- Orfeo (opéra)
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L'Orfeo
L’Orfeo, favola in musica (SV 318, « Orphée, fable en musique ») est un opéra de Claudio Monteverdi sur un livret du poète Alessandro Striggio (1573-1630), fils du compositeur de même nom, Alessandro Striggio.
Après une représentation préliminaire à l'Accademia degl'Invaghiti, il fut joué le 24 février 1607, pour l'ouverture du Carnaval, au Théâtre de la Cour de Vincent Ier de Mantoue et redonné le 1er mars. La partition est éditée en 1609 et rééditée en 1615 par Monteverdi lui-même, à Venise[1], ce qui est exceptionnel. La première représentation moderne fut donnée en 1904 dans une adaptation abrégée de Vincent d'Indy à la Schola Cantorum de Paris. D'autres travaux suivent : Orff, Respighi, Maderna, Berio et enfin Malipiero (1930) plus fidèle à l'original[2].
Drame lyrique dont on a célébré le 400e anniversaire de la création en février 2007, L’Orfeo est considéré comme le premier opéra de l’histoire de la musique, à la frontière de plusieurs autres genres musicaux comme le madrigal, la monodie accompagnée, le choral et la symphonie.
Sommaire
Synopsis
Basé sur le mythe d'Orphée et Eurydice où le héros grec essaye de sauver sa femme des Enfers, l'opéra est composé d'un prologue et de cinq actes :
- Ouverture : Une fracassante toccata allegro en ré majeur (« jouée trois fois par tout l'orchestre au début du rideau » écrit Monteverdi sur la partition) ouvre l'opéra : elle fait plus office d'hymne national joué avant un concert solennel que de prélude à l'œuvre.
- Prologue : La Musica (« un esprit de la musique ») explique le pouvoir de la musique et particulièrement le pouvoir d'Orphée dont la musique était si belle qu'elle réussissait à émouvoir les dieux, charmer les hommes et les animaux, et à faire se mouvoir les arbres et les rochers...
- Acte I : Mariage d'Orphée et Eurydice.
- Acte II : Par une messagère, Orphée apprend qu'Eurydice est morte, mordue par un serpent ; il décide d'aller aux Enfers pour la sauver (avec le récitatif et aria Tu se’ morta, mia vita, ed io respiro ? (Tu es morte, ma vie, et je respire encore ?) sur la fragilité du bonheur chanté par Orphée).
- Acte III : L'espoir accompagne Orphée aux portes des Enfers. Rencontrant Charon, le passeur des Enfers, il essaye de le subjuguer par son chant. Sans succès, il essaye à nouveau mais avec sa lyre : Rendetemi il mio ben, tartarei Numi! (Rendez-moi ma bien aimée, dieux du Tartare !). Charon s'endort et Orphée en profite pour entrer aux Enfers.
- Acte IV : Touchée par la musique d'Orphée, Proserpine, la reine des Enfers, épouse de Pluton, le convainc de laisser partir Eurydice. Pluton acquiesce sous une condition : Orphée ne doit pas se retourner pendant qu'Eurydice le suit sur le chemin du retour à la lumière et à la vie. Il part, Eurydice le suit, mais doutant, il se retourne et voit sa femme disparaître. Découragé, il retourne sur Terre.
- Acte V : Accablé de chagrin, Orphée est emmené au ciel par son père Apollon et devient immortel, à l'égal des dieux. Il pourra voir Eurydice dans les étoiles. Le chœur chante la gloire d'Orphée.
Il y a débat sur l'altération de la part de Monteverdi de la fin écrite par Striggio, où Apollon accompagne son fils au ciel. En effet, dans le livret de Striggio, Orphée meurt, atrocement lacéré par des Ménades qui, voyant qu'il s'est détourné des femmes, décident de le tuer. Ce dénouement tragique n'était pas du goût de l'époque : Monteverdi et Striggio durent modifier la fin. Certes, Orphée ne retrouve pas Eurydice mais il est emmené par Apollon. D'ailleurs, la moresca finale, une danse du ballet céleste, contient des réminiscences de la première fin (Analyse du chef d'orchestre Nikolaus Harnoncourt). (D'après le livret de l'Orfeo dans l'enregistrement de 1968 avec Harnoncourt et le Concentus Musicus Wien, enregistrement Teldec).
Distribution
- La Musica (La Musique), soprano
- Orfeo (Orphée), ténor
- Euridice (Eurydice), soprano
- Messaggiera (la Messagère), soprano
- Speranza (L'Espérance), Contre Ténor
- Caronte (Charon), basse
- Proserpina (Proserpine), soprano
- Plutone (Pluton), basse
- Apollo (Apollon), ténor
- Coro di Ninfe e Pastori (Chœur des Nymphes et des bergers), chœur et soli
- Coro di Spiriti (Chœur des esprits infernaux), chœur et soli
Orchestration
L'Orfeo est connu pour son pouvoir dramatique et son orchestration animée. Monteverdi utilisa 15 violons, 2 altos, 2 grandes flûtes et 2 moyennes, 2 hautbois, 2 cornets à bouquins, 4 trompettes, 5 trombones, 2 clavecins, une harpe, 2 petits orgues, un régale, etc. C'est l'un des premiers exemples d'un compositeur qui assigne des rôles spécifiques aux instruments. L'école vénitienne le faisait déjà pour environ deux décades, mais l'orchestration de L'Orfeo est particulièrement explicite. L'intrigue y est très marquée par les contrastes musicaux et les mélodies y sont linéaires et claires ; beaucoup de chant utilisent la forme de la monodie. Avec cet opéra, Monteverdi créa un nouveau style de musique : le « dramma per musica » ou drame musicale. Cette idée d'oeuvres théâtrales adaptées à la musique vient de l'hypothèse qu'en Grèce antique les pièces de théâtre étaient chantées.
