Sacre des rois de France

Sacre des rois de France

Le premier sacre d'un roi en France est celui de Pépin le Bref, principalement par alliance avec l'Église pour assurer sa légitimité. Il est sacré une première fois en mars 752 par une assemblée d'évêques du royaume des Francs réunie à Soissons et sans doute conduite par l'archevêque de Mayence, Boniface. Le dimanche 28 janvier 754, il est sacré une deuxième fois à Saint-Denis par le pape Étienne II qui donne aussi l'onction à ses deux fils, et bénit son épouse Bertrade ou Berthe de Laon. Le premier monarque français à être couronné et sacré dans la cathédrale de Reims est Louis le Pieux en octobre 816[1],[2].

Le dernier sacre d'un roi de France fut celui de Charles X le 29 mai 1825 dans la cathédrale de Reims qui a reproduit cette cérémonie pour 33 souverains en un peu plus de 1 000 ans.

À partir des Ordines ad consecrandum et coronandum regem, des textes manuscrits rédigés à Reims à la fin du régne de Saint Louis, on peut décrire précisément la liturgie de cette cérémonie.

Sommaire

Les acteurs du sacre

Le roi est sacré par l'archevêque de Reims qui est assisté de quatre évêques suffragants de sa province ecclésiastique, de l'évêque de Langres ainsi que du chapitre de la cathédrale de Reims. L'ordre protocolaire des six évêques est le suivant :

  1. L'archevêque de Reims, il sacre et couronne le roi.
  2. L'évêque de Laon, il porte la sainte ampoule.
  3. L'évêque de Langres, il porte le sceptre.
  4. L'évêque de Beauvais, il porte et présente la cotte d'armes ou le manteau royal.
  5. L'évêque de Châlons, il porte l'anneau royal
  6. L'évêque de Noyon, il porte le baudrier.

À ceux-ci s'ajoutent l'abbé de l'abbaye Saint-Remi de Reims, gardien de la sainte ampoule ainsi que l'abbé de l'abbaye de Saint-Denis, gardien des autres insignes royaux.

Les pairs sont cités pour la première fois en 1203 (première convocation) et 1226. Cependant, leur première participation codifiée au sacre est formulée à l'occasion du sacre de Philippe V le Long le 9 janvier 1317. Il s'agit des six pairs ecclésiastiques sus-mentionnés et des six pairs laïques (d'abord les six plus grands vassaux du roi de France, à l'époque moderne des princes du sang ou des grands seigneurs). Par ordre protocolaire, les six pairs laïcs sont les suivants :

  1. Le duc de Bourgogne, il porte la couronne royale, ceint l'épée au roi et lui confère l'ordre de la chevalerie
  2. Le duc de Normandie, il porte la première bannière carrée
  3. Le duc d'Aquitaine (ou de Guyenne, selon les textes, ce qui revient au même), il porte la seconde bannière carrée
  4. Le comte de Toulouse, il porte les éperons
  5. Le comte de Flandre, il porte l'épée royale
  6. Le comte de Champagne, il porte l'étendard de guerre.

Finalement sont présents les grands officiers de la couronne, pour l'autel du roi, et le public.

Lorsque l'un des six pairs laïcs ne peut être présent au sacre (parce que cette pairie est éteinte et que le fief a fait retour au domaine royal, parce qu'il s'agit d'un souverain étranger occupé à ses propres affaires ou pour cause de sortie du fief du royaume (Flandre XVIe siècle), la fonction tenue par le pair défaillant est remplie par l'ordre protocolaire du moment par les plus grands personnages du royaume après le roi ; chacun de ces personnages "tient lieu de..." duc d'Aquitaine ou de comte de Champagne le temps du sacre. Ainsi, dans son remarquable ouvrage Ducs et pairs et duchés-pairies laïques à l'époque moderne (1519-1790), Christophe Levantal nous donne le nom des différents "lieutenants" de pairs laïcs; par exemple, le "comte de Flandre" fictif lors du sacre de Louis XV le 25 octobre 1722 est Louis de Bourbon, comte de Clermont. Autre exemple, le "duc de Bourgogne" fictif lors du sacre de François II le 21 septembre 1559 est Antoine de Bourbon, roi de Navarre.

