Nabatéens

Nabatéens
Pétra, la capitale nabatéenne

Les Nabatéens (en arabe : الأنباط al-Anbɑːṭ) étaient un peuple commerçant du sud de la Jordanie et de Canaan, et du nord de l'Arabie, dont les peuplements dans les oasis au temps de Flavius Josèphe ont donné le nom de Nabatène à la région frontalière entre la Syrie et l'Arabie, entre l'Euphrate et la mer Rouge.

Leur capitale était la cité troglodytique de Pétra, située aujourd'hui en territoire jordanien.

Leur commerce se déroulait principalement entre les oasis, où ils pratiquaient l'agriculture de manière intensive. Ces oasis étaient reliées par des routes commerçantes. Les frontières de cet ensemble n'étaient pas précisément définies.

L'empereur romain Trajan soumet les Nabatéens définitivement et les incorpore à l'Empire, où leur culture se dissipe et disparaît.

Sommaire

Culture

La culture nabatéenne est connue grâce aux milliers d'inscriptions retrouvées qui témoignent d'un bon degré d'alphabétisation, bien que l'on n'ait pas de traces d'une littérature[1]. Des analyses onomastiques indiquent que la culture nabatéenne pourrait avoir inclus de nombreuses ethnies.

Des textes antiques sur les Nabatéens suggèrent que leurs routes commerciales et la provenance de leurs produits étaient considérées comme des secrets commerciaux. Diodore de Sicile les décrivit comme une tribu puissante d'environ 10 000 guerriers, prééminente parmi les tribus nomades d'Arabie, évitant l'agriculture, les habitations fixes et l'usage du vin. En plus de leur activité pastorale, ils commerçaient avec les ports. Les marchandises transportées étaient principalement de l'encens, de la myrrhe et des épices d'Arabie heureuse (c'est-à-dire de l'actuel Yémen), ainsi qu'avec l'Égypte (bitume provenant de la mer Rouge).

Leur pays aride était leur meilleure protection contre les envahisseurs. En effet, ils réussirent à leur cacher les citernes collectrices d'eau de pluie, en forme de bouteilles, qu'ils avaient creusées dans la pierre ou dans l'argile.

Les dieux principaux vénérés à Pétra étaient Dusares et Uzza.

Langue

La langue des inscriptions nabatéennes, qui fleurissent durant le IIe siècle av. J.‑C., montre qu'il s'agit d'une modification locale de la langue araméenne, lingua franca qui cesse d'avoir une importance suprarégionale après la fin de l'empire achéménide en -330. L'alphabet nabatéen dérive de l'alphabet araméen. Le nabatéen est fortement influencé par les dialectes arabes, des peuples des environs. Finalement, à partir du IVe siècle l'influence arabe devient prépondérante, le nabatéen glissant de l'araméen à l'arabe. L'alphabet arabe lui-même puise ses origines dans les variantes cursives du nabatéen du Ve siècle. À partir du IIIe siècle, les Nabatéens arrêtent d'écrire en araméen et utilisent le grec à la place.

Histoire

Origines

Les routes commerciales terrestres des Nabatéens.

Les origines des Nabatéens restent obscures. En se basant sur la similarité de leur nom, Saint Jérôme a proposé un lien avec la tribu Nebaioth (de Nebayot, l'aîné des douze fils d'Ismaël) mentionnée dans la Genèse, mais les historiens modernes sont prudents quant à cette interprétation et l'origine des premiers Nabatéens reste mal connue[2]. Une autre hypothèse rapproche leur nom du mot hébreu nabata. À l'époque de Teglath-Phalasar III, les Hébreux appelaient ainsi les Araméens, puis plus tard, il fut employé pour les tribus arabes nomades qui payaient tribut à Assurbanipal.

On estime que les Édomites viennent occuper le site de Pétra dès le Ier millénaire. Ils occupent et aménagent les hauteurs d'Umm el Biyara, où l'on a retrouvé des vestiges de maisons et de citernes datés du VIIe siècle av. J.‑C. Ils fabriquent des textiles et des céramiques de qualité et possèdent une certaine maîtrise dans le travail des métaux.

Avec la captivité à Babylone (à partir de 586 av. J.-C.), débuta en Judée une époque sans pouvoir franchement établi. Les Édomites s'emparèrent du sud de la Judée et les Nabatéens occupèrent vraisemblablement sans heurts le territoire délaissé par ces derniers et poursuivirent leur commerce. C'est en effet à cette époque que des inscriptions nabatéennes sont retrouvées sur le territoire édomite. Cette migration, dont la date reste inconnue, les rendit maîtres des côtes du golfe d'Aqaba et de l'important port d'Elath.

Herodote mentionne un roi des Arabes, allié des Perses, qui aurait aidé Cambyse II dans la conquête de l'Égypte. Il pourrait s'agir déjà des Nabatéens. Selon Agatharchide, au IIIe siècle av. J.-C., les Nabatéens se comportaient en tant que pirates et brigands sur les routes commerciales reliant l'Égypte à l'Orient, jusqu’à ce que les Ptolémées mettent fin à leurs attaques.

