Liturgie orientale

Liturgie orientale

Églises catholiques orientales

Les Églises catholiques orientales forment une des branches des Églises chrétiennes orientales. Elles se caractérisent par le fait d'être en communion avec l'évêque de Rome (le Pape), dont elles reconnaissent la primauté, et d'utiliser les rites liturgiques orientaux (copte, syriaque occidental, maronite, syriaque oriental, byzantin, arménien, guèze), plus ou moins latinisés. Elles sont définies dans la terminologie catholique comme étant des Églises particulières (sui iuris), membres avec l'Église latine de l' « Église catholique ». Elles ont été fondées en Europe centrale et orientale, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord-Est ou en Inde méridionale entre le XIIe siècle et le XXe siècle par détachement d'une partie des Églises orientales dans un contexte global d'activité missionnaire, de propagande et d'influence diplomatique de l'Église catholique romaine. Les Églises catholiques orientales conservent leurs rites orientaux et continuent à ordonner prêtres les hommes mariés, mais sont partie intégrante de l'église catholique dont elles acceptent la théologie (purgatoire, filioque) et où elles sont nommées : Églises orientales catholiques. Aujourd'hui, avec la diaspora de leurs pays d'origine, elles sont également implantées en Europe occidentale, en Amérique et en Océanie.

Se placer dans la juridiction de l'Église de Rome avait l'avantage, pour les fidèles concernés, soit d'en faire des sujets à part entière dans les états catholiques tels que la Pologne ou l'Empire d'Autriche où les orthodoxes étaient des sujets de second ordre, soit de les placer sous une protection européenne dans les états musulmans déclinants tels l'Empire ottoman. C'est pourquoi les églises gréco-catholiques font l'objet de débats et de critiques depuis leur origine, tant dans l'Église catholique où tous les fidèles n'acceptent pas leurs spécificités, que de la part des Églises orthodoxes qui les considèrent comme des dissidences, responsables de leur propre affaiblissement. Ces critiques portent sur leur identité, en particulier sur leur niveau d’autonomie, sur les conditions de leur formation et de développement, ainsi que sur la légitimité de leur allégeance, à une période où la politique officielle du Vatican est le dialogue œcuménique et le respect des Églises orientales (notamment après le concile Vatican II).

Sommaire

Terminologie

Les Églises catholiques orientales sont également connues sous d'autres noms :

  • Églises orientales catholiques (terme catholique)
  • Églises grecques-catholiques ou gréco-catholiques (termes utilisés pour les Églises catholiques de rite byzantin uniquement)
  • Églises uniates

Le terme uniate

Le terme « uniate » qui a longtemps servi à désigner les Églises catholiques orientales est aujourd'hui surtout utilisé par les orthodoxes. Il a alors le plus souvent une connotation péjorative pour les catholiques.[1]

Il est cependant celui utilisé par des historiens qui ne voient aucune objection à maintenir la distinction entre les églises de théologie orientale et les "églises de rite oriental", c'est à dire dont seules les apparences (liturgie, paramentique, langue liturgique, musique) demeurent orientales mais dont la théologie et l'ecclésiologie qui en faisaient l'originalité a disparu.

Histoire

Contexte général

La séparation entre l'Église de Rome et les Églises byzantines, en premier l'Église de Constantinople, a été symbolisée par les spectaculaires excommunications mutuelles du patriarche œcuménique Michel Ier Cérulaire et le légat du pape Humbert de Moyenmoûtier en 1054. Cette séparation deviendra définitive dans les esprits en Orient après les Croisades et le sac de Constantinople par les Latins en 1204. Les tentatives d'union lors du deuxième concile de Lyon en 1274, puis lors du concile de Ferrare-Florence en 1438-1442, n'aboutirent pas.

L'Église de Rome développa ensuite une ecclésiologique qui insistait sur l'autorité et la compétence directe du pape sur toutes les Églises locales. Par conséquent, les Églises qui n’étaient pas sous la juridiction papale pouvaient être sujettes de l'activité missionnaire dans le but de les mettre en communion avec Rome.

