du Christ fut créée en 1119, par le chevalier Hugues de Payns, ainsi que d'autres chevaliers, pour la défense des pèlerins venus en Terre Sainte. L'ordre du Temple fut officiellement reconnu par l'Église lors du concile de Troyes de 1129. L'ordre commença à être connu et à jouir d'une certaine réputation, voyant affluer les dons dès les premières années. Dès 1139, les templiers bénéficièrent de très importantes prérogatives accordées par la papauté, agrandissant encore celles accordées par les Pères du concile de Troyes. Cette tendance ne fit que croître, notamment sous les papes juristes. Aucun pape ne semble avoir durablement réduit l'influence templière.

En tant qu'ordre religieux, appartenant de ce fait au clergé régulier, les templiers eurent de nombreux démêlés avec le clergé séculier, du fait même de leurs prérogatives. Les templiers n'hésitèrent pas à faire appel au Saint-Siège pour régler ces conflits, qui pouvaient être de nature financière ou juridictionnelle. Sur le plan politique, en tant qu'ordre religieux international, ils n'avaient pas de compte à rendre devant une juridiction monarchique.

Par la bulle Omne Datum Optimum de 1139, les templiers avaient été placés sous la juridiction directe du pape, échappant de ce fait aux juridictions épiscopales, ce qui fera souvent enrager le clergé séculier qui aura souvent fait grief à l'ordre de "marcher sur ses plates-bandes". Mais ces conflits avaient également lieu avec d'autres ordres, tels que les Cisterciens, avec souvent des conflits locaux portant sur le patrimoine de chacun. Les templiers pouvaient, en effet, eux aussi lever des impôts, disposaient de paroisses bien à eux ainsi que de cimetières qui leur étaient propres. N'y étaient pas nécessairement enterrés que des templiers, mais également les gens liés à l'ordre. Cela avait de forts impacts, à la fois financiers et donc nécessaires pour la mission du Temple, mais également au niveau du respect des prérogatives de l'ordre, seul moyen pour lui de garder son indépendance. Mais tous les ordres religieux avaient à faire face à ces conflits avec d'autres ordres, des membres du clergé séculier ou avec les laïcs.

Mieux encore : le pape Innocent III défendit à quiconque d'excommunier ou d'interdire un membre de l'ordre. Ce privilège fut accordé par le pape lorsqu'un évêque, au cours d'un conflit financier avec l'ordre, excommunia l'ordre entier, probablement en 1199. L'évêque fut immédiatement suspendu. Cette anecdote montre bien l'étendue des privilèges de l'ordre, en même temps qu'il illustre le ressentiment du clergé contre lui (attitude qu'il n'avait pas aux débuts de l'ordre, encourageant plutôt à y entrer).

Les Templiers eurent aussi, en plus de cette influence juridique canonique et de leur influence militaire considérable, une grande puissance financière, acquise à travers l'exploitation du très important patrimoine détenu en Occident et les différentes activités économiques de l'ordre (qui ne s'apparentaient toutefois pas exactement à ce qu'on entend aujourd'hui par des activités de banque).

Le royaume de France

Le royaume de France était, au début du XIVe siècle, dirigé par la dynastie des Capétiens en la personne de Philippe IV le Bel. Cette dynastie utilisa divers procédés pour aboutir à une reconstitution territoriale, à travers le droit privé (mariages, achats de terres...), l'usage du droit féodal (confiscation de terres à Jean Sans Terre par Philippe Auguste, par exemple) ainsi que par la guerre et la diplomatie (ajout du Languedoc à la fin de la Croisade des Albigeois). Ne disposant au départ que de peu d'influence et d'un domaine réduit, la royauté réussit à agrandir son domaine et son pouvoir, à tel point qu'à la mort de Philippe le Bel, il ne subsistait plus de nobles suffisamment puissants pour s'opposer au trône.

L'une des forces et des différences du roi français comparé aux autres résidait dans la cérémonie du sacre. Cette cérémonie, au cours de laquelle le roi est oint avec l'huile de la Sainte Ampoule, conférait au roi le privilège d'être roi "par la grâce de Dieu". Il n'est plus alors tout à fait un laïc, et est réputé avoir acquis des dons thaumaturgiques, guérissant notamment les écrouelles. Ce statut particulier du roi de France deviendra un des arguments des légistes royaux.

La redécouverte, au cours du XIIIe siècle, du droit romain (qui fut notamment enseigné à l'université de Bologne) entraîna la formation de légistes. Ces juristes, formés au droit écrit (qui n'avait alors que peu d'influence comparé à la coutume dans la partie Nord du royaume), se sont mis au service du roi, et l'ont aidé à former un État capétien de plus en plus puissant. Cette tendance se renforce sous le règne de Philippe le Bel. Le raisonnement des légistes se basait sur l'assimilation entre le roi et l'empereur romain (personnage avec un pouvoir politique et religieux important), lui permettant de bénéficier de pouvoirs plus importants. La volonté de prétendre à ces nouvelles prérogatives entraîna le même type de conflit entre la papauté et le royaume de France qu'il y avait déjà eu entre le Saint-Empire romain germanique (en la personne de Frédéric II de Hohenstaufen) et le pape au cours de la première moitié du XIIIe siècle. Mais la papauté était alors plus forte, et Philippe le Bel eut affaire à une résistance moins efficace de la part du Saint-Siège.

