- Prison de Fresnes
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Maison d'arrêt de Fresnes
La prison de Fresnes est une maison d'arrêt située dans la banlieue sud de Paris, sur la commune de Fresnes.
Avec Fleury-Mérogis et la prison de la Santé, c'est l’un des trois principaux établissements pénitentiaires de la région parisienne, et aussi l'un des plus importants de France. Bien que sa capacité soit de 1 444 places, 1 641 personnes y étaient détenues au 28 juin 2005.
Sommaire
Histoire
La prison fut construite de 1895 à 1898 par l'architecte Henri Poussin. L'architecture mise en place est innovante et fonctionnelle, elle sera connue sous le nom de plan « en pôle téléphonique ». Pour la première fois, les blocs cellulaires sont disposés perpendiculairement à un corridor central, qui dessert les autres blocs et les pièces communes. Elle servira de modèle pendant près d'un siècle à bien d'autres prisons en France comme les Baumettes à Marseille, ou aux États-Unis, comme Riker's Island à New York.
Comme toute prison importante, la prison de Fresnes a son lot de prisonniers célèbres.
Pendant l'Occupation, elle fut utilisée par les Nazis pour emprisonner et torturer résistants et agents des services secrets britanniques. Louis Armand, Marc Sangnier y furent incarcérés et la résistante Bertie Albrecht s'y donna la mort. Après le débarquement de Normandie, la Gestapo exécuta certains des prisonniers, comme Suzanne Spaak, une semaine avant la libération de Paris.
Lors de l'épuration qui suivit la Libération, ce furent cette fois des collaborateurs qui y furent incarcérés comme Jean Hérold-Paquis, Pierre Laval exécuté en octobre 1945 dans les murs mêmes de la prison, l'écrivain Robert Brasillach, emprisonné jusqu'à son exécution en février 1945, et où il écrivit les Poèmes de Fresnes, et l'industriel Louis Renault, mort dans des circonstances douteuses.
Durant la guerre d'Algérie, Fresnes vit incarcérés à la fois des membres :
- du FLN, les futurs dirigeants de l'Algérie,
- de l'OAS, des généraux et de nombreux militaires de l'armée française dont certains furent condamnés à mort : Claude Piegts et Albert Dovecar, tous deux fusillés dans la forêt de Marly-le-Roi ; Roger Degueldre et Jean Bastien-Thiry (responsable de l'attentat du Petit-Clamart à l'encontre du général de Gaulle), tous deux fusillés au fort d'Ivry ; le général Jouhaud, qui sera gracié.
En 1978, l'administration décida d'y faire entreposer la guillotine, désirant faire de la prison le seul lieu habilité aux exécutions capitales en France. Cependant, la « veuve » y restera muette, les derniers détenus qui ont été transférés à Fresnes en vue de leur éventuelle exécution ayant tous été graciés ou, ayant eu leur peine commuée suite à l'abolition de la mort.
Plus récemment, Paul Touvier et Loïk Le Floch-Prigent y ont été également incarcérés.
Évasion célèbre
- Antonio Ferrara s'en échappa en mars 2003.
La prison aujourd'hui
- (Données pour l'année 2006)
Il y a trois principaux types d’établissements pénitentiaires en France (hors établissements de semi-liberté et centres de détention pour étrangers ou pour mineurs) : maisons d’arrêt, centres de détention et maisons centrales, ces deux derniers étant des établissements pour peine, c’est-à-dire des prisons pour personnes condamnées, à la différence des maisons d’arrêt censées n’accueillir que des personnes prévenues (en attente de jugement) et des personnes condamnées à des reliquats de peine inférieurs à un an.
L’organisation actuelle de la maison d’arrêt de Fresnes est complexe. Elle est due, notamment, à son statut très particulier, voire unique, dans le parc carcéral français.
D’abord, Fresnes est le « bastion de la pénitentiaire », une prison qui fonctionne « comme à l’ancienne » et où les évolutions ont peu cours en raison de l'architecture difficilement modifiable (considérée comme patrimoine de la nation) et de la direction sécuritaire de l'établissement. Nombreux sont les personnels de surveillance qui y font un stage ou leurs premiers mois au service de l’État. Ce n’est pas un hasard si la Direction régionale des services pénitentiaires de Paris (DRSPP), en charge de la région parisienne et de la région Centre, a son siège sur le domaine pénitentiaire de Fresnes, alors que les sièges institutionnels des services déconcentrés de l’État sont quasiment toujours installés dans la capitale. Fresnes a été choisi comme siège de la DRSPP et non Fleury-Mérogis, pourtant la plus grande prison de France, ou la prison de la Santé, pourtant située à Paris.
