Maurice Maindron

Maurice Maindron

Maurice Maindron (né à Paris en 1857, mort en 1911) est un entomologiste français.

Fils de l’ingénieur et sculpteur Hippolyte Maindron[1], Maurice Maindron naît à Paris et montre tout jeune un goût très vif pour l’histoire naturelle, et spécialement pour l’entomologie. Il fréquente dès 1875 le Laboratoire du Muséum national d'histoire naturelle, où Jules Künckel d'Herculais le présente à Émile Blanchard, et où il est embauché pour ranger les hyménoptères. Avant l’âge de 20 ans, il s’embarque avec Achille Raffray pour la Nouvelle-Guinée (1876-1877)[2]. Il rejoignit en 1878 la Société entomologique de France, avant de s'embarquer pour une série de missions qui le menèrent au Sénégal (1879), en Inde (1880-1881), en Indonésie (1884-1885), à Obock et en Somalie (1893), au Pakistan et en Arabie (1896), de nouveau en Inde (1900-1901) et encore au Sénégal (1904). Plusieurs de ces missions étaient, au moins en partie, financées par le Muséum, et Maindron devait récolter insectes et autres animaux pour les collections nationales.

Sommaire

Vulgarisateur

À Paris, Maindron vit de sa plume. Après un premier ouvrage sur Les Armes (1890), c’est la vulgarisation scientifique qui l’occupe surtout, pour laquelle il produit de très nombreux travaux : outre des dizaines d’articles parus dans diverses revues (La Nature, Le Musée des Familles, La Revue horticole, etc.), et quelques ouvrages tels Les Papillons (1888), Les Hôtes d’une maison parisienne (1891), ou Le Naturaliste amateur (1897), il collabore, de 1886 à 1890, au deuxième Supplément du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse, où il donne plus de 1000 articles de zoologie. Pendant la même période, il rédige tous les articles d’histoire naturelle, soit environ 20 000, pour la nouvelle édition du Dictionnaire des Dictionnaires de Napoléon Landais. À partir de 1894, il est attaché à La Grande Encyclopédie de Marcellin Berthelot, où il donne les articles d’entomologie à partir de la lettre H, et tous ceux sur les armes anciennes depuis la lettre E. Enfin, il est l’auteur d’un nombre immense d’articles de zoologie et d’archéologie contenus dans les sept volumes et le supplément du Nouveau Larousse illustré (1897-1906).

Entomologiste

Après les hyménoptères, il se consacre à l'étude des coléoptères, spécialement les cicindèles et carabiques du globe, groupes auxquels il se consacrera pendant le reste de sa vie. Il en réunit une collection très complète et leur consacre régulièrement des publications scientifiques. Son statut est celui d’un amateur, mais il semble qu’il ait envisagé une carrière professionnelle. En tout cas, il rédige en 1895 une notice de travaux scientifiques. Peut-être espérait-il que Künckel d’Herculais succède à Blanchard, ce qui aurait libéré un poste d’assistant auquel lui-même aurait pu être candidat. Mais l’affaire tourna court : le poste de Professeur échut à Émile Bouvier, et Maindron ne fut jamais nommé au Muséum. Cet épisode joua un certain rôle dans la méfiance que, tout le reste de sa vie, il montrera vis-à-vis de l’établissement et de certains membres de son personnel.

Littérateur

Ayant abandonné l’idée d’obtenir un poste au Muséum, il se tourne vers la littérature, et publie — dès cette même année 1895 — un premier roman historique, qui sera couronné par l’Académie française : Le Tournoi de Vauplassans.

Les titres se succèdent ensuite régulièrement, qu’il s’agisse de romans ou de recueils de nouvelles : Saint-Cendre (1898), Récits du Temps passé (1899), Blancador l’Avantageux (1901), Monsieur de Clérambon (1904), L’Arbre de Science (1906), Le Carquois (1907), La Gardienne de l’Idole noire (1910), Ce bon M. de Véragues (1911). S’y ajoutent un volume sur l’art indien (1898), une pièce de théâtre (1905), un Dictionnaire du costume du moyen âge au XIXe siècle (1907), des souvenirs de voyage dans l’Inde du Sud (1907 et 1909), ainsi que de nombreuses nouvelles pour un public adulte et des récits d’aventures pour la jeunesse, comme Le Scarabée d’ambre (1897).

