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Louis-Georges Tin
Louis-Georges Tin (né en 1974 en Martinique) est un intellectuel français très impliqué dans la lutte contre l'homophobie et contre le racisme. Ancien élève de l'École normale supérieure, il est agrégé et docteur ès lettres. Il est actuellement maître de conférences à l’IUFM d’Orléans et dirige une collection de livres en sciences humaines aux Éditions Autrement, "Sexe en tous genres". Parallèlement, avec Ariel Martin, il anime sur Libération un blog qui s'intitule "L'Observatoire de l'hétérosexualité".
Louis-Georges Tin est un homme engagé, soucieux de faire le lien entre l'Université et la Cité, entre les enjeux savants et les enjeux militants. Son parcours est à la fois celui d'un universitaire classique, dans la grande tradition française (lycée Henri-IV, Normale Sup', agrégation de lettres, thèse sur la tragédie au XVIe siècle, etc.), mais aussi d'un intellectuel atypique, prenant des positions inattendues, à contre-courant souvent de la pensée dominante.
La science sociale ayant pour but de « rendre visibles les choses invisibles » et de changer la perspective sur le monde, Louis-Georges Tin tente souvent de prendre les questions ordinaires à rebours. Ainsi, à partir de 1998, à une époque où l'enjeu des associations ou des intellectuels homosexuels concernait principalement l'identité ou la culture gaie et lesbienne, il décide de penser le problème à l'envers en posant plutôt la question de l'homophobie. En effet, pour lui, le problème n'est pas l'homosexualité, mais l'homophobie.
Renverser la perspective, c'est aussi cette même démarche qui le pousse ensuite à travailler non plus sur l'homosexualité, ni même l'homophobie, mais sur l'hétérosexualité. C'est pourquoi il publie en 2008 L'Invention de la culture hétérosexuelle, ouvrage dans lequel il affirme que l'hétérosexualité est à la fois « le point de vue sur le monde » et « le point aveugle de ce point de vue ».
C'est cette même logique qui l'a conduit également à poser au sein du CRAN, puis de la société française, la question noire. En effet, jusqu'alors, les intellectuels et les associations en France parlaient beaucoup du racisme mais très peu des personnes qui en étaient les victimes ordinaires - les noirs, entre autres - qui demeuraient étrangement invisibles. Dès lors, en tant que porte-parole du CRAN, Louis-Georges Tin n'a cessé de parler de la question noire dans les médias, non seulement du point de vue de l'identité, mais aussi du point de vue socio-économique, de manière à articuler reconnaissance et redistribution.
Sommaire
Lutte contre l'homophobie
En 1997, Louis-Georges Tin devient co-fondateur d'Homonormalités, association gaie et lesbienne de l'École normale supérieure.
En 2003, il dirige le Dictionnaire de l'homophobie, livre collectif rassemblant 75 auteurs, publié aux Presses universitaires de France, avec une préface de Bertrand Delanoë. Cette encyclopédie constitue une mine d'informations sur l'homophobie à travers le monde. Les articles ainsi réunis analysent l'homophobie à travers les théories utilisées (de la théologie à la psychanalyse en passant par la biologie ou l'anthropologie), les principales figures de l'homophobie, qu'il s'agisse des victimes (comme Oscar Wilde ou Matthew Shepard) ou au contraire des homophobes notoires, les milieux sociaux où l'homophobie agit de manière particulière (famille, école, police, sport, etc.), les thèmes ordinaires de la rhétorique homophobe (anormal, débauche, sida, stérilité, etc), les divers pays ou régions du monde (France, Allemagne, Japon, Inde, Moyen-Orient, Océanie, etc.)
En 2004, il fonde An Nou Allé, association des noirs LGBT (lesbiennes, gais, bi et trans) de France.
En 2005, il lance la journée mondiale de lutte contre l'homophobie, organisée par le Comité IDAHO (International Day Against Homophobia), dont il est le président. Cette Journée est célébrée de fait dans plus de 50 pays à travers le monde. Elle est reconnue officiellement par le Parlement européen, par la Belgique, le Royaume-Uni, la France, le Mexique et le Costa Rica.
En 2006, il lance un appel « Pour une dépénalisation universelle de l’homosexualité ». Le texte recueille les signatures de plusieurs prix Nobel (Desmond Tutu, Elfriede Jelinek, Dario Fo, Amartya Sen, José Saramago), et d'autres personnalités du monde des arts, du monde intellectuel ou de la politique (Meryl Streep, Victoria Abril, Cindy Lauper, Elton John, David Bowie, Noam Chomsky, Taslima Nasreen, Judith Butler, Bernard-Henri Levy, Jacques Delors, Robert Badinter, Thomas Hammarberg, etc.)
Les 26 et 27 Mai 2006, Louis-Georges Tin se rendit à Moscou ou il coorganisa avec Nikolai Alekseev la 1ere Conférence Internationale de l'IDAHO en même temps que la premiere tentative d'organiser une gay pride à Moscou. Il est un des personnages du documentaire Moscow Pride '06 réalisé à cette occasion
Le 18 décembre 2008, cette campagne du Comité IDAHO aboutit à une Déclaration historique à l'Assemblée générale des Nations unies sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre visant à la dépénalisation de l'homosexualité.
