Pierre savorgnan de brazza

Pierre savorgnan de brazza

Pierre Savorgnan de Brazza

Savorgnan de Brazza
Pierre Savorgnan de Brazza dans son costume « indigène », photographié par Félix Nadar.
Pierre Savorgnan de Brazza dans son costume « indigène », photographié par Félix Nadar.

Nom de naissance Pierre Paul François Camille Savorgnan de Brazza
Naissance 26 janvier 1852
Castel Gandolfo
Décès 14 septembre 1905 (à 53 ans)
Dakar
Nationalité France France

Pietro Paolo Savorgnan di Brazzà ou Pierre Paul François Camille Savorgnan de Brazza en français, à Castel Gandolfo le 26 janvier 1852 et mort à Dakar le 14 septembre 1905, est un explorateur italien naturalisé français. Il explora la rive droite du fleuve Congo ouvrant la voie à la colonisation française en Afrique équatoriale. Sa bonhommie, son charme, son approche pacifique des Africains faisaient de Brazza une figure dexception parmi ses contemporains qui exploraient lAfrique au nom des grandes puissances occidentales.

Sommaire

Un explorateur pacifique et altruiste

Élevé à Rome, sous le nom de « Pietro Paolo Savorgnan di Brazzà », le futur explorateur est le septième fils des douze enfants du comte Ascanio Savorgnan di Brazzà, un noble dUdine. Cet homme cultivé et voyageur avait de nombreux amis français, dont le prestigieux amiral Louis de Montaignac. Avec son soutien et celui de son précepteur, Pietro vient à Paris et suit les cours du collège Sainte-Geneviève pour préparer le concours dentrée à lÉcole navale de Brest. Il y rentre à 17 ans, en ressort enseigne de vaisseau et embarque sur la Jeanne dArc pour lAlgérie. -bas, il est horrifié par la violence de la répression de la révolte kabyle par les troupes françaises. La guerre de 1870 est alors déclarée : il veut être affecté dans une unité combattante. Il en profite pour demander la naturalisation française et se retrouve sur le cuirassé la Revanche, dans lune des escadres de la mer du Nord.

Avec lavènement de la IIIe République, sa deuxième affectation est la frégate Vénus, qui faisait régulièrement escale au Gabon. En 1874, Brazza remonte deux fois le fleuve Gabon et lOgooué. Il propose ensuite au gouvernement dexplorer lOgooué jusquà sa source, afin de démontrer que ce fleuve et le Congo ne font quun. Avec laide damis bien placés, comme Jules Ferry et Léon Gambetta, il obtient des subsides, quil nhésite pas à compléter avec ses propres ressources (selon les documents, la famille de Brazza a contribué aux deux premières expéditions de l'explorateur avec une somme d'un million de Francs, et le gouvernement français n'a donné que 200 000 francs). À la même époque il est naturalisé français et adopte la francisation de son nom. Il doit cependant revenir quelques mois à Paris pour passer son diplôme de capitaine au long cours, afin de demeurer dans la marine nationale et y poursuivre son dessein.

Pour cette expédition qui dure de 1875 à 1878, il se munit de toiles de coton et doutils pour le troc. Il est seulement accompagné dun docteur, dun naturaliste et dune douzaine de fantassins sénégalais. Brazza senfonce dans lintérieur des terres, et réussit à entretenir de bonnes relations avec la population locale, grâce à son charme et son bagout. Son expédition est toutefois un échec sur le plan scientifique, car les deux fleuves sont bien différents. En tout état de cause, le 11 août 1878, Brazza et ses compagnons dexploration, fatigués et malades, décident de faire demi-tour.

À la même époque, un journaliste du New York Herald, Henry Stanley, a descendu le fleuve Congo. En 1879, le roi des Belges, Léopold II, voulant tirer parti de la situation pour les intérêts de son pays, missionne le journaliste pour la construction dune ligne de chemin de fer.

Fondation de la future Brazzaville

Sous limpulsion du ministre de lInstruction publique Jules Ferry, le gouvernement français autorise alors une deuxième mission, 1879-1882 en collaboration avec Antoine Mizon pour faire pièce aux visées coloniales belges sur le continent africain. Financée par la Société française de géographie ainsi que par les ministères de la Marine, des Affaires étrangères et de lInstruction publique, la deuxième mission est nettement plus fructueuse. Parti le 27 décembre 1879, Brazza atteint le fleuve Congo en 1880. Il propose à Illoy Ier, Makoko de Mbe, roi des Tékés, de placer son royaume sous la protection de la France. Le Makoko, poussé par des intérêts commerciaux et par la possibilité daffaiblir ses rivaux, signe le traité, permettant aussi un établissement français à Nkuna sur le Congo, endroit appelé plus tard Brazzaville. En tentant de rallier locéan depuis Franceville, Brazza tombe par hasard sur le but premier de ses recherches : les sources de Ogooué.

