Arnaud de Villeneuve (médecin)

Arnaud de Villeneuve (médecin)
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Portrait d'Arnald[us] de villa noua, gravure sur bois de la Chronique de Nuremberg, 1493

Arnaud de Villeneuve ou Arnau de Vilanova (1238 - 1311 ou 1313) fut un médecin, alchimiste, théologien et astrologue célèbre du XIIIe siècle. Il est considéré comme le plus éminent médecin de son siècle. Cet érudit se distingue par ses profondes connaissances en médecine, en chimie, en astrologie et en théologie. Il sait le latin, l’hébreu, l’arabe. À Montpellier où il se fixe, toute l’Europe vient entendre ses enseignements en médecine et chirurgie.

Sommaire

Biographie

On n'est pas d'accord sur l'époque et sur le lieu de sa naissance : les uns croient qu'il naquit à Villeneuve-lès-Maguelone, village voisin de Montpellier ; d'autres hésitent, parce qu'il y a aussi en Royaume de Valence (en Espagne), en Catalogne, en Languedoc, en Provence, des bourgs de ce nom. Il est d'ailleurs connu en Catalogne, Valence et les îles Baléares sous le nom d'Arnau de Vilanova et il est sûr qu'il écrivit quelques-unes de ses œuvres en catalan (Confessió de Barcelona, Raonament d'Avinyó). Quoi qu'il en soit, Arnaud eut beaucoup de réputation comme médecin, théologien et alchimiste[1].

Il étudie la médecine à Montpellier jusqu'en 1260. Il court la France, l’Italie, la Catalogne, l’Espagne, tantôt médecin, tantôt ambassadeur. Il est le médecin personnel du roi d'Aragon à partir de 1281. À la mort du roi d'Aragon Pierre III le Grand, en 1285, il quitte Barcelone pour Montpellier[1].

Arnaldus de Villanova

Influencé par Joachim de Flore, il annonce pour 1378 la fin du monde et l'arrivée de l'Antéchrist (De adventu Antichristi, 1288). Il est maître-régent de l'école de médecine, entre 1291 et 1299. Sa renommée est immense : parmi ses patients, on compte trois papes et trois rois. Se piquant aussi d'être théologien, il est condamné par l'Université de Paris en 1299 : accusé d’hérésie, emprisonné pour ses idées de réforme de l’église, il est sauvé du bûcher par Boniface VIII, qu’il a guéri d’une maladie douloureuse[1].

Précédé d’une sulfureuse réputation d’alchimiste, il est à nouveau emprisonné à Paris vers 1309, sous le pape Benoît XI : la Sorbonne fait alors brûler ses œuvres philosophiques. Il devient ambassadeur de Jacques II le Juste, roi d'Aragon et de Sicile. Réfugié en Sicile auprès de Frédéric d'Aragon pour fuir l’Inquisition, il est appelé à Avignon comme médecin par Clément V, pape de 1305 à 1314[1].

Il est certainement à l'origine de la bulle pontificale du 8 septembre 1309 incluant dans la formation des médecins la connaissance d'une quinzaine de traités gréco-arabes (Galien, Avicenne...). Au cours d'une mission diplomatique, il meurt dans le naufrage de son navire, au large de Gênes en 1311. L'inquisiteur de Tarragone le condamne, et quinze des propositions de notre docteur sont censurées[1].

Chimiste et alchimiste

Ce n'est plus guère que sous ce dernier rapport qu'il peut être de quelque intérêt pour nous ; c'est en effet par lui et par Raymond Lulle, son disciple, que la chimie commença à faire des découvertes. Il découvrit les trois acides sulfurique, muriatique et nitrique. Il distilla le premier de l'alcool, et s'aperçut qu'il pouvait retenir quelques-uns des principes odorants et sapides des végétaux qui y macèrent, d'où sont venues les diverses eaux spiritueuses employées en médecine et pour la cosmétique.

On lui doit aussi les premiers essais réguliers de distillation ; il fit connaître l'essence de térébenthine et composa les premiers ratafias. On lui doit le principe du mutage utilisé pour le vin muté car il réussit à distiller le vin. Les effets excitants de l'alcool distillé lui inspirèrent le nom d'eau-de-vie. En poursuivant ses études, il découvrit que l'ajout de cette eau-de-vie au vin stoppe la fermentation, le vin conserve ainsi les sucres de raisins sans tourner au vinaigre[2].