Ensuite, c’est le second établissement de France par sa taille et le nombre de personnes incarcérées (2 300 hommes et une centaine de femmes en septembre 2007), après Fleury-Mérogis (maison d’arrêt de l’Essonne, la plus grande d’Europe avec environ 6 000 détenus).
Elle est par ailleurs surnommée dans la pénitentiaire « la gare de triage », en raison du grand nombre de détenus en attente d'affectation dans leurs établissements pour peine (principalement en 2ème division : personnes condamnées en attente de transfert dans un centre de détention ou une centrale. Les périodes de transfert peuvent courir sur plusieurs années en raison de la surpopulation dans les établissements pour peine).
Enfin, malgré son statut de maison d’arrêt, les détenus qui y sont incarcérés sont dans des situations multiples qui sont loin de se limiter au seul statut de prévenu et que recouvrent, bien que de façon artificielle, les différents lieux d’incarcération.
La politique d’inflation sécuritaire et de « prison compulsive »[1], très marquée en France ces dernières années, est l'une des causes de la surpopulation carcérale et de la détérioration des conditions de vie dans les maisons d’arrêts européennes en général et françaises en particulier (densité carcérale nationale en 2006 : 117 détenus pour 100 places mais 129 % dans les seules maisons d’arrêt). Parmi les entrants, 12 % sont sans domicile fixe, 54 % sans travail, 76 % célibataires.
En outre, la fermeture progressive de la maison d'arrêt de la Santé (Paris) entraîne une augmentation des détenus transférés, générant un accroissement des tensions en détention en 2006, les détenus de la Santé n’étant pas du tout habitués à la discipline de Fresnes.
Ainsi, la maison d'arrêt de Fresnes est divisée en plusieurs bâtiments, eux-mêmes subdivisés en différents lieux d'incarcération.
le Grand quartier (GQ) des hommes ou maison d’arrêt des hommes (MAH)
C'est le bâtiment principal du domaine pénitentiaire.
La maison d’arrêt des hommes est divisée en 3 divisions transversales, elles-mêmes réparties en aile Nord et en aile Sud le long d'un grand couloir central. Les divisions sont étanches entre elles afin, notamment, de permettre d’incarcérer les personnes d’une même affaire sans qu’ils aient la possibilité de communiquer entre eux.
Il y avait en 2006 environ 500 à 600 détenus par division selon les périodes. En septembre 2007, environ 2 300 personnes étaient détenues à Fresnes, impliquant une hausse substantielle des effectifs dans chaque division. On peut définir les grandes lignes de la répartition des 3 divisions ainsi, sans que ces catégories soient absolument définies du fait de la multiplicité des statuts des détenus :
- la 1re division accueille principalement les détenus qui travaillent en ateliers.
- la 2e division accueille principalement les détenus qui viennent du CNO (cf. plus bas) et ceux qui sont en attente de transfert vers d’autres maisons d'arrêt ou établissements pour peine
- la 3e division accueille principalement des détenus inscrits au centre scolaire (souvent jeunes) et les détenus étrangers.
On peut ajouter quelques autres lieux qui sont partie intégrante de la détention à la MAH de Fresnes :
- Le Quartier disciplinaire (QD), plus connu sous le nom de mitard, où sont placés pour un temps déterminé les détenus n'ayant pas respecté le règlement intérieur.
- Le Quartier d'isolement (QI), destiné aux détenus ayant un statut particulier (pédophiles, cas psychiatriques, ennemis publics, détenus médiatisés…) parfois dits détenus particulièrement surveillés (DPS).
- Les ateliers de travail sont répartis dans les cours de promenade de chacune des divisions. Le travail en atelier est effectué, à Fresnes, pour des entreprises privées (parfois très célèbres) et non pour les besoins de la détention (qui emploie d'autres détenus comme coiffeurs, cuisiniers, bibliothécaires…).
- Le Centre scolaire de 3e division qui accueille des détenus qui ont repris une activité universitaire par le biais de cours au Centre ou d'études par correspondance.
- Les salles d’ateliers, au minimum deux par divisions, sont généralement deux cellules de 9 m² dont on a brisé le mur de séparation et qui servent aux activités socio-éducatives, culturelles, religieuses.
- Les bibliothèques : une bibliothèque centrale en 1e division et une bibliothèque annexe dans chaque division gérée par une bibliothécaire employée par le SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation).