De retour en France, il popularise ses découvertes grâces à de multiples réunions publiques et articles de presse. Le 30 novembre 1882, la loi ratifiant le traité damitié, signé entre Illoy Ier et Brazza, est promulguée. Les régions découvertes sont de fait placées sous protectorat français. Un mois plus tard, de nouveaux crédits sont votés pour une troisième expédition. En novembre 1885, il est nommé commissaire général du Congo français. Des journalistes font état des salaires décents et des conditions humaines qui contrastaient avec le régime personnel de Léopold II sur lautre rive du Congo. Mais son succès lui procure aussi des inimitiés et il est soumis à une intense campagne de dénigrement.

Naissance dune légende

Pierre Savorgnan de Brazza en explorateur, photographié par Félix Nadar
Dessin de de Brazza (23 février 1895)

Le 12 août 1895, Pierre de Brazza épouse Thérèse Pineton de Chambrun, fille de Charles-Antoine de Chambrun et de Marie-Henriette Tircuy de Corcelle, et descendante de La Fayette. Le mariage est célébré dans la chapelle privée de lhôtel du comte de Chambrun, rue Monsieur à Paris. Le couple aura quatre enfants : Jacques, en 1899 et décédé quatre ans plus tard dune crise dappendicite, Antoine, Charles et Marthe[1]

En 1897, Brazza soppose à la décision du ministre des Colonies, André Lebon, de soumettre les territoires quil a gagnés à la France au régime de la concession, déjà en vigueur au Congo belge, et qui livrerait les populations à la cupidité des sociétés capitalistes privées chargées de « mettre en valeur » ce territoire de 650 000 km² composé du Gabon, du Congo et de lOubangui-Chari.

En janvier 1898, Brazza est écarté et placé « dans la situation de mise en disponibilité ». Marchand et ses officiers (Baratier, Mangin, Largeau fils, futur fondateur du Tchad, etc.) lont déclaré responsable du retard de la mission Congo-Nil. Marchand décrit la colonie du Congo français géré par Brazza comme un « marécage puant » dirigé par des « gloires en baudruche ». Selon les documents, Brazza soppose à lexpédition Marchand à cause de la présence dun grand nombre de soldats, ce qui témoignait de lesprit de soumission des populations qui inspirait cette entreprise. Brazza lui-même avait proposé depuis 6 années dorganiser une expédition sur le même parcours pour ouvrir une voie de connexion entre le Congo et lAfrique du nord. Lexpédition Marchand ne sarrêtait pas devant lopposition de Brazza, et terminait avec le honteux épisode de Fachoda, qui a sérieusement affaibli la réputation internationale de la France et sa position stratégique en Afrique.

Jean Victor Largeau, explorateur du Sahara et du Congo et administrateur de Loango et dépendances sous les ordres de Brazza, dans ses correspondances fit un portrait peu flatteur de Brazza, le surnommant « farniente » compte tenu de sa propension à circuler en hamac porté par des noirs et de son absence de décision. « Le désordre que lon remarque autour de lui, le débraillé de sa tenue, sont les répercussions de son état intellectuel, il na aucun plan arrêté, change didées 20 fois par jour et le moment dagir venu, il cède à limpulsion de ce moment-. Le même désordre règne dans toutes les branches du service: le gaspillage est épouvantable: on va de lavant parce que le ministère lexige, mais sans rien organiser... » (lettre du 5 novembre 1891 à son fils ). De lautre côté, Brazza accuse Largeau dêtre corrompu par les agents commerciaux désireux de mettre en place un régime dexploitation sans se préoccuper des droits des indigènes. Selon les documents, le manque dorganisation de la colonie était en partie au budget très limité. A cette époque, lEtat français se trouvait dans de sérieuses difficultés économiques dues aux indemnités que la France devait payer à lAllemagne après la désastreuse guerre de 1870.

Brazza est forcé de se retirer à Alger. Le territoire de lAfrique Equatoriale française est subdivisé entre environ 40 compagnies concessionnaires. Les sociétés qui se partagent lexploitation de ces pays déciment les populations, soumises aux violences et aux brutalités: portage, travaux forcés, réquisitions et répression de toute tentative de résistance.