Cette activité missionnaire fut entreprise en direction de toutes les Églises orientales, souvent avec l'appui des puissances catholiques (en particulier de la France qui se fera reconnaître une sorte de protectorat religieux sur les chrétiens orientaux de l'Empire ottoman). Le résultat fut, d'une part, l'établissement de hiérarchies et le développement de communautés latines (patriarcat latin de Jérusalem, patriarcat latin d'Antioche, puis un peu plus tard, patriarcat latin de Constantinople), d'autre part, la constitution d'Églises orientales « unies » à Rome, par ralliement d'une partie du clergé et des fidèles des Églises « séparées ». Ainsi, au fil du temps, un « pendant catholique, uni à Rome » a été constitué à côté de chacune des Églises orientales[2].

Éléments de chronologie

Églises du Moyen-Orient

Patriarche et évêques maronites à Rome en 1906

1182 Union à Rome de l'Église maronite d'Antioche (patriarcat d'Antioche indépendant établi au VIIIe siècle) au moment des Croisades[3].

1553 Établissement de l'Église catholique chaldéenne par scission de l'Église de l'Orient (définitivement établie seulement en 1830).

1662 Établissement de l'Église catholique syriaque par scission de l'Église syriaque d'Antioche (définitivement établie seulement en 1783).

1724 Établissement de l'Église catholique melkite par scission de l'Église melkite d'Antioche.

1740 Établissement de l'Église catholique arménienne par scission du Catholicossat arménien de Cilicie (après une union formelle au moment des Croisades).

Églises d'Europe centrale et orientale

1595-1596, Union de Brest : Décision de la Métropole de Kiev-Galicie et de toute la Russie, de rompre ses relations avec l'Église de Constantinople pour se placer sous la juridiction de Rome. La Ruthénie faisait alors partie de la République des Deux Nations (Pologne catholique). / Établissement de l'Église grecque-catholique ukrainienne. Une hiérarchie orthodoxe fut rapidement reconstituée.

1646, Union d'Oujgorod : Décision de 63 prêtres orthodoxes de Ruthénie subcarpatique de se placer sous la juridiction de Rome. La Ruthénie subcarpatique faisait alors partie du royaume de Hongrie. / Établissement de l'Église grecque-catholique ruthène.

1698, Synode d'Alba Iulia : Union à Rome des Roumains orthodoxes de Transylvanie alors sous la domination directe des Habsbourg. / Établissement de l'Église grecque-catholique roumaine.

1946 Rattachement forcé des Églises grecques-catholiques ukrainienne et ruthène à l'Église orthodoxe russe (en URSS). L'Église continue d'exister dans la diaspora (et clandestinement en Ukraine).

1948 Rattachement forcé de l'Église grecque-catholique roumaine à l'Église orthodoxe roumaine (en Roumanie). L'Église uniate continue d'exister dans la diaspora (et clandestinement en Roumanie).

1989 Rétablissement des Églises grecques-catholiques ukrainienne et roumaine, mais les autorités de ces deux pays à majorité orthodoxe refusent de leur restituer les biens confisqués (monastères, églises, écoles) et attribués aux Églises orthodoxes.

Églises d'Inde

Le christianisme s'est implanté très tôt en Inde, particulièrement dans le Sud-Ouest de l'Inde (actuel État du Kerala). La tradition locale fait remonter l'origine de l'Église de Malabar à l'apôtre Thomas. Cette Église fut placée assez tôt sous la juridiction de l'Église de Perse, dont elle adopta le rite syriaque oriental et les usages, et qui lui envoyait ses évêques.

Les premiers contacts avec les Portugais au début du XVIe siècle se passèrent sans heurts. Cependant, en 1599, Alexis de Menezes, l'archevêque portugais de Goa (de rite latin), réunit un synode local à Diamper. Les Chrétiens de saint Thomas furent placés de force sous la juridiction de l'Église de Rome. Un jésuite, Francisco Roz, fut nommé évêque, qui latinisa fortement le rite. En réaction, une très grande partie des Chrétiens locaux suivirent le prêtre Thomas Palakomatta qui en 1653 se fit consacrer évêque et métropolite, se plaçant quelques années plus tard sous la juridiction de l'Église syriaque orthodoxe (de rite syriaque occidental).

