Fernand Gaud

Fernand Gaud

Le 14 juillet 1903, à Fort Crampel, en Oubangui-Chari, un administrateur des colonies, George Toqué, et un commis des affaires indigènes, Fernand Gaud, décident de faire exécuter Pakpa, ancien guide, en lui attachant une dynamite autour du cou. Au procès, les accusés rappellent qu’ils ont déclaré avant cette action épouvantable : « Ça a l’air idiot ; mais ça médusera les indigènes. Si après ça ils ne se tiennent pas tranquilles ! ». Gaud dira à son procès qu’il voulait faire constater autour de lui l’étrangeté de cette mort : « Ni trace de coup de fusil, ni trace de coup de sagaie : c’est par une sorte de miracle qu’est mort celui qui n’avait pas voulu faire amitié avec les Blancs. » (propos rapportés par Félicien Challaye, qui accompagna Brazza dans sa mission d’inspection). Ils sont condamnés à des peines légères (à cinq ans de réclusion), mais le scandale est tel qu’il conduit au lancement d’une enquête administrative, enquête dont sera chargé Brazza, et qui sera à l’origine de son dernier voyage au Congo.

Selon des informations donnés par un de ses neveux, Fernand Gaud est mort d'une piqûre anatomique alors qu'il effectuait des recherches sur la morve du cheval.

L'affaire de Fort Crampel et Savorgnan de Brazza

Le 14 juillet 1903, à Fort Crampel, en Oubangui-Chari, deux fonctionnaires, l’un administrateur des colonies, George Toqué, l’autre, commis des affaires indigènes (et pharmacien), Fernand Gaud, ont décidé de faire sauter un chef noir rebelle du nom de M’Pika en lui introduisant une cartouche de dynamite dans l’anus : « ça calmera les indigènes. Si après ça ils ne se tiennent pas tranquilles... ! Le feu du Ciel est tombé sur le noir qui n’avait pas voulu faire amitié avec le blanc ».[réf. nécessaire]

Ce sommet de l’horreur fait un bruit qui remonte jusqu’à Paris. Les chambres sont saisies, les interpellations se succèdent, les discussions s’avivent. La presse s’empare de ce scandale, et c’est d’ailleurs elle, le Journal des débats, qui lance l’idée de l’enquête administrative.

La Commission est désignée ; elle est présidée par Brazza. A ses côtés figurent Hoarau-Desruisseaux, inspecteur général des colonies, Félicien Challaye, un jeune agrégé de philosophie qui représente le ministre de l’instruction publique, un membre du Cabinet des colonies et un délégué du ministre des affaires étrangères.

Les chambres adoptent un crédit extraordinaire de 268.000 francs. Le 5 avril, Brazza quitte Marseille. Le 29 avril, il est à Libreville. L’enquête commence.

Brazza découvre alors l’horreur et notamment au Congo mais surtout en Oubangui Chari. Il faut se reporter là au seul témoignage écrit encore disponible à ce jour qui est celui de Félicien Challaye, accompagnant Brazza. Le rapport de Brazza quant à lui n’a jamais été publié. Mais on peut rapporter quelques terribles exactions ; les femmes et les enfants sont enlevés et parqués dans des camps d’otages jusqu’à ce que le mari ou le père ait récolté assez de caoutchouc... A Bangui, les otages sont enfermés à la factorerie, et employés à débrousser le poste. Les hommes apportent le caoutchouc mais la quantité semble insuffisante. On décide de ne pas libérer les otages et de les emmener à Bangui. Ce sont les femmes qui pagayent seules dans les pirogues. Quand lassées elles s’interrompent, les auxiliaires Ndris et les gardes régionaux les frappent rudement...

A Bangui, dans une case longue de six mètres, sans autre ouverture que la porte, on entasse les soixante-six otages, on ferme la porte sur eux. Cette prison est comme une cave sans lumière, empestée par les respirations et les déjections. Les douze premiers jours, il se produit vingt-cinq décès. On jette les cadavres à la rivière...

