LOLF (loi organique relative aux lois de finances)

LOLF (loi organique relative aux lois de finances)

Loi organique relative aux lois de finances

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En France, la loi organique relative aux lois de finances[1] (abrégée en LOLF) est la loi qui détermine le cadre juridique des lois de finances. C'est une loi organique, qu'on peut assimiler à une nouvelle constitution financière. Elle remplace le précédent cadre, datant de 1959, et vise à moderniser la gestion de l'État. Promulguée le 1er août 2001, entrée en vigueur par étapes, elle s'applique à toute l'administration depuis 2006.

Sommaire

Une nouvelle constitution financière

Les lois de finances, qui règlent le budget de l'État, étaient précédemment soumises à l'ordonnance n°59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Pendant ses 45 années d’existence, cette ordonnance a connu plus de trente propositions de réformes inabouties. Deux seulement sont allées à leur terme, mais elles ne concernaient que des points mineurs. Ce qu’il est coutume d’appeler la « constitution financière » de la France est donc celle d’un texte étonnamment pérenne, quoique très contesté. Très favorable à l'exécutif, il n'avait pas été voté par le parlement et avait été dispensé de l’examen devant le Conseil constitutionnel. Ensuite, l'exécutif n'avait pas eu spécialement la volonté de le réviser, tandis que le parlement n'avait pas eu les moyens d'imposer une révision.

Dans les grandes lignes, cette ordonnance donnait des lois de finances

  • en temps et en heure : le parlement devait travailler en temps limité, si le délai était dépassé le gouvernement pouvait adopter le budget tout seul.
  • très stables d'une année sur l'autre, le principe étant de distinguer les "services votés", correspondant à tout ce qui avait déjà été adopté dans une précédente loi de finances, et les "mesures nouvelles", qui seules étaient discutables.
  • pratiquement impossibles à modifier pour le parlement, notamment du fait de l'interdiction de réduire les ressources de l'état et de toucher aux "services votés".
  • très détaillées par type de dépense (plus de 800 "chapitres"), mais sans connexion avec le but de ces dépenses
  • en dépit du grand détail de présentation, assez souples pour l'exécutif politique, qui pouvait facilement déplacer les crédits par décret simple
  • très centralisatrices, car c'est le ministère chargé du budget qui avait la haute main sur ces décrets, et non chaque ministère. De ce fait, il y avait peu de souplesse pour les exécutants administratifs, qui, pour préserver leur budget, se mettaient parfois à "faire tourner les camions"[2]

Réformer ce texte était difficile : le gouvernement n'y avait pas spécialement intérêt, et il était nécessaire d'obtenir l'accord du Sénat (La constitution interdit de modifier une loi organique qui fixe les pouvoirs du Sénat sans son accord), ce qui suppose un large consensus politique. La volonté d’introduire une culture de la performance et de la responsabilité dans la gestion publique, le souhait d'accroître les pouvoirs du Parlement durant la procédure budgétaire, et les difficultés affaiblissant l'exécutif (problème structurel des difficultés financières persistantes depuis de nombreuses années, faiblesse du MINEFI suite à la crise politique de l'échec d'une réforme interne en 1999) permettront finalement à deux hommes de pousser la réforme : Didier Migaud (député socialiste, spécialiste des questions budgétaire), et Alain Lambert (sénateur centriste spécialiste du Budget), avec l'appui important de Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale au départ du projet, il est ministre des finances lors de son aboutissement).

La LOLF fut promulguée en août 2001 pour application à compter de la loi de finances pour 2006, ce qui laissait 4 ans à l'exécutif pour se préparer.

Le nouveau paradigme budgétaire promu par la LOLF

La LOLF constitue une réponse directe aux insuffisances de l’ordonnance de 1959. Elle entend y remédier en faisant graviter la procédure budgétaire autour de deux pôles clé : une logique de performance de la gestion publique d’une part, et d’autre part une transparence de l’information budgétaire propre à instituer un contrôle étroit par le Parlement.

