Jacques Cartier (1491-1557)

Jacques Cartier (1491-1557)

Jacques Cartier

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Jacques Cartier. Portrait. Par Théophile Hamel, 1844, d'après un portrait aujourd'hui disparu produit par François Riss (1804-1886) en 1839. — On ignore cependant son vrai visage[1].
Jacques Cartier, Gravure attribuée à Pierre-Louis Morin, vers 1854.

Jacques Cartier (né vers la fin[2] de l'année 1491 à Saint-Malo en Bretagne, mort au même endroit le 1er septembre 1557) est un navigateur et explorateur français. Auteur de cartes[3] ayant permis l'apparition du golfe et du fleuve Saint-Laurent sur les représentations du globe, Cartier, par ses Relations, est le premier Européen à décrire et nommer ces eaux, leurs rives et le territoire visité qu'il nomme Canada[4].

Sommaire

Biographie

Le début de sa vie est mal connu. Fils de Jamet Cartier et de Jesseline Jansart, de la paroisse Saint-Vincent de Saint-Malo[5], il y épouse[6] le 2 mai 1519 Catherine, fille de Jacques des Granches, connétable : un mariage qui améliore grandement sa condition sociale.

Plusieurs historiens avancent qu'il aurait pu accompagner une campagne de pêche pour se rendre à Terre-Neuve avant 1532, car la région était fréquentée des pêcheurs basques et bretons. Certains suggèrent aussi qu'il aurait pu participer à l'un des voyages d'exploration de la côte brésilienne par la flotte normande sous pavillon dieppois, vu :

En 1532, alors qu'une guerre éclate entre la couronne du Portugal et les armateurs normands au large du Brésil, il est présenté à François Ier par Jean Le Veneur, abbé du Mont-Saint-Michel. Celui-ci évoque des voyages que Cartier aurait déjà faits « en Brésil et en Terre-Neuve » pour affirmer qu'il était à même « de conduire des navires à la découverte de terres nouvelles dans le nouveau monde »[8]. Recevant une commission du roi de France, et devenant en ce sens le successeur de Giovanni da Verrazano, Cartier dirigera aux frais du roi trois voyages vers l'Amérique du Nord entre 1534 et 1542, espérant y trouver un passage pour l'Asie, sinon des richesses.

Le premier voyage (1534)

Réplique, à la Tour Solidor (Saint-Malo), de la croix érigée par Jacques Cartier à Gaspé le 24 juillet 1534

Après seulement vingt jours de traversée, (20 avril - 10 mai), Cartier atteint Terre-Neuve, avec ses deux navires et un équipage de 61 hommes. Il explore minutieusement le golfe du Saint-Laurent.

Le 12 juin lors de la reconnaissance de nouveaux lieux et la dénomination de nouvelles rivières, Jacques Cartier et ses marins aperçurent, un peu à l'écart de la rivière qu'ils venaient de nommer Saint-Jacques, un grand navire originaire de La Rochelle, dont l'équipage, après une longue campagne de pêche à la morue, avait perdu son chemin au milieu des nombreuses îles du golfe du Saint-Laurent. Ils allèrent à bord de ce navire pour le conduire vers un lieu, plus commode pour s'orienter, qu'ils appelèrent « Havre Jacques-Cartier »[9].

Le lundi 6 juillet, Jacques Cartier et son équipage entrent en contact avec les premiers Amérindiens de la Nation Micmac, au large de la Baie des Chaleurs. Les jours suivants, la confiance s'installe entre les marins et les autochtones, avec échanges de colifichets, couteaux, tissus et autres bimbeloteries contre des peaux d'animaux[10].

Le vendredi 24 juillet, il met pied à terre à Gaspé, y plante une croix de trente pieds, revendiquant la région pour le roi de France. La troupe des Français y rencontre des Iroquoiens du Saint-Laurent, venus pour la pêche, qui les accueillent sans grand plaisir. Le chef amérindien, Donnacona, après protestations, finit par permettre à Cartier d'amener deux de ses fils en France. La rentrée à Saint-Malo se fait le 5 septembre après une autre courte traversée de 21 jours.[11]

Le deuxième voyage (1535–1536)

Commémoration du départ de Jacques Cartier sur le sol de la cathédrale Saint-Vincent à Saint-Malo.