Un jeune docteur nouvellement arrivé entend des cris et des gémissements ; il se fait ouvrir la case, proteste contre ce régime et exige la libération des malheureux. Il ne reste plus que vingt et un otages...

On se résigne à renvoyer les survivants dans leurs villages ; plusieurs sont si faibles, si malades, qu’ils meurent peu après leur libération. Une femme rentre dans sa famille, allaitant l’enfant d’une autre ; son petit à elle est mort ; elle a adopté l’enfant d’une morte...

Marchant vers Fort Crampel, au bord du chemin gît un squelette abandonné. Brazza ordonne qu’on enterre cet homme selon la coutume.

A Fort Crampel, Brazza découvre un véritable camp de concentration dans lequel sont entassés les otages. Brazza est effondré. La douleur morale s’ajoute à la maladie car il est pris de terribles diarrhées.

Extrait d'un livre récent sur Savorgnan de Brazza :[1]

« « Sur le bateau qui redescend vers Brazzaville, le chef de mission s’étant alité se sent mieux. Dans la capitale, de nouvelles poussées amibiennes le cantonnent plutôt dans sa chambre. Il demeure ainsi une semaine, allant de son lit à son fauteuil de bureau et rencontrant le commissaire général ou ses émissaires.

Pendant cette période la Cour criminelle de Brazzaville juge les affaires Toqué-Gaud dont Brazza se fait conter chaque soir le déroulement. Quelle n’est pas sa tristesse d’apprendre que la condamnation à cinq ans de réclusion des deux tortionnaires « étonne » la population blanche trop habituée à considérer les Noirs comme du matériel humain.

Cela accroit sa détresse morale et aggrave sa misère physique. Mais il n’en continue pas moins à rédiger ses rapports, à étudier ceux de ses collaborateurs, à réfléchir aux fondements d’une nouvelle structure, à échanger avec Gentil des propos de moins en moins amènes à mesure que celui-ci, inquiet et couvert par le ministre, multiplie les difficultés pour la communication des dossiers et pour répondre aux demandes d’informations.

Alors qu’il est de tradition constante et conforme à tous les textes que rien ne peut être celé à une mission d’inspection, Brazza et les siens doivent se battre pour obtenir les documents ou les consulter. La lettre que l’inspecteur général Hoarau-Desruisseaux lui a adressée le 30 juillet, de Libreville, et dont il prend connaissance alors, est plus que révélatrice. Après s’être plaint d’obstructions systématiques et multiples, cet envoyé du ministre ajoute des commentaires hautement réprobateurs :

« Dans ma carrière d’inspecteur, je compte déjà quatorze envois dans les colonies, dont dix comme chef de missions ; toujours et partout mes collaborateurs et moi avons trouvé auprès des gouverneurs toutes les facilités voulues ; cette fois-ci, au contraire, nous nous heurtons à un mauvais vouloir évident, à des résistances sourdes, mais certaines, de la part de M. Gentil. Ce haut fonctionnaire n’a pas cessé d’entraver nos investigations ; il fait de l’obstruction ; il ne veut rien communiquer.

« D’autre part on crée à Brazzaville une atmosphère d’hostilité autour de la mission, et surtout de son chef ; on ameute contre lui tous les intérêts et, comme il demande que les indigènes soient traités avec humanité, qu’ils ne soient plus menés à la chicote, et qu’ils soient payés en numéraire, on crie qu’il désorganise le pays et qu’il va ruiner le commerce et les sociétés concessionnaires. » »

D’ailleurs, sous le fallacieux prétexte d’absence de crédits de déplacement et de logement disponible, Hoarau-Desruisseaux n’est pas autorisé à venir conférer avec son chef de mission. Il est prié de l’attendre à Libreville.