L'Église catholique syro-malabare désigne la branche qui resta dans la juridiction romaine après le synode de Diamper. Il faudra attendre la fin de XIXe siècle pour voir la création de juridictions spécifiques et la nomination d'évêques d'origine et de rite locaux.

En 1930, l'archevêque Mar Ivanios de Bethany et son évêque suffragant Mar Théophile de Tiruvalla quittèrent l'Église syro-malankare orthodoxe (Église syriaque orthodoxe en Inde) pour se placer sous la juridiction de Rome. En 1932, Rome créa une métropole syro-malankare, consacrant l'existence d'une seconde Église catholique orientale en Inde, l'Église catholique syro-malankare (de rite syriaque occidental).

Églises d'Afrique du Nord-Est

1895 Établissement du patriarcat catholique copte à l'initiative du pape Léon XIII.

1961 Statut d'Église métropolitaine pour l'Église catholique éthiopienne (premiers contacts au XVIIe siècle).

Administration-Relations avec le Saint-Siège

Congrégation pour les Églises orientales

La Congrégation pour les Églises orientales a été créée en 1862 comme partie de la Congrégation pour la propagation de la foi Propaganda Fide (qui supervisait les activités missionnaires de l’Église catholique). Elle devint autonome en 1917 pendant le pontificat de Benoît XV.

C'est par ce dicastère que passent les relations entre les Églises catholiques orientales et la Curie romaine au Saint-Siège.

Institut pontifical oriental

L'Institut pontifical oriental de Rome a été créé le 15 octobre 1917 par Benoît XV par le motu proprio Orientis Catholici. Il forme par des cycles de cours de deux ans des élèves dans toutes les langues ecclésiastiques de l'Orient. Il est dirigé par les Jésuites depuis 1922.

Collèges pontificaux

Plusieurs collèges pontificaux[4] ont été créés à Rome pour assurer la formation du clergé des différentes Églises catholiques orientales :

  • Collège grec (1576)
  • Collège maronite (1584)
  • Collège arménien ou collège léonien (1883)
  • Collège Josaphat (ruthéno-ukrainien) (1897)
  • Collège éthiopien (1919, à titre expérimental; 1930, élévation au rang de collège pontifical)
  • Collège Russicum (russe) (1929)
  • Collège roumain (1937)
  • Collège malabar (1958, à titre expérimental)

Les différentes Églises

Les Églises patriarcales

Les Églises patriarcales ont le droit de choisir leur propre patriarche. Il est élu par le Synode des évêques et il est immédiatement proclamé et intronisé. Il demande ensuite la communion ecclésiastique avec le pape.

Les Églises archiépiscopales majeures

Ján Babjak, primat actuel de l'Église grecque-catholique slovaque célébrant à Prešov

L'archevêque majeur est élu de la même manière qu'un patriarche. Cependant, son élection doit être confirmée par le pape pour qu'il puisse être intronisé.

Les Églises métropolitaines

Le métropolite est nommé par le pape à partir d'une liste d'au moins trois candidats soumise par le Synode des évêques.

Les autres Églises et communautés

Le primat est désigné par le pape.

Relations avec l'Église latine

  • L'Église catholique chaldéenne a revendiqué jusqu'à la fin du XIXe siècle la juridiction sur l'Inde (Patriarche Joseph Audo).
  • L'Église catholique melkite a demandé jusqu'au concile Vatican II la suppression du patriarcat latin de Jérusalem restauré en 1847 (avec des Italiens à sa tête jusqu'en 1987).
  • Il existe dans plusieurs Églises des revendications pour des changements de statuts (patriarcal pour les Ukrainiens[5], catholicossal pour les Syro-Malankares[6]).
  • Il existe dans plusieurs Églises des revendications sur leur développement en dehors de leur territoire propre traditionnel (volonté d'une pleine juridiction, Église syro-malabare, Église melkite).
  • Il existe dans plusieurs Églises des revendications pour le respect ou la restauration de leur traditions (contre la latinisation).
  • Plusieurs communautés d'origine catholique orientale ont rompu avec Rome pour conserver ou restaurer leurs traditions (Ruthènes et Ukrainiens en Amérique - en opposition à l'Église catholique latine - : Établissement de l'Église orthodoxe carpato-ruthène américaine, de l'Église orthodoxe ukrainienne des USA, de l'Église orthodoxe ukrainienne du Canada avec des Orthodoxes originaires des mêmes régions; Chrétiens de saint Thomas en Inde : Établissement de l'Église syriaque orthodoxe en Inde et de l'Église malabare orthodoxe).

