Jardins ouvriers

Jardins ouvriers

Jardins familiaux

Les jardins ouvriers, apparus à la fin du XIXe siècle, sont des parcelles de terrain mises à la disposition des habitants par les municipalités. Ces parcelles, affectées le plus souvent à la culture potagère, furent initialement destinées à améliorer les conditions de vie des ouvriers en leur procurant un équilibre social et une autosubsistance alimentaire.

Les jardins ouvriers prendront l'appellation de jardins familiaux après la Seconde Guerre mondiale.

Jardins familiaux de Samois-sur-Seine
Jardins familiaux de Versailles.

Sommaire

Historique

C'est au cours des guerres napoléoniennes que l'on commença à parler en Angleterre d'allotments ou terres allouées aux ouvriers. Pour les uns il fallait 2 000 m2 et pour les autres moitié moins. Mais tout le monde était d'accord sur le rôle important des jardins. En France, loué ou cédé, le terrain attachait l'ouvrier à son usine et le maintenait loin du cabaret. S'ils revêtaient un caractère paternaliste, les jardins ouvriers ont séduit parce qu'ils correspondaient à un besoin réel.
Les premiers jardins ouvriers français furent inspirés des potagers encouragés par le médecin et pédagogue Daniel Gottlob Moritz Schreber en Allemagne. Celui-ci fonda l'association des jardins ouvriers et familiaux pour « éduquer la population » et « améliorer la santé publique ». Cette idée fit quelques émules comme l'abbé Volpette à Saint-Étienne, et madame Hervieu à Sedan.
À la fin du XIXe siècle, l'abbé Jules Lemire, homme politique influent et prêtre du diocèse de Cambrai (le diocèse de Lille n'existait pas à cette époque), député-maire chrétien de la ville d'Hazebrouck en Flandre française (Nord), imagine les jardins ouvriers, dans le but d'améliorer la situation des familles ouvrières.

« Les jardins ouvriers professent une vocation sociale et défendent un certain ordre social : s'ils permettent aux ouvriers d'échapper à leur taudis en profitant d'un air plus respirable, ils les éloignent aussi des cabarets et encouragent les activités familiales au sein de ces espaces verts. »

L'abbé Lemire fonde la Ligue française du coin de terre et du foyer en 1896, afin de rendre l'accès aux parcelles plus simple à ses administrés.

Évolution

Allemagne

En Allemagne, dès la seconde moitié du XIXe siècle le médecin et pédagogue Daniel Gottlob Moritz Schreber commence à promouvoir l'idée des jardins ouvriers dans la lignée de ses travaux sur la santé publique. L'idée est de permettre aux ouvriers de se détendre tant par la pratique du jardinage que par la jouissance d'un environnement sain et reposant. De plus la culture de fruits et de légumes destinés à la consommation directe est censée améliorer l'alimentation des travailleurs.
Ce n'est pourtant que trois ans après sa mort, en 1864, que son beau fils, Ernst Innozenz Hauschild, fonde dans les environs de Leipzig une aire de jeux à destination d'enfants défavorisés. En hommage à son beau père, il la nomme Schreberplatz (littéralement : place de Schreber). Rapidement les parents prennent à leur tour possession de l'espace et commencent à le cultiver. Sous le nom de Schrebergarten (littéralement : jardin de Schreber), les jardins ouvriers se développent alors rapidement dans toute l'Allemagne et en particulier dans les régions industrielles comme le Ruhrgebiet, région minière par excellence. Ces jardins sont souvent entretenus collectivement par les ouvriers, formant ainsi de petites communautés qui alimentent le lien social.
Aujourd'hui les Schrebergarten sont, en Allemagne, une véritable institution avec des règles strictes (hauteur des haies, surface des cabanes et des espaces cultivés...), des concours du plus beau Schrebergarten, et ses règles d'attribution.

France

Jardins familiaux à Versailles
Jardins familiaux à Versailles

En 1904, il n'existe que quarante-huit jardins ouvriers en région parisienne pour 3,5 millions d'habitants. Par le biais de la Société des jardins ouvriers de Paris et banlieue, leur multiplication est favorisée. En 1913, la région parisienne en possède 1 515, dont la moitié sont implantés en banlieue.

Les deux guerres mondiales provoquent la mise en potagers de nombreux parcs et parcelles historiques. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, on compte 250 000 jardins ouvriers en France.
La loi du 26 juillet 1952 retient le terme de jardins familiaux. Le cadre légal est défini par le code rural : les jardins familiaux doivent être gérés par des associations loi de 1901.

