Milieu carcéral

Milieu carcéral

Prison

Prison de La Tuilière à Lonay, Vaud, Suisse

Une prison ou pénitencier[1] est un lieu d'emprisonnement ; par extension, le terme prison désigne également la peine d'incarcération.

Les personnes détenues dans une prison sont appelées des prisonniers ou des détenus.

Sommaire

Objectifs

Actuellement

Les buts des prisons varient selon les époques et surtout les sociétés. La plupart du temps, il s'agit :

  • de protéger la société des personnes dangereuses ;
  • de décourager les gens de commettre à nouveau des actes interdits par la loi ;
  • de rééduquer le détenu de manière à le réinsérer ;
  • de faire taire les opposants politiques. Ce but est principalement visé dans les dictatures, mais les démocraties sont parfois, elles-aussi, accusées d'agir de même avec des militants politiques ;
  • d'empêcher des prévenus de prendre la fuite ou de compromettre leur futur procès, on parle alors de détention provisoire.

Autrefois, la prison servait également à enfermer les malades mentaux de manière à les isoler de la société. Depuis, la majorité des pays disposent d'hôpitaux psychiatriques. Mais les prisons contiennent une population relativement importante de personnes ayant des troubles mentaux.

On attribue principalement sept principes à la prison :

  • correction : amendement, remplacement social ;
  • classification : répartition dans des établissements pénitentiaires selon différents critères (âge, sexe, gravité de l'acte, etc.) ;
  • modulation : où le déroulement de la peine passe par différentes étapes (privation de liberté, assignation à résidence suivi de libération conditionnelle avant la liberté) ;
  • travail : comme obligation et comme droit (tout condamné a le droit de travailler plus que l'obligation de travailler), le travail pénitentiaire pourrait contribuer à la réinsertion professionnelle des détenus[2] ;
  • éducation : le traitement d'un condamné a pour but sa resocialisation. Erving Goffman prétendra que, au contraire, ces institutions totales loin de resocialiser les individus, pouvaient provoquer chez lui une déculturation entraînant son incapacité à se réadapter à la société ambiante ;
  • contrôle : nécessite un personnel spécialisé ;
  • institutions annexes : il faut une assistance apportée au détenu lors de sa sortie de prison, au moment de la réelle resocialisation.

Le nombre de personnels d'encadrement est passé de 5% du nombre des détenus au milieu du XIXe siècle à près de 30% de nos jours.

Évolution dans l'Histoire

Le rôle de la prison a évolué à travers l'Histoire. De simple outil de rétention en l'attente d'une peine, il est devenu une peine en soi. Dans certains pays (principalement les démocraties), elle est un outil ayant pour objectif de protéger la société de ses éléments dangereux et de les réinsérer, mais elle peut également être utilisée comme outil de pression politique dans des contextes plus difficiles. Dans les faits, la réinsertion est rarement pleinement atteinte.

Michel Foucault dans son ouvrage Surveiller et punir indique que l'utilisation comme peine sanctionnant la délinquance est un phénomène récent qui s'est réellement institué au cours du XIXe siècle. Alors qu'avant la prison ne servait qu'à retenir les prisonniers dans l'attente d'une véritable peine, supplice, exécution ou bannissement. Les prisonniers étaient retenus dans un même espace avec leurs affaires personnelles et devaient payer leur nourriture. La désorganisation était telle que les suspects d'une même affaire pouvaient facilement s'entendre sur une version des faits avant leur procès.

Michel Foucault cite le grand renfermement ou encore la nef des fous comme exemples particuliers de privation de liberté antérieurs à l'époque moderne. Contrairement à la prison qui établit une peine à la mesure de la faute, il s'agissait de phénomènes d'exclusion où les populations déviantes (délinquants, fous, malades, orphelins, vagabonds, prostituées...) étaient enfermées pêle-mêle en dehors du regard des honnêtes gens sans autre ambition que de les faire disparaître.

L'émergence de la prison s'est faite avec une mise au secret du traitement de la délinquance. Les exécutions publiques se sont tenues dans des lieux de plus en plus discrets jusqu'à être totalement retirées de la vue de la foule. Les supplices considérés comme barbares devaient être remplacés par autre chose. Foucault indique que le choix de la prison était plutôt un choix par défaut, à une époque où la problématique était encore très majoritairement de punir le délinquant ; la privation de liberté était la technique coercitive la plus évidente et la moins barbare qui pouvait être imaginée. Il affirme que dès le début l'efficacité de la prison a été remise en cause.