La liturgie du sacre

Le sacre a normalement lieu à Reims un dimanche ou le jour de la célébration d'une grande fête liturgique de l'Église chrétienne. Certaines circonstances exceptionnelles du moment ont fait que certains sacres se sont déroulés un autre jour de la semaine et dans un autre lieu.

Henri IV n'a pu être sacré à Reims, qui était entre les mains des ligueurs : la cérémonie a donc été célébrée à Chartres, par Nicolas de Thou, l'évêque de la ville. Étant donné que l'onction d'Henri IV ne put se faire avec la même huile contenue dans la sainte ampoule qui avait été utilisée par l'évêque Remi de Reims, Nicolas de Thou se servit de celle qui était conservée en l'abbaye de Marmoutier, et à laquelle était attribuée la guérison miraculeuse de saint Martin de Tours.

Le roi prête serment

Le serment aurait été fait par certains rois sur l’Évangéliaire de Reims.

Le contenu du serment prêté par le roi est assez vague, en résumé il promet d'assurer la protection de l'Église et de ses biens. Il promet également de procurer la paix à l'Église et aux peuples chrétiens, et depuis Latran IV, de combattre les hérétiques. Par paix on entend que le roi s'engage à préserver l'ordre social voulu par Dieu et de rendre la justice.

Ce serment était au départ une limite au pouvoir royal : le roi était obligé de respecter et de faire respecter la justice (comme Saint-Louis). Ensuite, cette obligation est devenue une augmentation du caractère sacré du roi : le roi était nécessairement toujours juste, et ses décisions ne pouvaient donc pas être injustes.

À l'époque moderne, les serments prêtés sont les suivants :

  • Le serment ecclésiastique, promettant au clergé français de conserver et défendre leurs privilèges canoniques.
  • Le serment au royaume :
    • Conserver la paix.
    • Empêcher l'iniquité.
    • Observer la justice et la miséricorde.
    • Exterminer (c'est-à-dire bannir) les hérétiques.

Henri IV y ajoute en 1594 un troisième serment, celui de maintenir les ordres créés par ses prédécesseurs (à savoir l'ordre de Saint-Michel et l'ordre du Saint-Esprit). Louis XV ajoute celui de l'ordre de Saint-Louis, et Louis XVI le serment de faire observer les édits contre le duel.

L'adoubement royal

L'adoubement est plus ou moins confisqué par l'Église. L'abbé de Saint-Denis apporte les insignes de chevalerie, qu'on va remettre solennellement au roi. Le grand chambrier (plus tard le grand chambellan) remet les souliers, le duc de Bourgogne (plus tard un grand seigneur) l'éperon d'or et l'archevêque de Reims lui remet l'épée qui est portée par le sénéchal pendant la cérémonie.

Depuis la fin du XIIIe siècle, on utilise Joyeuse, l'épée de Charlemagne.

L'onction avec l'huile de la sainte ampoule

La sainte ampoule conservée à Reims contient une huile miraculeuse qui, selon la légende, aurait été apportée par une colombe descendue du ciel le jour du baptême de Clovis par l'évêque Remi. Cette huile aurait été réutilisée pour la première, en la cathédrale de Metz, le 9 septembre 869, par l'archevêque Hincmar de Reims pour sacrer[3] Charles le Chauve, roi de Lotharingie.

C'est l'abbé de l'abbaye Saint-Remi de Reims qui a la charge de veiller sur cette ampoule considérée comme une grande relique. L'onction, faite au cours de la cérémonie avec cette huile miraculeuse, donne un très grand prestige au roi de France.