Les Nabatéens ont subi très tôt des influences culturelles étrangères, notamment araméennes. L'araméen continua à être la langue utilisée pour leurs pièces et inscriptions quand la tribu devient un royaume, et profita de l'affaiblissement des Séleucides pour étendre leur territoire vers le nord sur les terres fertiles à l'est de la Jordanie. C'est en caractères syriaques (dialecte de l'araméen) que les Nabatéens écrivent une lettre à Antigone II Mattathiah (mort v. -37).

Vers le IVe siècle avant notre ère, les Nabatéens supplantent les Iduméens, et Pétra remplace Bosra, la capitale des Iduméens (Bseira, entre Tafileh et Chôbak). Quand vers 312 av. J.-C., Antigone le Borgne entreprend contre eux une expédition, ils sont décrits comme une peuplade nomade d'environ 10 000 membres. Peu à peu les Nabatéens s'étendent dans le pays de Moab et jusque dans la Damascène.

Pour ménager Antiochus Epiphane, Arétas Ier refuse l'asile au grand prêtre Jason et l'arrête alors que celui-ci avait été contraint de quitter Jérusalem (169 av. J.-C.).

Les Nabatéens encouragent les Macchabées dès que ceux-ci parviennent à se rendre indépendants. Toutefois, les progrès des Nabatéens dans l'Est du Jourdain les font entrer en conflit avec les Juifs.

Lorsque Alexandre Jannée isole Gaza (96 av. J.-.C.), Arétas II voulut secourir la ville, mais celle-ci tombe au bout d'un an de siège, sans que les nabatéens se soient effectivement mis en mouvement. Alexandre Jannée se tourne alors vers la Transjordanie, fait démolir Amathonte et soumet la Galahaditide. Mais Arétas II ou son successeur Obodas Ier, lui tend une embuscade au moment où il attaque le plateau du Golan. Moab et Galaad passent sous le contrôle des Nabatéens (93 av. J.-C.).

Ils occupent la région de l'Hauran, et autour de 85 av. J.-C., leur roi Arétas III devint seigneur de Damas et Cœlé-Syrie. « Nabatéens » devint le nom arabe pour Araméens, à la fois en Syrie et en Irak, un fait qui a été à tort utilisé pour prouver que les Nabatéens étaient des immigrants araméens venant de Babylone. Des noms appropriés sur leurs inscriptions suggèrent qu'ils étaient des Arabes passés sous influence araméenne. Starcky pense que les Nabatu du sud de l'Arabie étaient leurs ancêtres. Cependant, différents groupes parmi les Nabatéens écrivent leurs noms de manière significativement différentes. C'est la raison pour laquelle les archéologues répugnent à dire qu'ils étaient tous de la même tribu, ou qu'un des groupes était les Nabatéens originels.

La période gréco-romaine

Article détaillé : Pétra.
La province romaine d'Arabie pétrée, créée à la place du royaume nabatéen.

Pétra est construite rapidement au Ier siècle av. J.‑C. au temps de la splendeur hellénique, atteignant son apogée avec environ 20 000 habitants[3]. À cette époque, les Nabatéens sont alliés aux premiers Hasmonéens dans leur lutte contre les monarques Séleucides. Ils deviennent ensuite les rivaux des dynasties judéennes. Ces frictions sont une des causes principales des désordres qui conduisent à l'intervention de Pompée en Judée. Beaucoup de nabatéens sont convertis de force au judaisme par le roi hasmonéen Alexandre Jannée[4], qui envahit Moab et Gilead. Le roi Obodas savait qu'Alexandre Jannée allait l'attaquer, et il put donc piéger ses forces près de Gaualne, détruisant ainsi l'armée israélite[5].

L'intervention romaine obtient des résultats mitigés et le roi Arétas III peut garder, en tant que vassal des romains, la plus grande partie de son territoire, y compris Damas. En -62 Marcus Aemilius Scaurus accepte un pot-de-vin de 300 talents pour lever le siège de Pétra, en partie à cause du terrain difficile et en partie parce que ses vivres avaient beaucoup diminué. Hycanus, ami du roi Arétas III, est envoyé par Scaurus pour obtenir la paix. Arétas accepte et garde son territoire, y ajoutant Damas, et il devient vassal de Rome[6].

Sous Malichos Ier, en -32, Hérode Ier le Grand déclare la guerre aux Nabatéens avec l'appui de Cléopâtre. Il saccage et pille la Nabatène avec sa cavalerie et occupe Tell al-Ashari. Les Nabatéens battent en retraite jusqu’à Qanawat (aujourd'hui en Syrie). Athenio, le général de Cléopâtre, envoie les habitants de cette ville attaquer les forces d'Hérode, qui fuient vers Ormiza. Un an plus tard, ces forces battent les Nabatéens[7].