La prison a immédiatement évolué, elle est devenue ce que Foucault nomme une institution disciplinaire, son organisation visant un contrôle total du prisonnier par une surveillance discrète de tous les instants. Il a trouvé dans l'idée du panoptique de Jeremy Bentham la parfaite illustration de la nouvelle technique carcérale.

L'analyse foucaldienne a cependant été partiellement remise en question et rendue plus complète, notamment avec les travaux de sociologie de l'expérience carcérale de Gilles Chantraine. Pour cet auteur, si le châtiment n'existe plus, il a néanmoins laissé place à une autre forme de châtiment du corps, prenant une forme moins violente et en accord avec les valeurs des démocraties occidentales. En outre, tout comme les lettres de cachets de l'ancien régime le permettaient, la prison reste dans une optique de maîtrise des indésirables, pauvres et rebelles de la société.

Les ambitions pour la prison ont évolué avec le temps. Peu à peu, l'idée que le prisonnier devait réparer le mal qu'il avait fait à la société a pointé dans les esprits. L'emprisonnement devait donc s'accompagner de travail, le délinquant payait en prison une dette, non pas à ses victimes mais à la société tout entière, que son comportement avait lésé. Après avoir fait son temps et payé sa dette le délinquant pouvait ressortir blanchi pour prendre un nouveau départ. Là encore l'application de cet idéal n'a pas été considérée comme une réussite.

Une quatrième vision de la prison comme lieu de rééducation est enfin apparue. La prison avait alors l'ambition de changer les délinquants pour les adapter à la vie normale en société. L'idée forte était celle du redressement, donner une forme adéquate à des délinquants qui auraient poussé de travers.

La prison d'aujourd'hui est un héritage de ces idéaux qui ne s'excluent pas, la prison se justifie plus ou moins en fonction des lieux et des périodes en fonction de ces quatre idéaux de l'enfermement.

Les peines de substitution

La peine de prison peut :

  • coûter cher à la communauté nationale
  • ne pas remplir le rôle qui était prévu.
  • avoir des effets secondaires négatifs. La privation de liberté est durement ressentie par les prisonniers et dans certains cas, la prison peut nuire à la capacité de s'autodéterminer donc à la réinsertion du prisonnier.

Pour ces raisons, la majorité des démocraties prévoient des condamnations à des peines de substitution (appelées aussi peine alternatives) comme :

  • un travail d'intérêt général (appelé "travail communautaire" au Québec) ;
  • le port d'un bracelet électronique de surveillance fixe ou mobile ;
  • une amende (qui peut s'ajouter à l'incarcération - voir les cas de contrainte par corps, allongeant jusqu'à deux mois la peine de prison, notamment dans le cas de trafic de stupéfiants) ;
  • un sursis à la peine de prison : il est souvent assorti d'une mise à l'épreuve (obligation de soins, de travail, de formation, d'indemnisation des parties civiles...). Le non-respect de cette mise à l'épreuve entraîne une révocation du sursis. Le condamné va alors purger sa peine ferme dans un établissement pénitentiaire. À celle-ci s'ajoutera éventuellement sa nouvelle peine ;
  • un ajournement de peine ;
  • un placement extérieur ;
  • la confiscation des objets ayant permis la réalisation des infractions.

Droit

Porte de prison à l’ancienne

Aujourd'hui, dans la majorité des pays, la seule autorité pouvant mettre en prison une personne est la justice. Cependant, d'autres formes de privation de liberté peuvent, selon les pays, être décidées par d'autres autorités (police, armée, douanes, médecins...).

Prison et droits de l'homme

Les quatre droits fondamentaux de l'homme sont, d'après la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression; le premier de ces droits est - par nature même - suspendu pendant la durée d'une peine carcérale. Mais le deuxième et le troisième (propriété et sûreté, c'est-à-dire la protection contre un emprisonnement arbitraire) sont quant à eux garantis, une fois effectués les paiements de dommage et intérêts aux victimes en ce qui concerne la propriété. En théorie, l'incarcération ne doit porter atteinte qu'à la liberté d'aller et venir[réf. nécessaire]. En pratique, la peine de prison pèse sur de nombreux droit fondamentaux (expression, vie de famille, droits civiques, intimité, dignité). Progressivement, les détenus acquièrent le droit de contester les décisions de l'administration pénitentiaire.