Logique de performance

Largement inspirée du concept de nouvelle gestion publique, la LOLF tente de pallier l'un des écueils majeurs de l’ordonnance de 1959, à savoir une culture budgétaire orientée vers les moyens plutôt que vers une logique de résultats.

Ainsi, les gestionnaires sont désormais tenus de rendre des comptes sur l’efficacité de l’utilisation des crédits qui leur ont été attribués, rompant ainsi avec le caractère lacunaire du contrôle de performance d’avant la LOLF. Celle-ci instaure des Projets Annuels de Performance (PAP), qui présentent les actions des différentes administrations pour l'année à venir. L'évaluation des objectifs se fait l'année suivante, dans les Rapports Annuels de Performance (RAP)

Ensuite, il est mis fin à une fragmentation excessive du budget de l’État qui n’incitait pas à sortir d’une approche quantitative de la dépense et responsabilisait peu les gestionnaires publics. C’est ainsi qu’une nomenclature budgétaire par destination des dépenses est mise en place par l’article 7 de la LOLF (en plus de la seule nomenclature par nature des dépenses qui est maintenue à titre indicatif par l’article 5). Cette innovation nomenclatrice fait de la « mission » un objectif de politique publique à atteindre, que l'on décline en « programmes » eux-mêmes subdivisés à titre indicatif en « actions ». Au sein des programmes, le gestionnaire dispose d’une grande liberté pour ventiler ses crédits : il y a donc un principe de fongibilité et de globalité dans les programmes qui permet par exemple de transformer des dépenses de fonctionnement en dépenses d’investissement, orientant de ce fait la gestion publique vers l’efficacité de l’allocation des ressources de l’État et généralisant la pratique des crédits de paiement et des autorisations de programme rebaptisées autorisations d’engagement.

Sur les transferts entre postes, on a adopté la fongibilité asymétrique, dans la mesure où les crédits de personnels sont limitatifs et ne peuvent être abondés par d'autres crédits. Il est en revanche possible d'utiliser les crédits de personnels pour alimenter d'autres types de dépenses. Le Ministère des Affaires étrangères a fait le pari d'étendre le principe de la fongibilité asymétrique aux dépenses de fonctionnement courant.

La gestion publique devrait donc être radicalement modifiée par des instruments tels que les projets annuels de performance visés à l’article 51 de la LOLF ou les rapports annuels de performance visés pour leur part à l’article 54, car la dépense publique devra désormais être évaluée à l’aune des objectifs qu’elle est destinée à servir.

La LOLF s'inscrit dans la logique des anciens budgets de programme, lesquels toutefois ne comprenaient pas de nomenclature d'exécution, et se cantonnaient à une présentation par programme du budget voté. L'idée principale est de découpler les fonctions de l'État d'avec ses structures, à travers les missions. L'accueil par les médias a été extrêmement favorable, les praticiens s'interrogent encore sur sa mise en place. Cette organisation pose encore des problèmes de gestion, notamment de synthèse de données plus complexes que dans l'ancien dispositif. Les budgets opérationnels présentés à l'heure actuelle par les différents ministères sont trop nombreux, trop départementalisés et devraient être recentrés au niveau régional afin de disposer d'une masse critique en gestion. D'autres réformes de l'État et de son organisation, du statut de la fonction publique, de la comptabilité publique et une déconcentration plus importante seront nécessaires pour permettre à la LOLF d'atteindre ses objectifs.

Transparence de l'information et contrôle du Parlement

Comme prévu dans l'article 47 de la Constitution de 1958, le Parlement vote les projets de lois de finances, le Parlement et le Gouvernement étant toujours assistés par la Cour des comptes pour le contrôle de l'exécution des lois de finances dans ce nouveau mode de fonctionnement.