La papauté

Le début de l'affaire

La procédure

L'arrestation

Dans un ordre secret daté du 14 septembre 1307, Philippe le Bel ordonna l'arrestation de tous les templiers de France, arrestation qui devait avoir lieu le 13 octobre 1307. Cette arrestation fut prise en violation du droit canonique, car les templiers n'avaient pour seule autorité que le pape. Le roi et ses conseillers s'étaient réunis à l'abbaye de Maubuisson, près de Pontoise, le 14 septembre afin de décider si quelque chose devait être fait, et de quelle manière. Les ordres d'arrestation furent rédigés à ce moment, le 14 septembre, et envoyés aux baillis et sénéchaux, avec ordre exprès de ne rien divulguer de cette opération avant le jour prévu.

Philippe le Bel obtient l'aval de Guillaume de Paris, son confesseur et membre de l'Inquisition. Celui-ci n'a pas l'accord du pape, mais le roi espère bien que cet appui suffira. Le pape a donc été entièrement tenu à l'écart de la décision d'arrêter les Templiers, ce qui constituait une violation de ses prérogatives, contre lesquelles la royauté française menait une importante lutte depuis le début du règne de Philippe le Bel. Cela n'empêcha pas Philippe le Bel de prétendre avoir son accord dans l'ordre, bien que Clément V nia ensuite et écrivit une lettre de protestation au roi à la fin octobre.

Il semble que des templiers aient été mis au courant de ce projet, sans qu'aucune mesure soit prise pour éviter l'arrestation. La veille de l'arrestation, le 12 octobre, Jacques de Molay assistait à une place d'honneur aux funérailles de Catherine de Courtenay, épouse de Charles de Valois, le propre frère du roi ; les admissions dans l'ordre n'ont pas cessée au cours du mois précédent le 13 octobre. Mais à ce moment, il n'y avait guère d'alternatives à l'inaction : en effet, si Jacques de Molay a été mis au courant du projet, il n'en a rien montré, car il estimait sans doute que la fuite n'arrangerait pas les problèmes de l'ordre, surtout au moment où lui-même avait réclamé une enquête.

L'ordre d'arrestation précise néanmoins les charges qui pèsent contre l'ordre. Le roi y écrit ne pas y avoir cru dans un premier temps, mais que la profusion des témoignages l'obligeait à enquêter :

« Une chose amère, une chose lamentable, une chose assurément horrible à penser, terrible à entendre, un crime détestable, un forfait exécrable, un acte abominable, une infamie détestable, une chose tout à fait inhumaine, bien plus, étrangère à toute humanité, a, grâce au rapport de plusieurs personnes dignes de foi, retenti à nos oreilles. [...] Les frères de l'ordre de la chevalerie du Temple, cachant le loup sous l'apparence de l'agneau et, sous l'habit de l'ordre, insultant misérablement la religion de notre foi (sont accusés de renier le Christ, de cracher sur la croix, et) ils s'obligent, par le voeu de leur profession et sans crainte d'offenser la loi humaine, à se livrer l'un à l'autre, sans refuser, dès qu'ils en seront requis. [...] Attendu que la vérité ne peut être pleinement découverte autrement, qu'un soupçon véhément s'est étendu à tous, [...] nous avons décidé que tous les membres dudit ordre de notre royaume seraient arrêtés, sans exception aucune, retenus prisonniers et réservés au jugement de l'Église, et que tous leurs biens, meubles et immeubles seraient saisis, mis sous notre main et fidèlement conservés. »

Le nombre des personnes arrêtées est difficile à préciser, car les documents ne les recensent pas avec précision. Les procès-verbaux des interrogatoires de la fin octobre indiquent 138 membres de l'ordre arrêtés à Paris, et 94 en province. La commission pontificale de 1310-1311 interrogea quelque 231 templiers, et on en compte 546 détenus dans une trentaine de lieux en 1310.

Les chefs d'accusations

Lors de l'arrestation, cinq points sont mis en avant[1],[2] :

  • Pendant le rituel d'admission dans l'Ordre, le postulant devait renier trois fois le Christ en crachant sur un crucifix.
  • L'officiant donnait au nouveau templier un baiser au bas de l'épine dorsale.
  • Les Templiers pouvaient pratiquer entre eux la sodomie.
  • Ils vénéraient une idole.
  • Au cours de la messe, les prêtres de l'Ordre omettaient de consacrer l'hostie.

Par la suite, ces accusations seront développées et deviendront, selon les procédures, des listes de 86 à 127 articles[3] dans lesquelles seront rajoutées quelques autres accusations, telles que l'interdiction de recourir à des prêtres qui n'appartiennent pas à l'Ordre.

La fin du procès

Le sort de l'ordre

Conséquences du procès

Notes et références

  1. Prier et combattre, p.745
  2. Les Templiers, une chevalerie chrétienne au Moyen Âge, Alain Demurger, p.441
  3. Les Templiers, une chevalerie chrétienne au Moyen Âge, Alain Demurger, p.449

Sources

Annexes

Bibliographie

Articles connexes


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