Relations avec les autres Églises orientales

Relations avec l'Église assyrienne apostolique de l'Orient

  • Décret synodal commun pour la promotion de l'unité entre l'Église assyrienne de l'Orient et l'Église catholique chaldéenne (15 août 1997)
  • Orientations pour l'admission à l'eucharistie entre l'Église chaldéenne et l'Église assyrienne d'Orient (20 juillet 2001)
  • En 1994, tentative d'admission de l'Église assyrienne apostolique de l'Orient au Conseil des Églises du Moyen-Orient dans le groupe des Églises catholiques (échec à cause de l'hostilité de l'Église copte orthodoxe)[7]

Relations avec les Églises orthodoxes orientales

Relations avec les Églises orthodoxes

  • Relations contemporaines conflictuelles en Europe orientale (Ukraine, Roumanie) : liquidation des Églises catholiques orientales suite à l'installation de pouvoirs communistes, restauration des Églises après la chute de ces régimes, conflit sur la rétrocession des biens confisqués (églises, monastères, écoles)...
  • Au Moyen-Orient, Conseil des Églises du Moyen-Orient
  • Appel par le patriarche catholique melkite à la tenue d'un concile antiochien entre les cinq Églises se réclamant d'Antioche[8].

Débats

Critique de l'uniatisme

Le mot uniatisme est désobligeant pour tous les gréco-catholiques. L'uniatisme est dénoncé par l'ensemble des Églises orthodoxes comme étant ecclésiologiquement incorrect[9] et comme une forme de prosélytisme en contradiction avec la tradition canonique et le discours officielle de l'Église de Rome sur les relations inter-ecclésiales et le dialogue œcuménique.

Églises catholiques orientales et dialogue œcuménique

En 1993, à l'occasion de la VIIe Rencontre de la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l'Église catholique romaine et l'Église orthodoxe a été signée la Déclaration de Balamand qui affirme que « l'uniatisme ne saurait être un modèle de l'unité ». Cependant ce texte fut un accord d'experts (periti imperiti !) qui ne correspondait pas à la réalité. Il n'a jamais été signé par les autorités romaines catholiques (le Pape ou le Conseil pontifical pour l'unité des chrétiens) à la différence des autres textes oecuméniques.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

  • Ghislain Brunel (dir.), La présence latine en Orient au Moyen Âge, Centre historique des Archives nationales / Champion (col. Documents inédits des Archives nationales), Paris, 2000 (ISBN 2745304097)
  • Olivier Chaline, La reconquête catholique de l'Europe centrale, XVIe-XVIIIe siècle, Éd. du Cerf, Paris, 1998 (ISBN 2204058386)
  • Raymond Janin, Les Églises et les rites orientaux, Letouzey & Ané, Paris, 1997 (ISBN 2706302062) (5e éd. avec compléments bibliographiques, 1re éd. 1922)
  • Bernard Heyberger, Les chrétiens du Proche-Orient au temps de la réforme catholique, École française de Rome, Rome, 1994 (ISBN 2728303096)
  • Jean Richard, La papauté et les missions d'Orient au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles), École française de Rome, Rome, 1998 (ISBN 2728305196)
  • Jean-Claude Roberti, Les Uniates, Cerf (col. Bref), Paris, 1992 (ISBN 2204045551)
  • Jean-Pierre Valognes, Vie et mort des Chrétiens d'Orient, Fayard, Paris, 1994 (ISBN 2213030642)

Notes et références

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