Il écrit aussi des articles et donne des conférences sur les sujets les plus variés : histoire (la mort de Jeanne d’Arc, les alchimistes, Marie Stuart, etc.), sur les arts appliqués, et notamment les armes, sur les contrées que ses voyages lui avaient permis de connaître (la Nouvelle-Guinée, le Sud de l’Inde, le Sénégal et Djibouti), voire sur des questions politiques (« Le sacerdoce de l’instituteur et l’ordination laïque »), ou sur des sujets d’actualité qui le touchaient particulièrement (« Un poète de l’entomologie : Jean-Henri Fabre »[3]).

Vie privée

Grâce à son activité littéraire, Maindron se fit apprécier de José-Maria de Heredia, l’illustre auteur des Trophées (1893), dont le rapprochait aussi un goût commun pour l’érudition, pour la Renaissance, ainsi que pour les armes et armures. Il sut aussi plaire à l’aînée des trois filles du poète, Hélène-Élisabeth de Heredia (1871-1952), qu’il épousa en 1899. Ses deux beaux-frères étaient Henri de Régnier et Pierre Louÿs. À partir de ce moment, on devine un changement dans la fortune de Maindron. Il est possible que José-Maria de Heredia ait tenu à doter convenablement sa fille aînée, et cela malgré une impécuniosité chronique, encore accentuée par les dettes de jeu. En tout cas, le jeune ménage s’installe dans un vieil hôtel du quai Bourbon, où Maindron peut déployer sa bibliothèque, ses collections d’insectes, d’armes et d’objets d’art. Sa vie devient plus brillante. En 1900, il est nommé chevalier de la Légion d’Honneur.

L'arbre de Science

Dans l’œuvre littéraire de Maurice Maindron, partagée entre des récits historiques placés pour la plupart à l’époque des guerres de religion, et quelques autres textes souvent d’inspiration exotique et situés dans les contrées d’Asie qu’il affectionnait, un seul ouvrage est qualifié de « roman moderne » et semble bien, au moins en partie, autobiographique : L’Arbre de Science[4],[5], publié en 1906 mais dont l’action paraît se situer en 1898-1899. Pour les naturalistes, ce texte est un classique, car il est le seul roman qui ait jamais été consacré au Muséum. L’intrigue en est simple : elle décrit l’ascension irrésistible d’un jeune arriviste, Lionel Gauguet, aide-naturaliste, qui parvient, grâce à ses appuis politiques et mondains, et en usurpant les travaux d’autrui, à obtenir à l’âge de vingt-sept ans la chaire de mammalogie de l’ « Institut zoologique » (où l’on peut reconnaître le Muséum, plus précisément la Galerie de Zoologie, ouverte en 1889). Chemin faisant, le roman brosse de toute la société de l’époque un tableau pittoresque, centré sur le Muséum d’Histoire naturelle, ses laboratoires, ses cours et démonstrations, ses professeurs, assistants, préparateurs et « voyageurs-naturalistes ». Maindron faisait partie de ses derniers, dont il décrit précisément le statut professionnel et social. Au passage aussi, le roman offre un certain nombre de croquis du plus haut intérêt, comme les séances de la « Société carcinologique » (c’est-à-dire la Société entomologique de France), avec ses figures d’amateurs à la fois ridicules et familières ; comme aussi, dans un genre plus grave, plusieurs scènes où l’auteur dépeint le manque de scrupule et la bassesse de certains personnages, prêts à tout pour nuire à leurs adversaires, réels ou supposés, et pour « arriver » . En somme, L’Arbre de science offre un témoignage unique, même s’il est déformé et brouillé par les obsessions et les rancunes de son auteur, de ce que pouvaient être, il y a cent ans, le Muséum, ses enjeux, ses pratiques et ses hommes — célèbres ou complètement oubliés.