- La chapelle, située au bout de la détention, autrefois utilisée exclusivement comme lieu de culte et aujourd'hui mise à disposition pour les activités culturelles, les spectacles et les fêtes religieuses. Capacité de 300 places. [2].
Le Centre national d'observation (CNO)
Situé au-delà de la 1re division, c’est un établissement unique en France où sont « observés » pendant six semaines des détenus considérés comme difficiles et condamnés le plus souvent à de lourdes peines (reliquat de 10 ans minimum)[3] afin de les orienter vers des établissements pour peines correspondant à leurs profils. Ces longues peines sont ensuite affectées, en attente de transfert, en 2ème Division où ils peuvent rester deux ans en attente et dont l’effectif total peut être de 100 détenus.
Le paradoxe de la Maison d’arrêt de Fresnes (prévenus et courtes peines) est qu’elle est aussi d'une certaine façon la plus grande centrale de France (longues peines), ce qui explique l’aspect sécuritaire de la détention. Le CNO est isolé du reste de la détention, et il se trouve au bout de la 1re division au Grand quartier. Certains détenus attendent leur transfert pendant des mois, voire des années, dans un environnement (la 2e division) où sont également incarcérés des prévenus, ce qui a conduit à des dépôts de plainte de la part de détenus.
La Maison d’arrêt des femmes (MAF)
Située au bout de l'allée du domaine pénitentiaire, c'est un bâtiment distinct de la MAH. On y dénombre 80 détenues en moyenne en 2006 et une centaine en 2007. Le nombre relativement peu élevé des femmes incarcérées permet aux détenues de trouver assez facilement du travail en cellule ou en atelier. Nombreuses sont les détenues d'origine étrangère (mules). Une autre particularité réside dans la présence d'une importante communauté de Basques que l'on peut considérer comme des prisonniers politiques même si l'État français refuse l'usage de ce terme (certaines en attente de procès depuis des années). Enfin, les hommes surveillants ne sont pas habilités à travailler à la MAF. Seuls les chefs de détention sont des hommes mais le personnel en charge des tâches pratiques de détention est exclusivement féminin. À l'inverse, le personnel de surveillance en charge de la maison d'arrêt des hommes est aussi bien masculin que féminin.
L'établissement public de santé national (ex-établissement pénitentiaire de santé national) de Fresnes (EPSNF)
C'est le premier bâtiment que l'on rencontre lorsqu'on entre sur le domaine de Fresnes. Son fonctionnement est autonome, totalement indépendant de celui de la maison d'arrêt. Tous les détenus de France nécessitant des soins lourds, chirurgicaux ou palliatifs passent dans cet hôpital national spécialisé, en général pour de très courtes périodes. Il y a environ 80 détenus (turn-over très rapide) à l'EPSNF. Les conditions de détention sont meilleures et la surveillance s’y exerce plus souplement.
Notes et références
Bibliographie
- Henri Calet, Les murs de Fresnes, éd. des Quatre-Vents, Paris, 1945, 109 p., rééd. V. Hamy, 1993, 125 p. (ISBN 2-87858-048-6)
Étude des graffitis laissés sur les murs par les détenus emprisonnés par l'occupant nazi, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale
- Christian Carlier, Juliette Spire et Françoise Wasserman (préface de Michelle Perrot), Fresnes, la prison : Les établissements pénitentiaires de Fresnes : 1895-1990, éd. Écomusée de Fresnes, Fresnes, 1990, 151 p. (ISBN 2-903379-22-X).
Publié à l'occasion d'une exposition à l'Écomusée de Fresnes
- Christian Carlier, Histoire de Fresnes, prison moderne : De la genèse aux premières années, éd. Syros, coll. « Histoire de », Paris, 1998, 270 p. (ISBN 2-84146-641-8)
- Albertine Sarrazin fut incarcérée à Fresnes, et publia Journal de Fresnes.
- Catherine Herszberg, Fresnes, histoires de fous, éd. du Seuil, Paris, 2006, 184 p. (ISBN 2-02-086379-0)
- Christiane de Beaurepaire, Non-lieu : Un psychiatre en prison, éd. Fayard, Paris, 2009, 364 p. (ISBN 978-2-213-63367-1).
Récit de quinze ans passés à Fresnes en tant que psychiatre
Liens externes
- Fiche de la prison, sur le site du ministère de la Justice.
- La prison de Fresnes : une des plus grandes prisons françaises, sur le site de Ban public, une association qui informe sur l'incarcération et aide à la réinsertion des détenus.
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