C'est l'évêque de Laon, duc et pair du royaume, qui a le privilège de porter la sainte ampoule au cours de la cérémonie. Avec un mélange de chrême et d'huile de la sainte ampoule, le roi est oint en sept endroits différents du corps : sur le haut de la tête, la poitrine, entre les deux épaules, l'épaule droite, l'épaule gauche, le jointure du bras droit puis du bras gauche ; puis, après s'être revêtu, sur les paumes des mains). Par cette onction, le roi est roi « par la grâce de Dieu » : Dieu l'a choisi.

Remise des insignes royaux ou regalia

Couronne du sacre de Louis XV

Les insignes royaux ou regalia sont donc apportés par l'abbé de Saint-Denis. Ces insignes sont :

  • La tunique jacinthe à fleurs de lys, qui possède un caractère sacerdotal car une allusion est faite au grand prêtre de l'Ancien Testament.
  • La chape sans chaperon, un surcot sans manches, taillé comme la chasuble du prêtre.
  • L'anneau, signe de la dignité royale, de la foi catholique, un peu à l'image de l'évêque, c'est le symbole de l'union entre le roi et l'Église et entre le roi et son peuple.
  • Le sceptre, terminé par une fleur de lys, symbole du commandement.
  • La main de justice, qui apparaît au moment où la justice royale s'impose réellement.
  • La couronne d'or, composée d'un cercle d'or surmonté de quatre fleurs de lys posé sur un bonnet en velours orné de perles (couronne fermée), qui est déposée sur la tête du roi par l'évêque après avoir été soutenue par tous les pairs du royaume ou leurs représentants.
  • Les éperons et l'épée qui sont le symbole de la fonction militaire.

Le roi est ensuite intronisé, et les pairs viennent chacun lui rendre hommage par un baiser en lui disant : "Vive le roi éternellement". Acclamation reprise par l'assemblée au son des trompettes. Plus tard, on introduit le peuple dans la cathédrale et on chante un Te Deum. Puis des oiseaux sont lâchés et l'on jette pièces et médailles.

Après la remise des insignes, on assiste à une messe et à un banquet, tous deux, comme le sacre, payés par la ville de Reims.

La messe du sacre

En 1775, la messe du sacre de Louis XVI fut composée par François Giroust, maître de chapelle. Cette messe, pleine de danses et d'agréments, se termine par un lumineux Domine salvum fac Regem. Elle dure un peu moins de 16 minutes.

L'importance de la cérémonie du sacre

Le sacre est un sacramental et non un sacrement, mais il élève le roi au-dessus du reste des laïcs. Il devient un personnage sacré. Il n'est plus considéré comme un pur laïc mais « il approche l'ordre sacerdotal » c'est-à-dire des prêtres. Il peut communier sous les deux espèces (pain et vin consacrés), comme les clercs.

Le roi en état de grâce, donc sacré a également la particularité d'être thaumaturge: après avoir communié auprès du tombeau de saint Marcoul, il a la réputation de guérir les écrouelles[4] (maladie d'origine tuberculeuse causée par une affection des ganglions lymphatiques du cou, la scrofule), lors des grandes occasions comme les grandes fêtes liturgiques, en touchant les malades et en prononçant la formule : « Le roi te touche, Dieu te guérit » (« te guérisse » à partir de Louis XV). Louis XV cesse de toucher les écrouelles à partir de 1744 alors qu'il avait été sacré le 25 octobre 1722, Louis XVI rétablit cet usage en 1775.

Ce statut sacré rend le roi inviolable. Tout attentat contre sa personne est puni avec une très grande sévérité. Le coupable est accusé de régicide, torturé et exécuté, même si le roi n'est que blessé et que la blessure est légère. Ainsi Damiens fut-il écartelé après avoir été tenaillé et couvert de plomb fondu pour avoir frappé Louis XV d'un coup de couteau, une blessure grave ayant été évitée grâce à l'épaisseur des vêtements du roi.

Le sacre pose un problème juridique : le sacre fait-il le roi ? Dans l'opinion des juristes royaux, depuis la mort de Saint Louis, le sacre n'a plus de valeur constitutive. Dès la mort du roi, l'armée a reconnu Philippe le Hardi comme successeur, même si le sacre n'a eu lieu qu'un an plus tard en 1271. Dans l'opinion populaire médiévale, le roi reste celui qui est sacré.