Le deuxième voyage a lieu en 15351536. Cette expédition compte trois navires, la Petite Hermine (60 tonneaux), l’Émérillon (40 tonneaux) et la nef qui transporte Cartier, la Grande Hermine (120 tonneaux). Quinze mois de vivres ont été prévus. Ramenés de France par Cartier, les deux fils du chef Donnacona, Taignoagny et Domagaya, parlent maintenant français. Recourant à leurs connaissances, Cartier remonte alors le cours du Saint-Laurent, découvrant qu'il navigue sur un fleuve lorsque l'eau devient douce. À l'île d'Orléans, le 7 septembre, devant Stadaconé, on retrouve Donnacona.

Ce chef essaie de dissuader les Français de remonter le fleuve : il veut s'assurer du monopole du commerce. Cartier refuse et donne congé aux deux fils. Il ira donc en amont sans interprète. Une partie des hommes restent et construisent un fortin, préparant le premier hivernage connu de Français au Canada[12]. Cartier continue à remonter le fleuve sur l’Émérillon, mais bientôt son tirant d'eau lui interdit de poursuivre au-delà du lac Saint-Pierre : il y ancre l’Émérillon et l'équipage poursuit en barques.

À Hochelaga

Le 2 octobre 1535, Jacques Cartier et ses compagnons arrivent dans la région de l'établissement nommé Hochelaga. La nuit venue, ils se retirent tous à bord des barques. Tôt le lendemain matin, avec ses gentilshommes et vingt mariniers armés, Cartier entreprend à pied le chemin vers ce village, sur une voie bien aménagée. Marchant ainsi deux lieues (environ 8 km), ils peuvent enfin apercevoir cette bourgade palissadée de tronc d'arbres, sur une colline et entourée de terres cultivées pleines de maïs (dit blé d'Inde), ainsi qu'il décrira le paysage entourant Hochelaga. Il nommera Mont Royal, cette montagne de l'île et de la ville qui sera ensuite nommée Montréal.

La bourgade n'a dans son rempart circulaire qu'une seule porte d'entrée (sortie). On y compte une cinquantaine de « maisons longues », communautaires. Le chef du village affirme que l'on peut continuer à remonter le fleuve vers l'ouest durant trois lunes et, de la rivière des Outaouais, se diriger vers le nord et pénétrer dans un pays où l'on trouve de l'or.

Après cette visite d'un jour, les Français rebroussent chemin et retournent au pays de Kanata (ce qui donnera Canada), région de Québec, hiverner au mouillage, à côté du fort Sainte-Croix (sur l'actuel site du Parc Cartier-Brébeuf).

Les rapports avec les Iroquoiens du Saint-Laurent sont bons, malgré quelques disputes sans gravité, qui ne dégénèrent jamais en violence. Cartier découvre cependant les premiers scalps dans la maison de Donnacona. Il y goûte aussi le tabac, qu'il n'apprécie guère. L'hiver de l'Amérique du Nord arrive et surprend les Français, le fleuve gèle et emprisonne les navires. Cartier et ses hommes hivernent près de la rivière Sainte-Croix (maintenant dite rivière Saint-Charles, à Québec). Les hommes souffrent du scorbut, les Iroquoiens en sont aussi frappés, des Français meurent tandis que les Amérindiens s'en tirent beaucoup mieux. Cartier, épargné, découvre que les Iroquoiens du Saint-Laurent se soignent avec une préparation de feuilles de cèdre (thuya). Il applique le traitement à ses hommes et bientôt les guérisons se multiplient. En avril, Cartier emmène Donnacona pour le présenter à François Ier, ses deux fils et sept autres Iroquoiens puis, profitant du dégel, il met le cap sur la France, abandonnant la Petite Hermine, « faute d’un équipage assez nombreux »[13] (25 des 110 équipiers étaient décédés du scorbut)[14]. Après un passage par Saint-Pierre-et-Miquelon, il retourne à Saint-Malo en juillet 1536, croyant avoir exploré une partie de la côte orientale de l'Asie.

