Krasucki

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Henri Krasucki

Henri Krasucki (né le 2 septembre 1924 à Wołomin dans la banlieue de Varsovie en Pologne et mort le 24 janvier 2003 à Paris) est un syndicaliste français, ancien secrétaire général de la CGT qui fut également responsable de la jeunesse juive pendant la seconde guerre mondiale.

Sommaire

Biographie

Jeunesse

Son père Isaac (en polonais Izaak, en yiddish Itzik), né à Varsovie en 1903, ouvrier tricoteur, avait commencé à travailler à treize ans dans une fabrique de textile. Militant syndical et politique dans la Pologne du maréchal Pilsudski où l’anticommunisme le dispute à l’antisémitisme, Isaac s’expatrie, en 1926, fuyant les pogroms. Deux ans plus tard, son épouse, Léa (« Léyelé ») Borszczewska, ouvrière du textile et militante communiste, et son fils le rejoignent à Paris, dans la quartier de Ménilmontant dans le XXe.. Isaac et Léa travaillent dans « la maille » (le tricot) et reprennent, aussitôt arrivés, le combat des exploités dans la Confédération générale du travail unitaire et au Parti communiste français, dans les organisations juives révolutionnaires.

Dans son enfance, Henri Krasucki fut « l’un des plus célèbres 'pionniers' du patronage de la Bellevilloise », l’une des sociétés les plus représentatives du mouvement coopératif français.Il fréquente le patronage La Bellevilloise, où il fait la connaissance de Pierre George, le futur Colonel Fabien. En 1999, il évoquera le « fraternel patronage communiste » de son quartier. Alors que ses parents souhaitaient le voir poursuivre des études, il préféra se faire embaucher chez Renault une fois son CAP d'ajusteur en poche ; ses qualités de syndicaliste le firent vite remarquer.

La Résistance et la déportation

En août 1939, le PCF est interdit par le gouvernement à la suite de la signature du pacte germano-soviétique. Isaac Krasucki doit plonger dans la clandestinité. Son fils a quitté l’école. En 1940, quand les Allemands entrent à Paris, il travaille dans une usine de Levallois, comme ajusteur. Il a quinze ans. Henri intègre les Jeunesses communistes dans la section juive de la Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI) du Parti communiste dans le XXe, à la fin de l’année 1940. Il a d’abord des responsabilités dans son quartier, puis à l’échelon de son arrondissement, enfin, très vite, au niveau de la région parisienne. Sabotages, lancement de tracts depuis le métro aérien, actions militaires à la suite du premier coup de feu du Colonel Fabien.

Le 20 janvier 1943 son père est arrêté pour sabotage et interné à Drancy ; il sera déporté le 9 février à Birkenau, et gazé dès son arrivée le 13 février.

Sous le pseudonyme de « mésange », Henri Krasucki, dit également « Bertrand », s’occupait des cadres et du recrutement des jeunes. Début mars, son frère Maurice fut abattu lors d’une attaque contre un détachement de la Wehrmacht.

Arrêté le 23 mars 1943, à 7 h 15, à la sortie de son domicile, torturé, pendant six semaines, il ne lâche rien[1]. Les Français de la Brigade Spéciale N°2 des Renseignements Généraux le livrent à la Geheime Feld Polizei qui l’enferme à Fresnes, où il demeure privé de tout contact, dans le quartier des condamnés à mort. Puis c’est Drancy. Il y retrouve ses camarades, Roger Trugnan et " Sam " (Samuel Razynski).

À la mi juin, c’est le départ. Les jeunes manifestent dans le camp. Roger Trugnan raconte : "Nous chantions la Marseillaise et les gendarmes tapaient sur celles et ceux qui chantaient". Son convoi depuis Drancy, le numéro 55, du 23 juin 1943, déportait 1 002 Juifs, dont 160 enfants de moins de 18 ans transportés dans des wagons à bestiaux. Deux jours et une nuit plus tard, ils arrivent à Birkenau annexe d'Auschwitz. Seules 86 personnes de ce convoi ont survécu à la Shoah[2].