Ce que Brazza va traduire dans son rapport n°148, du 21 août, en un résumé lapidaire : ...« J’ai déjà exprimé de sérieuses réserves. Je les confirme... Elles n’ont pas été motivées par la constatation d’un fait isolé... Au cours de mon voyage, j’ai acquis le sentiment très net que le Département n’a pas été tenu au courant de la situation réelle dans laquelle se trouvent les populations indigènes et des procédés employés à leur égard... « Tout a été mis en œuvre lors de mon passage dans cette région pour m’empêcher d’en avoir connaissance. »

Le jeune universitaire Félicien Challaye est plus sévère encore. Il alimente le Temps de chroniques colorées et impitoyables. L’administration, gênée, feint d’ignorer Brazza. Emile Gentil ne songe d’ailleurs qu’à rentrer pour se justifier. Le ministre le prie de rester pour encadrer Brazza. Finalement il partira deux jours avant son illustre prédécesseur.

Celui-ci, ayant amplement vu et entendu, décide de rentrer. Il se sent faiblir. N’est-il pas parti depuis cinq mois et ne lui a-t-on par redit que sa mission ne saurait, voyages inclus, dépasser six mois ?

Alors commence la dernière et plus pénible étape. Ayant refusé le tipoye préparé à son intention, c’est debout et appuyé sur le bras de Thérèse, que Pierre Savorgnan de Brazza quitte la cité éponyme ; il se rend à pas maladroits vers le « beach », embarcadère du bateau conduisant sur l’autre rive de l’immense Congo, à Léopoldville. Là, le chemin de fer le conduit à Matadi d’où la Ville-de-Macéio l’emmène vers l’Europe. L’escale de Libreville est pénible ; Brazza se vide sans remède ; et la fièvre ne le quitte pas. Dès lors l’espoir s’en va.

Douala, Abidjan, Conakry..., Dakar enfin. A chaque halte on a hésité à le conduire à l’hôpital ; mais cette fois il n’y a plus d’autre solution. On le débarque donc, après qu’il a fait à l’inspecteur général Hoarau-Desruisseaux les plus expresses recommandations afin de sauver « son » Congo et la France de la honte.

Veillé par sa femme et le capitaine Mangin, l’illustre malade s’épuise dans un petit lit de fer. Les médecins savent leur impuissance. La photographie du petit Jacques, son enfant disparu deux ans auparavant à l’âge de 5 ans, est, à sa demande, placée sur la table de nuit ; il va le rejoindre vers six heures du soir, le 14 septembre 1905, après avoir reçu l’extrême-onction ».

Le Général de Gaulle, qui n’ignorait rien de toute cette tragédie, avait une immense estime doublée d’une grande tendresse pour la dimension profondément évangélique de Pierre Savorgnan de Brazza. A la libération de la France en 1944, l’un des premiers gestes qu’il posa fut de réévaluer de façon très importante la pension que la France allouait à la famille de Pierre Savorgnan de Brazza. Cette pension, en effet, n’avait pas été revue depuis 1905 et la famille vivait à Alger dans un grand dénuement. Deux grands français seulement eurent droit à une pension à vie pour eux et leurs descendants directs : Louis Pasteur et Pierre Savorgnan de Brazza.

Ouvrage de Fernand Gaud

Les Mandja (Congo français) / par Fernand Gaud et Cyr. van Overbergh (1911)
Une monographie des Mandja du Congo français: Renseignements géographiques et ethnographiques généraux - Vie matérielle (soins donnés au corps; alimentation; vêtements; habitations; moyens d'existence, métiers, occupations) - Vie familiale (naissance; éducation; mariage; famille; mort) Vie religieuse - Vie intellectuelle (arts; sciences; facultés intellectuelles) - Vie sociale (propriété; régime économique; coutumes juridiques; organisation sociale; organisation politique; relations avec l'extérieur) - Caractères anthropologiques (somatiques; physiologiques). Dans une préface, C. van Overbergh démontre, entre autres, les effets meurtriers du portage, imposé par les Européens, et demande que le portage soit supprimé partout où c'est possible.

Notes et références

  1. Jean Autin, « Pierre Savorgnan de Brazza, un prophète du tiers monde » paru aux éditions Perrin en 1986.
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