Le Lieu historique national Cartier-Brébeuf commémore cet hivernage de Jacques Cartier.

Le troisième voyage (1541—1542)

Donnacona qui a compris ce que cherchent les Français, de l'or, des gemmes, des épices, leur fait la description qu'ils veulent entendre, celle du riche royaume de Saguenay, et François Ier, bien qu'occupé par les menaces de Charles Quint, se laisse convaincre de lancer une troisième expédition avec pour instructions d'implanter une colonie.

L'organisation de l'expédition est confiée à Jean-François de La Rocque de Roberval, un homme de cour, ce que Cartier n'est pas. Il ne sera cette fois que le second de Roberval. La colonisation et la propagation de la foi catholique deviennent les deux objectifs. Donnacona meurt vers 1539, comme d'autres Iroquoiens du Saint-Laurent, les autres se sont mariés, aucun ne reviendra. On prépare l'expédition, arme cinq navires, embarque du bétail, libère des prisonniers pour en faire des colons. Roberval prend du retard dans l'organisation et Cartier s'impatiente puis décide de s'engager sur l'océan sans l'attendre. Après une traversée calamiteuse, il arrive enfin sur le site de Stadaconé en août 1541 après trois ans d'absence. Les retrouvailles sont chaleureuses malgré l'annonce du décès de Donnacona, puis les rapports se dégradent et Cartier décide de s'installer ailleurs.

Il fait édifier le fort de Charlesbourg-Royal au confluent du Saint-Laurent et la rivière du Cap Rouge pour préparer la colonisation. Bientôt, l'hiver arrive et Roberval est toujours invisible avec le reste de l'expédition. En attendant, il accumule l'or et les diamants qu'il négocie avec les Iroquoiens du Saint-Laurent qui disent les avoir ramassés près du camp. En 1542, il lève le camp, rencontre Roberval à Terre-Neuve. Malgré l'ordre que ce dernier lui donne de rebrousser chemin et de retourner sur le Saint-Laurent, Cartier met le cap vers la France.

Aussitôt arrivé, il fait expertiser le minerai et apprend qu'il ne rapporte que de la pyrite et du quartz sans valeur. Sa mésaventure sera à l'origine de l'expression « faux comme des diamants du Canada ».

La retraite

Déçu, il se retire dans son manoir de Limoëlou, près de Saint-Malo. Considéré comme un sage, on le consulte parfois et on met à profit ses connaissances du portugais. Il succombe en 1557 de la peste qui frappe la ville. Ses restes, retrouvés en 1944, reposent depuis dans la cathédrale de Saint-Malo.

Publications

Manuscrits et historique des Relations

Aucun manuscrit original des relations de Cartier n'a survécu ou l'on ne peut identifier avec certitude les auteurs des manuscrits trouvés.[15]

Le récit du second voyage de Cartier (1535-1536) est publié dès 1545 à Paris; il ne reste que trois exemplaires connus de cette impression. Puis les relations des premier et second voyages sont traduites en italien par Giovanni Battista Ramusio et publiées plusieurs fois à partir de 1556. Les textes italiens sont traduits en anglais par John Florio en 1580, puis en français en 1598 chez Raphaël du Petit Val. Les manuscrits étant perdus, les relations du troisième voyage et du voyage de Roberval ne sont connues qu'à travers la traduction anglaise de Richard Hakluyt publiée en 1600. Les voyages de Cartier sont ensuite rapportés dans les Histoire de la Nouvelle-France (largement diffusées) de Lescarbot (1609-1617) et Charlevoix (1744). Les textes (d'après Hakluyt) des trois relations de Cartier et celle de Roberval sont réunis pour la première fois à Québec en 1843. C'est à cette période que Jacques Cartier est redécouvert.