Henri et ses camarades sont affectés au camp annexe de Jawischowitz. Ils travaillent à la mine, seize heures par jour avec la faim, les coups, la crainte d’être malade, car ça signifie la mort. Mais aussi la résistance. Henri, Roger, leur copain Sam aussitôt arrivés ont cherché le contact. Ils continuent la lutte derrière les barbelés. Ils la continueront jusqu’au bout. Jusqu’à Buchenwald, où ils sont évacués en janvier 1945 - la terrible " marche de la mort ". Là, épuisés, ils sont pris en charge par l’organisation de Marcel Paul et du commandant Mannès.

Ils participent à l’insurrection du camp : « J’avais un vieux chassepot, raconte Roger, Henri avait un bazooka ! ».

Henri Krasucki en revient le 28 avril 1945, « juste à temps pour manifester le 1er mai », comme il dira avec humour.

Le lieutenant Krasucki, au titre des FTPF, travaille comme ouvrier dans diverses usines de la métallurgie.

Noms de guerre

Henri Krasucki est connu sous les noms de :

  • Mésange
  • Bertrand

Portrait

Portrait parlé de Henri Krasucki dit Bertrand effectué par les inspecteurs de la BS2 :
Bertrand : 22 ans, 1,70m, mince, nez long, visage type sémite, cheveux châtain clair rejetés en arrière, retombant sur le coté. Pardessus bleu marine à martingale, pantalon noir, souliers jaunes, chaussettes grises.

Engagements politiques

Après guerre, il fut un des dirigeants du Parti communiste français, mais son principal engagement reste syndical. En 1949, il est secrétaire de l’Union départementale de la CGT de la Seine. En 1953 il entre au bureau fédéral de la Seine du PCF ; puis au comité central du PCF en 1956 en tant que membre suppléant. En 1961, il entre au bureau confédéral de la CGT puis devient directeur de La Vie ouvrière (la « VO »), le journal du syndicat qu'il dirigea 10 ans. En 1964, il devient membre du bureau politique du PCF. Il y sera, avec Roland Leroy et Louis Aragon, l’un des "accoucheurs" du comité central d’Argenteuil, tournant historique du Parti dans ses relations à la culture, la recherche et aux intellectuels.

Quand Benoît Frachon se retire, en 1967, " Krasu " se trouve aux côtés de Georges Seguy. Un an plus tard, à l’occasion de la plus grande grève que la France ait connue, il sera l’un des principaux négociateurs des accords de Grenelle. Il fut un temps pressenti en 1967 pour prendre la direction de la CGT, mais Georges Séguy lui fut préféré.

Henri Krasucki lui succéda en 1982 lors du 41e congrès, transmettant la fonction en 1992 au 44e congrès à Louis Viannet. En 10 ans, les effectifs de la CGT ont fondu de moitié à environ 700 000 adhérents.

Au début de son mandat, Henri Krasucki se place en principal interlocuteur du pouvoir, jusqu’au départ des ministres communistes du gouvernement en 1984, où il redevient le porte-parole du mécontentement social. Jusqu’au début des années 1980, il défendait les orientations du PC les plus rigides, ce qui l’amena à s’opposer de façon feutrée à Georges Séguy. En effet, depuis 1978, ce dernier cherchait à préserver la CGT des conséquences politiques résultant de la rupture de l’Union de la gauche, survenue en octobre 1977. Séguy s’efforçait en vain d’infléchir la ligne sectaire du PCF. Krasucki lui succède non sans résistances internes. Internationaliste convaincu, il fut élu en 1986 vice-président de la Fédération syndicale mondiale (FSM), dont il eut du mal à accepter la désaffiliation de la CGT en 1995. Toutefois, il sut amorcer sur la fin de son mandat une prise de distance avec le PCF, qui vaudra au syndicat de beaucoup mieux supporter les évolutions des années 90 que le parti.

Ainsi, silencieux sur Berlin-Est (1953), sur Budapest (1956) et sur le Printemps de Prague (1968), il condamne après le 43e congrès en 1989, la répression de la place Tienanmen en Chine.