Langage musical
L'Orféo de de Monteverdi marque un tournant dans l'histoire de la musique qui symbolisera la frontière entre la renaissance et l'époque Baroque. Monteverdi pense pour la première fois l'écriture musicale de manière verticale, utilisant des suites d'accords parfaits. Ce procédé de composition marque la naissance de l'harmonie et du langage tonal.
Style
Les opéras de Monteverdi sont souvent classées dans le « pré-Baroque ». La musique d'Italie du nord à l'époque était en transition entre le style de la fin de la Renaissance et le début du Baroque. Les compositeurs progressifs, dont Monteverdi, mélangeaient les styles des importants centres de créativité musicale, comme Florence, Venise et Ferrare.
L'orchestre de Monteverdi
Ce qui suit est une liste des instruments utilisés lors de la première représentation de L'Orfeo à Mantoue en 1607 ; elle se trouve sur la seconde page du livret original (Venise, 1609, seconde édition 1615). Monteverdi requiert parfois une orchestration légèrement différente de celle présente sur la liste.
- Duoi Gravicembani - « deux clavecins ». Gravicembani est une corruption de clavicembali, le terme italien pour les instruments tels que les clavecins, les épinettes, etc ;
- Duoi Contrabassi de Viola - « deux violes de gambe contrebasses » ;
- Dieci Viole da Brazzo - « dix violas da braccio » ;
- Un Arpa doppia - « une harpe double », c'est-à-dire une harpe à double rang de cordes ;
- Duoi Violini piccoli all Francese - « deux petits violons français ». Selon le Grove Dictionnary, deux pochettes[3] ;
- Duoi Chitaroni - « deux chitarrones ». Le chitarrone est un grand luth grave utilisé pour les continuo ;
- Duoi organi di legno - « deux orgues à tuyauterie de bois » ;
- Tre Bassi da gamba - « trois basses da gamba ». Trois basses de viole ;
- Quattro Tromboni - « quatre trombones ». L'orchestration précise cinq trombones ;
- Un Regale - « une régale », ici utilisée pour décrire les Enfers ;
- Duoi Cornetti - « deux cornetts ». Dans l'école vénitienne le cornett était l'instrument préféré pour accompagner les trombones, pouvant jouer plus de notes que la trompette baroque ;
- Un Flautino alla vigesima seconda - « une petite flûte à bec à la vingtième seconde » (sonnant deux octaves au-dessus de la note écrite) ;
- Un clarino con tre Trombe sordine - « une trompette clarino avec trois trompettes en sourdine ».
Discographie sélective
- Le Concentus Musicus Wien dirigé par Nikolaus Harnoncourt - avec Cathy Berberian, Nigel Rogers, Max van Egmond, Lajos Kozma, Rotraud Hansmann (1968, Teldec)
- Coro Antonio Il Verso et Elyma dirigés par Gabriel Garrido - avec Adriana Fernandez, Gloria Banditelli, Victor Torres, Maria Cristina Kiehr (1996, K617)
- Le Concert d'Astrée dirigé par Emmanuelle Haïm - avec Ian Bostridge, Natalie Dessay, Véronique Gens, Alice Coote, Richard Burkhard, Lorenzo Regazzo, Pascal Bertin, Patrizia Ciofi (2004, Virgin Veritas)
- Le Concerto Italiano dirigé par Rinaldo Alessandrini - avec Antonio Abete, Sergio Foresti (2007, Opus 111)
Voir aussi
Références
- (fr) Philippe Beaussant, Le chant d'Orphée selon Monteverdi, Fayard, 2002, 210 p. (ISBN 2-213-61173-4) Livre essentiel pour découvrir l'œuvre en profondeur. Beaussant suit pas à pas chaque déroulement de la musique et du texte (en suivant le disque de G. Garrido).
- (fr) Léo Schrade, Monteverdi, Jean-Claude Lattès 1981, 370 p.
- (fr) Rinaldo Alessandrini, Monteverdi, Actes Sud, 2004, 180 p. (ISBN 2-7427-5181-5)
- (en) John Whenham ; Orfeo, Grove Music Online ed. L. Macy, (accès restreint aux abonnés)
- (en) Adam Carse ; The History of Orchestration, Dover Publications, Inc., New York, 1925, 1964, (ISBN 0486212580)
- (en) Edward Tarr ; The Trumpet, Amadeus Pr, 1978, 1988 (ISBN 0931340136)
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « L'Orfeo ».
Articles connexes
Liens externes
- (fr) Guide d'écoute de l'Opéra : L'Orfeo de Monteverdi
- (it)(fr) [pdf] Texte du livret original, avec traduction française
- Partitions libres de l'Orfeo dans International Music Score Library Project
Notes & références
- ↑ Par l'éditeur Riccardo Amadino (Alessandrini, p. 61). L'année de la création fut publié seulement le livret, pour que chacun des spectateur puisse lire et écouter en même temps le texte (Léo Schrade, Monteverdi, p. 211), avec une fin différente de la partition. (Silke Leopold, texte de présentation de l'enregistrement de G. Garrido, K617 p. 11)
- ↑ P. Kaminski, Mille et un opéras, Fayard, p. 981.
- ↑ New Grove Italian baroque masters (1980, 1984) page 34
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