D'autres éléments sont retrouvés dans les archives d'Europe dans la seconde moitié du XIXe siècle, amenant corrections et nouvelles informations. Trois manuscrits de la deuxième relation sont étudiés lors d'une édition de 1863; un manuscrit de la première relation est publié en 1867. Henry Percival Biggar[16] fait le point en 1924 dans une étude critique des textes. [17]

Relations des voyages

œuvres en ligne
œuvres imprimées (en ordre chronologique inverse)
  • (fr) Jacques Cartier, Voyages au Canada (avec les relations des voyages en Amérique de Gonneville, Verrazano et Roberval), François Maspero, FM/La Découverte (collection de poche) Nº35, Paris, 1981 (ISBN 2-7071-1227-5)
  • (en) Henry Percival Biggar (traduction et édition), The Voyages of Jacques Cartier, Public Archives of Canada, Nº11, Ottawa 1924

Résultats d'études

en ligne
imprimés (en ordre chronologique inverse)
  • (fr) Jacques Cartier, Relations - édition critique par Michel Bideaux, collection Bibliothèque du Nouveau Monde, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal (1986), réédité en 1999, (ISBN 2-7606-0750X)
  • (en) Henry Percival Biggar, A Collection of Documents relating to Jacques Cartier and the Sieur de Roberval (1930).

Citations

Notes et références

  1. Portrait imaginaire de Jacques Cartier, d'après Bibliothèque et Archives Canada. — Conservateur actuel : le Château Ramezay.
  2. Marcel Trudel, Histoire de la Nouvelle-France, vol. 1, Les vaines tentatives, Paris et Montréal, Fides, 1963, p. 68, situe sa naissance entre le 7 juin et le 23 décembre 1491, d'après les propres déclarations de Cartier. Son acte de baptême n'a jamais été trouvé.
  3. Ces cartes sont perdues, mais le neveu de Cartier, Jacques Noël, parle « of a certaine booke made in manner of a sea Chart, which was drawn by the hand of my said uncle [...] well marked and drawne for all the River of Canada ». Lettre à John Growte, 1587, publiée avec la troisième relation de Cartier par Richard Hakluyt, The Principal Navigations [...], Londres, G. Bishop, 1600.
  4. Jacques Cartier se croit rendu en Asie. Les gens qu'il y rencontre et qu'il décrit ont d'ailleurs certains traits asiatiques. Le mot « canada » signifierait « amas de cabanes », soit « village » ou « bourgade », en leur langue, dans la région de Stadaconé, que ces Iroquoiens habitent alors.
  5. Jacques Cartier, Fichier Origine (fichierorigine.com).
  6. Ibid.
  7. Ch. Desmarquets, Mémoires chronologiques pour servir l’histoire de Dieppe et celle des navigations françaises, Editions Desauge, Paris, 1785
  8. Baron de La Chapelle, « Jean Le Veneur et le Canada », Nova Francia, vol. 6, 1931, pp. 341-343, d'après un texte généalogique de 1723
  9. Jacques Cartier, Voyages au Canada, pages 121 et 122, Éditions La Découverte, Paris : 1984
  10. Jacques Cartier, Voyages au Canada, pages 139 et 140, Éditions La Découverte, Paris : 1984
  11. Marcel Trudel, Jacques Cartier, dans l'Encyclopédie canadienne (EC)
  12. Hivernage (1535–1536) : sur la rivière Saint-Charles, dans l'actuel quartier Lairet, arrondissement Limoilou de la ville de Québec,
  13. Marcel Trudel, Jacques Cartier, dans le Dictionnaire biographique du Canada (DBC)
  14. Ibid.
  15. Trudel, Histoire […] (1963), op. cit. pp. 72-73.
  16. Henry Percival Biggar (1872-1938)
  17. Cette historiographie est étudiée dans l'introduction de Michel Bideaux dans son édition critique des Relations de Jacques Cartier, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal (PUM), 1986 (ISBN 2-7606-0750-X ou ISBN 978-2-7606-0750-7), pp. 35-41
  18. Trudel, EC, op.cit. (en présentation).
  19. Trudel, DBC, op.cit. (en conclusion).

Voir aussi

Articles connexes

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