Il subit parfois des attaques personnelles, comme en 1987, lors d’un Club de la presse, lorsqu'une journaliste du Figaro-Magazine, Christine Clerc, lui reprocha d’être un "Français de fraîche date" qui "naturalisé en 1947" se permettait de critiquer la politique de la France. Il répliqua en racontant l’histoire de son père. « Mes origines n’ont rien d’extraordinaires, expliquait-il à Jean-Claude Poitou, il se trouve d’ailleurs qu’elles sont les mêmes que celles du cardinal archevêque de Paris (il s'agit de Jean-Marie Lustiger, comme lui d'origine juive polonaise). Ses parents et les miens ont, à peu d’années d’intervalle, vécu la même histoire, bien qu’avec des idées différentes. Je ne peux m’empêcher d’observer que si, par hypothèse, les circonstances de la vie m’avaient fait archevêque, on évoquerait aujourd’hui mes origines avec tact, sans insinuation perfide. Et si je comptais parmi mes ancêtres quelques grands princes polonais, alors là... »[3].

Caricaturé par sa marionnette "Krabzuki" du Bébête Show à la télévision pour être un homme peuple et rustre, c'était en réalité un homme particulièrement cultivé, polyglotte, fou d'opéra et admirateur d'Eluard, rigoureux, épris de liberté et de justice. Toujours disponible, il était reconnu pour ses qualités humaines et comme un vigoureux négociateur (acteur important des accords sur l’indemnisation du chômage et le droit à la formation, en 1970), mais aussi un vif partisan de la ligne dure de son parti et de la grève.

Il a été membre du bureau politique du PCF jusqu’en 1996. La secrétaire nationale du PCF Marie-George Buffet a salué à sa mort, « avec émotion et beaucoup de respect », la mémoire du « camarade Henri Krasucki ». Le président Jacques Chirac a rendu hommage « au fils d'immigrés polonais dont la jeunesse a été très tôt marquée par le combat pour la liberté et pour la France et qui a connu le drame de la déportation alors qu'il n'avait pas vingt ans ».

Henri Krasucki a été enterré au cimetière du Père-Lachaise, auprès de sa mère, Léa, et de sa sœur "Lili", près du carré des déportés en face du mur des Fédérés[4].

Postérité

Son fils Pierre fut, lors du renouvellement cantonal de mars 2008, suppléant de la candidate communiste Joelle Salomon à Bonnières sur Seine (Yvelines). Cette dernière obtint 6% des voix.

Une place Henri-Krasucki a été inaugurée le 23 juin 2005 à Paris dans le XXe arrondissement, au carrefour des rues Levert, des Envierges, de la Mare, des Couronnes et des Cascades, près du parc de Belleville. Il avait longtemps habité au 107 rue des Couronnes, sur la place qui porte aujourd'hui son nom.

En 2009, Adrien Jolivet interprète Henri Krasucki dans L'Armée du crime de Robert Guédiguian, retraçant la résistance parisienne des FTP-MOI.

Citation

« Il n’y a pas de moyen de coercition plus violent des employeurs contre les employés que le chômage. » [5]

Notes et références

  1. Le film de Robert Guédiguian L'Armée du crime retrace cet épisode de sa vie.
  2. Source : Le calendrier de la persécution des Juifs en France de Serge Klarsfeld
  3. rapporté dans L'Humanité
  4. Article du journal l'Humanité
  5. Cité par Stéphane Beaud et Michel Pialoux, Le Monde diplomatique, novembre 2001, page 2. http://www.monde-diplomatique.fr/2001/11/BEAUD/15764

Bibliographie

  • Syndicats et lutte des classes, Éditions sociales,
  • Syndicats et socialisme, Éditions sociales (1972)
  • Syndicats et unité, Éditions sociales (1980).
  • Un syndicat moderne? Oui- !, éditions Messidor (1987)
  • Henri Krasucki (en souvenirs) par Pierre Tartakowski, éditions Aden (2003)
  • La CGT. Audience et organisation par Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, éditions La Découverte, (1997)

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