Fin de vie

En 1910, il s’en fallut de peu que Maindron ne soit élu à l’Académie française; mais Heredia, mort en 1905, n’était plus là pour appuyer sa candidature. Il est probable aussi qu’Edmond Perrier (1844-1921), directeur du Muséum, membre de l’Académie des Sciences, très puissant à l’Institut, et qui ne pardonnait pas à Maindron de l’avoir férocement caricaturé dans L’Arbre de science sous le nom de Mirifisc, ait joué un rôle dans cet échec. Maindron trouva une certaine consolation, la même année, dans son élection à la présidence de la Société entomologique de France, qui lui causa — dit son biographe — « une joie réelle ».

Il mourut l’année suivante, peut-être des suites d’une maladie contractée sous les tropiques. Sa collection d’insectes est conservée au Muséum national d'histoire naturelle (service d’Entomologie).

Références

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Notes

  1. Hippolyte Maindron (1801-1884), ingénieur des Arts et Métiers, est l’auteur de nombreuses sculptures, notamment une Velleda, qui orne depuis 1844 le Jardin du Luxembourg, et qui le rendit célèbre.
  2. Voir Raffray (Achille), « Voyage à la côte nord de la Nouvelle-Guinée », Bulletin de la Société de Géographie, mai 1878, p. 385-417, carte dépl.
  3. voir Jean-Henri Fabre
  4. Maindron (Maurice), L’Arbre de science, roman moderne, Paris : Alphonse Lemerre, 1906, in-18 jésus, (viii) + 448 p.
  5. Le Mercure de France du 15-VII-1906 publia (p. 254-255) une élégante critique de ce livre, signée « Rachilde » : Un gros volume qui n’a rien sacrifié à la coquetterie romanesque, mais qui semble formé de sérieux documents humains. Tous ces grands naturalistes (de l’espèce empailleurs) sont aux prises, se tenaillant les uns les autres du bout de leurs pinces à disséquer. C’est la coutumière lutte pour les emplois et les honneurs où les jeunes gonflés au soleil de la publicité parisienne s’efforcent de passer sur les ventres maigres des anciens séchés par tous les vents du désert. (...) Le type sympathique de l’abbé Verteville se laissant dépouiller, par pure bonhomie, de son histoire de la descendance porcine, doit être connu et même facile à reconnaître, car il y a une clé sur la serrure, cela se sent. (...) Il faut citer la délicieuse anecdote du lamantin [dont les membres postérieurs ont disparu]. Pour la gouverne de ceux qui ne sauraient pas ce que c’est qu’un lamantin, disons tout de suite que cet animal, de la famille des baleines, représente, de nos jours, le dernier échantillon de la sirène antique. J’entends d’ici Lionel Gauguet [un des personnages principaux du roman], enseignant les jolies sirènes modernes dans une conférence scientifico-fantaisiste, affirmant que lamantin vient de lamentation et rappelant, avec des effets de cravate, que le chant des sirènes peut être aussi rempli de sanglots. (le trait final est une allusion à Heredia, le premier sonnet des Trophées se terminant par le vers célèbre : « La Mer qui se lamente en pleurant les Sirènes »).

Bibliographie

  • Desbordes (Henri), « Notice nécrologique sur Maurice Maindron », Annales de la Société entomologique de France, LXXX, 1911, p. 503-510, pl. photogr.
  • On trouvera une liste de ses œuvres littéraires dans Talvart (H.) & Place (J.), Bibliographie des auteurs modernes de langue française (1801-1956), tome 13, Paris : Édition de la Chronique des Lettres françaises, Horizons de France, 1956, p. 74-80.
  • Notice sur les travaux scientifiques de G.-R. Maurice Maindron, Paris : Librairies-Imprimeries réunies, May et Motteroz, 1895, in-4°, 19 p.
  • Sur José Maria de Heredia et sa famille, voir Bona (Dominique), Les Yeux noirs : les vies extraordinaires des sœurs Heredia, Paris : J.-C. Lattès, 1989, 369 p.
  • Cf. la lettre de Bonnereau à l’abbé Verteville (p. 314). Le décès prématuré de Désiré Rimoulard, que le roman met en scène avec une certaine allégresse (p. 389 et suivantes), est évidemment une transposition de celui de Charles Brongniart (18 avril 1899).

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