Selon Robert Halleux : « Dans ses oeuvres médicales, Arnaud ne semble connaître de l'alchimie que les traits généraux et met en doute les vertus médicales de l'or philosophal ». On peut lui attribuer (sans certitude) : le Quaestiones tam essentiales quam accidentales, la Semita semite[3].

Selon Antoine Calvet : « dans la masse des textes qui lui sont attribués, un petit groupe forme un ensemble cohérent centré sur l'idée que le mercure alchimique composé des quatre Éléments constitue la pierre philosophale (lapis in similitudine et tactu). On s'accorde à penser qu'autour d'un noyau comprenant le Rosaire des philosophes (Rosarium philosophorum ou Thesaurus thesaurorum), les Questions au pape Boniface VIII (Quaestiones tam essentiales quam accidentales), la Lettre à Boniface VIII (Practica ad quendam Papam), la Lettre au Roi de Naples (Epistola super alchimia ad Regem Neapolitanum) et la Fleur des fleurs (Flos florum), tous écrits au début du XIV° siècle, en Catalogne ou en Sicile, et adressés à des personnages contemporains et amis, d'autres textes moins fiables ont été fabriqués plus tardivement par des auteurs se plaçant sous l'autorité d'Arnaud et glosant ses idées principales. Cela nous donne au total un corpus important de plus de cinquante titres... La thèse principale du Rosaire, élaborée dès le premier chapitre de la théorie, tient dans ce qu'il dit du mercure philosophique (qui n'est pas le mercure commun), défini comme une chose capable d'être cristallisée en or ou en argent par la vapeur du soufre qui lui est inhérent. Cette substance immatérielle a comme signe de perfection d'être volatile et de se purifier sous l'action de la chaleur. La nature met mille ans pour passer le mercure de la terre chaude et sulfureuse à sa véritable essence, aérienne, subtile, spirituelle. Le travail de l'alchimiste consiste donc à imiter le travail de la nature et à le surpasser de sorte que les délais soient raccourcis. Dans la mesure où le mercure philosophique se révèle commun à tous les métaux, il faut revenir à lui, mais à lui seul »[4].

Médecin

Arnaud est moins remarquable comme médecin ; cependant il est un des premiers docteurs de Montpellier qui se soient montrés moins serviles imitateurs des Arabes, dont la doctrine dominait alors tout le monde savant. Il a traduit de l'arabe en latin Avicenne, Albuzale, Avenzoar[1]. Il fut consulté par plusieurs couples dont Elzéar et Delphine de Sabran, qui ne désiraient pas consommer leur mariage. Il les encouragea dans cette voie[5].

Astrologue et hérétique

Arnoldi de Nova Villa

Malheureusement, il associe à ses connaissances médicales proprement dites des rêveries sur l'astrologie c'était la folie de son siècle ; il prédit la fin du monde, qu'il annonça pour 1378[1]. Les propositions qui lui attirèrent la censure ecclésiastique se réduisaient à celle-ci : « Les œuvres de charité et les services que rend à l'humanité un bon et sage médecin sont préférables à tout ce que les prêtres appellent œuvres pies, aux prières, et même au saint sacrifice de la messe »[6].

Il fut ridiculement accusé de magie, et Juan de Mariana, un jésuite espagnol, qui eut une influence forte dans les polémiques religieuses du XVIe siècle, va jusqu'à lui reprocher d'avoir essayé de former un homme avec de la semence, mêlée dans une citrouille à de certaines drogues[7].

Œuvres

Il laisse des livres de théologie, d’alchimie, d’astrologie et de médecine ; on lui doit l’usage de la distillation, l’emploi de l’alcool et de la térébenthine en thérapeutique.

Bien que condamnés par l'Inquisition, ses écrits eurent une grande influence. La plupart sont d'inspiration médicale. Les divers traités d'Arnaud se ressentent généralement, pour le fond et pour le style, du temps où il écrivait ; ils sont courts, et paraissent être plutôt des mémoires, des consultations que des traités dogmatiques.