En 36, le roi Arétas IV, furieux que sa fille Phasaelis ait été répudiée par Hérode Antipas pour épouser la célèbre Hérodiade, provoque une bataille sur les territoires disputés de l'ancienne tétrarchie de Philippe[8] et notamment Gamala. Selon Flavius Josèphe, l'armée d'Hérode Antipas est « taillée en pièce à cause de la trahison de transfuges qui, tout en appartenant à la tétrarchie de Philippe (Hérode Philippe qui vient de mourir (en 34)), étaient au service d'Hérode (Antipas) ». Cette trahison est intervenue « en juste vengeance de Jean surnommé Baptiste (Jean Baptiste)[9] » qui venait d'être exécuté par Hérode Antipas.

Après un tremblement de terre en Judée, les Nabatéens se soulèvent et envahissent Israël, mais Hérode traverse le Jourdain à Philadelphie. Les deux camps se retranchent. Les Nabatéens, sous Elthemus, refusent de commencer la bataille, Hérode décide alors d'attaquer leur camp. Les Nabatéens, désorientés, luttent et sont battus. Les survivants battent en retraite, Hérode les poursuit, les assiège et certains se rendent. Les survivants offrent aux forces d'Hérode 500 talents, mais il refuse. Plus tard, les Nabatéens sont forcés de sortir de leur position retranchée, afin de chercher de l'eau, ils sont battus lors de cette dernière bataille[10].

Sous l'Empire romain, les Nabatéens continuent de prospérer au cours du Ier siècle. Leur pouvoir s'étend sur une grande partie de l'Arabie, de la Mer Rouge au Yémen. Malgré un déclin dû à l'émergence de la route commerciale entre Myos Hormos (Myoshormus) et Coptos sur le Nil, Pétra reste un centre commercial cosmopolite. Soumis à la Pax romana, les Nabatéens perdent leurs habitudes guerrières et pastorales et deviennent un peuple pacifique voué au commerce et à l'agriculture.

Sous Trajan, l'influence de Pétra se réduit et les Nabatéens perdent leur indépendance lors de la réduction de leur royaume en province romaine d'Arabie Pétrée.

Au IVe siècle, ils se convertirent au Christianisme. Les nouveaux envahisseurs arabes, qui se faisaient pressants dans la péninsule, trouvent les derniers Nabatéens transformés en fellahun, ou paysans. Ils refusent un temps de se convertir à l'Islam en prétextant qu'ils sont les descendants de Jésus.

Rois nabatéens

Début de règne Fin de règne Nom du souverain
Inconnu
-170 -168 Arétas Ier
Inconnu, Rabbel Ier ?
Vers -120 -96 Arétas II
-96 Vers -85 Obodas Ier, fils d'Arétas II
-84 Vers -62 Arétas III « Philhellène »
-62 -60 Obodas II
-60 -30 Malichos Ier
-30 -9 Obodas III
-9 40 Arétas IV époux des reines Huldu puis Shaqilat Ière
40 70 Malichos II, fils d'Arétas IV et époux de la reine Shaqilat II
70 106 Rabbel II, fils de Malichos II et époux de la reine Gamilat puis d'Hagru

Source[11]

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Christian Augé et Jean-Marie Dentzer, Pétra, la cité des caravanes, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Archéologie », avril 1999 (réimpr. 2001, 2004, 2006), 96 p. (ISBN 2-07-053428-6) 
  • (en) Stephan G. Schmid, The Nabataeans. Travellers between Lifestyles in : B. MacDonald - R. Adams - P. Bienkowski (éds.), The Archaeology of Jordan (Sheffield 2001) 367-426. (ISBN 1841271365)
  • (en) Negev, Avraham ; Nabataean Archaeology Today ; New York University Press ; 1986
  • (en) David Graf, Rome and the Arabian Frontier: from the Nabataeans to the Saracens
  • « Nabat », Encyclopedia of Islam, Volume VII.
  • (en) Stephan G. Schmid ; « The Nabataeans. Travellers between Lifestyles », dans B. MacDonald - R. Adams - P. Bienkowski (éd.), The Archaeology of Jordan ; Sheffield, 2001 ; pages 367-426. (ISBN 1841271365)
  • H. Stierlin, Petra, 2009, Editeur non connu

Sources

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article en anglais intitulé « Nabataeans » (voir la liste des auteurs)

Notes et références

  1. Il n'en est pas fait mention dans l'Antiquité et les temples ne comportent aucune inscription.
  2. (en) Nabataea.net
  3. (en) « City of Stone », Petra: Lost City of Stone, American Museum of Natural History
  4. (en) Johnson, Paul, A History of the Jews, George Weidenfeld & Nicolson Limited, London, 1987
  5. (en) Josephus ; The Jewish War ; 1:87 page 40, traduit par G.A. Williamson à l'anglais en 1959, édité en 1981
  6. Josephus 1:61, page 48
  7. Josephus 1:363-377, pages 75-77
  8. Mort en 34.
  9. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, Livre XVIII, V, 1.
  10. Josephus 1:377-391 pages 78-79
  11. Christian Augé et Jean-Marie Dentzer, Pétra, la cité des caravanes, Gallimard, 1999.

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