Le renforcement de la transparence budgétaire et de la portée de l’autorisation parlementaire est marqué par l’obligation faite au gouvernement par l’article 50 de la LOLF de présenter au Parlement, lors du dépôt du projet de loi de finances, un rapport sur les perspectives économiques, sociales et financières. Ce rapport doit préciser sur quelles hypothèses se fonde le gouvernement pour les quatre années à venir, augmentant ainsi le degré de transparence et de sincérité du budget. Dans le même ordre d’idées, l’article 52 de la LOLF impose au gouvernement de présenter au Parlement un rapport retraçant le niveau des prélèvements obligatoires pour les deux années à venir. Enfin, l’article 48 de la LOLF institutionnalise le débat d’orientation budgétaire. Les questions parlementaires ainsi que leurs réponses sont désormais encadrées par des contraintes temporelles strictes.

Le Parlement est donc le premier bénéficiaire de la réforme de l’ordonnance de 1959, ce qui se déduit notamment de l’origine parlementaire de la LOLF. Il est non seulement mieux informé, mais il prend une part active à la ventilation des crédits puisque l’article 40 de la LOLF l’autorise à amender la répartition des crédits entre programmes et que les virements, reports et annulations de crédits par le gouvernement sont dorénavant limités à respectivement 2, 3 et 1,5 % des crédits ouverts.

Gestion des actifs, dont les incorporels

La LOLF prévoit également une refonte de la comptabilisation des actifs dans le budget, ceci en cohérence avec les nouvelles normes de comptabilité nationale (harmonisation européenne), et les nouvelles normes comptables IAS/IFRS des entreprises.

Dans les actifs, on compte désormais les immobilisations incorporelles, qui correspondent essentiellement aux logiciels de l'administration (ainsi qu'aux autres équipements informatiques).

Le rapport annuel 2006 de la Cour des Comptes sur le budget 2005, avant la première année de mise en œuvre de la LOLF, fait état d'une grande difficulté d'évaluation des actifs de l'État, particulièrement les immobilisations incorporelles, qui correspondent essentiellement aux équipements informatiques.

Ce rapport estime que le coût des équipements informatiques est largement sous-estimé (170 M€ en 2004, 168 M€ en 2005), ce qui en fait l'un des plus petits postes du bilan.

Le rapport recommande d'« intégrer les immobilisations incorporelles dans le bilan d'ouverture afin de ne pas fausser l'image qui serait donnée du patrimoine incorporel de l'État » (recommandation 33).

Il recommande d'affiner les éléments de suivi des coûts des projets informatiques (recommandation 34).

Le système d'information

A Bercy, on estime que les vieilles applications financières et comptables doivent laisser la place à un grand projet structurant, capable de fédérer tous les acteurs qui ont plus l'habitude de se contrarier que de travailler en confiance ensemble. En 1996, on a donc lancé le projet ACCORD, (Application Coordonnée de Comptabilisation, d'Ordonnancement et de Règlement de la Dépense, mais comme souvent le nom est en soi tout un programme...). L'irruption de la LOLF nécessite des modifications pour s'adapter aux nouvelles règles, mais est aussi l'occasion de relancer le projet dans une version renforcée : ce sera Accord 2.

Malheureusement, le projet n'avance pas comme prévu ; à la mi-2004, rien n'est encore fait, l'appel d'offre correspondant (ACCORD 2) est rejeté par la commission d'appel d'offre informatique en raison de la fragilité juridique du montage retenu et des défauts techniques du projet (manifestement pas encore ficelé, notamment parce que des arbitrages importants ne sont toujours pas rendus : Bercy n'a à l'époque sorti aucun texte officiel d'application de la LOLF), des voix discrètes commencent à douter de la possibilité de mettre en oeuvre la LOLF en 2006 (chose politiquement inconcevable), et des articles commencent à mettre en cause Bercy et sa gestion du projet dans la presse économique. L'affaire n'atteint encore pas le grand public, et le récent ministre des finances (Nicolas Sarkozy) fait le ménage avant de partir, en enterrant discrètement le grand projet. On se contentera d'une adaptation minimale de l'application existante, et le responsable du projet est promu.