Critiques

Mur d'une prison française, à Villeneuve-les-Maguelone

La prison est régulièrement critiquée pour différentes raisons. Il est important de séparer les différents mouvements contestataires.

La vie dans les prisons

Pour ses conditions de vie très dures, parfois inhumaines, ainsi que pour le manque de moyens donné à l'institution carcérale tant au niveau du personnel que du matériel, des associations comme l'Observatoire international des prisons (OIP), Ban Public luttent pour l'humanisation des conditions de détention (voir Otto Kirchheimer et Georg Rusche sur la notion de less eligibility dans leur livre Peine et structure sociale. Quelques universitaires (comme Martine Herzog-Evans, Eric Péchillon ou Jean-Paul Céré) travaillent à faire émerger un droit pénitentiaire permettant un contrôle effectif des conditions de détention et une réflexion sur le sens de la peine. Cette notion explique pourquoi les conditions dans les prisons s'améliorent, mais restent souvent inférieures au niveau de vie des plus pauvres ouvriers en ce qui concerne les pays les plus pauvres, et pour la normalisation du système pénitentiaire (extension de la sphère judiciaire dans le monde carcéral).

Prison en Amérique latine

Les critiques et opposants à la prison évoquent souvent une citation généralement attribuée à Albert Camus : « Une société se juge à l'état de ses prisons » ou « l'État de droit ne doit pas cesser à la porte des prisons ».

Abolitionnisme

Certains mouvements, qualifiés d'abolitionnistes s'opposent au principe même de la prison.

La lutte pour l'abolition des prisons a été très forte en France à la fin des années 1970, avec la création par des intellectuels (Michel Foucault, Pierre Vidal-Naquet, etc.) du Groupe d'information sur les prisons (GIP), puis du Comité d'action des prisonniers (CAP) par des détenus et des ex-détenus.

Certains, comme Thierry Lévy, pensent que les nouvelles technologies biométriques permettraient de se passer de la prison, tout en effectuant un contrôle réel et pénible sur les condamnés. Il existe une inspiration libertaire qui depuis longtemps, milite contre l'institution même de la prison, en tant qu'instrument au profit de l'exploitation. C'est dans cet état d'esprit qu'on retrouve les arguments du biologiste Thierry Lodé ou de Catherine Baker, qui estiment que la prison est une institution néfaste et liberticide [3].

Réductionnisme

À la différence du courant précédent, les réductionnistes ne veulent pas supprimer la prison, mais la réserver aux personnes les plus dangereuses. Partant du principe que la prison est la peine la plus chère (elle coûte 1 600 € par mois et par détenu en France au début du XXIe siècle), la moins efficace (les taux de récidive à la sortie sont plus importants que pour toute autre alternative à l'incarcération) et celle qui désocialise le plus les individus au lieu de permettre leur réinsertion, les réductionnistes proposent de recourir en priorité aux alternatives à l'incarcération (obligation de soins, suivi socio-éducatif, travail d'intérêt général, amende, suspension du permis de conduire, sursis avec mise à l'épreuve, etc) pour la très grande majorité de détenus qui ne sont condamnés qu'à de très courtes peines de prison (la durée moyenne d'incarcération est de huit mois). La prison serait alors seulement le dernier recours.

Les mutins

Aujourd'hui, les idées abolitionnistes sont défendues surtout dans des mouvements de prisonniers, des mutineries et les textes de revendication qui sont alors publiées (voir notamment Daniel Koehl, Révolte à perpétuité sur la mutinerie de Saint-Maur).

Notes et références

  1. ce dernier terme est un québécisme désignant les établissement accueillants les personnes condamnées à plus de deux ans d'emprisonnement
  2. Marc Baader et Evelyne Shea, « Le travail pénitentiaire, un outil efficace de lutte contre la récidive ? », dans Champ pénal, vol. IV, 2007 (ISSN 1777-5272) [texte intégral] .
  3. (fr) Catherine Baker, Pourquoi faudrait-il punir ?, tahin party, Lyon, 2004, 192 p. (ISBN 2-912631-11-4) [présentation en ligne] 

Voir aussi

Bibliographie

Film

Articles connexes

Sociologie
Lieu de détention et d'emprisonnement
Organisme
Prison dans le monde
Taux d'incarcération par pays
France
Divers

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