Sans doute beaucoup des ouvrages qui lui sont attribués ne lui appartiennent pas ; car ce fut une pratique constante des alchimistes de mettre sous le nom de ceux qui avaient illustré leur secte un grand nombre de productions, afin de les faire passer à la faveur de ce nom célèbre : aussi plusieurs de ses œuvres véritables lui ont peut-être été dérobées.

Parmi ses ouvrages, nous citerons son commentaire sur l'École de Salerne, Scholœ Salernilanœ Opuscuhim, qu'il fit pendant sa retraite en Sicile ; un traité De conservanda Juventule et de retardante Senecliite, qu'il dédia au roi Robert.

On cite aussi : Libellus de regimine senû et seniorum arnaldi de Villa nova. « incipit epistola de accidentibus senectis & senii. Domine mundi quiex bina stirpe. » Paris, Félix Baligault pour Claude Jaumar & Thomas Julian, (c.1500), c'est un texte sur l'art de conserver la jeunesse et de retarder la vieillesse, et les régimes et remèdes appropriés. Le texte est aussi connu sous le titre « De conservanda juventute et retardanda senectute », et il contient le « De accidentibus senectutis et senii ».

Bibliographie

Œuvres

Alors que P. Diepgen et L. Thorndike laissent subsister un noyau de 5 ou 6 textes authentiquement arnaldiens, J. A. Paniagua considère le tout comme apocryphe (Archivo iberoamericano de historia de la medicina, 11, 1959, p. 406-419).

  • Opera omnia. Toutes les œuvres d'Arnaud de Villeneuve ont été réunies en un volume. La première édition parut à Lyon en 1504, in-fol., avec une préface de Thomas Murchius. Il en a paru ensuite plusieurs du même format, Paris, Venise, 1514 ; Lyon, 1520, avec la Vie d'Arnaud, par Symphorien Champier ; et à Bâle en 1515, 2 vol., avec quelques annotations de Jérôme Taurellus, de Montbéliard. La meilleure édition des Opera omnia est celle de C. Waldkirch en 1585 à Bâle.
  • Alchimie. J.-J. Manget, Bibliotheca chemica curiosa, Genève, 1702, t. I, p. 662-707 : Rosarius philosophorum, Novum lumen, Flos florum, Epistola super alchimia ad regem napolitanum, Practica ad quendam Papam, Sepculus alchimiae, Carme,, Quaestiones tam essentiales quam accidentales, Semita semitae, Novum testamentum.
  • Médecine : Arnaldi de Villanova Opera medica omnia (AVOMO), Université de Barcelone, 1975 ss. T. I : Epistola de reprobacione nigromantice ficciones. T. 2 : Aphorismi de gradibus (vers 1290), 1975, XIV-338 p. (introduction de 136 p. en anglais sur la pharmacologie). T. 3 : De amore heroico (books.google.fr). T. 4 : Tractatus de consideracionabus sive de flebotomia [1]. T. 5.1 : Tractatus de intentione medicorum [2]. T. 6.1 : Medicationis parabole (1300), 1990 [3]. T. 6.2 : Commentum in quasdam parabolas, 1993 [4]. T. 10.1 : Regimen sanitatis ad regem Aragonum, 1996, 933 p"de". T. 10.2 : Regimen almarie (Regimen castra sequentium), 1998, 228 p. [5]. T. 11 : De esu carnium (1305), 232 p. [6]
  • Théologie : Arnaldi de Villanova Opera theologica omnia (AVOThO), Facultat de Teologia de Catalunya, Université de Barcelone. T. 3 : Introductio in librorum Ioachim. De semine scripturarum. Allocutio super significatione nominis tetragrammaton, 2004, 216 p. T. 4 : Alphabetum catholicorum. Tractatus de prudentia catholicorum scolarium, 2007, 258 p. [7]
  • Hérésie. Principalement Tractatus de tempore adventus Antichristi (1288, révisé en 1300), in H. Finke, Aus den Tagen Bonifaz VIII, Münster, 1902, p. CXXIX-CLIX. Escritos condenados por la Inquisicion, édi. latine et trad. esp. E. Canovas et F. Pinero, Madrid, Editora nacional, 1976.
  • Le Livre des Vins, traduit du latin, préfacé et annoté par Patrick Gifreu, Éditions de la Merci, 2011, ISBN 9782953191776.