Les difficultés constatées lors de la mise en place de la LOLF sont, en bonne logique administrative, imputées à ACCORD. D'autre part, Bercy n'a pas renoncé à son grand projet structurant, et, en parallèle à l'adaptation d'ACCORD, on continue à travailler sur son successeur : ce sera le système Chorus. Envers et contre tout, car ce projet a autant de difficultés que le précédent, suscitant un audit "Rapport sur les procédures budgétaires et comptables et les perspectives de retour sur investissement du projet Chorus" confié à deux poids lourds (Henri Guillaume et Pierre Cuneo) ; le retour sur investissement apparait problématique et conditionné par une véritable réorganisation administrative, mais d'autres considérations, symboliques et politico-administratives, ne laissent pas d'autres choix que de continuer... pour l'instant.


Mise en œuvre : un premier état des lieux

C'est toutefois la mise en œuvre de ce dispositif législatif dans la pratique qui permettra de juger de la pertinence de ses objectifs. Deux rapports des parlementaires Alain Lambert et Didier Migaud, « pères » de la LOLF, intitulé « Réussir la LOLF, clé d'une gestion publique responsable et efficace », font un premier point sur l'état de préparation des administrations et sur les principaux problèmes posés. Les auteurs considérent que certains préalables devront être assurés : réduction du nombre de ministres et de l'importance des cabinets ministériels, taille critique des budgets opérationnels de programme (BOP), diminution du nombre et plus grande pertinence des indicateurs de résultat.

L'objectif principal de la LOLF, en dehors de l'ouverture de la possibilité d'un pilotage des dépenses, est de permettre la compression des dépenses de l'État, notamment salariales, dans le but de réduire l'endettement de l'État (Cf. le Rapport Pébereau). Les dépenses de personnel représentent 44% du budget, c'est donc un poste important pouvant générer les économies les plus substantielles.

Les gestionnaires se plaignent d'une complexification des procédures et de la mise en place d'une nouvelle bureaucratie qui se traduit notamment par un allongement significatif des délais de paiement.

Le rapport Lévy-Jouyet de décembre 2006 sur l'économie de l'immatériel fait état d'une difficulté d'évaluation des actifs incorporels.

Enfin, l'importance des indicateurs bibliométriques donnée par la LOLF a pu être critiquée, ces indicateurs ne pouvant se substituer à d'autres méthodes d'évaluation de la recherche plus sûres, telles que l'évaluation par les pairs [3].

LOLF SS

La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale[4] a été promulguée le 2 août 2005. Ce texte introduit une démarche « objectifs - résultats », dans le prolongement de la LOLF pour les comptes de la sécurité sociale en France.

Cette réforme donnera également plus de visibilité et de transparence aux lois de financement en permettant un vrai débat sur l’équilibre de chacune des branches de la sécurité sociale.

Réactions des partenaires sociaux

Dans "Le Monde" du 2 février 2006 : "La mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui fixe des objectifs ministère par ministère, renforce les craintes des syndicats à l'égard d'une réforme de l'État dont ils se sentent éloignés, si ce n'est exclus. La création d'une direction générale de la modernisation de l'État, rattachée à Bercy, reste pour eux le signe le plus explicite de l'approche strictement financière du gouvernement."

Bibliographie

  • « La loi organique relative aux finances publiques », Revue française de finances publiques, nº 76, novembre 2001 [présentation en ligne]

Notes et références

  1. Loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 no2001-692
  2. Les budgétaires se basant sur l'exécution connue de l'année N-1 d'une ligne budgétaire pour en déterminer le niveau pour la construction du budget N+1, pour la préserver il était essentiel de la consommer à hauteur du budget alloué ; appliqué au budget d'essence militaire, ce principe conduisait en fin d'année à "faire tourner les camions" pour assurer la consommation d'essence prévue et ainsi préserver le budget d'essence des années ultérieures. Assez connu du fait du service militaire, ce genre de comportement se retrouvait partout et à toutes les échelles, même s'il était moins visible et moins connu.
  3. Que disent les indicateurs ?, entretien avec Jean-Pierre Merlet, animateur du groupe de réflexion sur les indicateurs de la commission d’évaluation de l’INRIA, Lettre d'information de l'INRIA, n°59, mai 2007
  4. Loi de financement de la sécurité sociale création de la LOLF

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