À l'époque moderne se développe une théologie du « sang royal » : sitôt le roi mort, son successeur devient roi. C'est l'application au droit public de la formule de droit privé « le mort saisit le vif », qui aboutira à la célèbre formule : « le roi est mort, vive le roi ».

Sacre d'Hugues Capet et d'Henri IV

Le 3 juillet 987, Hugues Capet est sacré roi de France en la cathédrale de Noyon. Cet avènement marque la fin de la dynastie carolingienne.

Le 27 février 1594, dans la cathédrale de Chartres, Henri de Navarre, devient roi de France sous le nom d'Henri IV. Contrairement à la tradition, le nouveau souverain n'a pu se faire sacrer à Reims, la ville étant entre les mains de ses ennemis, la famille de Guise et les Ligueurs. Quatre ans plus tard, les Français voient la fin des guerres religieuses entre catholiques et protestants qui ont ensanglanté le pays.

Notes et références

Annexes

Bibliographie

  • Michel Depreux La France au fil de ses rois, Charlemagne et les Carolingiens, Editions Tallandier-Historia, 2002 (ISBN 2235023207) ;
  • Ordre pour Oindre et Couronner Le Roi de France, Lyon 1575, éd. mod. par Jean Goy, Reims 1987.
  • Ordre pour oindre et couronner le roi de France, L'Atelier graphique, 1995 ;
  • Jean Goy, A Reims, le Sacre des Rois de France, Reims 1980.
  • Jean-Pierre Bayard, Sacres et couronnements Royaux, Éd. Guy Trédaniel, Paris 1984, ISBN 2-85-707-152-3.
  • Aimé Bonnefin, Sacre de Rois de France, Éd. Imp. Touron & Fils, Limoges 1988, ISBN 2-9500695-2-5.
  • Marc Bloch, Les rois thaumaturges, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 1983 (réédition) (ISBN 2070227049) ;
  • Alain Erlande-Brandeburg, Le roi est mort. Étude sur les funérailles, les sépultures et les tombeaux des rois de France jusqu’à la fin du XIIIe siècle, Arts et Métiers graphiques, 1975 ;
  • Richard A. Jackson, Vivat Rex ! Histoire des sacres et couronnements en France, Presses universitaires de Strabsourg, 1995 (réédition) ;
  • Jacques Le Goff (s. dir.), Le sacre royal à l'époque de saint Louis, Gallimard, coll. « Le temps des images », 2001 (ISBN 2070755991) ;
  • Ernst Kantorowicz, Les deux corps du roi, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 1989 (ISBN 2070714160) ;
  • Michel Le Moël, Le sacre des rois de France, Sides, coll. « Histoire et arts », 2000 (ISBN 2868611125) ;
  • Jean Raspail, Sire, Livre de Poche, 2001 (ISBN 2253062332) (roman, contient une description assez précise du déroulement du sacre) ;
  • Jean de Viguerie, « Les serments du sacre des rois de France (XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles) », Hommage à Roland Mousnier. Clientèle et fidélités en Europe à l'époque moderne, éd. Yves Durand, Presses Universitaires de France, 1981 (ISBN 2130367100).
  • Josef J. Schmid, Sacrum Monarchiae Speculum – der Sacre Ludwigs XV. 1722: monarchische Tradition, Zeremoniell, Liturgie, Éd. Aschendorff, Munster 2007, ISBN 3-402-00415-1.
  • Christophe Levantal, Ducs et Pairs et Duchés-Pairies laïques à l'époque moderne, 1519-1790, Éd. Maisonneuve et Larose, 1996, pages 1135 à 1139, (ISBN 2-7068-1219-2).
  • Raoul de Warren, Les Pairs de France sous l'Ancien Régime, Éd. ICC, 1998, page 17 (ISBN 2-908003-10-4).

Articles connexes

Liens externes


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