En 1905, à la suite du scandale de laffaire Toqué-Gaud (voir ci-dessous), on lui demande dinspecter les conditions de vie dans les colonies, conditions qui sétaient détériorées pendant son absence. Mais sa santé se détériore. Au retour de sa mission, atteint de fortes fièvres, il est contraint de débarquer à Dakar. Le 14 septembre 1905, veillé par sa femme et le capitaine Mangin, il décède à six heures du soir. La photo de Jacques, son enfant de cinq ans, disparu deux ans auparavant, a été placée à sa demande sur sa table de nuit.

Le bruit court quil a été empoisonné. Quant à lAssemblée nationale, elle sempresse de mettre son embarrassant rapport sous léteignoir. Son corps est dabord réclamé par le gouvernement français. La Troisième République cherche en effet ses nouveaux héros. Brazza, officier de marine aristocrate, élégant, héroïque, révolté par lesclavagisme, apôtre de la paix, et surtout désintéressé, a un profil parfait à tous ces égards. On pense donc pour lui au Panthéon et à la récupération de sa gloire intacte. Mais Thérèse refuse lhonneur. Son corps est alors inhumé au Père Lachaise, puis déplacé, trois ans plus tard, à Alger, vivent sa veuve et ses enfants. Sur sa tombe, lépitaphe, rédigée par son ami Charles de Chavannes, indique que « Sa mémoire est pure de sang humain. Il succomba le 14 septembre 1905 au cours dune dernière mission entreprise pour sauvegarder les droits des indigènes et lhonneur de la nation ».

Brazza versus Stanley

Henry Morton Stanley, alias « Boulou Matari »

Partisan des palabres, farouchement opposé à la violence, il garde comme modèle Livingstone et soppose en cela à Stanley, surnommé « Boula Matari » (« briseur de roches »), qui sest vanté davoir livré 32 combats. Dabord peu méfiant, voire admiratif à son égard, Stanley sapercevra trop tard quil a été roulé dans la farine par le Français, qui ne linforme pas du traité quil a signé avec le Makoko. La réputation de Stanley en souffrira durablement, en France, il sera vertement critiqué, et en Angleterre, lon narguera sa naïveté. Un an après la signature du traité entre Brazza et le Makoko, le roi téké des tribus de la rive gauche, Ngaliema, signe le « traité de lamitié » avec Stanley, ne se considérant plus soumis au Makoko de Mbé. Il place ainsi la rive droite du fleuve sous la protection de lAssociation internationale africaine.

Laffaire Toqué-Gaud

Le 14 juillet 1903, à Fort Crampel, en Oubangui-Chari, un administrateur des colonies, George Toqué, et un commis des affaires indigènes, Fernand Gaud, décident de faire exécuter Pakpa, ancien guide, en lui attachant une dynamite autour du cou. Au procès, les accusés rappellent quils ont déclaré avant cette action épouvantable : « Ça a lair idiot ; mais ça médusera les indigènes. Si après ça ils ne se tiennent pas tranquilles ! ». Gaud dira à son procès quil voulait faire constater autour de lui létrangeté de cette mort : « Ni trace de coup de fusil, ni trace de coup de sagaie : cest par une sorte de miracle quest mort celui qui navait pas voulu faire amitié avec les Blancs. » (propos rapportés par Félicien Challaye, qui accompagna Brazza dans sa mission dinspection). Ils sont condamnés à des peines légères (à cinq ans de réclusion), mais le scandale est tel quil conduit au lancement dune enquête administrative, enquête dont sera chargé Brazza, et qui sera à lorigine de son dernier voyage au Congo.

Transfert de la dépouille de lexplorateur

Un peu plus de cent ans après son décès, le corps de lexplorateur français, de son épouse et de leurs quatre enfants, ont été exhumés, le 1er octobre 2006, du cimetière chrétien des Brus, dans le quartier dEl Madania sur les hauteurs dAlger, il reposait depuis 1905, pour être transférées vers Brazzaville.

Trois membres de la famille de lexplorateur, Niccolò di Brazzà, Roberto Pirzio-Biroli et Pietro di Serego Alighieri, ainsi quun membre de la famille de sa femme, Pierre-Antoine de Chambrun, assistaient à lexhumation des corps.

Lambassadeur du Congo, Jean-Baptiste Dzangue, et le consul de France en Algérie, Francis Heude, les ambassadeurs de France, Hubert Colin de Verdière, du Sénégal Saïdou Nourou Ba, dItalie, Battista Verderame, et un représentant du ministère algérien des Affaires étrangères, étaient également présents. Le cercueil de Savorgnan de Brazza était recouvert du drapeau français.

