Négation du génocide au Rwanda

Négation du génocide au Rwanda

Le génocide des Tutsi au Rwanda a donné lieu à des analyses ou des lectures qualifiées de négationnistes par leurs critiques. La reconnaissance juridique de ce génocide par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, institué par le Conseil de sécurité de l'ONU, constitue la base internationale de droit qui fonde sa réalité avérée et certifiée et de parler, à propos des contestations et remise en cause de son existence, de négationnisme.

À la négation des événements qui relève du négationnisme, on peut encore ajouter les polémiques provoquées par l'utilisation du terme génocides (au pluriel) par des responsables politiques, ou portant sur la question des divers soutiens apportés au gouvernement rwandais avant et pendant le génocide.

Sommaire

Les diverses expressions de ce négationnisme

La négation pure et simple

La négation pure et simple considère qu'il n'y a eu au Rwanda que de simples massacres de masse, dont la quantité aurait été délibérément grossie par la propagande pro-FPR. Dans les procès devant le TPIR, plusieurs accusés ont tenté de contester l'existence d'un génocide au Rwanda. Conscient du temps perdu dans chaque procédure, le TPIR a fini par décréter que le génocide n'a plus besoin d'être prouvé[1].

La théorie du double génocide

Une très vive polémique est entretenue par les courants soutenant l'ancien régime rwandais, dont les autorités françaises restèrent proches jusqu'à l'élection de Nicolas Sarkozy[2]. Ils soulignent qu'une plainte a été déposée en 2005 devant la justice espagnole contre les chefs de l'Armée patriotique rwandaise (le bras armé du FPR) de Paul Kagame pour des crimes commis au Zaïre en 1996 contre les réfugiées hutu et les citoyens espagnols d'une association humanitaire. Ils font aussi valoir qu'une instruction judiciaire a été menée en France sur les causes de l'attentat du 6 avril 1994 par le juge Bruguière. Ils en concluent que ces procédures remettent en cause l'interprétation des faits relatés ci-dessus au profit de la thèse du double génocide, assimilant les attaques menées par le FPR, au début des années 1990 au Rwanda et en 1996 au Zaïre, à un génocide des Hutu mené par les Tutsi. Des personnalités et des militaires français, comme François Mitterrand[3], Dominique de Villepin[4], Pierre Péan, le Colonel Hogard ou Bernard Debré, le périodique AfriquEducation[5], défendent ou ont défendu aussi l'idée d'un double génocide.

La qualification de génocide des Hutu a cependant été refusée par la communauté internationale, car les exactions commises par des Tutsi contre des Hutu ne présentent pas le critère prépondérant d'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe parmi ceux protégés par la Convention du 9 décembre 1948 sur le génocide. Les autorités rwandaises, les rescapés du génocide (Ibuka), Bernard Kouchner, le Ministre des Affaires étrangères du gouvernement Fillon, des journalistes comme Patrick de Saint-Exupéry (Le Figaro), Jean Chatain (L'Humanité), Colette Braeckman (Le Soir), des ONG internationales telles que la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), Human Rights Watch, Amnesty international ou françaises comme la LDH, le CCFD, la Cimade, Survie et SOS Racisme, estiment que si des crimes sont à reprocher au FPR, ils ne peuvent être qualifiés de génocide et ne peuvent être opposés "en miroir" au crime de génocide du Hutu Power en 1994[6].

Lors de son audition par la mission d'information sur le Rwanda, Eric Gillet, membre du bureau exécutif de la FILDH déclarera : « S’agissant du FPR, l’objectif du génocide ne pouvait être retenu, dans la mesure où un groupe représentant 15 % de la population ne pouvait raisonnablement envisager d’éliminer les 85 % restants. Des massacres sélectifs, aux effets similaires, du type de ceux commis au Burundi en 1972 n’en restaient pas moins possibles. Même s’il n’est pas allé jusqu’à de telles actions, le FPR s’est conduit avec une grande violence qui n’est pas davantage justifiable, bien qu’en termes existentiels sa logique soit différente. Outre les massacres qu’il a commis à plusieurs reprises, il a en particulier refoulé des populations considérables devant lui, provoquant de très importants mouvements de déplacés, en particulier en février 1993. Il n’en reste pas moins que, notamment pour des raisons juridiques, il n’est pas possible d’établir une égalité entre le génocide et les violations des droits de l’homme commises par le FPR[7]. »

Les rapports du sénat belge ou de la Mission d'information parlementaire sur le Rwanda des députés français, de l'ONU, de l'OUA constatent, sans aucune ambiguïté possible, le génocide des Tutsi, ainsi que le massacre des démocrates Hutu modérés qui pouvaient le faire échouer. En revanche, ils n'évoquent pas un éventuel génocide des Hutu[8]. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, déclarait en mars 2008, dans la revue Défense nationale et sécurité collective, dont le comité d'études est présidé par le général Christian Quesnot, ancien chef d’État-major particulier de François Mitterrand:

« Je ne peux pas cautionner cette vision simpliste et infamante qui fait des Tutsis les responsables de leur propre malheur, pas plus que je ne peux supporter d’entendre certains défendre la thèse d’un double génocide Tutsi et Hutu. »[9]

Ils qualifient cette théorie du double génocide de révisionnisme[10], voire de négationnisme[11]. L'historien Yves Ternon, qui s'est penché dans ses recherches sur les génocides à travers le XXe siècle, estime que la théorie du « double génocide » n'est rien d'autre qu'une façon de nier le génocide des tutsis : « Le négationnisme se structura autour de quelques affirmations qui permettaient de dissimuler l’intention criminelle – constitutive du crime de génocide – sans nier la réalité des massacres et de soutenir la thèse du “double génocide” [12]. »

La négation des complicités étrangères dans le génocide

La contestation des complicités étrangères touche aux facilités politiques, diplomatiques, médiatiques et militaires qui ont pu être octroyées au régime qui a conduit le génocide. Cela concerne notamment, mais pas uniquement, l'action des troupes étrangères (lire: françaises) dans l'Opération Turquoise qui, sous couvert de rétablir un minimum la sécurité dans le sud-ouest du Rwanda, aurait en réalité permis à de très nombreux génocidaires de prendre la fuite vers l'étranger.

Ces complicités font l'objet de vives controverses en France, d'une part entre des organisations des droits de l'homme[13] et les institutions françaises et d'autre part entre les autorités françaises et les autorités rwandaises actuelles.

Les conclusions de la Mission d'information parlementaire françaises à ce sujet ont été très mal ressenties par des ONG françaises et internationales[14] et ont motivé la création en 2004 de la Commission d'enquête citoyenne française (CEC) qui a débouché sur des plaintes de Rwandais devant les tribunaux français.

Depuis 1994, le FPR et le Président Paul Kagame reprochent à la France sa complicité dans le génocide. Après des incidents diplomatiques, le Rwanda a annoncé en juillet 2004 la création d'une « Commission nationale indépendante chargée de rassembler les preuves de l’implication de l’État français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994 » [15].

La mobilisation en 2005 de Jacques Hogard, Bernard Lugan et Pierre Péan, notamment, fut une réponse opposée à cette accusation. Le communiqué de la CEC de décembre 2005 rappelle la définition juridique de ce type de complicité[16].

En novembre 2006 l'ordonnance du juge Bruguière a pris ouvertement parti dans les causes du génocide en affirmant que le FPR était responsable du génocide car il l'aurait déclenché en commettant l'attentat du 6 avril 1994[17]. La commission rwandaise devait conclure ses travaux fin 2007.

Notes

  1. Voir dépêche du 21 juin 2006 de la Fondation Hirondelle
  2. Actualité de février 2010 du site de la Commission d'enquête citoyenne sur l'implication de la France au Rwanda.
  3. Discours de François Mitterrand, Biarritz, 8 novembre 1994. Lire à ce sujet Patrick de Saint-Exupéry, L'inavouable, la France au Rwanda, Les Arènes (2004), p.18-19
  4. Par exemple en septembre 2003, alors que Dominique de Villepin était ministre des Affaires Etrangères. Lire à ce sujet Patrick de Saint-Exupéry, L'inavouable, la France au Rwanda, Les Arènes (2004), p.14
  5. Bienvenue sur le site du journal Afriqueeducation
  6. crimes du FPR
  7. cf. [1], fichier auditio1.rtf, p.60
  8. Page d'accès à la plupart des rapports sur le Rwanda
  9. David Servenay, Quand la "France officielle" parle du génocide rwandais, Rue 89, 7 avril 2008
  10. Interview de Bernanrd Kouchner sur Europe 1
    Colette Braeckmann, La France au Rwanda : exercice d'auto-défense, Le Soir, 21 janvier 2006
  11. Survie : Génocide des Tutsis et négationnisme - les mots sont importants
  12. Yves Ternon, La problématique du négationnisme, repris sur le site imprescriptible.fr, mais publié en mai 2003 dans la Revue de l'Arche, le mensuel du judâïsme français.
  13. par Survie dès 1993, et Médecins sans frontières en avril-mai 1994 notamment
  14. Survie, FIDH, la Cimade, Aircrige, HRW
  15. Lire les auditions publiques de la Commission rwandaise
  16. communiqué de la CEC du 19 décembre 2005 rappelant la définition juridique de la complicité de génocide
  17. Voir les liens externes de l'article l'attentat du 6 avril 1994 (Rwanda)

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Négation du génocide au Rwanda de Wikipédia en français (auteurs)

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