Pseudo-Arnaud de Villeneuve

  • Flos florum. Perfectum magisterium et gaudium, dédié à Jacques II d'Aragon : Sylvain Matton, "Quelques versions du Flos florum du Pseudo-Arnaud de Villeneuve. Textes édités par Sylvain Matton et présentés par Antoine Calvet", Chrysopoeia, n° VI (1997-1999), p. 207-271. Alchimie.
  • Novum lumen, attribué à un certain Matthieu de Sicile.
  • Rosarius philosophorum (vers 1330) : Antoine Calvet, "Étude d'un texte alchimique latin du xive siècle : Le Rosarius philosophorum attribué [à tort] au médecin Arnaud de Villeneuve (ob. 1311)", Early Science and Medicine, Volume 11, Number 2, 2006, p. 162-206.
  • De secretis naturae : Antoine Calvet, "Le De secretis naturæ du Pseudo-Arnaud de Villeneuve. Édition, traduction et présentation", Chrysopoeia, Archè, n° VI (1997-1999).
  • Semita semitae. Le chemin du chemin (daté de 1303), trad. Albert Poisson, Cinq traités d'alchimie des plus grands philosophes, Chacornac, 1899 (www.carbanzo.com). "Ce traité est, à quelques passages près, identique au Flos florum" (A. Poisson).
  • De sigillis (Des sceaux, XV° s.), in Opera omnia, 1504. Faux selon Nicolas Weill-Parot [8], authentique selon d'autres savants (Michael McVaugh, Josef Ziegler). Figures astrologiques à but thérapeutique.
  • Tractatus parabolicus (vers 1350) : Antoine Calvet, "Le Tractatus parabolicus du Pseudo-Arnaud de Villeneuve. Texte et traduction", Chrysopoeia, Archè, vol. V (1992-1996). Premier parallèle historique entre Grand Œuvre alchimique et passion du Christ.
  • De vita philosophorum : Antoine Calvet, "Le De vita philosophorum du Pseudo-Arnaud de Villeneuve. Texte du manuscrit B.N. lat. 7817, édité et traduit", Chrysopoeia, Archè, n° IV (1990-1991).

Études

  • Pierre Joseph de Haitze (alias Pierre Joseph), Vie d'Arnaud, Aix, 1719, in-12.
  • B. Hauréau, "Arnauld de Villeneuve", in Histoire littéraire de la France, 28 (1881), p. 26-126, 487-490.
  • Lalande, La vie et les oeuvres de maître Arnaud de Villeneuve (1896), Phénix, 2003.
  • L. Thorndike, History of Magic and Experimental Science, vol. II (1934), p. 52-84, 654-676. [9]
  • R. Verrier, Etudes sur Arnauld de Villeneuve, Leyde, 2 vol., 1947-1949.
  • Calvet Antoine : "Les alchimica d’Arnaud de Villeneuve à travers la tradition imprimée (XVIe-XVIIe siècles). Questions bibliographiques", in D. Kahn et S. Matton (éd.), Alchimie : art, histoire et mythes (1995), p. 157-190.

Anecdotes

Un hôpital de Montpellier ainsi que la maternité portent aujourd'hui son nom.

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f et g Arnauld de VILLENEUVE (Arnau de Vilanova ou Arnaldus de Villanova). Médecin, théologien, diplomate, astrologue et alchimiste catalan
  2. Coopération (journal), N° 11, 10 mars 2009, Les vins de dessert.
  3. J. Payen, "Flos florum et Semita semite. Deux traités d'alchimie attribués à Arnauld de Villeneuve", Revue d'histoire des sciences, 12 (1959), p. 289-300.
  4. A. Calvet, apud J.-Fr. Mattéi dir., Les oeuvres philosophiques, PUF, t. I, p. 401-402.
  5. Gérard Veyssière, Vivre en Provence au XIVe siècle, 1998.
  6. P. Leroux et J. Reynaud, Encyclopédie nouvelle, ou dictionnaire philosophique, scientifique, Volume 2
  7. Antoine Portal, Histoire de l'anatomie et de la chirurgie

Source partielle


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