Les restes ont ensuite été embarqués à bord dun avion cargo spécialement affrété par le Congo, à destination de Franceville puis de Brazzaville, ils ont été réinhumés le 3 octobre 2006, en présence des présidents congolais, Denis Sassou Nguesso, centrafricain, François Bozizé, et gabonais, Omar Bongo Ondimba, du ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, et du successeur du roi Makoko Ilo qui avait signé le traité avec Brazza, Auguste Nguempio, accompagné par la cour royale. Les représentants des Teké ont été invités à la cérémonie à la demande de la plupart des descendants de lexplorateur, qui sont liés aux Teké par un lien de sang.

Le caveau familial de Savorgnan de Brazza à Alger, monument le plus élevé du cimetière, était surmonté dun buste de bronze de lexplorateur. Situé près de la Mairie Centrale, le mausolée qui a reçu ses cendres à Brazzaville nest pas moins imposant. Constitué dune coupole en acier et verre, recouvert de 500 tonnes de marbre blanc de Carrare, il est décoré à lintérieur par une grande fresque représentant les grands moments de la vie de lexplorateur, réalisée par des artistes de lécole de peinture de Poto-Poto. Le buste de bronze dAlger, restauré, va accompagner les restes de Brazza dans son nouveau mausolée.

Bientôt, débuteront une nouvelle tranche de travaux et la construction dun musée, dun centre de conférences et dune bibliothèque axés sur les explorations de Savorgnan de Brazza.

Des polémiques se sont développées en Congo, notamment, à loccasion de ce transfert. Lors dun colloque à Franceville, organisé par la fondation Savorgnan de Brazza, des universitaires gabonais et congolais se sont notamment insurgés de ce que « des colonisés puissent faire lapologie du colonisateur ». Selon lhistorien gabonais Anges Ratanga Atoz, « De Brazza nétait rien dautre quun agent de limpérialisme colonial, mais il nétait pas aussi brutal que les autres ». Le coût du monument (plus de 5 millions deuros), financé par le gouvernement congolais et par certaines compagnies françaises, a également été critiqué. La plupart des descendants de lexplorateur ont manifesté des réserves sur le déroulement du transfert des restes de Brazza dans le mausolée. Ces descendants ont demandé et obtenu douvrir un dialogue avec les autorités congolaises: le Président de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso, a signé un accord qui prévoit la restructuration du Lycée Savorgnan de Brazza, qui était connu comme un des plus prestigieux Lycées dAfrique, la présence du roi Makoko et des représentants du peuple Teké à la cérémonie dinauguration du mausolée et lamélioration des conditions de vie de la population de Mbé, capitale du royaume Teké. Après plus dun an, les descendants attendent la réalisation des engagements.

Honneurs

  • Un aviso colonial français des FNFL porta son nom, le Savorgnan-de-Brazza.
  • Brazzaville, capitale de la République du Congo, a été nommé ainsi en lhonneur de Pierre Savorgnan de Brazza, son fondateur.
  • À Brazzaville, outre le mausolée de Brazza, sélève, depuis 1944, un phare Commémoratif dominant largement le fleuve du haut du promontoire de Bacongo face à la Case de Gaulle. On y lit « A Savorgnan de Brazza et ses compagnons ». Les bas-reliefs en terre cuite de Barroux vandalisés dans les années 1960. Roger Erell architecte. Le phare a été inauguré par la fille de Brazza, Marthe de Brazza, en 1952.
  • À Paris, seule une petite rue de 95 m de long, reliant le Champ de Mars à lavenue de la Bourdonnais, rappelle le souvenir de lexplorateur.
  • En 2007, le nom de Pierre Savargnan de Brazza a été donné à laéroport international de Ronchi dei Legionari (GO)-Italie

Notes

  1. Tous ses enfants sont décédés sans descendance.

Bibliographie

  • Jean Martin, Savorgnan de Brazza, une épopée aux rives du Congo, 2006
  • Marthe de Brazza, P. Savorgnan de Brazza, Éditions « Je sers », Paris, 1943
  • (en) Maria Petringa, Brazza, A Life for Africa, 2006 (ISBN 9781-4259-11980)
  • (en) Thomas Pakenham, The Scramble for Africa, 1991
  • (en) Richard West, Brazza of the Congo, 1972
  • Emanuela Ortis Alessandrini, « Pierre Savorgnan de Brazza :héros du Frioul », Radici, no 9, 2003
  • Dimitri Casali et Liesel Schiffer Ces immigrés qui ont fait la France, éd. Aubanel, Paris, 2007, 223 p. (ISBN 270060511X et ISBN 978-2700605112)
  • Patrick Deville, équatoria, Seuil, 2009.
  • Maria de Crisenoy, "Le Héros du Congo" Pierre Savorgnan de Brazza", Editions SPES, Paris, 1944 - préface de Thérèse Savorgnan de Brazza.

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