Le 15 octobre 2003, une proposition de loi relative aux jardins collectifs est examinée par le Sénat.
L’examen de ce texte ravit visiblement les sénateurs qui se succèdent à la tribune pour vanter avec lyrisme les mérites de ces jardins lancés il y a plus d’un siècle :

  • « La poésie du béton et de l’asphalte n’attire plus guère les foules. Le monde se minéralise, s’atomise, s’informatise, et les Français se tournent de plus en plus vers le monde du vivant : les jardins, la forêt, la campagne. Il suffit d’une fleur et d’un jardin autour pour embaumer les heures et colorer les jours [...] » (Christian Cointat, membre de la Délégation parlementaire pour l'Union européenne (UMP))
  • « Voyant dans ces jardins collectifs, l’antidote au mal des villes [...] » (Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret (Centre) (PS))
  • « Nous parlons des fleurs et des fruits, de la ville et de la beauté, de l’insertion de tous. Celui qui bêche, sème, arrose et entretient devient acteur modeste mais à part entière de l’application française du protocole de Carthagène sur la biodiversité »(Marie-Christine Blandin , sénateur du Nord-Pas-de-Calais (les Verts))
  • « Les jardins familiaux, qu’ils soient d’insertion ou partagés sont source d’équilibre social, facteurs de vie locale et de cadre de vie [...] » (Tokia Saïfi, député européen (PPE, Parti populaire européen))

La proposition de loi propose de rédiger l'article L.561-1 du code rural ainsi : « L’appellation « jardins collectifs » fait référence aux jardins familiaux, aux jardins d’insertion et aux jardins partagés [...]. On entend par jardins familiaux les terrains divisés en parcelles, affectées par les collectivités territoriales ou par les associations de jardins familiaux à des particuliers y pratiquant le jardinage pour leur propre besoins et ceux de leur famille à l’exclusion de tout usage commercial. »
Cette proposition de loi n'a pas abouti.

Contrairement à l’Allemagne, les jardins familiaux conservent en France l’image dépréciée des jardins ouvriers. Malgré l’intérêt croissant qu’ils suscitent auprès des classes moyennes et supérieures, séduites par la convivialité de ces espaces naturels, les jardins familiaux souffrent de l’absence d’un cadre législatif adapté.
Dans de nombreuses localités, lorsqu’ils existent, ils sont relégués dans des zones marginales (bords d’autoroutes, de voies ferrées, de zones industrielles...) impropres à toute autre utilisation. Ces implantations posent des problèmes d’accès, de sécurité et sont souvent dépourvues de réseaux d’eau.
Ceux qui bénéficient de meilleures implantations ne sont pas à l’abri d’opérations immobilières convoitant leurs terrains. Dans ce cas, ni l’antériorité des jardins, ni leur intérêt social et environnemental, ni le travail réalisé sur le site ne résistent à la spéculation.[1]

Jardin ouvrier à Saint-Cloud
Jardin ouvrier à Saint-Cloud

Les critères d'affectation

Les parcelles de jardins familiaux sont gérées par des associations privées et affectées à des particuliers pour leur propre production.
Les critères généralement retenus sont l'appartenance à la commune, la mixité sociale, la proximité géographique (le jardin demande un entretien régulier y compris en semaine). L'usage commercial est exclu.
La demande étant largement supérieure à l'offre, les délais d'obtention d'un jardin peuvent atteindre plusieurs années.

Article L.561-1 du code rural

« Les associations de jardins ouvriers, qui ont pour but de rechercher, aménager et répartir des terrains pour mettre à la disposition du chef de famille, comme tel, en dehors de toute autre considération, les parcelles de terre que leurs exploitants cultivent personnellement, en vue de subvenir aux besoins de leur foyer, à l'exclusion de tout usage commercial, doivent se constituer sous la forme d'associations déclarées ou reconnues d'utilité publique conformément à la loi du 1er juillet 1901[2]. »

Concours des plus beaux jardins

Chaque année, un concours des plus beaux jardins est réalisé, tant au niveau local, qu’au niveau national. Au niveau national, le Conseil national des villes et villages fleuris organise le concours. Les critères sont le décor potager et le fleurissement.

Des jardiniers et auteurs comme Dominique Louise Pélegrin[3] ont alerté sur le risque et le fait que certains de ces concours (comme ailleurs les concours villes et villages fleuris) ont pu encourager des jardiniers à surexploiter leur sol et à le polluer avec des engrais et pesticides (même l'utilisation chronique de bouillie bordelaise souvent présentée comme un traitement bénin peut être à l'origine d'une pollution du sol par le cuivre, métal éco-toxique sous cette forme et non dégradable).
Peu à peu et localement, des critères tels que la biodiversité au jardin, la présence d'une richesse en papillons, abeilles, coccinelle autochtone et autres bioindicateurs et auxiliaires de l'agriculture, absence d'espèces invasives, ou pratiques d'agriculture biologique sont pris en compte dans ces jardins.

Notes

  1. Plus de 200 ha de jardins familiaux sont ainsi éradiqués en 2004 à Rosny-sous-Bois en banlieue parisienne pour laisser place à un centre commercial. Ironie des aménageurs, un des grands noms de la jardinerie s'y installa.
  2. Article L.561-1 du code rural
  3. Article intitulé « Agriculture urbaine : l’avenir d’un oxymore », daté de 2003 et portant notamment sur le livre de Dominique Louise Pélegrin, Stratégies de la framboise, éditions Autrement.

Bibliographie

  • Françoise Dubost, Côté Jardins, Scarabée & Compagnie (étude sur les jardins ruraux, jardins ouvriers et jardins de banlieues).
  • B. Wahmann, « Les « Kleingärten », jardins familiaux et ouvriers en Allemagne », in M. Mosser et G. Teyssot, Histoire des jardins.
  • B. Cabedoce et P. Pierson (dir.), Cent ans d'histoire des jardins ouvriers 1896-1996. La Ligue française du coin de terre et du foyer, éd. Créaphis, L'École des filles, Grane, 1996.

Articles connexes

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Liens externes

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