En 2008, il publie aussi un ouvrage intitulé L'invention de la culture hétérosexuelle. Comme il l'affirme lui-même, il s'agit de sortir l'hétérosexualité de "l'ordre de la Nature" pour la faire entrer dans "l'ordre du Temps", c'est-à-dire dans l'Histoire. Ce livre explique la construction sociale de la culture hétérosexuelle à partir du XIIème siècle dans l'Occident chrétien. L'auteur montre comment les pouvoirs dominants de l'époque, la chevalerie, l'Église et, dans une moindre mesure, la médecine, se sont opposés à la valorisation culturelle du couple homme-femme, dont l'émergence coïncide avec la société courtoise. Auparavant, les relations entre hommes étaient les plus mises en valeur, comme la relation d'amitié qui lie un suzerain à son vassal. La valorisation des relations hommes-femmes entraine alors une double contrainte : passer du temps en companie d'une femme équivaut à laisser tomber la companie des hommes, et vice versa. Ce paradoxe renforce deux phénomènes qui permettent de dépasser cette contradiction : le culte marial et le mariage. Ces deux phénomènes s'accordent bien avec le dogme chrétien car ils valorisent respectivement un amour sans sexualité, et un amour où la sexualité est contrôlée.
Ce livre est le premier volume d'une trilogie que projette Louis-Georges Tin sur l'histoire de l'hétérosexualité.
Lutte pour la « cause noire »
En 2004, Louis-Georges Tin adhère au Capdiv (Cercle d'action et de promotion de la diversité en France), et avec son ami Patrick Lozès, lance l'idée d'une fédération des associations noires de France. Le 26 novembre 2006, est lancé à l'Assemblée nationale le CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France), dont il devient porte-parole et vice-président. Le mouvement s'engage très activement contre les discriminations raciales en promouvant notamment l'usage des "statistiques de la diversité" et en relançant le débat en France sur cette question.
L'apport singulier du CRAN, et singulièrement de Louis-Georges Tin, est d'avoir placé la question « noire » au sein du débat public. Depuis 30 ans, en France, le mot était devenu tabou. On ne parlait pas des "noirs", on ne les voyait pas, on n'en discutait pas. En 2004, au sein du Capdiv, Louis-Georges Tin propose d'utiliser vraiment le mot, lequel est ensuite inscrit dans le nom de la fédération créée quelques mois plus tard : lorsque le CRAN est lancé à l'Assemblée nationale le 26 novembre 2005, le mot "noir" est repris par les médias, à la Une du Monde et de Libération notamment.
Le débat sur la « question noire », c'est une question de mots, mais aussi de chiffres. En janvier 2007, le CRAN publie une enquête commandée à la SOFRES en une du Parisien. Ce sondage permet de donner une estimation chiffrée sur le nombre de noirs en France, leur position sociale et leur expérience de la discrimination. Surtout, dans le contexte de la présidentielle, elle relance le débat sur les "statistiques de la diversité". Tandis que certains craignent un risque de racialisation de la société française, pour le CRAN, elles sont indispensables pour mesurer et lutter contre les discriminations. Toujours selon le CRAN, elles doivent être utilisées de manière anonyme, auto-déclarative et facultative.
Publications
- L'Invention de la culture hétérosexuelle, Éd. Autrement, 2008.
- Homosexualités. Expression/répression, Louis-Georges Tin et Geneviève Pastre, Stock, 2000.
- Dictionnaire de l'homophobie sous la direction de Louis-Georges Tin, Puf, 2003.
- Vivre à midi de Jean-Louis Bory, préface de Louis-Georges Tin, H&o.
- Le Théâtre catholique en France (en collaboration avec Henry Phillips et Aude Pichon), Champion, 2006)
- Anthologie de la poésie du XVIe siècle (en collaboration avec Jean Céard), Gallimard, 2005.
- La guerre de Troie n'aura pas lieu de Jean Giraudoux. Étude du texte, Louis-Georges Tin, Breal.
- Dom Juan de Molière. Étude du texte, Louis-Georges Tin, Breal.
- Séquence bac français 2e 1re histoire littéraire, édition 2000, Louis-Georges Tin, Breal.
Prix
Ses engagements en faveur des droits de l'Homme ont été salués par plusieurs prix à travers le monde.
- 2005 : prix Homoedu de l'homme de l'année
- 2005 : Golden Tupilak Award (Stockholm)
- 2006 : Tolerantia Award (Berlin)
- 2006 : Grizzly Award (Moscou)
- 2008 : prix de l'homme de l'année (Moscou)
Citations
"Le problème n'est pas l'homosexualité, c'est l'homophobie."
"L'hétérosexualité est en général le point de vue, et donc le point aveugle de toute vision."
"Nous appartenons presque tous à des minorités, c'est-à-dire à des groupes minorés, dominés : que l'on soit femme, campagnard, banlieusard, provincial, jeune, vieux, homosexuel, juif, noir, arabe, handicapé, etc. La plupart des gens appartiennent à un, et souvent à plusieurs groupes dominés. En cela, je ne lutte pas pour les minorités, je lutte contre les minorations, c'est-à-dire contre ce travail social très particulier qui vise à constituer comme inférieurs certains individus et certains groupes sociaux."
Voir aussi
Liens externes
- Portail LGBT
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